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L'auteur, compositeur et acteur Thomas Mustin aka Mustii représentera la Belgique au Concours Eurovision de la chanson avec son nouveau titre « Before The Party's Over », un hymne à la vie, à la fois fragile et puissant. Le titre –comme la vie elle-même– est…

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Le 7ème art soviétique inspire Bodega…

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The Afghan Whigs

Fan des Supremes…

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Groupe marginal au sein de l'écurie grunge Sub Pop, Afghan Whigs a publié un album superbe, profond, un brin cérébral et surtout totalement hors mode. Intitulé "Gentlemen", il est salué partout comme une des réussites de 1993. Une oeuvre qui relève presque exclusivement de Greg Dulli, chanteur, guitariste et leader du quatuor de Cincinnati. Fan de soul-music, il voue un culte aux Supremes : il a même poussé le détail jusqu'à copier le logo et le label de Tamla Motown sur les T-Shirts du groupe. Greg Dulli fait le point entre deux bouffées de Camel…

On raconte que lorsque vous avez terminé l'enregistrement de l'album, le bassiste a crié au suicide commercial...

Je crois que c'était une plaisanterie, mais il est vrai que sur ce disque, on laissait tout à fait tomber notre côté grunge pour nous lancer sur une piste très personnelle et complètement différente. Et je dois avouer que je suis surpris par le succès de l'album! J'imaginais que ce serait plutôt un disque culte. Il y a beaucoup de chansons lentes, plutôt du genre à écouter attentivement, assis. J'en avais un peu marre comme chanteur d'être en compétition avec les autres instruments ; je voulais un album où les textes aient plus d'importance. J'y ai toujours accordé beaucoup d'attention ; mais ici je voulais qu'ils soient cette fois le plus intelligible possible.

C'est un album autobiographique?

Certaines chansons ont été inspirées par le film "One from the heart" de Francis Ford Coppolla. Le reste vient de mon imagination et aussi de ma vie ; dans certaines chansons, il y a des histoires qui me sont à peu près arrivées.

Tu as enregistré cet album dans une période assez dure, une période de déprime?

Oui un hiver particulièrement froid. Le groupe était en stand-by et je sortais d'une longue relation amoureuse. J'ai passé l'hiver enfermé dans ma chambre à écrire des chansons et à boire. J'ai aussi lu ce bouquin "The lost Week-End" de Charles Jackson, un livre plutôt sombre. Cette histoire d'alcoolique qui ne parvient pas à décrocher et qui vit une histoire d'amour assez difficile, m'a beaucoup touché.

Y vois-tu une nouvelle preuve que les meilleurs oeuvres sont créées dans les périodes les plus douloureuses ?

Oui et non, d'un côté je le crois mais d'un autre, j'ai entendu tellement de bons disques qui ne sont pas marqués par la douleur. Comme "Neverrnind" de Nirvana par exemple ou "Last Splash" des Breeders. Ce ne sont pas particulièrement des disques sombres. Il en existe des tas qui sont inspirés par la joie et le bonheur. Ceux des Staple Singers ou d'Al Green par exemple. Mais il est probable qu’écrits dans des périodes sombres, ils soient plus profonds. Il doit y avoir une voix au fond de toi-même qui te dit d'analyser ta vie.

Es-tu tenté par l'écriture d'un livre ou d'un scénario?

Je suis plus tenté par l'écriture d'un scénario que par un bouquin. Cet exercice me prendrait trop de temps et je suis un peu trop paresseux. Un film exige beaucoup de temps également, mais là j'ai une petite expérience : j'ai écrit quelques scripts et réalisé quelques courts métrages quand j'étais au collège et à l'université. J'ai réalisé trois courts métrages l'an dernier et j'ai co-dirigé la plupart des vidéos que nous avons tournées.

Te sens-tu proche du nouveau cinéma underground américain, de gens comme Hal Hartley ?

J'aime beaucoup Hal Hartley mais je suis surtout très fan des frères Cohen. Ils sont les plus doués de leur génération et sont quelques têtes au dessus de tout le monde.

Avant de rejoindre Elektra, vous apparteniez à l'écurie Sub Pop où vous étiez un peu atypiques…

Ils étaient les seuls à vouloir nous signer! (rires) Nous avons sorti notre premier disque nous-mêmes, en 88. Après, en 89, Sub Pop et Rough Trade nous ont appelés. On a choisi Sub Pop car on savait que Rough Trade rencontrait des problèmes financiers. Et aujourd'hui, on est chez Elektra, parce qu'ils ont toujours signé des gens un peu bizarres, hors normes, comme les Stooges, MC5, Love, les Doors, Joni Mitchell, Television et maintenant les Breeders, Frank Black, Ween... C'est un label plutôt aventureux. Bien sûr, ils hébergent aussi Metallica et Motley Crüe... pas vraiment mon truc ! Quoique les autres membres du groupe soient tous fans de Metallica. On n'a pas toujours les mêmes goûts. Je suis plus r'n'b ou dance-music que mes partenaires qui écoutent surtout du hard-rock. C'est peut-être ce qui explique la particularité de notre son.

Tes références, ta culture musicale sont assez différentes de la moyenne des artistes rock. Tu cites plus volontiers les Supremes que les Rolling Stones…

Oui, les Supremes sont sans doute mon groupe préféré de tous les temps. On a repris deux de leurs chansons sur un mini-LP et on les joue de temps en temps sur scène... En fait, à Cincinnati, la scène soul et rhythm’n'blues était assez développée et ma culture musicale s'en ressent évidement. J'ai grandi en écoutant les radios locales qui diffusaient beaucoup de r'n'b et de soul, impossible d'y échapper. Le punk est arrivé très tard à Cincinnati, très, très tard. Ma mère m'emmenait chez le disquaire, quand j'étais môme, et le premier disque que j'ai acheté était un single des Jackson 5.

Dans ces conditions, comment en es-tu arrivé à t’intéresser au rock ?

Quand je me suis fait jeter du collège, je suis parti en Californie pour étudier la comédie. Je travaillais en même temps dans un magasin de disques, ce qui m'a permis de découvrir pas mal de trucs. Je ne jouais pas de guitare, ni quoi que ce soit à l'époque ; je n'ai commencé à m’y consacrer que vers 19/20 ans. C'est la scène de L.A. qui a provoqué le déclic. J'allais voir beaucoup de concerts et des gens comme Dream Syndicate ou Rain Parade m'ont impressionné. Je n'avais pas du tout connu le mouvement punk et j'ai découvert cet esprit sur le tard grâce à Hüsker Dü, Violent Femmes ou The Replacements. Hüsker Dü me rappelait les Who, dont j'étais très fan lorsque j’étais gamin. J'ai senti la connexion et j'ai accroché.

C'est toi qui reprends la voix de John Lennon dans la B.O. du film "Backbeat" qui raconte l'histoire de Stu Sutcliffe, le premier guitariste des Beatles. On y retrouve la crème du rock américain. Comment as-tu fait pour te retrouver dans ce projet?

Don Was m'a appelé pour me proposer de reprendre la voix de John Lennon. J'ai d'abord cru que c'était une blague. Et puis quand il m'a précisé la liste des figurants qui allait participer au tournage, je n'ai pas pu refuser, j'étais fan de tous les autres: Mike Mills de R.E.M., Dave Grohl de Nirvana et Thurston Moore de Sonic Youth. On s'est vraiment bien marrés à le faire. En général on s'asseyait derrière un gros K7, on écoutait la chanson, on buvait un coup. Puis, on allait en studio pour l'enregistrer. On revenait écouter une autre chanson et ainsi de suite. L'idée était de retrouver la spontanéité et la naïveté des Beatles à leurs débuts. Ce qui comportait quelques risques ; mais qui refuserait de tenter un telle expérience ? J’ai ainsi pu jouer avec quelques-uns des types que j'admire le plus: il y avait aussi Henry Rollins, Don Flemming de Gumball et Dave de Soul Asylum. Une sacrée expérience. Et puis le film est vraiment très bien, je suis fier d'y avoir participé.

