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Glass Beams signe chez Ninja Tune

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Interviews

Beechwood

La musique, c’est notre choix de vie…

Écrit par

Beechwood et un trio new-yorkais réunissant le bassiste Sid Simons (21 ans), le guitariste Gordon Lawrence (23 ans) et le batteur Isa Tineo (25 ans) ; ces deux derniers assurant également les parties vocales. A l’issue de leur concert accordé à la Cave aux Poètes, de Roubaix, les musicos se sont volontiers pliés à l’exercice de l’interview, sous l’oreille attentive de leur manager, Cynthia Ross (NDR : bassiste de B-Girls, formation féminine de power pop/punk/rock qui a sévi de 1977 à 1981). A leur actif trois albums, dont les deux derniers, « Songs from the land of nod » (voir chronique ici) et « In the flesh hotel », sont sortis respectivement en septembre 2017 et ce 8 juin 2018. Deux opus qui réunit de très bonnes chansons aux mélodies particulièrement soignées et parfois même contagieuses…

Deux long playings en neuf mois, c’est plutôt rare chez un artiste ou un groupe aussi jeune. Mais cette tendance prolifique ne cache-t-elle pas l’envie d’écouler un stock de compos à écouler ?

Gordon réagit : « La majorité des titres du précédent album avaient déjà été enregistrées sous forme de démos. En fait, on est tout le temps occupés d’écrire. Et vu cette activité, on est constamment forcé d’accomplir des allers-retours entre la route et le studio. En général, on compose le week-end ; et on a d’ailleurs déjà les morceaux du prochain album. Qu’on enregistrera, fin de cette année… » Faut croire qu’ils ne dorment jamais. La réponse d’Isa fuse : « Jamais ! On dort quand on est fatigués… » Le père d’Isa bossait dans le business de la musique. Il disposait d’une fameuse collection de disques. Fatalement, il a dû puiser ses sources d’inspiration en les écoutant. Mais cette culture, l’a-t-il partagée avec ses amis, et tout particulièrement Sid et Gordon… Il acquiesce : « C’est exact. J’ai moi-même une belle collection de disques. Mais tout jeune, je n’avais qu’à piocher dans celle de mon paternel… » Pas n’importe qui, puisqu’il s’agit de Junkyard Ju-Ju –au départ batteur de formation– qui milite toujours au sein du duo de hip hop aux influences latines, Beatnuts, en compagnie de Psycho Les… Il poursuit : « Et puis j’ai pu assister aux sessions d’enregistrement. Ce qui m’a permis d’observer son fonctionnement et d’acquérir de l’expérience dans ce domaine. Et je suis reconnaissant à mon père de m’avoir fait découvrir cet univers de la musique. Et cette expérience, j’ai pu également en faire profiter mes potes, et bien sûr Gordon. Ce qui n’a pas été difficile, car il en avait déjà acquise une, de son côté… »

Le trio apprécie un large spectre de groupes ou d’artistes. Mais c’est la scène de Detroit qui semble inspirer d’abord ces musicos. Depuis Son House aux Stooges, en passant par les Stooges, MC5 et les White Stripes... Sid confirme « Oui, oui, les White Stripes ! » Gordon reprend le crachoir, parfois d’une voix qui devient de plus en plus caverneuse : « En fait, aujourd’hui, c’est à Detroit que tout se passe. A New York, la scène est plus underground. Mais on n’est cependant pas hermétiques. On aime également la musique qui vient d’Angleterre. On est ouvert à tout… » Le combo a ainsi adapté le ‘I’m not like everybody else’ (Trad : ‘Je ne suis pas comme tout le monde’) des Kinks, un titre qui figure sur « Songs from the land of nod ». Gordon explique pourquoi le combo a choisi cette cover : « C’est une chanson que je voulais reprendre quand j’étais ado. Mais aujourd’hui on peut plus facilement se connecter aux paroles. Au message. Ce n’était pas toujours le cas, à l’époque… » Et quand on les compare aux Troggs, mais un Troggs à la sauce contemporaine, les musicos estiment que c’est un compliment, et que votre serviteur a touché leur corde sensible… leur look y est également pour quelque chose, soit dit en passant…

Néanmoins, si la musique de Beechwood est essentiellement garage/rock, elle trempe également dans le psychédélisme, évoquant même parfois Syd Barrett, Brian Jones, le 13th Floor Elevators, ainsi que les Beatles circa ‘Magical Mystery Tour’. A cause des voix. Des voix qui peuvent aussi parfois rappeler Big Star. Isa se défend : « On est incapable de répondre à ce type de comparaisons. On aime tous ces groupes et ces artistes. Surtout leur musique… » Et tout au long de « Bigot in my bedroom », une plage issue de « In the flesh hotel », on ne peut s’empêcher de penser à T Rex. Gordon réplique : « Je n’ai jamais pensé faire sonner cette chanson comme T Rex, même si les mélomanes ont cette impression. C’est sans doute dû au groove de la chanson… »

Lors d’une interview publiée sur la toile, ils avaient déclaré que s’ils n’étaient pas devenus musiciens, ils seraient probablement morts aujourd’hui. Pourtant, ce sont tous des caïds du skate. Isa et Gordon se sont d’abord rencontrés à l’âge de 16 ans en se consacrant à ce sport. Et puis, le premier écrit des poèmes, alors que le second est branché sur la photo et la peinture. Ce dernier s’épanche : « La musique, c’est notre choix de vie. On laisse le champ libre à nos envies et nos passions. Tout le monde devrait faire ce qu’il a envie de faire. Il y a un moment de l’existence où on peut se permettre de réaliser ce qu’on aime. Les 18 premières années de ta vie, tu es contraint d’aller à l’école. C’est une obligation, on ne peut y déroger. Puis tu vas au collège. Et t’es parti pour 4 ans, avant de savoir ce que tu veux vraiment faire. Tu es dans le système. Mais dès que tu t’en libères, tu dois foncer tout de suite ».

Quand on parle à Gordon, de sa ferveur pour les Ramones, il remet la place de ce quatuor mythique dans son contexte. « En fait, ce qui m’intéresse chez les Ramones, c’est de figurer au sein d’un groupe, de ressentir quand on y est, d’y vivre... C’est ainsi que j’ai découvert que j’aurais pu participer à leur aventure…. » Une forme d’incarnation subjective ? Il précise : « C’est plutôt ce que la formation représente pour moi. Quand on écoute un groupe, on apprend de ce groupe. On ne va pas se limiter aux Ramones, pour les influences, car il en existe de nombreuses. Ma vie, c’est de jouer de la guitare et d’être connecté à un niveau plus profond. Quand j’aime une formation, ce n’est pas seulement la musique. Je ne limite pas ma vision du band au guitariste. Mais lorsque je l’écoute, je me sens dans le groupe… » Isa avait de son côté, déclaré que la batterie était une manière de libérer sa colère. Mais contre qui ou quoi est-il en colère ? Il répond : « Il n’y a pas d’analyse à réaliser. J’insuffle toute mon énergie et toutes mes émotions dans mon drumming. Mais il n’y a pas de colère vis-à-vis de mes partenaires. C’est bon pour ma santé d’afficher une attitude jeune et naturelle. J’ai joué dans une autre formation avant celle-ci. La manière dont je jouais des drums était plus agressive. Je suis capable de l’adapter à des tas de styles et de cogner très fort sur mes fûts… Cependant, je joue de manière ‘éthique’, c'est-à-dire que j’affiche un aspect de ma personnalité que je veux la plus humaine possible... »

Mais penchons-nous un peu sur le dernier opus de Beechwood, ‘In the flesh hotel’. Et tout d’abord sur le recours à ces instruments complémentaires comme l’orgue ou peut-être un farfisa. Gordon rectifie : « Il s’agit d’un harmonium. Et puis, il y a également un piano. Les sessions se sont déroulées dans une maison d’un de mes oncles. Vu l’éventail mis à notre disposition, la pièce ressemblait un peu à une salle de jeu. Lorsqu’on enregistre, on essaie de faire de notre mieux. Nous ne sommes pas des pianistes, mais avant de nous y coller, on entend d’abord ces interventions dans notre esprit. On peut comparer chaque chanson à un univers et on fait en sorte que tout tourne dans cet univers. Il n’existe qu’une seul règle : c’est bon ou pas bon ! Nous ne nous imposons aucune limite dans notre processus. Par exemple, si l’un se réserve la guitare, l’autre se consacre à la slide et le troisième à l’harmonium… »

Le long playing est également mieux produit. Isa en donne son explication : « C’est parce qu’on est meilleurs et qu’on sait mieux ce qu’on veut. On a plus de maîtrise. On expérimente ! Quand j’écoute ‘Flesh Hotel’, c’est nous ! » Et Isa de clarifier : « En fait Sid a joué un grand rôle dans le son ». Gordon confirme : « Son implication a été importante dans la mise en forme. Ce qui compte, c’est d’être vrai par rapport au son. De ne pas se trahir. On ressent le fait qu’on a franchi une étape. On a progressé. Cette production est donc supérieure…. »

Parmi les plages de cet LP, ‘Amy’ et ‘I found you’ pourraient facilement sortir en single. Gordon tempère : « Ce n’est pas prévu de sortir des singles et des 7 inches en vinyle. Pour la promo, les chansons vont cependant sortir successivement en clips vidéo… et quand l’album sortira, les chansons seront déjà périmées… » (rires)

(Merci à Vincent Devos)

 

Wolvennest

Un crossover entre black metal, dark ambient et psychédélisme, mais pas seulement…

Wolvennest (ou WLVNNST) est en quelque sorte un ‘super groupe’ constitué de musiciens chevronnés issus de la scène alternative. Basé à Bruxelles, il pratique un cocktail unique entre black metal, psyché et dark ambient, en lui communiquant une dimension tribale. Les compositions ressemblent à de longues incantations bâties sur un 'wall of sound' de guitares abrasives, au cœur duquel s’enfonce une rythmique répétitive, se distingue une 'lead guitar' mélodique mais reptilienne et, last but not least, s’élèvent des voix hypnotiques, quasi-chamaniques.

Le line up réunit Michel Kirby, Marc De Backer, Corvus Von Burtle et Shazzula. Sur les planches, il est complété par John Marx (Temple Of Nothing), à la basse, et Bram Moerenhout, à la batterie.

Après avoir gravé un premier opus, pour lequel le quatuor avait reçu le concours d’Albin Julius et Marthynna, de Der Blutarsch and The Infinite Church Of The Leading Hand, le combo vient de publier son deuxième. Intitulé « V.O.I.D. », il est paru sur le label allemand Ván Records. L’elpee a, cette fois, été composé exclusivement par les membres de la formation et Shazzula s’y réserve la plupart des parties vocales. Deux invités ont néanmoins participé aux sessions, Ismaïl Khalidi et Alexander von Meilenwald (The Ruins of Beverast). « V.O.I.D. » a été enregistré dans le 'home studio' du band, Forbidden Frequencies, sous la houlette du producteur DéHà.

Wolvennest a été programmé dans de nombreux festivals tels que le Roadburn, House Of The Holy, Desert Fest ou encore Acherontic Arts Fest III et a assuré la première partie d'Electric Wizzard, Urfaust, de DOOL et Wolves In A Throne Room. Plus récemment, il s’est produit à l'Ancienne Belgique et au Beursschouwburg, à Bruxelles.

C'est précisément au 'Beurs' que l’interview s’est déroulée, juste avant le concert organisé dans le cadre de la release party.  

Avant d’entrer dans le vif du sujet, passons aux présentations et aux projets au sein desquels les musicos militent…

Michel Kirby (MK) : Outre Wolvennest, je participe également à ceux de Length of Time, La Muerte, et d’Arkangel. Et puis je suis propriétaire d’un magasin de disques, Elektrocution, à Bruxelles.
Marc DeBacker (MDB) : Le mien, en parallèle, c’est Mongolito ; mais auparavant, j'ai coopéré à de nombreux projets et groupes, dont Dog Eat Dog et 10000 Women Man.
MK : En fait, Marc et moi, nous nous connaissons depuis plus de 30 ans. A nos débuts, on a joué ensemble chez Mental Disturbance, une formation qui pratiquait du hardcore un peu crossover.
Corvus Von Burtle (CVB) : J'ai entamé mon parcours musical en 2005, dans l’univers du hardcore. Aujourd'hui, je suis impliqué dans différents projets, dont Cult of Erinyes est probablement le plus notable. C’est du black metal ! Un album est prévu pour cet automne. Puis également Monads, un groupe de funeral doom, LVTHN, responsable d’un black metal très violent, et encore d'autres auxquels je prends part anonymement, pour entretenir le mystère...
Shazzula : Perso, j’ai vécu l’aventure d’Aqua Nebula Oscillator entre 2006 et 2011, puis j'ai collaboré avec White Hills, Kadavar, et contribué à d'autres productions. Maintenant, je réalise essentiellement des vidéos et des films, dont un en 16 mm, « The Essor », qui traite, entre autres, des univers parallèles et du chamanisme. Mais mon projet principal, c'est ‘The Spirit Trilogy’, une installation vidéo triptyque qui se focalise sur trois films. Parallèlement, je m'intéresse aussi à la musique techno-indus. D'ailleurs, sous cette forme, j’accorderai mon premier ‘live’, en solo, demain à Zurich, dans le cadre du Rhizom fest.

Wolvennest opère un crossover entre le black metal, l'ambient et le psyché. Ca vous convient come description?

CVB : Le noyau de base est orienté black metal ! La plupart des riffs correspondent à ce style, mais le rythme est plus lent...
Shazzula : ...et plus hypnotique.
MDB : En fait, il s’agit d’un crossover entre plusieurs personnes dont les goûts sont différents. Moi, je connais surtout le black metal classique, mais récemment, je me suis surtout intéressé au 'dark ambient' et aux styles plus psychédéliques.
MK : Chacun a apporté sa pierre à l'édifice pour créer Wolvennest. Marc, Corvus et moi avons lancé le projet, puis Shazzula est arrivée. Son profil est également très spécifique et ses influences, particulières. On les intègre toutes dans l’ensemble, et chacun y retrouve ce qui lui appartient.

Quelle est l’origine du patronyme, Wolvennest ?

MK : D’un ‘Bed & Breakfast’, établi aux Pays-Bas, qui s'appelle ‘'t Wolvennest’. Il se traduit par ‘le nid des loups’. On cherchait un nom depuis pas mal de temps et quand j'ai vu ce B&B, j’en ai conclu que Wolvennest illustrait l’aspect crossover, les différentes influences qu'on tente de fusionner.

