Cinq ans qu’on attendait le successeur de « It’s A Wonderful Life » : une putain d’éternité dans le monde de la musique. Mark Linkous aurait pendant toutes ces années traîné une sale déprime dans sa Caroline natale : sa renaissance s’avère d’autant plus belle que le disque en bonus prend aux tripes comme à l’époque du grand « Vivadixiesubmarinetransmissionplot » (ouf). Autant dire que ça fait énormément plaisir de revoir Linkous sur ses deux jambes, au sens propre comme au sens musical… « Dreamt For Light Years… » résonne partout de ce douloureux passé, décomposé. Mais s’il gît parfois dans la rigole, c’est pour mieux faire le mort et ensuite nous surprendre, d’un pétulant éclaboussement. Tel un Pinocchio à la douceur amère, Mark Linkous ‘rêve dans le ventre d’une baleine’ qu’il aimerait faire de la pop. Mais il sait au fond de lui que ses démons le rattraperont toujours, alors sa pop reste marquée par une indicible souffrance. A peine « Don’t Take My Sunshine Away », le titre d’ouverture, nous fait croire un instant que tout va mieux dans la tête cabossée de Linkous. Un son bien pop, bien rock, soutenu par Sol Seppy aux chœurs, Danger Mouse au sampleur, et l’immense Steven Drozd, des Flaming Lips, assis derrière ses fûts (et jusqu’au bout du disque). Mais dès « Getting It Wrong » c’est Waterloo sur les plaines yankees, Cheval Baillard au Mont Mitchell. « Black Douleur », dirait l’autre, et pourtant ça n’a rien de redondant : il fait noir dans le ventre d’une baleine, et la douleur Linkous connaît. Malgré deux sautes d’humeur plus rock’n’roll (« Ghost In The Sky », « It’s Not So Hard »), « Dreamt… » hisse donc le drapeau blanc en signe de détresse : sortez-le de là, il est vivant, il écrit des chansons ! Belles à pleurer, faut-il donc le rappeler, comme ce « Morning Hollow » slowcore qui déchire corps et âme. Là où le bât blesse, c’est que ce titre figure déjà sur « It’s A Wonderful Life », en bonus caché ! Et « Ghost In The Sky », sur son édition japonaise ! Et « Shade and Honey » sur la B.O. du film « Laurel Canyon » (2002) ! Le temps que dure le morceau-titre, un long tunnel instrumental digne du meilleur Labradford, il faut donc se rendre à l’évidence : « Dreamt… » est un sacré bon disque, mais nouveau qu’à moitié. C’est là que la baleine régurgite : elle a eu un haut-le-cœur.