(Article paru dans le n°20 du magazine Mofo de février 94)

 

Black Sabbath

On prend les mêmes et…

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Black Sabbath vit actuellement une situation paradoxale. D'une part, ce dinosaure n'est plus trop sacré dans le monde du heavy-metal (même s'il ne faut tout de même pas oublier tout ce qu'il a apporté au genre depuis ses débuts en 69). Mais d'autre part, il est actuellement crédibilisé par les pointures les plus imposantes de la vague grunge déferlante –les Nirvana et compagnie– qui vouent à Tony Iommi et ses acolytes un vrai culte et l'avouent publiquement.

Cependant, d'un point de vue strictement commercial, Black Sabbath accumule les pirouettes et les échecs commerciaux avec une sidérante régularité : pas moins de cinq chanteurs différents ont occupé le poste de front-man du groupe depuis 82! Il y a eu Ian Gillan, Glenn Hughes, Ray Gillen, Tony Martin, Ronnie James Dio (2ème épisode) et, enfin, Tony Martin pour un retour, lui aussi ! On ne compte pas l’‘épisode Ozzy’, annoncé de retour au bercail, avant que l'histoire –est-ce réellement étonnant ?– ne tourne à la confusion et au ridicule. Résultat : B.S. ne cesse de voir son étoile pâlir aux yeux d'un public heavy qui semble se désintéresser de son cas. A la fois ‘in’ et ‘out’, le combo vit actuellement, un épisode (un de plus !) crucial dans sa carrière. Possède-t-il les moyens de mener ce défi à bien ? Sans doute, si on s'en réfère uniquement aux critères musicaux et, donc à son nouvel opus. ‘Cross Purposes’ vient de sortir chez EMI, et il est réellement fort bon. Pour le reste, l'avenir nous apprendra si le quatuor peut tirer un maximum de bénéfice de cette ‘bonne œuvre’ et si le public choisira de redonner un peu de crédit à un ensemble qui a, depuis 10 ans, pas mal joué avec ses nerfs.

« La situation n'a pas été très claire au sein du band, au cours de ces dernières années », admet Tony Martin, chanteur méritant réintégré après le second départ de Ronnie James Dio (auquel il avait été contraint de laisser sa place, il y a trois ans). Et d’ajouter : « Je peux comprendre que les gens aient été un peu perturbés. Néanmoins, je pense aussi qu'il ne faut pas tout voir négativement. Black Sabbath a, au moins, eu l'occasion d'expérimenter quelque peu en travaillant en compagnie de chanteurs différents (NDR : cinq en dix ans!) Pour le public, ce n'était pas tout à fait inintéressant… »

Admettons. Mais il ne faut tout de même pas prendre les gens pour des idiots! Si Dio est revenu (pour l'album ‘Dehumanizer’ sorti en 92), ce n'était pour aucune autre raison que de tenter de renouveler le coup de ‘Heaven and Hell’. Si un rapprochement avec Ozzy a été entamé, après l'échec du second épisode Dio, c'était là encore, pour redonner une bouffée d'air frais à un groupe manquant cruellement de souffle. « Effectivement, je ne peux qu'admettre cette vision des choses » reconnaît Tony. « Mais ce sont des événements qui se produisent sans cesse et dans tous les groupes. Lorsque j'ai quitté Black Sabbath après l'album ‘Tyr’, c’était sous la pression de Tony Iommi et de Geezer Butler qui souhaitaient tenter l'aventure Dio. Que pouvais-je faire d’autre ? Bien sûr, je n'avais pas l'impression d'avoir démérité ; mais je comprenais leurs motivations. Et je n'avais pas le choix! En réintégrant le groupe, récemment j'ai fait table rase du passé et je me suis remotivé pour repartir du bon pied. »

Mais quelle est la situation actuelle au sein de Black Sabbath? La réponse était évidente : « Excellente (ben tiens!). Nous brûlons d'envie de repartir en tournée et nous espérons vraiment que notre nouveau cd recueillera le succès qu'il mérite. C'est à mon sens le meilleur que Black Sabbath ait produit depuis un bon bout de temps. » Alors que peut-il bien apporter de bien positif par rapport aux réalisations précédentes? Tony argumente : « ‘Cross Purposes’ perpétue bien la lignée entamée par ‘Headless Cross’ et ‘Tyr’ jadis. J'estime aussi que ce disque affiche une formidable force mélodique et baigne dans des atmosphères puissantes. Je suis terriblement fier d'un titre tel que ‘Dying for love’ (NDR : effectivement excellent). Il est, en outre, la démonstration que Black Sabbath est toujours un très bon groupe. Je souhaite que le public s'en souvienne! » Pourvu que le statut de groupe-référence pour le mouvement grunge les y aide? Notre interlocuteur y croit : « Ben, pourquoi pas? Ce serait bien. Un juste retour des choses, en somme. Je souhaite en tout cas que cela donne envie aux jeunes amateurs de rock actuel de nous écouter. Black Sabbath a été une formation essentielle. Sincèrement, je pense que sur un plan musical, nous sommes toujours et même plus que jamais un groupe important. Je souhaite vraiment que nous soyons appréciés sur notre valeur intrinsèque. Bien sûr, la période complexe que nous avons traversée a un peu perturbé la confiance du public, mais j’affirme qu’il n’a pas nécessairement perdu au change ; et aujourd'hui on a l'occasion de redresser la barre. »

(Article paru dans le n°20 de février 94 du Magazine Mofo)

 

ZZ Top

Toujours peur qu’on mette le feu à ma barbe…

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Ils figurent, à l’instar de Léopold Il, le capitaine Haddock et Leonard de Vinci, parmi les barbus les plus célèbres de la planète. A tel point même que les barbes respectives de Dusty Hill et de Billy F. Gibbons sont devenues quelque chose comme des griffes, des images de marque, à la façon du cheval cabré de Ferrari ou de l'étoile de Mercedes Benz. Ces barbes, elles symbolisent peut-être, en fait, toute l'intelligence de ce trio (NDR : n'oublions tout de même pas que malgré son nom, Frank Beard n’est que moustachu) ; car conscient de l’impact grandissant de l’image, le combo s’est mis en tête, au début des années 80, de se servir de l’énorme impact planétaire provoqué par MTV…

ZZ Top a donc, alors, déclenché le mouvement, l'incroyable mouvement qui va l'emporter au sommet. Le duo de vieux guerriers (c'était déjà le cas à l'époque) et le batteur imberbe devenaient des monstres de popularité. "Antenna" –le titre de leur tout nouveau Cd– c'est un peu cette histoire. Une histoire qui traite d'une bande de joyeux rockers mangeurs de blues devenus célèbres en un rien de temps. Dusty Hill, le bassiste de Harley Davidson, s’est plié de bonne grâce à notre interview…

- Pour une fois, notre nouvel album est sorti en diffusion mondiale le même jour. Tant à Bruxelles, Buenos Aires ou encore Sidney. Un peu comme une antenne radio hyperpuissante qui diffuserait ses ondes sur toute la planète à la même seconde. Le phénomène de la radio nous a toujours captivés autant qu'il nous a d'ailleurs servis. C’est aussi la radio qui nous a appris, à Frank, Billy et moi-même combien nous pouvions être proches l'un de l'autre. Lorsque nous étions gosses, nous écoutions, sans le savoir bien sûr, la même radio mexicaine. Elle proposait des émissions très particulières et surtout des chansons que les autres stations ne diffusaient pas. Je me souviens encore de ces programmes blues que j'écoutais religieusement en pleine nuit. A l'époque, c'était mon paradis. Plus tard, j'ai découvert que c'était aussi celui des autres.

"Antenna" semble être un Cd un peu moins exubérant qu'"Eliminator". C'est un disque très mûr, très sûr, très posé. On a l'impression que depuis "Eliminator", vous pensez plus votre musique...

- C’est une fausse impression. Nous veillons justement à ne pas trop analyser le produit de notre création. Analyser son travail est utile, à partir du moment où on est capable de garder une certaine distance et de conserver sa personnalité. Notre musique doit continuer à véhiculer du plaisir, du fun, de la chaleur. Tu me dis qu"'Antenna" est un album mûr. OK, mais il est aussi un album naturel et direct. Nous avons utilisé moins la technologie pour ce cd que pour "Afterburner", par exemple. Nous voulions créer quelque chose de très frais, de très spontané. Néanmoins, nous avons beaucoup préparé, beaucoup lustré les chansons de l'album. Nous avons laissé, repris, relaissé, re-repris certaines chansons un bon nombre de fois. Tout simplement parce que nous estimions qu'il fallait qu'il en soit ainsi. Peut-être finalement, avons-nous mélangé spontanéité et réflexion?