« V.O.I.D. », votre deuxième opus, est paru sur le label allemand, Ván  Records. Une raison ?

MK : C'est le plus représentatif dans le genre musical que nous proposons. Dans son catalogue, figurent Urfaust, The Devil's Blood, The Ruins of Beverast et encore bien d'autres.
MDB : King Dude, également…
MK : On connaissait Sven (NDR : Sven Dinninghoff, le patron de Ván Records) grâce à Leslie, qui est notre 'visual producer'. C'est quelqu'un de passionné. Il a écouté notre premier album, paru chez WeMe, un label belge, et il a flashé. Il a contacté la boîte et repris la licence pour le rééditer ; et maintenant, il sort le deuxième.

Il ne faut bien sûr pas oublier votre producteur, Déhà ?

MK : C'est le 8ème membre du groupe, à côté des 6 musiciens et de Leslie. Il est producteur dans notre home studio. Il mixe les tracks...
MDB : Et il a également un rôle créatif important, en proposant de nouvelles sonorités...
MK : Il a aussi créé toutes les parties de batterie sur l'album.
CVB : Auparavant, Déhà était domicilié en Bulgarie ; mais maintenant, il vit en Belgique. Il était donc présent en permanence, dans notre home studio, lors des sessions ; ce qui nous a permis d'obtenir exactement le son que l'on avait en tête.

Sur le premier elpee, Marthynna, la chanteuse de Der Blutharsch and The Inifinite Church Of The Leading Hand, se consacrait aux vocaux ; mais tout au long de « V.O.I.D. », c'est toi, Shazzula, qui prend en charge toutes les voix féminines ?

Shazzula : Oui, je chante sur la plage titulaire, sur « Ritual Lovers » et sur « The Gates ». Mais en ‘live’, j'ai repris toutes les voix féminines, comme par exemple sur « Unreal », extrait du premier album. Et petite précision qui a son importance, le visuel de la pochette de « V.O.I.D. » a été réalisé par Bobby Beausoleil. J'ai d'ailleurs réalisé un clip pour lui il y a peu et on va probablement encore collaborer.

Quelle a été l’évolution entre le premier et le second LP ?

CVB : Je crois que le 2ème bénéficie de l’expérience acquise lors de nos prestations live, entre-temps. Il sonne plus 'rock', plus 'live'. Le premier était très minimaliste alors que, pour VOID, on est parvenu à construire un son plus vivant, en studio... Et la production est nettement meilleure. Les instruments ont trouvé leur place. Il y a davantage de claviers, parfois 5 ou 6 pistes en même temps. 

Deux guests participent aux vocaux ?

MK : Alexander von Meilenwald de The Ruins of Beverast chante sur « L'Heure Noire » et Ismaïl Khalidi, sur « The Gates ». Ismaïl est un ami. Je l'ai rencontré quand il était à la recherche d’un groupe. Quand on s'est croisés, il était au septième ciel parce qu'on appartenait à toutes ses formations favorites (rires). Plutôt, doom, assez sludge sa voix colle bien à notre musique.

Passons en revue quelques tracks de l'album. Qu’évoque « V.O.I.D. », la plage titulaire ?

MK : Il reflète l'impression d’être au sommet d'une montagne. Une sensation de vide, d'où le titre. Chacun peut s'imaginer ses propres paysages et sa propre interprétation, mais c'est un peu le sentiment de liberté que l'on ressent dans la montagne. Ou dans le désert. C'est la bande-son idéale pour un trip comme celui que j'ai accompli au Maroc, en compagnie d’Ismaïl.

« Silure » se réfère au fameux poisson qui dévore les pigeons ?

MDB : Exactement. Le mot est magnifique. Il évoque plein de choses : ‘ciguë’, ‘souillure’, et sonne bien malsain (rires).

« Ritual Lovers » a également une signification particulière ?

CVB : Oui, c'est une référence à The Devil's Blood, le groupe signé sur le même label, mais qui n'existe plus, depuis que le leader a mis fin à ses jours.
MK : Selim Lemouchi était un de mes amis proches et « Ritual Lovers » est un morceau très important pour moi car je voulais rendre hommage a la complicité très forte qui régnait entre Selim et sa soeur Farida et à tout ce qu'ils ont réalisé au travers de The Devil's Blood.
CVB : Perso, j’estime qu’ils ont ouvert la voie au revival du style black metal seventies et, dans le genre, ils étaient de loin les meilleurs.

Au niveau vocal, c'est un morceau très mélodique...

Shazzula : Oui, c'est une compo intéressante au niveau du chant. Je m'amuse bien en l’interprétant sur scène! Il est assez progressif et permet de libérer beaucoup de force.

Sur les planches, tu te sers également du thérémine ?

Shazzula : Oui, mais je dispose également d’un Moog Rogue et manipule pas mal de pédales d'effets, dont une de distorsion, plus agressive. Mais j’accorde toujours une large place à l'improvisation ; j'ai toujours fonctionné ainsi. 

Dans l'ensemble, vous avez composé le disque en studio ?

MDB : Oui, la majorité des titres y sont nés. Tout naturellement, car il y avait un très bon feeling...

Comme une alchimie ?

MDB : Oui, les composants se sont emboîtés presque par magie et lorsque j'écoute le disque maintenant et que je regarde la pochette, j’en conclus qu’il existe une vraie cohérence, un produit fini.
MK : Et ensuite, on a évidemment dû travailler pour convertir la musique au 'live', définir qui fait quoi sur scène et concevoir un 'show'...

Grâce à votre label, vous allez normalement acquérir un crédit plus important sur le plan international ?

MK : Oui, le label accomplit du très bon boulot. Mais tout dépendra quand même de la réaction du public. On sent qu'il y a un intérêt. On a reçu de belles propositions et elles devraient bien se développer au cours des prochaines semaines…

Pour écouter la plage titulaire de « V.O.I.D. », c’est ici  

Pour acheter le nouvel album, c’est .

Pour écouter la version audio de l'interview, rendez-vous sur la page mixcloud de l'émission WAVES: ici en français et ici en anglais. 

Gary Numan

Le riff d’“Are Friends electric” est un accident...

Pionnier de la new-wave/synthpop, qui a sévi à la fin des années 70, Gary Numan a rencontré un succès phénoménal jusqu'au milieu des années '80. Après une traversée du désert, le Londonien est revenu dans le parcours, début du nouveau millénaire, en proposant une musique plus punchy, proche de Nine Inch Nails. En marge de son concert, il nous a accordé une interview, dans les locaux du Trix, à Anvers. L’occasion d’évoquer son nouvel album, ses influences, Trent Reznor, John Foxx et le riff principal d’« Are Friends Electric ? »...

Ton nouvel album, « Savage (Songs from a Broken World) », cartonne il me semble ?

Oui ! Quand il est sorti, il a atteint la seconde place dans les charts britanniques ; ce qui, pour moi, a été une énorme surprise. C'était la première fois que j'étais aussi haut sur les charts depuis... longtemps (rires). En fait depuis 1980.

Pourquoi n'a-t-il pas atteint la première place?

A cause des Foo Fighters...

Ça aurait pu être pire (rires)

Mais il restera un grand moment, un jalon très important dans ma carrière.

« Splinter », ton précédent long format, parlait d'un ‘esprit brisé’ et « Savage » d'un ‘monde brisé’. Existe-t-il un lien entre les deux thèmes ?

Pas vraiment. Quand j'ai réalisé « Splinter », je venais d’émerger d'une profonde dépression qui a duré trois ans. Je disposais donc de beaucoup de matière, suite à ce que je venais de vivre. C'était agréable d'être de retour et d'avoir quelque chose d'important à écrire. Pour « Savage », c'était différent. Pas de problème, tout allait bien, ma famille était heureuse, « Splinter » avait eu pas mal de succès, je venais de déménager en Amérique...

Dans un château... (rires)

Oui, un petit château. Donc, au début, j'ai eu du mal à exprimer une émotion forte. Donc, j'ai emprunté quelques idées à un livre que je rédige depuis longtemps. Il parle d'un monde futur dévasté par le réchauffement climatique. Et au moment où je commençais à me concentrer sur ce sujet, Donald Trump est arrivé au pouvoir et a commencé à propager toutes ces déclarations débiles. C'était comme si tout ce qui avait été fait de bien pendant un certain temps en termes de conscience allait être mis à mal à cause de cet homme puissant mais carrément stupide. Ce qui m'a donné envie d'en parler dans mes chansons. Quant au titre, « Savage (Songs from a Broken World) », il m'a été soufflé par une de mes filles, Persia...

Persia, c'est elle qui chante sur ton album?

Oui. Quand je lui ai raconté que « Savage » traitait d'un monde futur dévasté, elle a suggéré le titre « Songs from a Broken World » pour opérer le lien avec « Splinter ». Mais il n'y en a aucun entre le contenu et les paroles des deux disques... (rires)

Lors de différentes interviews, tu as avoué que musicalement, tes dernières productions étaient influencées par Nine Inch Nails. Y compris le dernier LP?

Cette fois-ci, pas tellement. Je pense que je me suis un peu lassé du style 'power electronic'.  Pour « Savage », j’ai emprunté un autre chemin.

Quelle est ta chanson préférée de Nine Inch Nails ?

Difficile de se prononcer, mais c’est probablement « Closer ». La liste est longue. « The Wretched » est aussi une de mes chansons favorites. « Head Like A Hole » a le meilleur refrain qui ait jamais été écrit.

Et ne penses-tu pas qu'il existe une chaîne d'inspiration entre toi et Trent Reznor ? Il a avoué avoir été influencé par toi et, plus tard, c’est l’inverse qui s’est produit.

J'aime beaucoup Trent. Surtout que nous sommes devenus voisins à L.A. Nous étions amis auparavant mais aujourd’hui, c'est encore plus facile, vu cette proximité. C'est principalement grâce aux enfants. Quand un de leurs enfants fête son anniversaire, Mariqueen et Trent organisent toujours une fête et nous invitent...

Ne penses-tu pas qu'il existe aussi une autre chaîne d'inspiration entre John Foxx et toi? Tu as déclaré à plusieurs reprises que John Foxx et Ultravox t'avaient influencé au début et tu as probablement influé à ton tour sur la musique de John Foxx, quand il a enregistré « Underpass », en solo.

Les influences vont bien au-delà de la musique. Les éléments musicaux que tu entends et qui t’imprègnent ne sont qu'une infime partie de tout ce qui t’influence comme artiste. Ca peut être un livre, une émission de télévision, une photo, une conversation. Ce sont des étincelles et elles enflamment ta propre imagination. Parfois, il est difficile de dire d'où l'inspiration vient. Dans ce milieu, tout le monde connaît ce phénomène. Trent également, et je suis sûr que John Foxx aussi. Nous sommes comme des éponges. Nous absorbons tout ce qui nous entoure en permanence.

C'est comme si tu digérais des informations afin de produire quelque chose de nouveau?

Oui. Trent, j'en suis sûr, est toujours attentif à ce qu'il entend ou plus généralement, à ce qu'il perçoit du monde extérieur. Il emmagasine une énorme quantité d'informations créatives et il les traite pour en restituer quelque chose de personnel. Parfois, tu entends un air que tu apprécies, puis tu l'oublies et un an plus tard, il réapparaît dans ton travail et tu imagines que c'est ta propre idée. C'est effrayant. Il y a longtemps, j’avais composé une chanson que j’aimais beaucoup. Puis ma femme est entrée dans le studio et s’est exclamée : 'C'est Siouxsie et les Banshees! ' Sans le savoir, j'étais occupé de réécrire une composition de Siouxsie! (rires)

C'est ce qui rend les cas de plagiat si compliqués.

J'ai eu un cas de plagiat très tôt dans ma carrière, en 1978 ou 1979. Ma maison d'édition a remarqué qu'un artiste m'avait copié. Mais l'autre partie a fait des recherches. Des experts ont retracé le parcours de la musique, ma musique, jusqu'au 14ème siècle, pour remonter jusqu’à celle que les moines avaient l'habitude de chanter (rires) ! Donc, on pense être l’auteur de compos originales, mais en fait ce n'est pas le cas.

Sans oublier que toutes les idées flottent au-dessus de nos têtes...

Ma théorie est que quand on est enfant, on apprend la musique, les accords, les mélodies, etc. en les écoutant, donc quand, plus tard, on commence à écrire ses propres chansons, on ne peut honnêtement affirmer qu’elles soient originales. On a été influencé depuis sa naissance. L'originalité est un mensonge, vraiment. C'est toujours une variation de ce qu’on a déjà entendu, à laquelle on a ajouté sa touche personnelle.

Si on prend comme exemple « Are Friends Electric ? », te souviens-tu du moment où tu l'as composée et comment l'étincelle s’est produite ?

Je me rappelle que je bossais sur deux morceaux en même temps. Mais je ne parvenais pas à les finaliser. Un jour, après avoir attaqué cla première, je me suis senti frustré de ne pas pouvoir la parachever et je suis passé directement à la scocnde  et je me suis rendu compte qu’elles pouvaient être complémentaires, moyennant quelques adaptations. Plus tard, alors que j’exécutais la partie instrumentale, je me suis trompé. Deux notes de la mélodie sonnaient plus fort que le reste. J'ai trouvé que le résultat est bien meilleur comme ça. Donc, en fait, ce riff a été élaboré par accident, parce que je joue très mal... (rires)

Et tu as puisé une inspiration pour les paroles dans le roman de Philip K. Dick, « Do Androids Dream of Electric Sheep ? » de Philip K. Dick…

Partiellement dans le livre de Philip K. Dick et en partie dans une série d'histoires de science-fiction que j'étais en train d'écrire. Et le nom de mon groupe, Tubeway Army, a été choisi en référence à un gang de Londres, qui agressait les usagers dans le métro. Mon livre parle du futur de notre civilisation. Le gouvernement a donné le pouvoir à un énorme ordinateur pour tout gérer. La machine se rend compte que ce qui rend la civilisation ‘non civilisée’, c'est l'espèce humaine. Alors, l'ordinateur commence à se débarrasser des individus, de manière sournoise, subrepticement. Des tests sont organisés pour évaluer leur intelligence et ceux qui échouent sont prétendument envoyés dans un centre de formation, mais ne reviennent jamais. Ensuite, certaines personnes réalisent ce qui se passe et vont se cacher dans un 'underground'. C'est une belle histoire mais je ne l'ai jamais achevée. Aussi, je l'ai transformée en album et je suis devenu célèbre... (rires).

