Sur des terres sauvages encore mal défrichées au cœur d'un océan d'insondables tourments, se niche un trésor jusqu'à présent bien gardé. Battu en brèche par un vent de douce folie et jalonné de richesses sonores pertinentes, ce premier opus de ces Marquises voit se croiser toute l'intelligence d'une certaine electronica, et la beauté retenue de ce que certains appelleraient post-rock. Trio inspiré, formé de J. Geiger (Minus Story, Hospital Ship, Shearwater), J.S. Nouveau (Immune Recorded Home) et J. Grandcollot (Pan Pan Pan), ce groupe combine brillamment nombre d'influences diverses, mais habillement intégrées dans un style haut en tenue.
Tandis que les architectures (j’insiste sur ce terme, néologisme de circonstance) tissent une trame savante mais non dénuée d'âme, les éléments organiques insufflent vie à des morceaux qui sont autant de courts-métrages mentaux, sorte d'instantanés qui s'impriment en négatif sur les parois de notre imagination.
Alors que le premier titre « Only ghosts » s'attache déjà à teinter la pellicule de larmes d'aquarelles, « La terra trema » qui s'ensuit soulève des vagues dans l'âme, qui viennent s'écraser sur les lames de récifs perdus dans les brumes et l'écume. « Sound and fury » et sa rythmique asthmatique mariée pour le meilleur et non le pire à un orgue désuet, fige quant à elle, un fugace instant de grâce dans une envolée de trompettes propres à faire pleurer les anges, et « This carnival of light » glisse sous l'aile d'oiseaux qui migrent vers des horizons embués. Vient ensuite « Comme nous brûlons », titre incandescent jusqu'à folie. Enfin « Terrible horses » opère un retour dans un passé sépia, remontant les sillons d'un vieux vinyle sur un phonographe poussiéreux.
Un album mélancolique et pourtant haut en couleurs, suspend dans les airs du temps, teinté de surréalisme, dont le fil conducteur est tiré de la trame de l'œuvre de Henry Darger, artiste américain ayant dédié l'essentiel de son art (et de sa vie) à une œuvre épique, tant picturale qu'écrite.
Un album à contempler des deux oreilles.
PS : Grand Jacques, je suis très fier d'être parvenu réussi à chroniquer ce disque sans mentionner ton nom !