Comment définirais-tu "Antenna"?

- Comme un disque de pur rock & roll très influencé par la musique blues. Mais c'est toujours l'aspect rock qui prime. "Antenna" est un Cd très guitare, très net.

Tu crois qu'il contient l'un ou l'autre gros hit?

- Impossible à dire ! Je ne suis jamais parvenu à prévoir ce type de phénomène. A l'époque où "Eliminator" est sorti, j'estimais seulement que "Legs" était un titre qui devait bien passer en radio. J'étais loin de me douter du tabac qu'il ferait et quelques autres chansons dans la foulée. Sérieusement, nous sommes incapables de nous installer confortablement et d'écrire avec certitude un hit single. Dès lors, pourquoi se compliquer la vie ?

Trois bonnes années entre chaque album, c'est devenu votre rythme depuis "Eliminator", vous avez vraiment besoin d'autant de temps pour enregistrer un long playing ?

- Tu rigoles? On n'arrête pas un jour ou presque. Bon, c'est vrai qu'on est lents, mais le truc c'est qu'on a toujours le chic de se lancer dans des tournées gigantesques. Nous avons accordé près de 240 concerts depuis la sortie de "Recycler". OK, on adore ça, on ne vit que pour ça. On prend un pied du tonnerre. Pour te dire: on ne se lance jamais dans une tournée parce qu'on a sorti un album, on sort un album pour pouvoir partir en tournée. C'est vraiment ça l'essence de notre vie.

Vingt-cinq années de carrière n'ont donc pas fait de vous des robots du business...

- Ha, ha ! Sûrement pas. On est restés les mêmes musicos amateurs. Comme il y a vingt ans. Sauf qu'on est un peu plus à l'aise financièrement.

ZZ Top était-il, à ton avis, tellement différent avant "Eliminator"?

- Pas du tout. On a accompli une très longue tournée en 76 et je me souviens m'être fait la remarque récemment : à l'époque, on était déjà prêts à connaître tout ce que nous avons vécu depuis "Eliminator". L'habillage de notre rock a quelque peu évolué mais c'est surtout l'aspect ‘image’, le côté visuel qui est devenu crucial. Mais nous sommes loin d'être le seul groupe qui ait connu cette évolution.

Au niveau visuel, vous avez élaboré quelque chose de spécial pour "Antenna"?

- Evidemment. Mais je ne peux pas en parler. Vous verrez bien.

Quelle serait ta définition du bon concert?

- Un concert où le public entrerait dans la salle, le sourire aux lèvres et l'envie de s'amuser ; et la quitterait avec le même sourire et le sentiment de s'être bien amusé. C’est pas plus compliqué que ça. On n'est pas là pour faire la morale ou éduquer les gens. Nous sommes des entertainers, des guignols, des mecs qui traversent des villes pour y mettre de l'ambiance.

Vous avez dû jouer "La Grange" et "Tush" des milliers de fois. Vous parvenez encore à les interpréter  sans vous ennuyer?

- Mais bien sûr. On le fait pour le public qui nous demande invariablement ces chansons. Et aussi pour nous puisqu'elles font partie intégrante de notre existence. Ces titres sont pour moi comme des chapitres de ma vie ; ils vivent en moi comme des organes.

Comment perçois-tu vos relations avec le succès, la réussite commerciale. Comment gérez-vous cette situation ?

- Nous ne sommes pas des flambeurs. On n'a jamais déconnecté. On a de la pression sur les épaules chaque fois qu'on pose nos fesses en studio mais c'est normal. Le musicien prétendant ne pas ressentir cette pression doit être un type qui n'a pas le sens des responsabilités. Parce que bon, à chaque fois, tu remets tout de même certains acquis en cause. Tu ne sais jamais vraiment comment les événements vont se dérouler.

Vous jouez très rarement en compagnie d'autres musiciens ; pourquoi?

- Bah, il faut qu'on en ait vraiment envie. On l'a fait avec Clapton. Trois concerts. En Angleterre. En faveur du mouvement SHARP (NDR : le ‘Self Help Addiction Recovery Program’) ; mais cela reste une exception. On était en studio quand Eric nous a appelés. Il nous a expliqué le projet et on a dit: ‘OK’. C’est tout !

Jamais, non plus, eu l’envie d'une escapade en solo?

- Pour quoi faire? Je me sens, pour ma part, à 100%, comblé par ZZ Top, alors pourquoi chercher ailleurs? J'exprime tout ce que j'ai envie d'exprimer au sein du groupe. Rien n'est plus important pour un musicien.

Tu peux décrire ta maison?

- J'en ai plusieurs. Je vais t'en décrire deux de manière à illustrer un aspect important de ma personnalité. Je possède une maison, en ville, qui est bourrée de technologie. Une maison très très moderne avec toutes les nouveautés en appareillages électroniques et gadgets divers. J'en ai aussi une autre en pleine campagne, à une heure de route de là. Une maison presque vide, au bord d'une baie très calme et douce, en bordure d'une route peu fréquentée et proche des terres où je peux faire galoper mes chevaux. Je m’y rends pour faire vrombir ma Harley, loin du trafic et des flics. Lorsque je suis en ville, je travaille. Mais je suis incapable de bosser à la campagne. Ces deux maisons sont très complémentaires. Je pense que la vie, en général, est comme cela pour beaucoup d'entre nous et chacun l'exprime, le matérialise à sa façon.

Tu t'occupes beaucoup de ta barbe?

- Non. Je la coupe juste assez pour éviter qu'elle gonfle trop (il se tâte les joues !) et qu'elle m'empêche de jouer de la guitare. Je n'ai pas de très longs bras !

Tu prends des précautions?

- Je ne demande jamais à personne d'allumer la clope qui me pend au bec. J'ai toujours peur qu’un inconscient foute le feu à ma barbe !

Tu as une basse fétiche?

- Ouais, une Telecaster qui date de 68, par là. Une merveille de basse géniale. Je dois en avoir 40 ou 50 ; mais c'est celle-là que j'aime !

Avant d'engloutir un bon cognac, Dusty nous dira encore que ZZ Top viendra jouer en Belgique en juillet. Il ne sait pas encore ni ou ni comment mais ce sera en juillet.

Article paru dans le n° 20 du magazine Mofo de février 1994

Steve Vai

Ce que tu fais est ce que tu es…

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Steve Vai a deux images. Il est, quelquefois, un fabuleux guitariste, ‘bras droit’ de Frank Zappa (au début des années 80), de Graham Bonnet (ex-Rainbow, MSG) au sein d'Alcatrazz, de David Lee Roth et aussi de David Coverdale (dans Whitesnake). Il y a pire comme parcours. Parallèlement, Steve Ciro Vai (né le 6/6/60 à Carle Place, New Jersey) mène aussi une carrière solo qu'il éloigne des tribulations médiatiques (‘Aucune de mes chansons solo n'a jamais été diffusée à la radio’, affirme-t-il) et des clichés hard-rock poussifs.

Je suis capable de m'adapter aux situations. Et j'ai envie de prendre du plaisir grâce à ce que je fais, de différentes manières. J'aime être un ‘simple’ lead guitariste dans un groupe ; c'est sain et agréable de pouvoir se concentrer sur son jeu et de prendre un méga-plaisir de musicien. Lorsque je gère moi-même un projet, lorsque je compose, que j'écris, j'arrange, et interprète mes propres morceaux, c'est bien sûr sensiblement différent. Là, je suis intégralement moi-même. Ce que je réalise, à travers mes albums solos, est l'expression de ce que je suis. Ma musique me ressemble, elle est moi. C'est normal, j'ai comme philosophie que ce que tu fais est ce que tu es.

Tu te sens parfois à l'étroit lorsque tu bosses comme guitariste pour un groupe ou un leader ?

Non, je sais pourquoi je suis là. Ce qu'on attend de moi. Et je fais le maximum pour que tout aille bien, je donne le meilleur de moi-même comme guitariste. Mais, je n'ai pas envie de me contenter de ce rôle.