Quand on regarde les expériences en cours opérées dans le domaine de l'intelligence artificielle, ça se passe parfois comme dans ton histoire : les I.A. annoncent vouloir se débarrasser de l'humanité...

Oui ... Nous sommes le problème, nous sommes le virus... (rires)

J'ai toujours pensé que si l'humanité était à 100% originaire de la terre, elle ne détruirait pas sa propre planète...

Oui, nous sommes comme des organismes étrangers, extra-terrestres...

Si tu devais choisir ta chanson préférée dans ta discographie des années 1979-1985, que choisirais-tu?

A l’exception des hits, les deux morceaux que je joue encore aujourd'hui, « Down In The Park » et « Metal ».

« Down in The Park » a souvent été repris.

Oui, entre autres, par Marilyn Manson. Les Foo Fighters aussi. Ils sont partout! (rires)

Et ta chanson préférée la plus récente ?

« Prayer for the Unborn », une plage de l’album « Pure ». Notre couple a perdu un bébé ; cette chanson a donc une signification particulière... Et sur « Savage », je choisirais « Ghost Nation »...

Pour commander « Savage (Songs from a Broken World) », c’est ici.

Photo par Phil Blackmarquis

Tristesse Contemporaine

L’art de mélanger les genres…

Ils vivent tous trois à Paris mais sont issus d'horizons différents. Leo Hellden (déjà aperçu chez Aswefall) est suédois d'origine, Narumi vient du Pays du Soleil Levant et Maik (ex-Earthling), de Jamaïque, après un crochet par Londres. Leur rencontre a accouché d’un trio unique de musiciens éclectiques, qui font éclater les limites fictives entre les genres musicaux. Ils mélangent ainsi post-punk, minimal synth, kraut, house et même rap au sein d’un cocktail véritablement singulier. Remarqué en 2012 par Karl Lagerfeld, qui les avait programmés lors du défilé ‘Chanel Printemps/Eté’, le groupe a depuis tracé un profond sillon dans le paysage de la musique alternative, signant trois albums et trois Eps remarquables. Musiczine les a rencontrés en marge du concert accordé à l'Atelier 210, à Bruxelles, aux côtés de Vox Low et Radar Men From The Moon, une soirée mise en place par Goûte mes Disques et Les Actionnaires.

Parlons tout d'abord de ce patronyme : Tristesse Contemporaine. Il s’inspire d'un bouquin, si je ne m'abuse ?

Leo : Oui, écrit par un historien de l'art, un Belge, justement, Hippolyte Fierens-Gevaert, un livre publié en 1899. Il s'intitule ‘Tristesse Contemporaine, un essai consacré aux grands courants moraux et intellectuels du XIXe siècle'. Je travaillais dans les ouvrages anciens et l'expression 'tristesse contemporaine' m'a plu.

Votre style musical est unique en son genre. On y décèle, entre autres, une inspiration très orientée 'wave', voire même ‘post punk'. Exact ?

Leo : Beaucoup de gens pensent que nous nous sommes inspirés des noms en langue française des groupes des années '70-'80, comme Cabaret Voltaire ou Trisomie 21...
Narumi : Liaisons Dangereuses...
Maik : Depeche Mode... Tiens, ils ne sont pas de nationalité belge, Depeche Mode ? (rires)
Leo : D'une certaine façon, on avait envie de revivre cette époque des eighties, un âge d'or dans beaucoup de domaines artistiques. Mais l'objectif n'était pas de créer nécessairement de la musique orientée 'wave'.
Narumi : On souhaitait juste opter pour un nom de groupe en français, vu qu'on était tous les trois des expatriés vivant en France.
Leo : Au début, on avait écrit une chanson très 'wave', intitulée « In The Wake », en forme de clin d'oeil à The Wake, une formation de post-punk issue des années quatre-vingt.

Mais le titre de TC le plus emblématique, le plus connu, c'est quand même « I Didn't Know » (en écoute ici) ?

Leo : Oui, c'est celui qui a rencontré le plus de succès.

Où puisiez-vous votre inspiration, à l’origine ?

Narumi : L'album qui nous relie tous les trois, c'est « Seventeen Seconds », de Cure.
Leo : J'ai aussi flashé sur Cocteau Twins, suite à une rencontre avec son guitariste, Robin Guthrie. C'est un peu plus soft, onirique, mais ça me plaît beaucoup.
Narumi : Oui, Cocteau Twins, c'est énorme.
Leo : J'aime surtout les sonorités de guitare. Par exemple, sur notre premier titre, « 51 Ways to Leave Your Lover », en fin de parcours, elles sont très inspirées de Robin Guthrie. A l'époque, j’avais même acheté le même matériel que lui.
Narumi : On est aussi marqués par Can et le krautrock en général. A cause de cet aspect répétitif...
Leo : Hypnotique…
Narumi : On aime aussi le krautrock électronique, comme, par exemple, celui de Cluster.

En outre, dans votre musique, il existe un élément 'dance', 'groovy', un côté syncopé qui rend les chansons irrésistiblement dansantes...

Maik : Oui, on a un 'shuffle' très post punk, inspiré par Martin Hannet. Et on est très créatifs en matière de sons. On utilise des canettes de bière, même des paquets de chips ! (rires)

C'est une démarche très 'industrial', très berlinoise, abordée un peu dans l’esprit de Einstürzende Neubauten !

Leo : Oui, c'est très 'industriel'. On aime mélanger les genres.

Abordons vos productions récentes. L'année passée, vous avez publié l'album « Stop and Start » et il y a quelques jours, un single « Out of my Dreams » (en écoute ) qui, à mon sens, présage une nouvelle direction ?

Maik : Pour ce morceau, oui mais pour la suite, on ne sait pas. On l'a enregistré assez rapidement, sans réfléchir. Il est plus rap.

Oui, en tout cas dans la partie vocale.

Maik : Toutes nos nouvelles compos convergent vers le rap. Mais c'est un rap anglais, très trash, très punk, pas du tout comme le rap américain. On est plus proche de celui pratiqué par Sleaford Mods.

Au niveau de la musique, j'ai décelé dans le ‘track’ un côté années '90, un peu 'acid'...

Leo : Ce titre était un peu une expérimentation. C'est pourquoi on ne peut pas dire que ce soit vraiment une nouvelle orientation pour notre projet. Une de nos influences actuelles est Rage Against The Machine. Je rêve depuis longtemps de réaliser un morceau aussi puissant que « Killing In The Name of ». L'autre option, c'est d'aller vers quelque chose de plus 'freaks', un peu comme Marilyn Manson. L'envie de choquer un peu.

De sortir de sa zone de confort ?

Leo : Oui. De réaliser quelque chose qui dérange un peu.
Maik : Il existe aussi le côté 'emo-rap'. On aime bien flirter un peu avec cette vague qui marche très fort pour l'instant. Le trash et même le mauvais goût...
Narumi : C'est un peu comme dans la mode. Elle peut être 'shocking' et en même temps, très 'classe'.

En conclusion, que recommanderiez-vous comme titres intéressants à (re)découvrir ?

Maik : J'ai récemment entendu un morceau de MorMor intitulé « Heaven's only wishful ». C'est davantage de la pop que de la wave mais j'aime bien ce mélange de genres.
Narumi : Perso, il s’agit d’un titre de Not Waving, avec le featuring de...

... de Marie Davidson ?

Narumi : Oui, c'est ça : « Where are we ».
Leo : De mon côté, je choisis le remix que nous avons réalisé du titre « Piscine Palace » de LuLúxpo. C'est un couple franco-argentin qui vivait en Suisse et s’est aujourd’hui établi en Espagne.

Merci à Tristesse Contemporaine, Atelier 210, Goûte Mes Disques, Les Actionnaires, Corida, WAVES et Radio Vibration.

Wolfgang Flür

Conny Plank, le producteur de Kraftwerk, a été aussi important que George Martin, celui des Beatles…

Wolfgang Flür est un des membres légendaires de Kraftwerk, groupe allemand considéré comme pionnier et créateur de la musique électronique. Flür a été le batteur de la formation emblématique, de 1973 à 1987, soit pendant l'âge d'or des génies teutons.

Avant d'entamer l'interview, une petite piqûre de rappel s'impose. Florian Schneider et Ralf Hütter fondent Kraftwerk (traduction : centrale électrique) en 1969, à Düsseldorf. Entre '71 et '73, ils gravent « Kraftwerk », « Kraftwerk 2 » et « Ralf und Florian », des elpees qui proposent une musique avant-gardiste, une forme de krautrock classique, organique, alimentée par des batteries, guitares, etc. Ces long playings rencontrent un succès plutôt mitigé. Militant à cette époque au sein du line up, Michael Rother et Klaus Dinger abandonnent le navire et partent créer Neu !, une autre formation importante dans la genèse de la musique wave, mais face punk et post-punk.

En 1973, poussé par leur producteur, Konrad ‘Conny’ Plank, Kraftwerk se concentre sur la musique électronique basée sur les synthétiseurs et enregistre « Autobahn », le premier morceau 100% electro-pop de l'histoire musicale contemporaine. Le single devient un énorme hit aux Etats-Unis et le duo recrute un batteur/percussionniste, Wolfgang Flür. C'est lui qui développe le premier drum-pad électronique, une invention 100% originale. Le trio part ensuite en tournée, aux States.

Grâce à l'argent d'« Autobahn », Kraftwerk monte ensuite son propre studio, le Kling Klang, laisse tomber Conny Plank et enregistre « Radio-activity », un LP et un 45trs qui font un véritable tabac. Ils permettent au groupe d’acquérir une notoriété certaine à travers toute l'Europe, consacrant ainsi le style dark electro-pop qui sera la source de la new wave popularisée par Depeche Mode, Ultravox, Human League, Gary Numan et plus tard également de la house et de la techno.

Le groupe recrute ensuite un 4ème musicien, Karl Bartos, et publie « Trans-Europa Express » en 1977 et « The Man-Machine » en 1978. En 1981, la nouvelle étape passe par « Computerworld ». Issu de cet opus, le simple « Computer Love » entrera dans l'histoire pour deux raisons : d'abord parce que le riff au synthé a été réutilisé par Coldplay dans son hit « Talk ». Ensuite, car la face 'B', « The Model », se transforme en tube, dès 1982. Cinq ans plus tard, lassé par le despotisme de Hütter et Schneider, Flür quitte le groupe après les sessions de l'album « Electro-City ».

L’album suivant, « The Mix », paru en 1991, compile les hits du band remixés dans le style electro-dance de l'époque. Il faut attendre 2003 pour que Kraftwerk sorte un nouvel LP, « Tour de France Soundtracks », une œuvre qui trahit la nouvelle grande passion de Hütter et de Schneider : le cyclisme. Aujourd'hui, Kraftwerk ne compte plus qu'un membre original, Ralph Hütter, et se concentre surtout sur les concerts ainsi que les performances visuelles et artistiques.

Quant à Wolgang Flür, après 10 ans de divorce avec la musique, il a fondé Yamo dans les années '90, un projet solo qui s’appuyait sur ses compositions personnelle et des collaborations musicales. Aujourd'hui, il se produit sous son propre nom et a gravé « Eloquence », en 2015, un disque au cours duquel il en revient aux fondements de l’electronic-pop d’un Kraftwerk mais en l’élargissant à l'EBM, la house ou la techno, suite à différentes coopérations. « I Was A Robot » est même devenu un hit alternatif (NDR : il a également choisi ce titre pour son livre qu’on vous conseille vivement)…

Wolfgang Flür nous a gentiment consacré plus de 30 minutes d’entretien, lors du festival Winterfest, à Gand. Entrons donc dans le vif du sujet… 

Kraftwerk a évolué d’un krautrock acoustique et organique vers un genre 100% électronique qui l'a rendu célèbre. Est-il exact que Conny Plank, le producteur, a joué un rôle majeur dans ce processus ?

C'est exact. Ralph et Florian travaillaient déjà en sa compagnie avant que je ne les rejoigne. Plank était ingénieur du son pour les groupes américains qui venaient se produire en Allemagne pour les forces armées. J'ai eu l'occasion de parler longuement avec lui et sa femme Christa, y compris après l'aventure Kraftwerk et j'ai appris des choses que je ne savais pas parce que Ralf et Florian ne parlaient jamais ni de Conny Plank ni de son influence. En fait, Plank avait construit son studio dans une ferme en pleine campagne, dans les bois, non loin de Düsseldorf, un très bel endroit, et ses premières productions sont celles de Kraftwerk, et tout particulièrement « Autobahn ». C'est à ce moment-là que j'ai intégré le band et développé un drum-pad électronique en utilisant une petite boîte à rythmes, une drum box automatique incluant des presets valse, bossa nova etc. Kraftwerk ne disposait pas de batteur, parce qu’à l'époque les batteurs jouaient trop fort et trop rock ; en outre, Conny Plank voulait absolument éviter ce côté rock made in USA. Les Américains avaient l'habitude de se moquer des Allemands qui utilisaient des instruments rock et dénigraient cette musique en la qualifiant de ‘krautrock’, de rock ‘choucroute’. Donc, Plank prévenait : ‘Ne jouez pas du rock. Vous ne pourrez jamais égaler les Américains dans cet exercice. Faites votre propre truc.’ Il a donc incité Kraftwerk à réaliser « Autobahn », « Morgenspaziergang », etc. Il a aussi plaidé pour le recours au chant, car auparavant, la musique du groupe était uniquement instrumentale. Et il a insisté pour qu’il soit en allemand plutôt qu'en anglais. Quand j'ai rejoint Kraftwerk, mon jeu minimaliste correspondait parfaitement à ce nouveau style. Un an plus tard, Ralph et Florian ont engagé un autre percussionniste, Karl Bartos, ce qui a donné naissance au quatuor Kraftwerk 'classique'.

Conny Plank a-t-il également influencé l’approche mélodique de Kraftwerk ?