"Passion and Warfare" et "Sex and Religion", tes deux plus récents CD solo, expriment un goût évident pour les contrastes. Tu te nourris de conflits?

Justement pas. Je tire simplement certains liens qui me semblent évidents entre des sujets qui peuvent paraître très éloignés les uns des autres. Je pense qu'il existe bien des points communs entre le sexe et la religion. Déjà, à l’origine, ces deux valeurs sont propres, pures. Ce sont les hommes qui les salissent. Les hommes ont inventé les guerres de religions autant que les agressions sexuelles. Intéressant à étudier : l'homme déforme tout. Au début, la religion est une question de foi. La vraie question, la vraie signification de la religion est, selon moi : comment faire pour trouver Dieu en soi ? Toutes les religions partent de ce même principe. Ce sont les hommes qui, au fil du temps, ont inventé les dogmes, les rites, et tout ce qui, finalement, éloigne de l'essentiel.

La religion serait donc un repli sur soi ?

Il faut chercher en soi la force de se détacher de toute une série de choses. Nous serons toujours agressés par la politique, la violence ou le racisme. C'est par la réflexion et par la découverte de certaines vraies valeurs qu'on parvient à s'éloigner de ces saletés. L'autre jour, en rue, j'ai été agressé par un type qui, m'ayant vu de dos et à cause de ma coiffure, m'a pris pour un black. En vivant cette situation, j'ai pu ressentir ce que doivent vivre les victimes de ce racisme idiot.

Tu as besoin d’être dans un état d'esprit particulier pour écrire?

L’inspiration naît naturellement. Je ne force rien. La base d'une composition vient toujours de je ne sais où. Suis-je, alors, dans un état d'esprit spécial ? Possible. Je n'en sais rien. Ce n'est pas très important. Ce qui compte, c'est que le résultat soit bon.

As-tu l'impression que le public comprend toujours bien ce que tu fais?

Ha, non, sûrement pas. Et il n'y a pas que le public. Je lis suffisamment de critiques de mes albums pour être persuadé que pas mal de journalistes n'ont pas pigé non plus.

Ta musique est très visuelle. Tu as déjà envisagé d'adjoindre l'image au son, par le biais d'une vidéo ou d'un film ?

J'adorerais pouvoir réaliser un long métrage. J'ai plein d'idées, plein, plein. Mais bon, un tel projet coûte énormément d'argent et mon audience n'est pas assez nombreuse pour faire naître un intérêt de la part d'investisseurs. Toujours le même problème...

Tes projets en cours?

Hum, hum. J'écris un concerto qui mettra en scène une foule de musiciens et d'instruments. Il y aura des parties de flûte, de clarinette, de corne anglaise, de baryton, de saxo, de trompette, de trombone, de tuba, de guitare, de claviers, de basse, de batterie, de percussions, de harpe, de violons, de contrebasse... Et donc plein de musiciens. C'est un projet imposant qui nécessitera au moins un an de travail pour deux heures et demie de musique. Si tout se passe bien, j'enregistrerai ce projet l'an prochain en compagnie d'un orchestre philharmonique. Je suis content de le réaliser ; j'y pensais depuis longtemps mais il fallait que je me sente prêt. C'est le cas, alors je plonge...

(Article paru dans le n°20 du magazine Mofo de février 1994)

 

 

Blur

Néo-mod / anti-mode

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A l'heure où bon nombre de ses compatriotes se tournent vers l'Amérique, Blur glorifie le patrimoine musical de son pays, l'Angleterre. ‘Modern Life is rubbish’, le 2e album du groupe, aborde les années 90 avec une imagerie presque désuète, célébrant la mémoire d'un passé recomposé pour l'occasion. Dans le sillage des Kinks, Small Faces, Jam et Smiths, le quatuor assure la pérennité d'un genre indémodable: la pop immédiate, harmonique, acidulée, teintée d'humour et de cynisme; l'expression la plus raffinée de l'esprit anglais. Rencontre avec deux brillants archivistes: le chanteur Damon Albarn et le guitariste Graham Coxon.

Damon prend la parole "Ce qui caractérise notre époque, c’est le recyclage des déchets pour en fabriquer d’autres. Si on étend cette considération à notre musique, on peut dire que Blur fait du neuf avec de l’ancien. La pop d’aujourd’hui n’est plus aussi révolutionnaire qu’il y a 10 ans, elle ne possède plus le même degré de créativité. Elle est devenue une institution, mais ça ne nous préoccupe pas trop."

Gardiens de la tradition

Pour mieux assurer son rôle de gardien de la tradition, Blur a décidé de ne rien laisser au hasard. Pas même l'image. Finis les jeans larges et les cheveux tombant sur les yeux, le quatuor affiche aujourd'hui un look néo-mod résolument anti-mode. Retour en arrière. Remarqué en 90 grâce à des mélodies sixties et des rythmiques dansantes, le groupe n'a pas hésité à monter dans le train baggy, au moment où celui-ci emmenait son chargement d'opportunistes vers des destinations inconnues. Acclamé par le public (NDR : baggy) mais descendu par la critique, ‘Leisure’, le premier album, n'est pas exempt de tous reproches, malgré sa fraîcheur (trop) évidente.

Damon poursuit : "On ne renie pas cet album mais il faut reconnaître que depuis lors, nous avons progressé. Nous n'avons pas régressé, du moins! On n'a pas vraiment pris le train en marche à l'époque, je dirais plutôt qu'on faisait notre apprentissage. On était conscients d'appartenir à une mode musicale, à la différence de plusieurs de nos contemporains qui ont réellement cru que le baggy ou la noisy allaient durer une éternité"

A la mort du baggy, Blur retombera sur ses pattes grâce à la vague noisy-pop à laquelle, il fut assimilé, un rapprochement qui doit plus aux fréquentations du groupe (musiciens, clubs branchés) qu’à son attitude… Damon et compagnie n’ont jamais pris leur pied à fixer leurs chaussures en jouant. N’empêche qu’à cette époque, ils n’en mènent pas large, l’alcool et la drogue aidant. C’est dans le courant de l’été 92 que s'amorce la métamorphose. En tournée aux Etats-Unis, les 4 Anglais on le mal du pays. De plus, ils ne supportent plus que le public américain les compare à EMF et aux Happy Mondays. C’est le point de départ d'une formidable remise en question. Les chansons du nouvel album, presque toutes écrites là-bas, portent les traces de cette amertume. Elles sont en quelque sorte des anticorps fabriqués pour éloigner toute influence US, ce qui explique leur couleur typiquement britannique.

"Sans changement radical. Blur n'avait aucun avenir", confesse Damon. "‘Leisure’ allait un peu dans toutes les directions pour n'aboutir nulle part. On s'en est rendu compte pendant la tournée qui a suivi sa sortie. On s'est vite lassés de ces chansons. C’est là qu'on a décidé de revoir notre copie. Qui plus est, lorsqu'on se trouve dans un pays étranger, on a t'occasion de s'interroger sur sa propre identité, Ensuite, on peut comparer. Plus de la moitié du dernier album a été composée aux Etats-Unis, on a ressenti le besoin de se protéger du dragon américain, incarné par son industrie musicale. C’est peut-être la raison pour laquelle ‘Modern Life’ dégage un parfum si ‘british’."

Et l'audace?

‘Modern Life is rubbish’ est un exercice de style magistralement exécuté (sous l'égide de Stephen Street (producteur des Smiths). Mais l’audace, direz-vous ? Les chansons, le concept et la pochette du disque (reproduisant une vielle locomotive à vapeur) trahissent un certain conservatisme empreint de nostalgie. Blur aurait-il étouffé toute volonté de révolte contre l’ordre établi?

Damon argumente : "Le grunge a remis à mode cette idée selon laquelle les enfants n'écoutent pas la musique de leurs parents, pour, soi-disant, affirmer leur personnalité. C’est un leurre: les parents écoutaient Black Sabbath, les enfants écoutent Soundgarden! Franchement, où est la différence? De nos jours le rock ne peut plus s’opposer à l'ordre établi, puisqu’il en fait partie. C’est un combat perdu d'avance. Dans l’expression ‘pop music’, pop signifie populaire". La pop n'a pas été inventée pour diviser les générations, mais pour les rassembler. Les vieux, les moins vieux et les plus jeunes devraient tous chanter ensemble. De toutes façons, les jeunes n'ont plus l'énergie pour être rebelles."

Coca colonisation

Si 92 avait été dominée par le rock US, 93 a marqué le réveil de la pop britannique (Suede, Dodgy, Auteurs, James, Radiohead et... Blur). Cependant, l'américanisation de l'Europe en général, de la Grande-Bretagne en particulier continue d'inquiéter Damon qui parle même de ‘coca-colonisation’; un sujet d'actualité à l'heure où les Européens revendiquent l'exception culturelle dans l'économie de marché. Initialement, l’album devait s’appeler ‘England Vs America’, puis ‘British Image’, des titres militants…

Damon ajoute : "Aujourd'hui, la plupart de nos compatriotes se concentrent sur leur propre héritage musical et culturel. C’est une réaction naturelle face à l'invasion du rock américain. Le succès de Suede est peut-être dû à une réaction patriotique de la part du public mais surtout des medias. La presse musicale anglaise est excessive. Pendant un an, elle a rabâché les mêmes groupes américains ; maintenant, des numéros entiers du Melody Maker ou du NME sont consacrés au renouveau anglais avec des titres racoleurs comme ‘L'Empire contre-attaque’. C’est ridicule ! Lorsqu'on parle d'exception culturelle, je suis pour, d'une certaine manière mais d'un autre côté, ce serait dommage que le public arrête d’acheter des disques africains, indiens ou sud-américains. En tous cas, il faut empêcher qu'une nation ait un monopole culturel dans le monde entier, particulièrement les USA, qui ne sont pas un modèle en la matière. C’est un sujet délicat parce qu'il ne faut pas cloisonner les différentes cultures mais il n'est pas bon non plus de les enchevêtrer sauvagement, au risque de perdre toute identité. Une chose est sûre: la musique, le cinéma, l'art en général, ne doivent pas être mis au même niveau que les autres produits parce qu'il constitue la mémoire des générations futures."

La culture européenne est-elle réellement en danger devant la menace américaine?

"Pas vraiment", poursuit Damon. "C’est normal qu'une culture évolue; l'Angleterre a été enrichie par de nombreux apports étrangers. Le problème avec l'Amérique, c'est qu'elle veut vendre ses produits et renforcer son hégémonie économique dans le monde entier. De plus, cette culture imposée n'est pas le résultat d'une pensée multiraciale ; la différence entre les hispaniques, les noirs et les blancs est énorme là-bas. Ce n'est pas un exemple à suivre, l'Europe est en avance à ce niveau-là."

MTV cristallise dans une certaine mesure la culture américaine des années nonante. La cible idéale donc.

Graham réagit : "C’est une chaîne ennuyeuse, abrutissante et dénuée de créativité mais ce n'est pas une raison pour interdire sa diffusion en Europe."

Damon n'est pas d'accord: "MTV devrait être bannie dans le monde entier, non pas parce que c'est une télé américaine mais parce qu'elle offre peu par rapport à ce qu'elle reçoit, c'est une sorte d'éponge. En outre, quand on dit que Nirvana a changé le visage du rock, ça me fait bien rigoler... C’est le lavage de cerveau exercé par MTV qui a poussé les gens à bouffer du grunge. Le meilleur moyen d'échapper à cette chaîne est de ne pas la regarder, ce qui est le cas en Angleterre."

Selon les dires du producteur Stephen Street, le troisième ouvrage de Blur, dont les deux tiers sont déjà écrits et enregistrés, prendra place parmi les plus grands albums de rock anglais de ces 15 dernières années, aux côtés du ‘Ali Mod Cons’ de Jam, du ‘The Queen is dead’ des Smiths et du ‘London Calling’ des Clash.

Mais qu'en pense Graham? "Aujourd'hui un groupe qui veut réussir doit être composé d'excellents musiciens, capables d'assimiler une multitude de styles musicaux différents. Notre dernier album montre clairement qu'on s'est donné les moyens d’atteindre nos ambitions."

Article paru dans le n°19 du Magazine Mofo de janvier 94

The Posies

Il n’y a pas que du grunge à Seattle…

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Pop, les Posies naviguent loin de la vague grunge qui sévit dans leur ville d'origine Seattle. Déjà, leur album précédent, "Dear 23" (produit par John Leckie), révélait un groupe original. Ce qu'est venu confirmer le nouveau cd (NDR : Frosting on the beater »). Par ailleurs, deux membres du groupe ont récemment participé à la reformation de Big Star (NDR : Columbia, live at Missouri University »), groupe légendaire des 70s que tous les groupes actuels ou presque, classent parmi leurs influences déterminantes. Entretien en compagnie de Ken Stringfellow, co-leader des Posies (NDR : l’autre c’est Jon Auer) et bassiste de 1’‘éphémère nouveau’ Big Star…

Vous êtes issus de Seattle. Pourtant, on ne peut pas dire que vous soyez ‘grunge’. Vos origines, un avantage ou un inconvénient?

Aucune idée. On réaliserait peut-être des choses différentes si on venait de Cleveland, mais il y aurait sûrement beaucoup de choses qui seraient rigoureusement pareilles. Sans doute y a-t-il des traits culturels spécifiques à Seattle. Mais, nous n'avons rien à voir avec ces metal-bands des années 90 que sont Alice ln Chains ou Soundgarden. Est-ce que notre musique vient 100% de nous ou est-elle conditionnée par nos origines? Je ne suis même pas sûr de vouloir trouver une réponse à cette question.

On ne vous a quand même jamais collé l'étiquette de ‘grunge-band’?

Encore heureux! On s'est appelé les Posies, on ne voulait surtout pas être considéré comme une groupe arty, intello. On est effrayé par la prétention qui, crois-moi, est omniprésente en rock. En choisissant ce nom qui sonne cul-cul, on a opté pour une certaine forme d'humilité, même s’il fait fuir certains. Notre premier album s'intitulait "Failure", c'était dans la même optique.

Avez-vous une idée de votre public type ?

Incroyable, il y a des gens qui nous apprécient et qui aiment aussi... des trucs merdiques comme Bauhaus! Certains nous ont découverts par MTV, d'autres parce que nous tournons en compagnie de Teenage Fanclub. Ces derniers sont plutôt jeunes. Mais il y a aussi des plus âgés. Ceux qui ont entendu parler de nous comme des espoirs de la ‘pop blanche’, des successeurs de Simon & Garfunkel. Hum... Nous, on est méfiants. Ceux-ci, on ne voulait pas nécessairement les attirer. Notre nature nous incite à attendre le pire en permanence.

C'est quand même agréable d'être appréciés, non?

Je suis toujours surpris qu'on nous aime! Je me demande toujours : ‘Tiens, comment ça se fait? Qu'est-ce qui a bien pu convaincre ces gens que nous sommes valables?’ Aux Etats-Unis pourtant, le public est très heavy metal. Ce n'est pas notre créneau. Nirvana a vendu des millions de CD aux fans de HM. Tu fusionnes le public d'Ozzy Osboume et celui de REM et tu obtiens celui de Nirvana! C'est ainsi qu'on devient énorme aux States, en séduisant d'abord les fans de heavy metal. Pearl Jam, Soundgarden, Nirvana et Alice ln Chains sont les nouveaux metal bands, ceux des années 90.

Tu as participé à la ‘reformation’ de Big Star, une influence qu'on cite un peu à tout propos aujourd'hui…

Oui, j'y jouais de la basse, alors que chez les Posies, je suis guitariste. Jon et moi sommes de grands fans de Big Star. Mais franchement, on ne connaissait pas Alex Chilton. On avait entendu très peu de son parcours en solo, après Big Star. Deux ou trois chansons, pas plus. Ce sont les albums de BS et de Chris Bell qu'on aimait avant tout. Mais, bon, je pense apprécier certains aspects de la carrière solo d'Alex, aujourd'hui après avoir joué avec lui. C'est un grand musicien.

Tu n'as pas hésité à te lancer dans cette aventure?

Non, jamais. On se disait que si quelque chose se passait, on en serait. Jon et moi, on connaissait bien Jody Stephens, le batteur de Big Star. On s'entend bien et on savait que si on en était tous les trois, le résultat ne pourrait pas être totalement nul. Que ça collerait entre nous trois, au moins. Alex est venu se greffer, c'est d'ailleurs ce qu'il voulait: un groupe pour l'accompagner ! On l'a fait parce que c'était cool et qu'on pensait que quelque chose de chouette en résulterait. Voilà.