Non, pas au niveau des mélodies mais bien des sons. Plank les proposait pour « Autobahn », notamment en se servant du synthé Moog. Ils imitaient les bruits de l'autoroute, comme celle d’un camion qui passe. Il enregistrait tout sur bande et c'était un peu comme du sampling avant la lettre. Ralf et Florian sélectionnaient les sons et les inséraient dans la composition. C'est alors que j'ai compris le rôle de Plank dans la création de ce premier hit. Dans sa maison, Conny Plank possédait plusieurs disques d'or, remportés pour les productions qu'il avait réalisées. Dans l'histoire, il a été aussi important que Georges Martin, le producteur des Beatles.

Pourtant, Kraftwerk n'a pas continué à travailler avec lui après « Autobahn »...

Ralph et Florian se sont séparés de Conny Plank après « Autobahn » et ils n'ont jamais reconnu ouvertement son importance. Pour « Autobahn », qui a décroché un hit aux USA, il a reçu 5 000 DM ; une somme ridicule. Il n'avait pas signé de contrat ; c'était juste un accord tacite. Et sur le disque, ne figure que la mention : 'Enregistré dans le studio de Conny Plank'. Son travail de production n'était même pas reconnu. Ce mauvais traitement a rendu Conny Plank littéralement malade. C'est ainsi que j'ai découvert la véritable personnalité de Ralph et Florian ; ce qui m’a fortement attristé.

Kraftwerk a-t-il été influencé par Tangerine Dream ? On pourrait le penser vu que les deux formations ont commencé à peu près en même temps à se lancer dans la musique électronique.

Non, je ne crois pas. Nous avons assisté au fameux concert de Tangerine Dream, diffusé par la chaîne WDR. Leur musique était très différente. Ce n’était pas de la pop music, mais plutôt des soundscapes, des B.O. pour films. Perso, je préfère la musique pop qui tient compte de la structure classique couplet/refrain.

Pourquoi « The Model » est-il devenu numéro un en Angleterre ?

Le titre est paru originalement en 1978 sur « Man-Machine ». Plus tard, en 1981, pour promouvoir « Computer World », Kraftwerk a publié la plage titulaire en ‘simple’ et la compagnie de disque a ajouté « The Model » en face B, quasi par hasard. Et c'est cette ‘flip side’ qui est devenue un énorme hit en 1982, pour finalement culminer au sommet des charts anglais. Le thème de « Computer World » n'était pas destiné aux masses, « The Model » bien. En gros, les paroles disaient : ‘Elle est mannequin et elle est jolie et je veux l'avoir’. C'était presque de la musique ‘Schlager’ (NDR : un terme qui désigne la musique allemande populaire de variétés).

Par contre, « Radio-activity » a surtout marché en France. Pour quelle raison ?

J'ai une théorie pour ce phénomène : c'est parce que la chanson est très mélancolique. Au début, le thème n'était pas la radioactivité mais bien l'activité à la radio, le fait que la musique de Kraftwerk était largement diffusée sur les ondes, aux Etats-Unis. Même dans les coins les plus reculés, les réserves indiennes, les stations passaient « Autobahn ». La musique de « Radio-activity » était très semblable à la chanson française, celle de Charles Aznavour ou de Gilbert Bécaud, qui se distingue par sa mélancolie romantique. Et dans « Radio-activity », cette mélancolie est créée, entre autres, par le Vako Orchestron. Acheté aux USA, ce synthé fonctionnait à l’aide de disques de cellophane et était capable de reproduire des samples de violons, d'orgues, des choeurs de voix humaines, etc. C'était le successeur du célèbre Mellotron. Le Mellotron utilisait des bandes dont le temps d’action était limité. Le Vako Orchestron, par contre, exécutait les sonorités en loop de façon illimitée. Kraftwerk a exploité cet instrument pour les voix humaines, ce qui a communiqué un ton très mélancolique à « Radio-activity ». En outre, la manière dont Ralph Hütter chantait, sans émotion, comme un robot, accentuait le côté triste de l'ensemble.

Cette mélancolie émane sans doute aussi de la musique classique française : Debussy, Ravel, caractérisés par des harmonies en accords mineurs. 

Bien sûr ! La chanson française aborde souvent des thèmes relatifs aux amours déçus ou perdus. Comme dans la chanson « Nathalie... » de Gilbert Becaud. « Radio-activity » baigne dans ce même climat...

L'interview audio est disponible via le podcast de l'émission WAVES (Radio Vibration) ici. 

Remerciements : Wolfgang Flür, Winterfest Radio Vibration, WAVES & Musiczine.net

Photo: Wolfgang Wiggers

Calexico

L’amour est un fil ténu, mais assez solide pour relier le genre humain…

Écrit par

Calexico publie son nouvel opus, « The Thread that keeps us », ce 26 janvier 2018. Il s’agit de son neuvième. Le groupe a voulu en revenir à une forme plus expérimentale, moins latino, tout en concentrant ses lyrics sur les problèmes de l’environnement. C’est dans l’air du temps. Mais également soulever la question de la perte de communication entre les êtres humains. Entre autres. Paradoxal, au vu du nombre d’outils technologiques, mis à notre disposition, aujourd’hui. Et bien évidemment, l’occasion était idéale pour discuter du contenu de cet LP. Mais quel bonheur de pouvoir s’entretenir en compagnie de Joey Burns et de John Convertino, tellement leurs conversations sont riches et leurs avis pertinents…

Vous avez enregistré votre dernier album, « The Thread that keeps us », en Californie, au studio ‘Panoramic house’. Mais pourquoi avoir baptisé cet endroit ‘The Phantom ship’ ?

Il ressemble, en quelque sorte, à un vieux rafiot. La coque est constituée de planches délavées et le studio a été construit à l’aide de poutres en bois de charpente. Il y a des hublots comme sur un bateau, à travers lesquels on s’imagine regarder vers l’océan. Il n’y manque que les voiles. Il y a la cave, la cambuse (NDR : le dessous de la ligne de flottaison). C’est là ou se trouve la salle de contrôle. Il y a même un nid-de-pie (NDR : poste de vigie) ; et ce poste d’observation est amusant. En fait, quand on enregistre, on a besoin de s’isoler afin de pouvoir se concentrer. C’est un studio éphémère. Les musiciens bossent sur le pont, où est installé tout comme le matos d’enregistrement. Ce bâtiment est le fruit de la vision d’un mathématicien ; et ce type l’a construit de ses propres mains. Il avait mis beaucoup d’amour pour l’échafauder. Et manifestement, les fondations sont solides, car il a survécu à deux tremblements de terre. Dans la maison, il y avait la photo du gars qui avait construit le bateau. Il est mort. On dirait qu’il hante les lieux. On sentait sa présence pendant les sessions.

Justement, le morceau intitulé « Lost inside », qui finalement n’a pas été repris dans l’opus (NDR : ‘Outtakes lyrics’), évoque une danse avec un fantôme. Il a été écrit dans ce contexte ?

Oui, on y parle de plusieurs revenants. On les a croisés. D’une part, il en existe des personnels et d’autres qui sont impalpables. Ils hantent l’album. C’est comme si on rencontrait le fantôme de son passé. Il pourrait s’agir d’un membre de sa famille. Le souvenir de quelqu’un ou de quelque chose…

Vous avez coproduit l’album en compagnie de Craig Schumacher. Est-il devenu incontournable pour ce job ?

Oui et non. Il est un peu considéré comme un membre de la famille. On l’adore. On se respecte. C’est incroyable ce qu’il a été capable de réaliser au cours de ces dernières années. Aurions-nous pu travailler en compagnie d’autres personnes ? La réponse est oui. Et pourrions nous continuer avec Craig ? La réponse est toujours affirmative…

« Girl in the forest » est une fable qui traite de l’état de notre planète. Et notamment de l’environnement et la déforestation. Elle fait référence à John Muir, un écrivain américain, né en Ecosse. Un des premiers naturalistes modernes, militant en faveur de la protection de la nature. Est-ce un personnage important pour vous ? Et un exemple à suivre ?

Absolument ! Le studio est situé au Nord de San Francisco et de l’autre côté du Golden Gate Bridge. Il existe un sentier baptisé ‘John Muir’ qui sert à la randonnée. On y voit son nom sur un écriteau. Et on l’emprunte pour se rendre au studio. On s’y est souvent baladé et on y a découvert ce qu’il a vu, il y a 100 ans. Quand on entend parler, aujourd’hui, de la réduction de la superficie de parcs naturels pour laisser la place à la prospection de gisements pétroliers, on a une envie urgente de les sauvegarder. Ce sentier est donc devenu un fil conducteur. Car derrière ce sentier, il y a cette réflexion…

Joey, pour ce morceau, tu as écrit les lyrics en compagnie de ta fille, Twyla. C’était la première fois ? Peux-tu en dire davantage ?

On a tous des enfants. Il se pourrait qu’un jour, on ait des petits-enfants. Et donc, il serait important de conserver ce sentier pour cette progéniture. Ce n’est pas si compliqué à réaliser. Il suffit de quelques changements. Et ils se sont produits au cours de l’histoire. Je t’invite à relire ce que John Muir a écrit et tu comprendras… Ma fille, Twyla a un esprit très créatif. Elle est en contact avec ce monde spirituel et elle possède cette imagination que beaucoup d’entre-nous ont perdue. Le plus souvent, c’est elle qui se réveille la première et je l’appelle le petit oiseau du matin (NDR : ‘early bird’). A partir de ce moment, toute la famille se lève aussitôt. Elle chante au saut du lit. De belles chansons qui évoquent chez moi, les choses les plus douces de la vie. Quand on est allé camper, dans le coin, en compagnie de mes filles jumelles, Genevieve et Twyla, elles m’ont dit, papa, ne pourrait-on pas vivre ici. Ce qui m’a brisé le cœur… J’avais la musique et la mélodie, et puis j’ai calé. Twyla s’est alors pointée et suite à nos conversations, j’ai visualisé une scène de protestation contre la déforestation. Et pas seulement pour blâmer ceux qui abattent les arbres, mais ceux qui vont faire main basse sur les richesses du sous-sol. Et je me fais, en quelque sorte, le porte-parole de ce combat… Cette chanson pourrait mettre en scène une fille qui parle aux animaux, mais aussi à la forêt… Twyla a contribué amplement à la création du morceau. Finalement, c’est son thème. Au début, dans le scénario, il existait deux personnages aux backgrounds différents. Dans une ville près de la Californie, sur la côte, le premier vivait dans une maison où on parle espagnol et l’autre, en anglais. Ils se sont associés pour sauver leur ville et se sont rendus dans la forêt (NDR : la Redwood, forêt peuplée de séquoias) à la recherche des secrets de l’univers qui y sont d’ailleurs toujours. Vous savez, cette nature qui a tant à nous apporter et qu’on ne connaît pas encore. C’est l’inspiration qui se trame derrière cette compo…

Joey, quelques titres de l’elpee sont plus psychédéliques. Comme le superbe morceau d’entrée « End of the world with you », dont la mélodie me fait penser à Wilco?

C’est un compliment ! J’adore Wilco. Quand Jeff chante, mais aussi lorsqu’il parle. Vraiment content qu’il soit sur cette planète ! Avant je rêvais de rencontrer les Beatles et maintenant, c’est Jeff Tweedy. Il incarne quelqu’un d’important pour moi. Pavement aussi. J’aime bien le sens de l’humour et sarcastique de Stephen Malkmus. Ses paroles. Ces gars-là sont mes héros. Par exemple, si je devais te présenter ma collection d’albums, je te montrerai ceux des artistes dont je viens de te parler… J’aime quand l’approche musicale est plus expérimentale. J’en ai marre d’entendre constamment les mêmes morceaux de rock ‘classique’. A la maison, des ouvriers bossent sur mon bâtiment et chacun ramène sa ‘boombox’. La plupart sont latinos et on entend toujours les mêmes morceaux hispaniques et atmosphériques. En fait je suis contraint à écouter de la musique que je ne connais pas et qui est plutôt céleste que terrestre…

Un autre personnage, James Turrell, est cité dans « End of the world with you ». Il est responsable des ‘Skyspaces’, expériences qu’il a menées entre lumière et espace. Est-ce un sujet qui vous passionne ?

Il faut toujours avoir conscience qu’on est petit, insignifiant même. La perspective est importante, bien que je n’ai pas lu beaucoup d’ouvrages de ce gars, il faut savoir qu’on est minuscule, mais que la lumière est importante ; car grâce à elle on entre dans un espace temps (NDR : on en revient quelque part, à Pascal…)

Autre morceau inhabituel, « Dead in the water ». Très offensif, frénétique même, et au cours duquel la voix est caverneuse, alors qu’une cloche revient régulièrement dans le parcours…

C’est le thème de l’antagoniste : Dr Evil (NDR : Dr Evil, alias Denfer, est un personnage de fiction joué par Mike Myers, dans une série au cours de laquelle il parodie les méchants dans les films de James Bond). C’est le guitariste qui joue de la cloche… et il en est fier !

« Another space » est également une plage audacieuse. Il y a cet orgue vintage. Ces rythmes hypnotiques qui me rappellent Suicide, et plus exactement le « Jukebox baby » d’Alan Vega ; et à la fin on entend des solos de trompettes jazzyfiants, rappelant Miles Davis. Calexico aborde rarement des titres aussi complexes, non ?

Oui, il y a longtemps. Et c’était amusant de s’y risquer à nouveau. En fait, on ignorait où cette expérience allait nous mener. Quand on a entamé la chanson, elle se limitait à une sèche, les drums et la boîte à rythmes des années 70. Finalement, il faut admettre que le studio est l’endroit où on crée la chanson. Le studio conditionne la chanson. Et la chanson est le produit du studio. On a ajouté du piano, du triangle, puis plein d’autres éléments.

« Shortboard » est un instrumental au cours duquel il ne manque qu’une voix. Celle de Jim Morrison aurait pu coller à ce titre atmosphérique, non ?

Peut-être. Ce qui aurait été marrant. C’est une impro. On pourrait imaginer Jim Morrison dans « The end »… lorsqu’il prononce (d’une voix caverneuse) ‘and he walked down the hall’... C’est une ritournelle, une boucle en quelques mesures…

Sur « Under the wheels » vous avez utilisé une boîte à rythmes et un peu d’électro. Il est dansant, amusant, et emprunte des rythmes latino, caribéens, et plus exactement jamaïcains. Presque reggae, même !

C’est ce qui arrive quand on fait l’impasse sur la guitare. C’est le claviériste qui a composé la musique (NDR : Sergio Mendoza). Il travaille bizarrement. Il invite des musiciens et enregistre sur un petit quatre pistes. Puis il part en forêt et médite sur le son. Et vraiment, sa démarche est à la fois intéressante et originale. Dans le passé, il avait déjà réalisé l’une ou l’autre démo. Et bien sûr, il me les propose. Ici, il s’agit d’une autre qu’on avait un peu abandonnée. Il se l’est réappropriée et c’est le morceau dont tu parles. Le thème ? Au cours des 15 dernières années, on a dépensé des milliards de dollars dans les guerres et il en est résulté des pertes incroyables en vies humaines et des divisions dans le monde. Cette chanson est une réponse à ces événements. Le sentiment, c’est qu’aujourd’hui, les gens se baladent en regardant le sol. Il se suffisent à eux-mêmes et ne vont pas l’un vers l’autre. Où est cette capacité à communiquer ? On en vient à se demander de quoi on va parler tellement, tellement il y a des sujets à aborder. Où est cette capacité d’écoute ? Ce terreau commun ?

« Flores y Tamales » devrait figurer dans la setlist de vos futurs concerts, je suppose ? Et y rester régulièrement dans le futur ?

Sans aucun doute. C’est une bande-son qui a été réalisée pour la sauvegarde des papillons monarques (NDR : ‘monarch butterflies’). Sa population est en diminution à cause de la déforestation. On les croise au Nord du Mexique où ils nichent. Le thème était intéressant. On a engagé un bassiste espagnol. Et c’est lui qui a composé les paroles. En outre, c’est un de mes morceaux préférés…

« Thrown to the wild » invite-t-il l’être humain à préserver les rêves dans une réalité tourmentée ? Mais laisse-t-il un quelconque message d’espoir ?

Même si ce morceau décrit des scènes sombres et délabrées de l’existence, il concerne peut-être une ville, votre ville, dans le monde, en état de transition. En peu de lyrics, il décrit à quel point la situation s’est dégradée. C’est le signal que la limite est dépassée. Il figurait parmi les incontournables du tracklisting. La deuxième partie vire au chaos. C’est noir. Comme une entreprise qui se crashe. C’est la direction prise par notre terre. Au départ, on voulait clôturer le disque par ce titre, mais il était vraiment trop sombre…

Joey, tu as déclaré qu’au lieu d’écrire des ‘protest songs’, tu préférais propager tes messages en racontant des histoires. Es-tu plus romancier qu’écrivain ?

C’est quelque part entre les deux. Je suis un ‘novellist’ (NDR : un auteur de nouvelles, dans le contexte des short stories, spécifiques aux Américains). Quand une chanson ne dure que 3’, les instruments jouent un rôle important. Il ne reste alors de la place que pour une histoire brève. Par contre, lorsqu’il n’y a pas trop de passages instrumentaux, j’ai tendance à écrire en vers…

Enfin, « The Thread that keeps us », quel est ce fil, finalement?

C’est la question ! Quand on examine cette réflexion, on pense à l’amour. Parce qu’il n’existe rien d’autre qui soit aussi puissant. Il y a bien cette image de fil. Il est ténu, mais assez solide pour nous relier…

Merci à Vincent Devos.

Fischbach

Fischbach, c'est le côté sombre de Flora...

Au moment de clôturer cette année 2017, un bilan s'impose : Fishbach est 'la' révélation de ces derniers mois dans l’univers de la chanson française !

De son véritable nom Flora Fischbach, cette chanteuse est originaire de Normandie mais a surtout vécu à Charleville-Mézières. A seulement 26 ans, elle fait déjà l'unanimité auprès de la critique et du public.

Sa musique est étrange et mêle des influences qui oscillent de Rita Mitsuko à Niagara, en passant par Patti Smith, Daniel Balavoine et... Mylène Farmer. Un cocktail étonnant, voire détonnant ! Le premier album de l'artiste, « A Ta Merci », publié par le petit label Entreprise et distribué par Sony Music, révèle une flopée de titres jouissifs, au son très orienté années 80 et traversés par une obsession : la mort. Fishbach danse sur les tombes...

Après avoir accordé deux concerts à Bruxelles (au Nuits Botanique et au BSF) et trois en Wallonie (Namur, Liège et Arlon), Fishbach se produisait il y a peu à La Louvière, dans un théâtre communal fraîchement rénové. Nous avons pu rencontrer l'artiste dans les loges, avant le concert... 

Penchons nous, tout d'abord, sur l'influence exercée par la musique des années 80. D’où vient-elle ? De tes parents ?

Fishbach : Je crois que c'est surtout l'influence involontaire de la radio. Je suis née au début des années 90 et on y diffusait pas mal de musique des eighties, parce que ce style était encore assez récent. Mes parents n'écoutaient pas un artiste en particulier mais j'ai dû baigner là-dedans. Il y avait aussi les jeux vidéo et les génériques à la télévision, comme 'Les Mystérieuses Cités d'Or'. Ou 'L'inspecteur Gadget', par exemple. C'est un peu comme une madeleine de Proust pour moi, à cause des accords un peu funky, des synthés et de la production audacieuse. Quand j’ai commencé à créer de la musique à l’aide de mon ordinateur, ma tablette ou en me servant des synthés, elle parlait à mon coeur. Et lorsque je compose, ces sonorités résonnent et me font vibrer. Je n'ai pas cherché à singer quoi que ce soit, à m'inspirer des années 80 ou d'un artiste en particulier.

Si on devait citer quelques noms de cette époque-là, qui mentionnerais-tu ?

Là, en ce moment, j'écoute de tout, Toto Coelo, Queen –je suis une grande fan de Freddie Mercury–, les Sparks, Vladimir Cosma, ce genre de trucs. J'aime les musiques aventureuses en général et je crois qu’à cette époque, il y avait une audace, une recherche. Je n'essaie pas de la copier mais j'aime bien bidouiller des sons et créer des atmosphères très denses, voire même parfois 'too much'...

Lors d’une interview, tu avais cité Kas Product. Là, on baigne en plein dans la musique 'new-wave' ou 'wave'...

Oui, c'est un duo issu de Nancy...

Je crois d'ailleurs qu'il existe encore : il est de retour depuis 2005.

C'est vrai : je l’ai vu en concert, il y a quelques années. Au début, je partageais également un duo, en compagnie d’un ami...

Oui, un projet au nom bizarre : Most Agadn’t ?

Exact ! Un nom impossible à prononcer et à retenir (rires). C'était très audacieux aussi comme musique, un peu synthé-punk-metal. Mais je me sentais proche de Kas Product aussi parce que les musiciens sont issus de l'est de la France. Je suis originaire de Charleville-Mézières. On partage une vision commune, assez froide, revendicatrice, pas nécessairement sous un angle politique, mais plutôt dans les sentiments. Quelque chose de dur...

Un côté un peu 'punk', d'une certaine façon ?

Clairement. Je ne me suis jamais excusée d'être à ma place, sur scène, derrière un micro. Avoir la liberté de pouvoir interpréter des chansons, pour soi d'abord, se libérer de plein d'histoires ou s'amuser, et puis après, les proposer en live et les partager, c’est génial...

Te souviens-tu de ton premier flash musical quand tu étais jeune ?

La première chanson dont je me rappelle, je la cite souvent, c'est « Il est libre, Max » d'Hervé Christiani. Le souvenir du lieu et du moment est précis. Certaines comptines pour enfants sont gravées en mon for intérieur depuis ma tendre enfance. Elles appartiennent à mon ADN. J'aime beaucoup les mélodies faciles à retenir, qui s'accrochent et finissent par faire partie de toi.

Et au moment où tu composes, y penses-tu ? Ou plus exactement, voudrais-tu, peut-être, que tes chansons ressemblent à des comptines, faciles à retenir ? Ou alors est-ce carrément un jaillissement, un phénomène d'incontrôlé...

J'y pense sans y penser. Cette nostalgie se réfère à des odeurs, des bruits, des sons, qui évoquent un sentiment confortable, peut-être. De rassurant. Ou alors, au contraire, de dramatique, de tragique… Le choix des sons s’opère à ce moment-là et je me laisse emporter par ce qui me traverse...

En général, tu travailles sur ordinateur ?

Oui, c'est l'outil parfait. Je peux, toute seule, réaliser des productions globales de mes chansons, et y ajouter des arrangements. Créer des maquettes dont la couleur est déjà bien définie. C'est ce qui m'amuse. En me limitant à la guitare et ma voix, je ne pourrais pas aller au bout de ce que j'ai dans la tête. Je ne suis pas une très bonne musicienne, mais plutôt quelqu'un qui perçoit la chanson dans son ensemble...

L'habillage est-il très important pour toi ? Est-il destiné à la création d'atmosphères ?

C'est même plus qu'un habillage, c'est carrément tout un décor qui se pose grâce aux arrangements et aux choix précis et particuliers, même s'ils sont parfois discutables. En tout cas, cette exploration, au-delà de la pure composition des mélodies, m’amuse...

Des musiciens de ta génération m’ont avoué, lors d'interviews, que c’est utilisant les plug-ins et les banques de sons des ordis qu’ils ont découvert, par hasard, les sons des années 80, comme les synthés Roland Jupiter, etc. ; et simplement ils leur ont plu. Bref, ce n’était pas pour plagier une époque ou un artiste bien précis.

Tout à fait d’accord ! Evidemment il doit exister une trace dans l'inconscient, là où on garde nos souvenirs d'enfance. Mais en même temps, c'est dangereux, parce que l'ordinateur, c'est l'infini, l'éternité. La musique est immatérielle. Ce sont des ondes. Mais en se servant de l’ordinateur, elle devient encore plus immatérielle, comme un nuage sans fin...

Disposer de ce nombre infini d’alternatives doit être parfois paralysant, non ?

Non, parce que les filtres te correspondent et tu construis un univers qui te rassure, des bases...

Te limites-tu, par exemple, à certains sons, à certains plug-ins ou bien t'autorises tu à partir dans toutes les directions ? Parce qu'il existe quand même une cohérence dans ta musique, un son...

Ah oui, bien sûr ! Au départ, je me limite à certains sons. Je dispose d’un panel que j'utilise chaque fois de manière un peu différente. Et puis, en parallèle, quand mon objectif est précis, j’entreprends des recherches. Je m'autorise à m’égarer et d'ailleurs il faut se perdre un peu. Et de manière fortuite, tu peux tomber sur des trucs que tu n'aurais pas imaginés au départ.

Il me semble que l’autre face de ta personnalité musicale, c'est ce côté 'dark', un peu obscur, sombre, voire mystique. Donc, même question : comment cette sensibilité est-elle apparue dans tes créations ?

Je crois qu'on a tous une part d'ombre en nous et cette ombre peut se faufiler à travers la musique. C'est un exutoire aussi, comme le sport. Composer des chansons est thérapeutique. Ce n'est pas plus compliqué que ça. On a tous nos soucis, nos drames et nos rêves... J'ai remarqué, par exemple, que ceux qui font du 'metal', une musique brutale et pleine de testostérone, sont en fait, dans la vie, extrêmement doux, bienveillants, galants, alors que ceux qui font de la pop gentille, endurent plein d'histoires à la Dallas ou rencontrent des problèmes avec leurs maisons de disque. Bref, ils accumulent les problèmes. David Lynch disait que son art, qui est assez 'deviant', assez 'chelou', lui permettait précisément d'être quelqu'un d'assez équilibré dans la vie réelle, justement parce qu'il déversait tout dans son art, que ce soit le cinéma, la musique, la photographie, etc. Perso, je déverse aussi dans mon art tout ce qui est sombre en moi. Fishbach, c'est le côté sombre de Flora.

Les aspects sombres que tu déverses, ils t’attirent également, non ?  

Mais bien, sûr, le côté obscur de la Force ! (rires) Non, je crois que cette vision se limite à ce que je viens de t'expliquer. Dans mon cas, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Et si on parlait de tes projets ?

Là, c'est la fin de la tournée qui a traversé la France, la Belgique et la Suisse.

C'est la première fois que tu te produis dans cette région-ci ? (NDR : La Louvière)

Je suis déjà venue en Belgique à plusieurs reprises. Au Botanique et dans le cadre du BSF à Bruxelles, puis à Namur, Liège et aussi Arlon, dans une église...

Ah, dans une église ? J'ai raté l’événement !

J'aime beaucoup jouer dans les églises. Et plus, à Arlon, le prêtre nous a accueilli très chaleureusement, le son ainsi que les lumières étaient très chouettes et le public belge est très cool… Un très beau moment !

Mais donc, c'est la première fois que tu te produis dans cette partie de la Belgique. D'ailleurs, tu racontes dans tes interviews que, quand tu habitais près de la frontière, tu aimais bien sortir dans les boîtes en Belgique. On peut savoir où ?

Je ne m'en souviens plus vraiment. J'étais très jeune ! (rires) On allait parfois jusqu'à Anvers.

Pour terminer, pourrais-tu partager un coup de coeur avec nous ? Un groupe ou un artiste, actuel, que tu aimes vraiment ?

Un groupe français a développé un univers un peu fou. J’ai vu cette formation aux Transmusicales mais je la connaissais déjà auparavant. Elle s'appelle Le Groupe Obscur... Voilà, tu souhaitais un truc 'dark'... (rires) Les musiciens sont très jeunes. Ils sont issus de Rennes, portent des costumes complètement dingues et leur musique, c’est un peu du Kate Bush à la française...

Ouh là ! Très intéressant !

Leur univers est très années 80, très lyrique. Il y a des guitares et des batteries. Ils ont même inventé une langue qu’ils ont baptisé l'obscurien. Je te conseille leur titre « L'Oiseau de Feu ». Il faut les écouter, aller les voir en concert et les encourager parce que leur projet est très prometteur...

Merci, Flora !

Merci à toi !

Remerciements: Flora, ‘C'est Central – La Louvière’, Les Disques Entreprise, Sony Music Belgium, Valérie Dumont, Patrizia Merche et Laetitia Van Hove.

L'interview audio de Fishbach sera diffusée dans le cadre de l'émission WAVES. A suivre via Facebook ou Mixcloud.

Photo : Phil Blackmarquis

Machine Head

Il n’est pas rare que la démo soit meilleure que la version finale…

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2017 arrive presque à son terme que l’année suivante se profile déjà. Et elle sera importante. Mais également intéressante. Métalliquement parlant. Et pour cause, Machine Head s’apprête, le 26 janvier prochain, à publier son neuvième opus studio, « Catharsis ». A quoi dès lors s’attendre ? Que nous a réservé la bande à Robb Flynn ? Afin de tenter d’y voir plus clair, rien de tel que de s’informer auprès du Général en personne. Comme d’habitude, ce fort en gueule ne va pas mettre de filtre.