Vous enregistreriez un disque ensemble?

On a accordé une demi-douzaine de shows. Ce n'était de toute façon pas un vrai groupe. Cela dit, ça me plairait d'accompagner Alex sur un de ses futurs albums solos. Mais j'ignore si ça l'intéresserait, lui! On verra ce qui se passera.

Tu n'es pas fort enthousiaste, dès que tu parles d'Alex Chilton. Je me trompe?

Il a de bonnes chansons, il mérite une reconnaissance. Et qu'on le laisse enregistrer ce qu'il veut.

Vous ouvrez les concerts de Tennage Fanclub, mais vous les suppléez, quand il y a une défection chez eux…

Je vois que la légende est déjà en bonne voie de construction (rires). Pour quelques shows de la tournée, Norman est tombé malade. Jon et moi l'avons remplacé au pied levé. Gery continuait à chanter ses chansons et certaines de Norman. Nous interprétions aussi quelques-unes de leurs chansons. C’était très sauvage, très gai. Les portes sont ouvertes, ce serait chouette de réaliser quelque chose ensemble un jour, pourquoi pas? Si tout le monde est d'accord, pourquoi ne pas sortir un single en commun, un de ces prochains mois? Mais ici, c'était juste pour rendre service, parce que je sais ce que c'est, de ne pas pouvoir se produire un concert, parce qu'on est malade... C'est extrêmement frustrant.

Norman ou Gery vous remplaceraient si vous étiez malades?

Chais pas, mais j'aimerais qu'ils le fassent, si c'était le cas.

(Article paru dans le n° 18 de décembre 1993 du magazine Mofo)

 

James

‘Smells like teen spirit’ est une chanson des Pixies

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Après s’être égaré du côté de Simple Minds, les James sont de retour. Et leur nouvel opus, "Laid", atteste une sérénité enfin retrouvée. Conversation en compagnie du chanteur Tim Booth et Jim Glennie, le bassiste.

Jim : Les mauvaises critiques qu'on a essuyées pour "Seven" nous ont affectés. Ce serait difficile de dire le contraire.
Tim : On nous a accusés de sortir "Seven" pour vendre un max de disques, d’enregistrer volontairement un album commercial. On essaie de ne plus trop y prêter attention. On savait qu'on se ferait descendre. Parce qu'on avait eu une très bonne presse, depuis huit ans. On sentait que le retour de flammes devait arriver. Une fois qu'on a du succès, c’est inévitable. Et on se doutait aussi, qu'après "Seven", les réactions seraient meilleures. La première fois qu'on vient nous voir en concert, les gens sont estomaqués, car les disques ne les ont pas préparés au spectacle. La deuxième, ils sont déçus, parce qu'ils attendent trop. Et la troisième, ils nous aiment de nouveau. Un cheminement normal. Si tu te rends dans un restaurant où tu t’attends à manger quelque chose de dégueulasse et qu'ils te servent un bon repas, tu seras très heureux. Mais si tu vas dans un grand restaurant où tu as toujours très bien mangé et que ce n'est pas aussi bon que d'habitude, tu te plaindras. Nous on savait que l'album après "Seven" serait différent. Mais si on a reçu de mauvaises critiques, c'était essentiellement en Angleterre ; on en a eu des favorables dans d'autres pays. En Allemagne, par exemple. D'ailleurs, en Allemagne, la maison de disques n'aime pas "Laid", jugé trop calme.

Vous semblez plus heureux sur "Laid" ...

T. : Cest vrai. J'étais assez déprimé, du temps de "Seven". Mais il y a une certaine tristesse dans "Laid" ; la tristesse est toujours meilleure que la déprime. La déprime, c'est une absence de sentiments, c'en est la négation même. Alors que la tristesse est un sentiment dont il ne faut pas avoir peur si on ose le ressentir.

Andy, le trompettiste, a quitté le groupe?

T. : Andy avait accepté de rester avec nous jusqu'à la fin de la tournée "Seven". Il a donc quitté le groupe l'été dernier. La première tournée qu'on a effectuée ensuite était celle, acoustique, en première partie de Neil Young. On a donc réarrangé nos chansons ‘électriques’ et Andy ne nous a pas manqués puisqu'il ne les avait jamais jouées dans leur version acoustique. Et cette tournée nous a incités à composer des chansons plus calmes, qui figurent sur cet album. "Laid" est né de ces circonstances particulières. Le résultat aurait sans doute été très différent si on avait tourné en compagnie d’un groupe de heavy-metal.

Et comment s'est déroulé le travail auprès de Brian Eno ?

T. : Il aimait bien "Seven". On lui a demandé de nous produire et il a accepté. Il est venu nous voir à un de nos concerts acoustiques et il a travaillé en fonction de ce concept. Il nous a encouragés dans cette voie. Mais une chanson comme "Sometimes" était déjà écrite avant son arrivée. Il a écouté nos séances d'improvisations et il a dit : ‘Ca c'est bien! Vous pourriez essayer de le refaire ?’

Dans "Out to get you" qui ouvre l'album, tu dis que tu as besoin d'un contact humain. Symbolique?

T. : Oui... On avait pensé à plusieurs solutions différentes, pour le tracklising. On savait que c'était un choix étrange pour la maison de disques qui veut toujours commencer un album par le single, pour éblouir l'auditeur d'emblée. Nous, on trouvait qu’"Out to get you" permettait à l'auditeur de se concentrer, pour mieux ‘entrer’ dans l’album.
J. : On n'avait jamais passé autant de temps à réfléchir à l'ordre des morceaux. Avant, on s'en foutait un peu, genre: ‘On commence par celui-ci? Allez oui...’
T. : De quoi avertir le mélomane que l'album est plus profond, qu'il ne sera pas ‘facile’.

On dit que vous êtes sur le point de décrocher un succès international. Cette situation vous effraie ?

T. : On est très populaires en Angleterre, depuis près de 4 ans. Au début, le succès nous effrayait beaucoup, même avant qu’il n'arrive. C’est terrible quand tes voisins, ta famille commencent à te demander des autographes. Il est plus facile d'être une star dans un autre pays. Il est important de pouvoir rentrer chez soi, enlever ses lunettes de soleil et redevenir ‘Mr. Normal’. Maintenant on est immunisés, si ça se produit ailleurs, cela ne nous fera plus peur.

Penses-tu toujours que le succès émane uniquement de la musique ?

T. : La musique joue évidemment un rôle, mais c'est avant tout une question d'attitude, d'image, il faut être là au bon endroit et au bon moment. Pour moi, les Pixies auraient dû être énormes et "Smells Like Teen Spirit" est une chanson des Pixies. Mais ils n'avaient pas Kurt Cobain et de bons clips. Si j’ai un tel point de vue, c’est parce que je suis anglais et que la presse de mon pays est essentiellement basée sur la mode. Il faut être très photogénique ! Regarde Suede. On peut se permettre de le dire car on a bénéficié de huit ans de bonne presse et une année de mauvaise. Si actuellement, il n'y a pas de grande musique en Grande-Bretagne, c'est parce que les Anglais ne sont braqués que sur les mauvais aspects.

A vos concerts, forcément, tout le monde attend "Sit Down". Embarrassant ?

T. : On a accordé un concert, la semaine passée, au Portugal. On a commencé par "Born of Frustration" et embrayé par "Sit Down". Les gens chantaient encore quand la chanson était terminée. Une sorte de grande célébration. Et puis, on a joué les nouveaux morceaux et ils ne savaient pas comment réagir. Ils attendaient cette grande fête que nous déclenchions auparavant, lors de nos concerts. Nos nouvelles compos essaient plutôt de créer une atmosphère.