En tournée dans toute l’Europe, afin de tailler le bout de gras auprès de la presse, Robb Flynn a largué ses amarres en Belgique, le temps d’une journée, dans une chambre du prestigieux hôtel bruxellois Radisson Blu. Son homme de confiance m’ouvre la porte et m’invite à m’asseoir. Robb apparaît dans la pièce, prend place dans un canapé à mes côtés, et entame un copieux hamburger posé devant lui. ‘Ne t’inquiète pas, je mange vite’ me confie-t-il en continuant à fixer son pain double étage. Il finit par déposer son plateau à l’arrière de la chambre et se frotte la bouche d’un revers de la main. L’entrevue peut commencer.

Les premiers mots que tu prononces sur ce nouvel elpee, ‘Fuck the World’, reflètent-ils l’état d’esprit dans lequel tu étais plongé lorsque « Catharsis » a été composé ?

Robb Flynn : (il rigole) Je ne sais pas s’ils reflètent l’état d’esprit dans lequel j’étais tout au long des sessions d’enregistrement, mais bien lors du morceau d’ouverture ! Cette chanson a été en effet écrite et enregistrée le jour de ces atrocités commises à Charlottesville (NDR : le samedi 12 août), cette fameuse date marquée par ces fêlés de la suprématie blanche. Je me souviens… je me suis senti vraiment bizarre en regardant les événements relatés à la TV. C’était juste dingue : voir cette voiture débouler dans la foule et tuer cette fille… Horrible ! Je pense que j’ai écrit ce morceau dans les vingt minutes qui ont suivi le drame. Il s’agit donc là d’une interprétation très brutale et à chaud de mon ressenti par rapport à ce qui s’est produit. Tout ce que j’ai pu y éprouver s’y retrouve.

Le titre de l’album m’interpelle : doit-on y voir ta propre catharsis via ce nouvel LP ou une forme de catharsis offerte à celles et ceux qui vous écouteront ?

Je pense qu’il s’agit un peu des deux… En ce qui me concerne, cet album –mais la musique en général– est très cathartique pour moi. J’avais seize ans quand j’ai commencé à assister aux concerts de Thrash Metal… Je me souviens encore de ce jour où j’ai vu Metallica en ouverture de Raven, devant 250 personnes. C’était mon moment Beatles à moi ! A partir de ce jour-là, j’ai empoigné une guitare et j’ai tout de suite pris conscience que la musique pouvait revêtir ce pouvoir cathartique. C’est ce que j’évoque notamment au cours d’un des morceaux : ‘la seule chose qui me maintienne sain d’esprit / la musique dans mes veines /et si ces mots sont mes poings / peux-tu ressentir ma catharsis ?’ En prenant un peu de recul, je pense qu’il s’agit vraiment d’un album très éclectique : il est d’un côté très sérieux par son approche critique, humaine et politique de la société. Mais d’un autre côté, c’est aussi un appel à la fête. ‘Fuck the World !’ On y passe souvent de la dépression à la joie, en retrouvant tout un panel d’émotions entre les deux. La catharsis est un nettoyage, elle permet de faire table rase de beaucoup de choses. C’est exactement ce qui se produit dans cet album.

C’est également votre opus le plus long : quinze morceaux pour un peu plus d’une heure et quart !

En effet ! Quinze morceaux, c’est quasi le Seigneur des Anneaux (il rigole) ! Pas mal de monde m’a demandé pourquoi je m’entêtais à réaliser des disques aussi longs alors qu’aujourd’hui, on était davantage dans l’ère du single… ?  C’est vrai, il n’y a peut-être que trois morceaux qui en ressortiront vraiment et la plupart des gens ignoreront probablement le reste. Et tu sais quoi ? Ce n’est absolument pas un problème et c’est ainsi ! Je ne vais de toute façon pas changer la façon dont les gens consomment aujourd’hui la musique… C’est notre neuvième LP, j’ai cinquante balais et je le fais comme je le sens. D’ailleurs, je le considère un peu comme un film : une collection de quinze morceaux interconnectés entre eux, qui deviennent une œuvre d’art quand tu prends la peine de l’appréhender dans sa globalité. Tu préfères n’écouter qu’une partie ? Comme tu le sens ! Mais si tu veux gratter un peu plus, comprendre le contenu plus en détail, écoute alors l’ensemble et tu verras…

J’ai aussi l’impression que plus les années passent, moins tu te soucies de ce qu’on peut penser de ton groupe et/ou de toi. Un constat qu’on retrouve dans ce choix audacieux pour votre prochaine tournée, réservant uniquement des dates ‘an evening with…’ Peux-tu nous éclairer un peu plus à ce sujet ?

L’idée remonte à 2012, une année au cours de laquelle on s’est produit dans presque tous les festivals de la terre (il rigole). Et… ça m’a vraiment fait chier. Je n’ai pas du tout aimé. Absolument aucune connexion entre le groupe et l’auditoire. Une vraie perte de temps. Ce n’était ni productif, ni bénéfique, autant pour nous que pour nos fans. On s’est mis alors autour d’une table, on en a discuté et on en a conclu qu’on fonctionnait ainsi depuis vingt-cinq ans, mais que ce n’était pas pour autant la panacée. A-t-on vendu plus de disques ? Non ! A-t-on touché davantage de monde ? Non, au contraire, on était de moins en moins en contact avec notre public ! On a donc pris une décision, celle de mettre un terme aux festivals et de laisser la place aux ‘evening with’ où on jouera entre 2h30 et 3h par soir. Point ! Je suis conscient que cette résolution peut paraître un peu insensée à premier abord, parce qu’on rencontre un certain succès… mais c’est comme ça ! Et oui, on gagnera en effet moins d’argent, parce que les festivals paient les plus gros cachets. Mais tu sais quoi ? Ces ‘evenings with’ sont vraiment plus gratifiantes car on y ressent un lien super fort avec notre audience. Et puis, c’est aussi une manière de remotiver nos fans ! Vous voulez assister à un set de Machine Head ? Rien ne sert de vous rendre dans tel ou tel festival où on ne jouera quand même que quarante-cinq minutes. Mais venez par contre nous voir en salle et vous ne serez pas déçu·e·s ! C’est un peu comme Bruce Springsteen, il n’y pas tout le temps cinq groupes qui ouvrent pour lui. C’est Bruce Springsteen, point ! Comme pour AC/DC ou les Foo Fighters ! Il existe une ancienne tradition dans l’univers du métal qui consiste à proposer des packages de groupes par tournée ou encore des affiches sur lesquelles figurent des dizaines de formations… C’est peut-être bien pour certains bands, mais plus pour nous.

Mais ces premières parties, n’est-ce pas une opportunité accordée à de plus petits combos de se faire connaître ?

(il sourit en coin) … allez, soyons honnêtes, la foule ne se déplace jamais pour les petits groupes, mais bien pour les têtes d’affiche ! Et tu sais, je n’ai rien contre les promoteurs de festival… c’est juste que pour nous, ce système ne fonctionne plus. Mais je pense qu’il demeure, par contre, très intéressant pour de plus petites formations, où elles gagnent là à être connues.

Lors d’une précédente interview accordée au magazine anglais Metal Hammer, en novembre 2014, le journaliste affirmait que Machine Head était finalement et uniquement le groupe de Robb Flynn. Partages-tu son point de vue ?

(il sourit et s’enfonce dans son fauteuil)… je sais que ma réponse peut paraître arrogante, mais oui, c’est le cas. C’est mon groupe. J’ai trouvé le nom. J’en ai dessiné le logo et je suis le seul qui fasse partie du line up originel… Donc, ouais, c’est le mien ! Et je n’ai pas honte d’en être fier ! Il y a vingt-cinq ans que je me casse aussi le cul pour ça. Mais bon… Dave (NDR : McClain, le batteur) milite au sein du line up depuis maintenant 22 ans. Phil (NDR : Demmel, le guitariste), depuis 14 ans. Il y a un bail que ces gars et moi jouons de la musique… et c’est très important pour nous de former un véritable collectif, dans le sens où on bosse tous ensemble. Tu sais, Machine Head, c’est un peu comme une bagnole : je l’ai achetée moi-même mais on a mis ensemble de nouveaux pneus et on a refait la peinture. Mais au final, c’est vrai qu’il n’y a qu’un volant et que je suis le gars qui est derrière.

En 2007, Machine Head publiait « The Blackening » et rencontre alors son plus gros succès à ce jour. Penses-tu avoir atteint ton ‘golden age’, il y a maintenant dix ans ?

Je ne pense pas avoir atteint un quelconque ‘golden age’, du moins je ne pense pas en ces termes là… C’est sûr que grâce à ce disque, on a vécu des moments de dingue. C’était un peu comme sur des montages russes, notre parcours partait dans tous les sens et à une vitesse folle. Mais je reste quelqu’un de frustré, j’ai et j’aurai toujours quelque chose à dire. Je veux donc toujours aller plus loin. D’autant plus que dans l’univers du Metal, je ne me sens pas toujours respecté. Et je voudrais changer la donne ! On n’est jamais nominé pour des ‘Grammy Awards’, par exemple ! Aucune section n’est consacrée au Metal ! On est à des années lumières de recevoir une invitation pour ce genre de cérémonie. Et pourquoi ? On écrit pourtant des chansons. On joue sur nos propres instruments. On n’arrête pas de se produire en concert. Etc. Notre style musical est moins bien que les autres ? Je pense que comme musicien qui pratique du Metal, il est nécessaire de changer son fusil d’épaule et tout faire pour toucher davantage de monde, en intéresser de plus en plus et ne pas sans cesse rester cachés dans l’underground.

… tu n’appartiens donc pas à cette catégorie d’artistes qui voient le streaming musical d’un mauvais œil ?

Alors là pas du tout, j’adore ça ! Le streaming a changé ma façon d’écouter et d’apprécier la musique ! Je passe ma vie à parcourir le monde, je ne vais quand même pas sans cesse me balader avec une valise pleine de cd ! Même mon ordinateur portable n’a plus d’entrée pour les cd, c’est dire… Tout est à présent dans mon téléphone et je dois avouer que je suis devenu un accro à Spotify. Toute l’histoire de la musique est ainsi à portée de main. Tu aimes les Misfits ? Tape le nom du groupe et tu tomberas sur 20 singles différents, des faces B, des morceaux rares, des titres live, etc. Putain, mais c’est génial quand même ! Je n’ai plus aucune utilité de me rendre au disquaire du coin, qui n’aura de toute façon pas ce que je cherche… Grâce au streaming, tu peux aussi voir ce que les gens aiment actuellement, les morceaux les plus écoutés, etc. Il faut s’y faire : on est devenu une société à la demande. Tu en connais encore beaucoup toi des gars qui vont louer des DVD ? (rires).

Revenons à votre nouvel album : lors du processus d’écriture, penses-tu déjà à l’impact que pourrait provoquer un morceau lors de son interprétation en live ? Je pense notamment à « Kaleidoscope », qui semble être taillé pour la scène !

... bonne question. Je n’en ai vraiment aucune idée. Tu sais j’écris et j’enregistre les chansons comme elles me viennent et je ne pense pas vraiment à sa transposition sur les planches. Mais c’est marrant que tu évoques ce titre car la façon dont on l’a enregistré, et tout l’album d’ailleurs, était vraiment neuf pour nous. Comme d’habitude, on a répété près du studio d’enregistrement, là où on avait notamment mis en boîte « The Blackening ». Mais dès qu’on disposait de trois pistes, on filait au studio, on les enregistrait en une prise ou deux et puis on ressortait tout aussi vite. Pas question pour la circonstance de rester enfermés des semaines entières afin d’arranger telle ou telle partie de chanson pour qu’elle sonne idéalement. En se servant de ce système, on avait à peine joué les riffs quelques fois qu’ils étaient déjà dans la boite ! Ce qui insuffle aux compos une incroyable énergie. On ne les a pas répétés cent fois avant, on fonce et on y va ! Tu sais, particulièrement dans le Metal, il n’est pas rare –voire même fréquent– que la démo soit meilleure que la version finale, car elle conserve précisément cette énergie et cette spontanéité ! Et justement, pour « Kaleidoscope », c’était la toute première fois qu’on l’interprétait en entier, notamment au niveau des paroles. Je tenais ma feuille sur laquelle figurait les lyrics en main pendant que je les chantais et c’était à peine si je savais suivre ! Et rien à faire, ce côté spontané, on le ressent ! On a essayé ensuite de la réenregistrer mais les prises suivantes n’ont rien donné du tout. On perdait alors cette tension où tout pouvait déraper. Après… c’est toujours facile de tout lisser en se servant de logiciels tels que Cubase ou ProTools. J’adore pourtant ces logiciels, mais la perfection n’entre pas dans l’esprit du Metal. On a donc ici expressément voulu laisser quelques imperfections sur cet album.

… et puis,  le Metal n’a de toute façon jamais été quelque chose de parfait !

Tout à fait ! Et justement, c’est ce qui est génial : c’est un beau bordel. Mais il n’empêche pas notre nouvel essai de bénéficier d’une grosse production. On voulait qu’il soit imposant et épique. Et aussi cinématique ! C’est un film !

Peux-tu finalement réserver quelques mots l’artwork de Catharsis ?

Une fois qu’on est tous tombé d’accord sur le nom de l’album, on a imaginé différentes manières pour l’illustrer. Il s’agit d’un concept qui n’est pas si évident à mettre en images… Après quelques recherches sur Internet, j’ai découvert une photo représentant un corps recroquevillé en sang et entouré de roses. L’idée me semblait simplement géniale ! Je l’ai donc transmise aux autres membres du band. Ils ont tout de suite aimé ! J’ai demandé au gars qui avait réalisé cette photo, s’il pouvait nous en recréer une dans le même style. Mais… il m’a répondu que si je l’aimais, je pouvais la prendre et m’en servir ! On a donc ensuite réalisé avec lui un shooting dans le même esprit, afin de compléter l’artwork. On a envoyé le tout à Nuclear Blast et les responsables du label nous ont informé qu’ils allaient imprimer un livret de 24 pages ! Ce booklet me tient à cœur. Quand on l’ouvre, on ne tombe pas simplement sur les paroles. Ce n’était d’ailleurs pas mon souhait. Je veux qu’elles soient immergées dans notre monde et qu’on la fasse voyager !