(Article paru dans le n°18 du magazine Mofo de décembre 1993)

 

Def Leppard

Un Def Leppard très ‘rétro’

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Certaines formations sont victimes d’une foule de préjugés. Def Leppard est du nombre, lui qu'on taxe généralement de groupe qui avance au train de sénateur (à juste titre d'ailleurs, même si la bande à Joey Elliot a quelquefois des circonstances atténuantes dramatiques à faire valoir). C'est vrai: le ‘Léopard Sourd’ est lent à la détente ; surtout lorsqu'il est question de proposer un nouvel album. Son délai habituel tourne autour des quatre ans, ce qui encore une fois, est plutôt long (indépendamment des circonstances : l'accident de Rick Allen, le décès de Steve Clarke ont été deux gros problèmes difficiles à surmonter). Les explications du groupe tournent autour d'un leitmotiv: ‘Def Leppard souhaite ne proposer que des albums parfaits, tout doit être impeccable’. Sous-entendu : on ne réalise pas ce genre de plan en dix jours de studio... Mais il faudra peut-être, à l'avenir, revenir sur ces idées préconçues : quelque chose semble avoir changé dans le fonctionnement du groupe, désormais. Il vient de sortir un Cd ("Retro Active"), sorte de collection d'inédits, de reprises et de raretés. Et la conception de ce disque semble avoir donné au groupe l'envie de modifier ses batteries. Phil Collen s’explique…

"Retro Active" est un projet spécial que nous avons voulu concrétiser au cours de notre dernière tournée. En fouillant dans notre passé, nous nous sommes rendus compte que nos tiroirs contenaient quelques fort bonnes compos qu'il était regrettable de ne pas exploiter. Certaines d'entre elles avaient été commencées mais pas terminées; d'autres avaient été utilisées mais pas vraiment mise en valeur. Nous nous sommes dit qu'il serait bon d'utiliser ce matériel et de réaliser, à l'aise, pour le fun mais sérieusement, un Cd qui le mettrait en exergue. Et, nous avons pris un pied monumental en concrétisant ce projet !

Contrairement aux albums précédents comme "Hysteria" ou "Adrenalize" (dont les différentes phases de réalisation ont souvent été pénibles), ici, on a pris ce projet très simplement, très spontanément, en jouant très sérieusement mais aussi en nous amusant beaucoup. Je dois bien reconnaître que nous n’avions pas souvent bossé, au sein d’un tel climat, dans le passé. Certaines parties de guitare ont été bouclées en une nuit, alors que celles d"'Hysteria" avait nécessité plus d’un an ! Sincèrement, "Retro Active" nous a apporté un bol d'air frais. Et laissera des traces. En tout cas, nous en avons au moins tiré quelque enseignement.

Après le break de quelques mois que nous nous autorisons actuellement (le premier depuis onze ans), nous nous plongerons dans la conception d'un nouveau Cd pour lequel nous comptons modifier nos habitudes! Nous prendrons le temps et la peine de composer nos nouvelles chansons jusqu'au bout. Lorsque nous rentrerons en studio, nous saurons exactement comment elles devront être arrangées, comment elles sonneront. Plus envie de perdre des mois à chipoter en studio. Il faudra que nous soyons fins prêts: plus question d'expérimenter, de tergiverser. Cela va nous aider et nous simplifier la tâche.

Doit-on s’attendre à du changement dans le fameux son Def Leppard ?

Je suis sûr que non! Le seul vrai changement, c’est qu’on risque d’être moins stressé et qu’il sera moins complexe, pour nous, d'enregistrer un nouvel album. Pour le reste, je ne vois pas pourquoi nous modifierions de A à Z un style qui est le reflet de nos personnalités.

Il y a sur "Retro Active", deux reprises (l'une du "Action" de Sweet et l'autre du "Only After Dark" signé feu Mick Ronson) et des titres un peu surprenants. Votre horizon musical en sortira-t-il, également, différent?

C'est possible, par contre. Nous avons abordé "Retro Active" en toute liberté, sans ressentir aucune limite. Par exemple, il y a quelques ballades sur ce Cd alors qu’habituellement, pour des raisons de business, nous nous limitions à une seule. Il est possible, et de toute façon souhaitable, que nous en retirions les enseignements aussi…

(Article paru dans le n° 18 de décembre 93 du magazine Mofo)

 

Slowdive

Voler de ses propres ailes…

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Quand Slowdive, groupe anglais de Reading, est passé au VK, il y a près de deux ans, il avait surpris les trop rares spectateurs présents. On s’attendait à un set mou et ennuyeux, et on a eu droit à un véritable enchantement sans baisse de tension. Ne les ratez sous aucun prétexte lors de leur prochain passage (sans doute en novembre). Conversation recueillie auprès de la craquante Rachel Goswell (guitare et chant).

Je me souviens de ce concert à Bruxelles. J'étais vraiment très malade. J'ai vu la vidéo que quelqu'un avait filmée. C'était la dernière date de la petite tournée qu'on avait accomplie et j'avais attrapé un sérieux refroidissement. Je me sentais vraiment mal, ce soir-là. Dans les loges, il y avait des lits de camp, et en arrivant, avant de monter sur scène, je m'y suis évanouie. Et quand c'était l'heure de manger, je n'ai rien pu avaler. Après le concert, je suis retournée immédiatement me coucher sur ce lit de camp. On me demandait : ‘Ca va, Rachel?’ Et moi, j'étais là à gémir : ‘Oaahh! Je suis malaaade...’ C'est très ennuyeux parce que chaque fois qu'on part en tournée, je la termine très malade. C'est horrible.

Est-ce la raison pour laquelle, tu t’es assise sur le sol ?

(rires) J'avais tout-qui tournait. Je croyais que j'allais m'évanouir. Et on me disait : il faut jouer ce concert! On est allé aux Etats-Unis pour un mois, en mai, il y a un an. Le matin suivant le dernier concert, quand je me suis réveillée, j'avais perdu ma voix. Je ne pouvais plus parler. En rentrant en Angleterre, quelques jours plus tard, j'ai dû rester au lit pendant trois semaines. J’ignore la raison. On voyage dans un car où on dort aussi ; si quelqu'un chope un rhume, tout le monde est contaminé.

Sur votre nouvel album, les morceaux ressemblent plus à de chansons qu’à des pièces atmosphériques...

Il a fallu un an et demi pour enregistrer cet album. Le précédent, trois mois. Et on écrivait en même temps qu'on enregistrait. Cette fois, on a d'abord répété les chansons. Nos goûts musicaux ont changé, aussi. On est beaucoup plus satisfaits de cet album et du processus de confection. On compose déjà de nouveaux morceaux qui sont plus ‘ambient’, pour le prochain disque. Neil écoute des choses comme The Orb. Et on expérimente de nouvelles voies, à l’aide de synthés... Ca change tout le temps, en fait.

'The scene that celebrates itself’ (la scène qui s'autocélébre) est quasi disparue. C’est une bonne nouvelle pour vous, non?

Au moment où on a sorti notre premier album, il était facile de vendre pas mal de disques vu cette scène créée de toutes pièces par la presse anglaise. Nous, on bénéficiait de l'effet de ‘hype’, comme Chapterhouse, par exemple. C'est comme si maintenant, on volait enfin de nos propres ailes. On ne peut nous associer à personne d'autre, c'est bien mieux pour nous ; ce qui nous permet d’appréhender comment notre disque est reçu, selon ses propres qualités. Nous ne sommes plus à la mode, nous ne sommes pas Suede! Tout a changé et on préfère cette situation. C'est d'ailleurs ce qu'on a toujours voulu : mais on ne peut pas faire grand-chose contre un intérêt outrancier de la presse.

Une autre étiquette qui vous colle à la peau, c'est une image de groupe triste ?

Les gens s'attendent à ce que nous soyons très sérieux. Ils nous imaginent l'air malheureux en concert. C'est très amusant car lors des interviews, on nous pose toujours des questions très sérieuses. Et quand les gens nous rencontrent, ils nous avouent : ‘C'est dingue, vous ne ressemblez pas à ce qu'on attendait de vous.’ Nous sommes des gens heureux, mais quand on joue ensemble, c'est cette musique-là qui sort. Je ne sais pas pourquoi.

Enfant, tu étais plutôt triste ou joviale ?

J'étais vraiment heureuse. J'ai vécu au Pays de Galles jusqu'à mes 7 ans. Ma mère est infirmière et mon père, à ce moment-là, était ingénieur. C’est à cette époque qu’on a déménagé pour Reading. Je m'en souviens parce que j'aimais bien vivre dans ces petits bungalows entourés de champs, au Pays de Galles : c'était magnifique. A Reading, la vie était difficile : j'avais un accent gallois à couper au couteau, et, quand je suis allée à l'école primaire, tout le monde se moquait de moi. Et pendant mes deux premières années, je me suis mise à haïr l'Angleterre. Mais je n'ai pas connu de traumatisme particulier, pas plus que la moyenne des enfants. J'ai vécu ma crise d'adolescence à 16 ans. Elle ne s'est pas très bien passée. A cause de mon père. J'ai quitté la maison et il n'y a plus eu de problèmes.

Tu ne fais pas beaucoup d'efforts pour entretenir la légende de tristesse de Slowdive?

(rires) Je pense que le vécu de Neil (chant, guitares et composition) a été plus difficile. Son père l'a foutu dehors. Avant qu'on soit signés, Neil fréquentait le collège mais il était censé aller à l'université pour étudier la littérature anglaise. Il a décidé d'arrêter un an pour se consacrer au groupe et son père l'a mis à la porte. Il s’est tapé des petits boulots de nuit pour payer son loyer. Le jour, il allait au collège. Il a peut-être été plus traumatisé que nous...

Les gens attendent que vous ressembliez à vos disques...

Cette réflexion me rappelle une anecdote amusante : lors de nos premières tournées, en Angleterre, les spectateurs interpelaient notre ingénieur du son quand on était sur scène pour demander si on utilisait une bande! Ils ne comprennent pas comment on tire de telles sonorités de nos guitares. A cause de nos disques, ils étaient persuadés qu'on devait mimer les chansons, en concert...

Vous avez dit que la population de Reading vous acceptait mal. La situation s’est améliorée aujourd'hui?

Oui, on est beaucoup mieux intégrés qu'avant. Beaucoup de gens étaient agressifs uniquement parce qu'on était signés par une maison de disques. Les autres groupes étaient jaloux. ‘Vous êtes vraiment nuls. C'est nous qui aurions dû être signés. Nous sommes bien meilleurs.’ Ils venaient nous apostropher quand ils lisaient une mauvaise critique à notre sujet. Par contre, quand elles étaient bonnes, c’était le silence radio. Jusqu'alors, quand on jouait à Reading, l'ambiance était assez glaciale, le public semblait dire ‘Allez, impressionnez-nous!’

(Article paru dans le n°17 du magazine Mofo de novembre 1993)

 

Iggy Pop

Reformer les Stooges ? C’est bon pour les publicitaires

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A lui seul, Iggy Pop incarne plus de vingt ans de rock'n'roll. Ses folies, ses excès, et aussi sa générosité sans faille constituent le fonds de commerce de son job numéro un : performer / songwriter!

Inutile de reprendre la liste des superlatifs existants ou de se plonger dans les encyclopédies, pas la peine de rédiger une bio-express qui mentionnerait son aventure chez les Stooges, le soutien de David Bowie, ses participations au cinéma et la confection d’une quinzaine d'albums : Iggy reste un cas à part dans le music-business. Et pourtant, il nous a accordé une interview après son concert, au festival Pukkelpop...

Que penses-tu de ta prestation, ce soir?

Je me suis vraiment bien marré. En plus, j'étais vachement excité : vingt minutes avant de monter sur scène, je ne savais même pas que mon album était déjà sorti ici! C’est un type qui est venu me dire qu’il avait aimé mon album. J'étais plutôt surpris et je n'ai pu que lui demander où il avait pu l’entendre…

A propos de concert, depuis une dizaine d'années, tu n'interprètes plus de compos issues de "Soldier", "The Party" ou même de "Zombie Birdhouse". Tu ne les aimes plus ou quoi?

Non, pas du tout (sourire embarrassé). Je vais y réfléchir pour la prochaine fois, promis.

Ton nouvel album s'intitule "American Caesar". Si tu es César, qui est Brutus? Et Cléopâtre?

(Rires) Yeah, j'y ai tout de suite pensé! Je rencontre des tas de Cléopâtre dans ce job. Presque chaque nuit... Elles viennent se balader dans ma loge (NDR : il mime une pétasse légèrement en rut). Et pour Brutus... eh bien, il faut toujours se méfier.

Pour réaliser "Brick by Brick", tu as reçu le concours d’un tas de collaborateurs (NDR : dont Slash et Duff des Guns et David Lindley). Ton dernier est plutôt un album solo?

Ecoute, il est solo, mais j'ai également eu beaucoup de soutien. Pas de grosses personnalités, mais des gens qui ont effectué une carrière en solitaire, mais susceptibles de m’apporter de bonnes idées. Pour créer de la bonne musique, il est préférable de se débarrasser des personnalités un peu trop notoires. En fait, pour faire du bon boulot, tu dois avoir une relation plus intime avec tes collaborateurs. Certains, dont les noms ne te diront pas grand-chose m'ont apporté une aide précieuse. Le producteur Malcolm Brun, par exemple, est un jeune type qui a énormément de talent.

"American Caesar" baigne dans un état d’esprit très proche assez proche de "Kill City" et "New Values". D’accord ?

Oui, comme à l’époque où je prenais pas mal de risques. Et j'en ai aussi pris beaucoup pour le dernier, car il y avait des idées auxquelles je tenais absolument. J'ai donc pris des risques à ma façon. La chanson "Caesar" en est un bel exemple.

C'est la première fois que tu évoques aussi ouvertement tes rapports avec la dope sur une chanson. "Perforation Problems", c'est une chanson thérapeutique?

Elle a une histoire. J'étais au Liquor Store du coin et je tombe sur le cd d’Alice ln Chains. Je mate les titres du disque qui... parlaient tous de came. C’est le point de départ des textes que j’ai écrit pour ce titre. Je n'ai plus besoin de thérapie pour aborder le sujet. Je ne me souviens pratiquement plus de mes problèmes. Et quand ils reviennent à surface, je ne me sens pas très bien, mais ils disparaissent assez vite.

Tu as des regrets quand tu penses à cette période de ton existence ?

(En riant) Si je n'avais pas fait cette expérience, j'en aurais. Je me demanderais comment c'est, et je ne le saurais pas. Ainsi, au moins, je le sais (rires).

Tu as de nouveau composé "American Caesar" à la guitare. Tiens-tu à cette méthode de travail ?

Cette interview va se terminer. Cette lumière va s'éteindre (il désigne les spots), la télé va sauter, il n'y aura plus... Et s'il n'y avait plus de fusées, ni de bombes, ni de télé, ni de films? Et si tout s'arrêtait? On dépendrait alors de nouveau des ressources humaines. Que pourrions-nous faire pour jouer de la musique si nous ignorons comment utiliser une guitare et jouer un truc avec? On serait incapable de faire quoi que ce soit ! Je trouve donc qu'il est important de pouvoir s’en servir. Si on se prétend bon musicien, on doit être capable de composer une chanson très simple sans avoir recours à la technologie. On devrait, en fait, pouvoir y parvenir sans le moindre instrument. Ecoute si je ne venais pas de monter sur scène, j’aurais pu (léger sourire) te chanter une chanson ici en direct, a cappella. C’est important de commencer à la base. Aujourd’hui, il existe de la musique qui déprime et rend malade. Ce n'est que de la merde et c'est chiant.

Lorsque tu montres ta bite sur scène, ne crains-tu pas de devenir auto-parodique, ridicule et prévisible?

Non, d'abord ce n’est pas systématique et puis je n'ai pas peur de ce que pensent les gens. Franchement, tout le monde se fiche de ce que les critiques disent, non ? Tu peux dire ce que tu veux, moi, je m’en fous. C’est personnel ce que je fais. Si tu préfère un orchestre philarmonique, c’est ton droit.

Le Velvet de ton vieil ami Lou Reed s’est reformé cette année. Des promoteurs t’ont déjà proposé de remonter les Stooges ?

(Sèchement) D’où tiens-tu cette info ?

De nulle part, c’était juste une question…

(Rassuré) C’est un fantasme de journalistes, non ? C’est bon pour les publicitaires.

Et le cinéma ? As-tu tourné récemment ?

Oui, j’ai fait un chouette truc pour la série « Coffee & Cigarettes » de Jim Jamush, en compagnie de Tom Waits, comme partenaire.

(Article paru dans le n° 17 de novembre 93 du magazine Mofo)

 

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