Interview réalisée le 25 octobre à Bruxelles.

Merci à Jaap (Nuclear Blast) !

RIVE

Complices dans la musique comme dans la vie…

Écrit par

Treize années déjà que le Centre culturel de Soignies organise son ‘Août en éclat’. Gratuit et pluridisciplinaire, ce sympathique festival se déroule dans le centre historique de la ville.
Un évènement qui fédère à lui seul une vingtaine de spectacles. Outre ceux consacrés à la musique, il accueille un village des enfants, un marché du monde et des saveurs ainsi que des animations de rue.
Votre serviteur se dirige tout droit vers les loges de Rive, binôme électro pop sexué, découvert en novembre 2016 à Frasnes-lez-Anvaing dans les locaux de la Cense de Rigaux, un ancien corps de ferme gracieusement réhabilité, avec goût et raffinement…
Un véritable coup de cœur !
Formé en 2015, le tandem s’est rapidement illustré en décrochant des prix au dernier Franc’Off de Spa ainsi qu’au Bota, dans le cadre du concours ‘Du F. dans le texte’…
Plutôt populaire dans le plat pays, le tandem vient tout juste d’achever une prestation dans le cadre du festival ‘Les Solidarités’, à Namur… Il reste très en verve malgré une fatigue légitime…

Vous avez l’un et l’autre évolué au sein de projets plutôt rock. On pense notamment à ‘Juke Boxes et Arthur’. Aujourd’hui, vous formez un binôme éléctro pop en proposant des textes dans la langue de Molière. C’est un sacré changement, non ?

J. : Notre projet a pris forme, fin 2015. Nous écoutions pas mal d’électro auparavant comme celle proposée par Moderat ou Breton. Virer vers ce style musical s’est opéré assez naturellement. Quant aux textes, ils sont dans notre langue maternelle, parce qu’elle est agréable autant à parler qu’à écouter. Elle offre une palette de nuances tant dans le sens, que dans l’interprétation. Je pense que c’était un bon choix. Nous n’en retirons que du positif !

Si cet idiome permet d’insuffler davantage de subtilités dans le texte et le chant, il est plus difficilement exportable que l’anglais… Est-ce une manière de privilégier l’artistique au détriment du marketing ?

J. : Je partage ton avis ! Le français permet effectivement de faire passer davantage de subtilités. Chanter dans la langue de Voltaire nous a probablement ouvert plus d’opportunités. Nous avons ainsi joué en Suisse. Les gens ont accroché assez vite au concept. C’est très agréable. Je suis à chaque fois surprise d’un tel engouement ! Nous devrions décrocher quelques dates au Québec. En France également. Il n’y a aucune préméditation de notre part. Nous avons mené à bras le corps ce projet, sans penser une seule seconde à l’aspect stratégique ou marketing. Ne perdons pas de vue que le français s’exporte aussi. Tu sais, nous ne sommes pas les seuls à avoir fait ce choix. J’ai même l’impression que, depuis quelque temps, une nouvelle scène francophone prend progressivement forme. La Femme, en est un bel exemple. Je suppose que la formation parvient à tourner dans des pays non francophones…
K. : Personnellement, je m’en fous complètement. J’ai la chance de pouvoir faire de la musique que j’aime. Le reste n’a pas d’importance…

Lorsqu’on choisit de chanter en français, il est souvent aussi difficile de trouver un compromis dans la manière de poser les sons, la musicalité et les textes. Or, à l’écoute de votre Ep, l’équilibre est atteint. La patte de Rémy Lebbos ? Comment cette collaboration est-elle née ?

J. : Nous avons coopéré sur d’autres projets auparavant. Nous avions apprécié sa vision du travail. Nous lui avons apporté nos arrangements et lui est parvenu à magnifier le tout intelligemment. Que demander de plus ? Il est très précis et rigoureux dans son approche. Il comprend très vite le niveau d’exigence des artistes. C’est aussi un personnage haut en couleur, humainement. Nous sommes vraiment satisfaits du produit fini. Et pourquoi pas une nouvelle collaboration dans le futur ?

Il y a quelques années, Kévin, tu t’es rendu en Angleterre pour y monter un projet. On ressent dans la musicalité de Rive des relents anglo-saxons. Est-ce que ce voyage a façonné la façon dont tu conçois la musique ? Cette filiation s’est-elle dessinée naturellement ?

K : J’ai découvert la chanson française pratiquement à la naissance de Rive. J’en écoutais très peu. J’ai baigné dans la culture anglo-saxonne grâce à cette sonorité particulière et l’émotion qu’elle véhicule à travers l’instrumentation. Si tu écoutes attentivement nos compositions, tu te rendras compte de la dualité permanente entre la puissance de l’électro et la douceur des mélodies. Les textes ont du sens et recèlent ci et là quelques jolies métaphores. Juliette a énormément de talent !
J. : Les textes poétiques et ouverts étaient notre leitmotiv. J’ai par contre remarqué qu’ils pouvaient connaître parfois un double sens, ce qui n’était absolument pas prémédité. Par exemple, « Nuit » parle de toutes celles qui ont mené des combats féministes dans les années 70 afin de se réapproprier la sphère publique. Pour moi, le message est très clair. J’en ai parlé il n’y a pas très longtemps dans une interview. Des amis l’ont écoutée et m’ont avoué n’en avoir pas saisi le message. Mais, tant mieux ! Au final, chacun crée sa propre histoire.

Les événements se sont précipités pour vous. Rive est né en 2015. Vous remportez douze prix au dernier Concours ‘Du F. dans le texte’ en mars 2016. Un premier Ep est salué par la critique. Est-il plus stimulant d’avancer dans un projet en réalisant des objectifs à court terme ?

K. : Participer à ce concours a été le détonateur de notre carrière. Nous venions de réaliser un titre en studio. Nous l’avons envoyé et avons été sélectionné à notre grande surprise. Même si nous en rêvions, nous ne nous y attendions pas. Nous nous sommes retrouvés au pied du mur en quelque sorte. Nous n’avions d’autres choix que d’avancer. Et pour y parvenir, il fallait bosser dur. Les efforts ont payé ! Nous avons gagné les demi-finales et ensuite la finale. Nous avons raflé douze prix au total, ce qui n’est pas mal quand même. Nous étions assez fiers de nous. Ce succès inespéré nous a encouragés à poursuivre encore et toujours dans cette voie. Ce concours nous a permis aussi de rencontrer du beau monde avec lequel nous travaillons et de te parler, par exemple, aujourd’hui. Cette aventure est merveilleuse…
J. : Aujourd’hui, la dynamique de travail que nous nous sommes fixée nous permet d’anticiper. Nos échéances restent sur le court et le moyen terme. Pas le long terme, car le monde de la musique est tellement instable qu’il est difficile de s’y projeter dans le futur. On essaie d’avoir un maximum d’actualités aussi. Ce qui nous permet au moins de rester positif par rapport à ce que l’on fait et de continuer à travailler le plus fidèlement possible !

Vous venez de m’expliquer que participer à un concours, comme celui ‘Du F. dans le texte’, sous-entend un investissement personnel important : l’enregistrement d’une démo, tenir vingt minutes devant un jury d’experts et trente pour la finale. Aviez-vous une ligne de conduite tracée en terme de dynamique ?

J. : Pour être franc avec toi, nous n’avions que peu de dynamique de travail. On s’intéressait aux sorties d’albums et aux concerts. Nous avons connu des hauts et des bas. C’est le propre de tous les musiciens, je crois. Ce qui est chouette dans ce projet, c’est que nous n’avons pas eu de temps mort jusqu’à présent. A vrai dire, nous avons toujours vécu dans l’urgence. Produire un set de vingt minutes, de vingt-cinq ensuite, de trente et enfin de quarante-cinq. Ici, on sait qu’on doit tenir au-delà d’une heure. Ce n’est pas évident. Il n’y a pas vraiment de latence. Il y a toujours du travail et du coup, on garde toute l’énergie nécessaire… 

Le contraste est étonnant. Juliette incarne le côté ouaté de la formation par la douceur dans le grain de voix, une ligne mélodique sulfureuse et une pointe de mélancolie. Et Kévin, ton drumming est plutôt tribal. Sur scène, la magie opère. Comment vous définiriez-vous l’un par rapport à l’autre ? Complices ou complémentaires ?

J. : Pour moi, il y a les deux sans aucun doute !
K. : Je pense qu’effectivement, il existe de la complicité et de la complémentarité. Ca ne fait aucun doute. Rive est un projet commun ! On compose ensemble, on s’occupe des arrangements, des mélodies, etc. Nous avons chacun un rôle à jouer sans la moindre rivalité. Juliette et moi avons vécu nos chansons en amont au moment de leur confection dans notre home studio. Tu nous as déjà vus en concert, tu as donc remarqué que c’est sur scène qu’elles s’expriment véritablement. Ma batterie me procure un côté instinctif, voire animalier. Lorsque je suis face au public, je vis pleinement les compositions. J’ai parfois l’occasion de voir mes prestations en replay, je le conçois, j’exécute de drôles de gestes. Et alors ? Ca me fait plutôt rire ! Je te rassure, dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un de très calme et posé…
J. : Nous sommes assez complices dans la musique, mais aussi dans la vie. Il y a plus de dix que l’on se connaît. Ici, on vit en colocation, c’est pour te dire… On se voit donc tous les jours. Ca aide ! C’est même plutôt une chance. Nous sommes assez complémentaires aussi. Je m’attache aux mélodies, aux paroles et à l’aspect des chansons. Kévin, lui, se consacre davantage aux arrangements. Il n’y a aucune compétition entre nous. Les tâches sont bien réparties. C’est très agréable de travailler de cette manière…

A votre avis, la mouvance electro pop/dream pop dresse t-elle un pont entre les musiques du passé et une véritable modernité ou alors doit-elle être perçue comme un fossoyeur du rock’n’roll ?

K. : Je ne pense pas qu’il faille voir les choses sous cet angle. C’est l’époque qui veut ça. Aujourd’hui, il y a plus de techniques et de technologies qu’auparavant. Les musiciens aiment expérimenter. Certains de nos titres regorgent d’arrangements, d’autres moins. En tous cas, nous pouvons sans problème les adapter en piano/voix.
J. : Sur les planches, il y a une batterie, une guitare et un piano. Nous restons attachés aux instruments. Nous aimons en jouer, c’est sûr ! Je partage l’avis de Kévin, quand il affirme que tenter de nouvelles expériences peut devenir très vite agréable. A la maison, nous disposons de matériel assez minimaliste qui ne nous coûte pas très cher. Juste un ordinateur et une carte son. Ce qui nous apporte plus d’autonomie. On prend le temps de chercher et de composer à notre rythme. On reste assez libre…

« Vermillon » a été financé par la plateforme de crowdfunding ‘Kiss Kiss Bang Bang’. Est-ce que le financement participatif est devenu une formule inéluctable aujourd’hui ?

J. : Non, ce n’est pas un passage obligé. Chacun finance ses projets comme il le sent. Ce métier est difficile. Des moyens financiers importants sont exigés. Pour ma part, je crois qu’il faut vivre avec son époque. J’estime qu’il faut considérer cette démarche comme une prévente, nous assurant au moins d’écouler quelques albums.
K. : Se produire en duo rend forcément la part contributive de chacun plus importante. Lorsque tu milites au sein d’un quintet par exemple, ce sera de facto plus facile parce que l’investissement par tête de pipe sera moins important mathématiquement. D’où cette idée du crowdfunding.

Sur cette plateforme, le don maximal (850€ ou plus) donnait droit notamment à un concert privé chez le donateur. Avez-vous obtenu le succès escompté ? Dans l’affirmative, combien de concerts ont été accordés sous cette forme ?

J. : Nous n’avons pas eu cette chance (rire). Le projet était encore peu connu. Nous n’avons donc pas eu le succès escompté (rire).

A propos de l’artwork, que représente la symbolique du corps modelé ‘Renaissance’ et le bateau à la place de la tête ?

J. : Il faut appréhender ces éléments sous l’angle du contraste. Le corps de cette femme au buste corseté représente l’enfermement, tandis que le bateau, lui, tend vers l’imaginaire et le rêve. Tu as envie de crier ‘Allons à l’attaque, larguons les amarres’. Une jolie manière d’aborder la vie en quelque sorte…

Le clip de la chanson « Vogue » vous a propulsés auprès du grand public en cumulant plus de 115 000 vues sur Vimeo. Le clip réalisé par Julie Joseph évoque le même contraste que la chanson. Aviez-vous des idées bien définies sur le sujet ou lui avez-vous laissé carte blanche ?

K. :  Julie était notre colocataire. Nous avons vécu ensemble et sommes restés très proches. Nous avons vraiment démarré le projet ensemble. Nous à la musique et elle à la réalisation du clip. C’était une chouette collaboration !

Vous étiez déjà bookés dans certains festivals avant même la sortie de votre premier Ep. Au final, vu la crise que traverse l’industrie musicale, les concerts ne sont-ils pas plus un environnement et le disque un prétexte ?

K. : Les programmateurs avaient écouté les morceaux préalablement. Je pense que le disque est important en tant qu’objet. Nous y avons mis tout notre cœur. Il s’agit donc d’une carte de visite à ne pas négliger. Lorsque nous jouons en live, la dynamique est différente. Les gens qui ne te connaissent pas nécessairement viennent te voir et apprécient ou pas, l’univers musical dans lequel tu tentes de les porter. Je dirais que le disque et les concerts se complètent assez bien. Quitte à choisir, nous préférons quand même la scène…

Vous êtes d’origine française ! La Belgique est souvent perçue de l’extérieur comme un pays surréaliste à bien des égards. Comment percevez-vous cette assertion ?

K. : C’est drôle que tu poses cette question parce que nous en discutions justement tout à l’heure dans la voiture. La Belgique est un pays qui accueille énormément de festivals. Le public est réceptif et sympa en général. Il existe aussi pas mal d’échanges entre les groupes. Nous avons découvert de belles choses depuis que nous y sommes. Je trouve qu’on a beaucoup de chance de vivre et de jouer dans ce pays…

La mode est aux reprises iconoclastes. Il y a quelques minutes, sur scène, vous avez formidablement repris un titre de Léo Ferré. Là maintenant, si vous deviez tenter à nouveau le coup, quelle chanson choisiriez-vous ?

K. : En ce qui me concerne, j’aimerais reprendre un titre de Françoise Hardy. J’adore cette artiste. Juliette l’ose parfois et sa version lui va très bien.
J. : Avant de reprendre un morceau, il faut déterminer ce que l’on peut y apporter. Il faut pouvoir accomplir les tâches étape par étape, sans se précipiter. D’abord l’aimer et ensuite lui apporter une plus-value, sans quoi l’exercice risque d’être inutile…

FùGù Mango

Le travail de composition doit être rapide, sinon, ça ne fonctionne pas…

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Souvenez-vous ! Jean-Yves et Vincent Lontie s’étaient d’abord illustrés au sein de Bikinians. Deux Eps, publiés respectivement en 2008 et 2009 leur procureront d’ailleurs une critique impressionnante dans les pages d’un célèbre magazine français, qui les compare alors à Oasis et Supergrass. Les deux frangins fondent alors Fùgù Mango en 2013. En compagnie d’Anne Hidalgo (basse, percus, synthés) et Frank Baya (drums). Ce dernier a été cependant récemment remplacé par Sam Gysen. Depuis, la formation s’est davantage orientée vers une musique qu’on pourrait qualifier de cocktail subtil entre pop, afro et électro…
C’est dans le cadre de la treizième édition du festival ‘Août en éclat’ que la fratrie est venue défendre l’étrange déclamation d’amour « Alien Love », un arc en ciel brut, riche en émotions. Un entretien qui va s’avérer particulièrement chaleureux et sympathique…

Vous avez fait appel à du beau monde pour collaborer à l’enregistrement de votre premier opus, comme Luuk Cox (Stromae, Girls in Hawaii, Roscoe) et Alex Gopher. Peut-on affirmer aujourd’hui que Fùgù se donne le moyen de ses ambitions ?

V : On a beaucoup tourné pendant trois ans afin d’expérimenter les morceaux. Nous voulions vraiment marquer le coup en réalisant ce premier album. Raison pour laquelle nous nous sommes entourés des collaborateurs les plus pointus dans le domaine. A commencer par Luuk Cox, compositeur, producteur, interprète et multi-instrumentiste hollandais. Il a joué chez Buscemi et a formé Shameboy, en 2004, un projet de musique électronique éclectique. Son expérience nous a été fort utile.
J-Y : Luuk a une bonne connaissance de la musique des vingt voire même des trente dernières années. On en a conclu, que c’était une bonne idée de travailler avec lui. Nous avons enregistré à l’ICP de Bruxelles. C’était une très chouette expérience. Ce studio regorge d’instruments en tout genre : guitares, synthés, percussions classiques et autres. Luuk a l’habitude d’y bosser. Il est donc un peu chez lui (rires). On y a passé douze jours au total. Ensuite, nous nous sommes rendus en Angleterre pour le mix. Là-bas, nous avons reçu le concours d’Ash Workman qui a notamment bossé pour Metronomy, mais également Christine & The Queens. Puis, enfin, le mastering a été opéré à Paris par Alex Gopher, musicien et réalisateur artistique français de musique électronique.
V : Alex ressentait bien la pulse dans laquelle nous souhaitions nous diriger, ce mix de musique acoustique et électronique. Luuk et lui avaient déjà travaillé ensemble auparavant.

« Alien Love » est un titre surprenant pour un elpee. Par quel hasard, l’avez-vous choisi ?

V : C’est également celui d’un morceau de notre album. Sans doute le plus surréaliste. Il raconte l’histoire d’un alien qui débarque sur terre afin de suivre des cours dans le domaine de l’amour et le sexe. Au départ, il s’agit d’un délire que nous partagions auprès d’Anne (NDR : Hidalgo)…
J-Y : On estimait que la compo reflétait parfaitement le climat du disque. Ce choix nous paraissait assez évident. Ce qui me plaît dans cette chanson, c’est le mélange des genres : il y a de l’électro, beaucoup de percussions, des nappes de synthé, des claviers et des guitares. Elle est assez complète dans la sonorité. En outre, les voix de Vince et d’Anne se complètent à merveille.

Lors d’une interview, vous avez déclaré que vous étiez fans des accidents musicaux. Le départ de votre batteur attitré (Frank Baya) vous a amené à utiliser des percussions électroniques et à programmer certaines mélodies sur des machines, ce qui réduit la flexibilité au profit de la rigueur. S’agit-il d’une remise en question ou tous simplement de maturité nouvellement acquise, dans le processus musical ?

V : C’est une excellente question ! Lorsque nous avons réalisé cet LP, nous nous sommes fortement remis en question. FM devait évoluer ! Pas mal de sons samplés sont davantage disponibles aujourd’hui sur le net, ce qui élargit grandement notre champ d’action. C’est un travail de recherche qui nous a quand même pris entre six mois et un an. Le temps nécessaire pour dénicher ce qui nous plaisait vraiment. Tu parlais de maturité. Oui, je confirme ! Il en faut dans la composition et dans la maîtrise de celle-ci. Lorsque tu bosses en production, face à un ordinateur, tu es dans le ressenti. Mais quand tu crées une chanson, tu dois puiser dans ton expérience pour définir des directions ou des grooves. Certains morceaux ont bénéficié du concours de batteries électroniques. L’ICP regorge de petits bijoux technologiques. Les fûts traditionnels n’ont pas été oubliés pour autant. Au final, le rendu procure un produit assez riche et complexe…

Ces machines apportent une coloration très 80’s. Et parfois, difficile de ne pas penser à Fleetwood Mac. Une filiation que vous revendiquez ?  

V : Oui, effectivement ! C’est ce que Luuk nous a avoué de suite, au studio ICP, lorsqu’il a entendu les maquettes. Il était très content que nous l’ayons choisi parce qu’il apprécie beaucoup notre univers. Comme je te l’ai déclaré tantôt, c’est quelqu’un de pointu dans le milieu. Il nous a permis de partager son vécu en nous communiquant de belles références d’albums, et notamment « Rumours ». Personnellement, « Tango In The Night » m’a particulièrement marquée ; les sonorités de cette chanson sont géniales. Il nous a aussi conseillé d’écouter « So » de Peter Gabriel. J’ai découvert une sphère musicale qui m’était jusque là inconnue…

Si je puis me permettre, n’était-ce pas justement le jeu de Frank qui incarnait l’âme de Fùgù Mango ?

V : Frank a apporté beaucoup au groupe, c’est vrai. Au départ, c’est moi qui ai mis en place le set up de drums. Mais lorsque je les crée, les patterns ne sont pas vraiment adaptés pour les batteurs. Raison pour laquelle celui qui assure la rythmique sur FM doit faire preuve d’une grande souplesse parce que l’exercice n’est pas des plus traditionnels. Les beats sont désarticulés, si tu veux. Néanmoins, notre projet reste très ouvert et ludique. Celui qui se démerde un peu sur cet instrument pourrait facilement donner sa touche personnelle. Je ne pense pas que le gars aurait énormément de difficultés. En session live, Sam Gysen, notre batteur, a su faire preuve de tact et d’intelligence afin de conserver ce fil rouge particulier et unique.

En parlant de Sam Gysen, qui a notamment bossé pour Arno et Arsenal, comment l’avez-vous rencontré ? Est-ce que la passation de flambeau s’est déroulée sans heurts ?

V : Nous avons gardé des contacts avec Frank Baya. On ne s’est pas brouillés ! Il remplace d’ailleurs Sam dans son groupe de musiciens africains. La rencontre n’a rien de spectaculaire puisque c’est par l’entremise de notre ingé son que nous l’avons croisé. Ils sont tous deux originaires de Gand. Et le contact a été immédiatement excellent. Il était emballé par le projet. Mais outre Fùgù, il en mène d’autres. C’est un résident régulier du ‘Charlatan’, un bar à Gand. Il y mixe plus d’une fois par mois. Il est particulièrement connu en Flandre. Il aime faire danser les gens en live !

Généralement, on décide d’aller voir un groupe sur scène, après avoir écouté son disque. Le vôtre déclenche un processus contraire. De quoi être persuadé que celles et ceux qui vont l’acheter ou l’ont déjà acheté, ont d’abord assisté à un de vos concerts…

V : L’album est un aperçu de ce qu’on est. Les live sont plus vivants et énergiques. Explosifs même ! En enregistrant « Alien love », notre premier objectif était de combiner la pop des eighties à une certaine modernité. Je crois que c’est plutôt réussi ! Nous sommes assez fiers du produit fini. Il est agréable à écouter et dégage une énergie hors du commun…

Le début d’une longue série alors ?

V : Nous nous sommes remis à composer. Notre optique est la même : essayer de transmettre cette énergie d’ensemble.

Mais cet opus est-il suffisamment taillé pour le live ?

V : Il a été d’abord pensé pour le studio. Nous avons composé et enregistré dans notre home studio. La principale difficulté a donc été de l’adapter à la scène…
J-Y : Auparavant, nous travaillions de manière différente. Au début, les idées émergeaient essentiellement de jams ou de morceaux rôdés en live. Pour cet album on a été davantage dans un travail de réflexion.

Une bonne musique naîtrait de la complicité entre ses musiciens. Vous confirmez ?

V : Jean-Yves et moi, nous sommes frères. Tu dois donc te douter que ce n’est pas facile tous les jours (rires). Je pense qu’il est important de créer, d’étonner les autres, de faire plaisir et d’animer, c’est la base d’une bonne dynamique de groupe. FM est très familial. On se connaît depuis pas mal de temps, ce qui rend le déroulement des opérations encore plus intenses. Tu sais, on n’a pas forcément besoin de se parler pour se comprendre. Il serait vraiment dommage que cette connexion nous échappe un jour. Mais, pour l’instant, on avance bien dans le processus de gestion du combo. On est parvenu à exploiter au maximum les qualités de chacun. On a ainsi évité de perdre du temps. Le travail de composition doit être rapide, sinon, ça ne fonctionne pas…

Vous avez commencé vos répétitions dans une cave sans fenêtres. Pour ce long playing, vous avez emménagé dans un studio à la campagne. Le single « Blue Sunrise » reflète justement cette sensation de liberté et d’évasion. Est-ce que ce nouvel environnement de travail a influé sur le développement créatif ?

V : Absolument ! On a beaucoup travaillé l’été, ce qui a rendu les conditions de travail, plus agréables. Je dirais que cet environnement a sans doute contribué à la couleur de notre disque, même si la partie studio était forcément plus confinée.
J-Y : Bénéficier d’une vue magnifique donne des ailes effectivement. Les idées deviennent tout de suite plus simples. Je crois que c’est important pour favoriser la créativité. Lorsque tu regardes par la fenêtre, tu contemples de grands espaces. Tu te sens libre. Ce qui est sympa dans ce genre d’endroit, c’est que tu peux prendre ta gratte et riffer tranquillement sur la terrasse quand tu veux. Tu rentres dans une sorte de bulle. Une transe qui peut durer plusieurs heures…

Vous avez repris « Golden Brown » des Stranglers, un standard musical qui permet sans doute de se faire connaître plus facilement en touchant un public plus large. Est-ce qu’il s’agit d’un ‘one shot’ ou peut-on imaginer un exercice du même style dans le futur ?

V : On a déjà repris un titre de Noir and Haze qui s’intitule « Around », dans le passé. Une chanson qui avait été d’ailleurs interprétée par Solomun. Cette question est une pure coïncidence parce que figure-toi que nous venons récemment de franchir un nouveau cap. En fait, on s’est attaqué à un standard du rock français, « J’aime regarder les filles » de Patrick Coutin. Mais oui, ces deux reprises, on les joue parfois en soirée et elles plaisent au plus grand nombre.
J-Y : La compo de Coutin est très psyché rock. On a vraiment voulu la redynamiser. A l’instar de « Golden Brown », qui n’a rien à voir avec la version originelle. C’est cet écart qui rend l’exercice périlleux. Mais, ces versions resteront toujours une belle expérience.
V : Oui, ce sont des compos d’une puissance inégalable. C’est comme si tu étais au volant d’une voiture confortable. Tu roules et tout va bien (rires). J’aime cette métaphore !

Vous baignez dans l’univers de la musique depuis plus de vingt ans maintenant. Cette longévité vous permet-elle de prétendre à une certaine crédibilité sur la scène belge ?

V : Je dirais plutôt que cette longévité a fédéré petit à petit une masse de gens autour du projet ! Cette notoriété ne s’est pas construite du jour au lendemain. Nos tournées s’étendent aujourd’hui au-delà de la Belgique. On a un label en France et on y accomplit des tournées. Mais pas que ! En Allemagne aussi. Parmi les autres pays étrangers dans lesquels nous avons eu la chance de se produire, je citerai la Croatie, l’Italie et la Slovénie. Ces périples sont nécessaire, si tu veux vendre ton produit. En Belgique, nous avons été beaucoup aidé par Paul-Henri Wauters, le programmateur des Nuits Botanique. Il nous a ouvert pas mal de portes. Mais, une réussite n’est possible que si le projet séduit les gens. Et c’est plutôt fâcheux, dans le cas contraire…

Quelques dates d’une tournée précédente ont été assurées en présence des sœurs BINTI (NDR : elles sont égyptiennes !). Ce qui a rendus vos compos plus douces et sucrées. Envisagez-vous de remettre le couvert prochainement ?

V : Oui, je te rejoins ! Je pense qu’une des filles est retournée en Egypte récemment. Nous avons encore des contacts avec elles. Nous les avons d’ailleurs revues lors d’une fête privée, il y a quelque temps. Non, pour être honnête, ce n’est pas au programme. A l’époque, elles devaient nous accompagner pour un seul show, au Bota. Les spectateurs ont accroché, on a donc décidé de réitérer l’exercice. C’était une expérience fabuleuse, mais il était compliqué d’assimiler tous ces nouveaux paramètres, sur les planches. On s’est rendu compte aussi que nous devions concéder tout un pan de notre dynamique ; mais, je persiste à dire qu’elles possèdent un talent inné. D’autre part, je pense que nous avons suffisamment d’objectifs à atteindre pour cette année. Le premier sera le visuel que nous souhaitons mettre sur pied, dans le cadre de notre spectacle prévu à l’Ancienne Belgique, en février prochain. Nous allons collaborer avec une boîte française. On va se relancer dans le DJing aussi. Mais dans un cadre plus ambitieux que nos tentatives précédentes. On souhaite communiquer davantage de sensations. Tout en conservant cet esprit festif…

 

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