La pop sauvage de Metro Verlaine

Un coup de foudre, et puis le romantisme comme mode de vie, Metro Verlaine est avant tout une histoire de passion. Fondé en 2013, après un voyage à Londres qui a laissé des cicatrices et un sale goût de ‘lose’ au fond de la gorge, l'histoire de Metro Verlaine…

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Interviews

Mogwai

La musique, ça se passe dans l’oreille plutôt que le cerveau…

John Cummings et Stuart Leslie Braithwaite, membres de Mogwai, sont plus à l'aise derrière une guitare que devant un journaliste. Ils balbutient deux mots, se regardent et replongent dans leur mutisme... Durs à décoincer, les deux Ecossais, âgés respectivement de 21 et 23 ans! Mais on croit y être arrivé. Après avoir sué...

Evacuons d'abord la question obligée sur l'étiquette ‘post-rock’, puisque Leslie ne manifeste aucun enthousiasme à fournir une réponse: "Pff... Si les gens veulent utiliser ‘pop-music’, c'est bon aussi. Et ‘music’, tout court, me paraît encore mieux". "Avant, nous étions égoïstes, auto-satisfaits", finit par avouer John. "mais demain, nous serons des requins durs et déterminés". "Ouais," rigole Leslie "notre ambition est de devenir fameux et d'avaler la concurrence". Pour arriver à bâtir leur mur de guitares, tous deux mettent en avant les vertus du travail, presque exclusivement. "On a énormément bûché", avouent-ils, la bouche en cœur. "Et si c'était si facile, tout le monde aurait créé cette musique avant nous. Pour ‘Young Team’, notre premier véritable album, on n'avait pas assez écrit de chansons en entrant en studio. Aussi, en prenant du recul, on s’est rendu compte que le résultat n'était pas satisfaisant. Ici, on a le sentiment de s'être vraiment pris en mains, d'avoir consacré beaucoup de soin à ce projet. Ce qui, paradoxalement, nous a semblé plus facile". Ah oui? "Il doit y avoir plusieurs raisons. La principale est sans doute que nous avions enregistré ‘Young Team’ à Glasgow, une ville où on avait évidemment nos habitudes. Résultat: on n'était pas totalement concentrés. Pour la circonstance, nous sommes allés à Buffalo, près de la frontière canadienne, un endroit très tranquille qu'on ne connaissait pas. On y a bossé douze heures par jour".

Le titre de ce deuxième album, dont la sortie est imminente, s’intitule ‘Come On Die Young’. En référence au vieux mythe du rock? "Non", corrige John, "ce n'est pas vraiment sérieux. Ce titre s’inspire de l’histoire d'une bande qui a sévi plusieurs décennies dans les rues de Glasgow. Mon père en faisait d'ailleurs peut-être partie... On est vite tombés d'accord entre nous pour utiliser cette expression de gang. C'est un peu sarcastique". Après ‘Young Team’, on a encore droit à un titre incluant le mot ‘Young’. Pour insister sur leur jeunesse? "C'est une coïncidence. Oui, nous sommes jeunes. Mais le fait d'être jeune induit forcément une comparaison avec d'autres personnes, ce que nous ne souhaitons pas spécialement".

L'intervention d’Iggy

On reproche souvent à la musique de Mogwai, presque totalement instrumentale, de verser dans une sorte d'intellectualisme. Ils sont d'accord? "On n'est pas des intellectuels", intervient John, "ce qui n'empêche pas de penser. A mon sens, la musique doit d'abord être brute, émotionnelle et naturelle. Si on doit réfléchir à la musique, c'est peut-être qu'elle n'est pas aussi bonne qu'on pourrait le croire. La musique, ça se passe dans l'oreille plutôt que dans le cerveau. Malgré tout, lors des interviews, forcément, on est amenés à la théoriser. Mais ce n'est pas nécessairement sans intérêt, c'est plus intellectuel qu'athlétique en tout cas". "Au collège", continue Leslie, "j’ai dû analyser la musique classique et c'est cette étude qui m'en a éloigné. On peut réfléchir bien sûr, mais il ne faut pas aller trop loin, l'important c'est d'écouter"

Le nouvel album de Mogwai s'ouvre sur ‘Punk Rock’, un titre où on entend une sorte de discours prononcé par... Iggy Pop! "Il est très intelligent et très sage", estime John. "On a piqué ses propos lors d'une interview accordée à la  télé. Elle collait parfaitement au feeling de notre album. C'est aussi un bon résumé de notre opinion sur notre musique". "En fait", renchérit Leslie, "on avait enregistré ce morceau comme un instrumental. On a collé le bout d'interview et le résultat sonnait impeccablement bien. C’est tout ! Non, on n'a pas demandé d'autorisation, mais on fait appel à la sagesse d'Iggy. De toute façon, ce n'est sûrement pas de notre part une recherche de profit. Alors...".

Défi et séduction

Ont-ils quand même l'impression que leur musique est accessible? "Certains éléments le sont", estime John, "Mais tout le monde possède un avis différent sur la question, non? Personnellement, je ne pense pas que le ‘country & western’ soit particulièrement accessible ; et pourtant, il y a plein de gens qui en écoute". "Parfois", précise Leslie, "on essaie d'être élémentaires, de garder les chansons en un état fort simple, mais celles-là, on ne les aime pas particulièrement. Pour moi, chaque chanson doit être un défi, et si elle n'est pas accessible au grand public, ce n'est pas rédhibitoire. Le tout est de combiner le défi et la séduction. C’est ce qui est difficile à réaliser, aussi bien d'un côté que de l'autre d'ailleurs".

On conclura l'entretien sur le côté surréaliste d'une tournée promotionnelle à laquelle le groupe est confronté pour la première fois. "On doit parfois faire face à des questions inattendues. Un journaliste américain nous a demandé un truc bizarre où il était question d'un Tampax qu'on trempait dans un verre de vodka. Je n'ai pas tout compris. Mais de toutes manières, cette question n'était pas aussi étrange que la réponse que nous luis avons réservée."

"Très souvent, lors des interviews, une question revient régulièrement sur le tapis : quand allons-nous nous décider à composer une musique de film. Mais ça, c'est quand on veut! Moi, je me verrais bien composer pour un film d'horreur ou pour un James Bond. Ou mieux encore pour un Batman réalisé par Tim Burton". Quand on lui dit que la place est prise par Danny Elfman, le visage de Leslie s'illumine: "C'est vrai que c'est un des rares bons compositeurs de musique de film".

Interview parue dans le n° 72 (avril 99) du magazine Mofo

 

The Herbaliser

Very hip hop

Écrit par

En l’espace de trois albums, tous parus sur Ninja Tune, Jake Wherry et Ollie Teeba se sont construit une réputation des plus festives. Si leur formation ne s’appelle pas The Herbaliser pour rien, leurs prestations live (on se souviendra d’un set très chaud accordé lors d'un récent Axion Beach) y sont aussi essentielles. Curieusement, pourtant, elles sont moins hip hop que ne pourrait le laisser supposer une bonne partie de la discographie de ces deux Britons. Une impression que confirme « Very Mercenary, le petit dernier. Ollie Teeba nous en donne son explication…

Ce qui frappe d'emblée, sur ce nouvel album, c'est la quantité de rappeurs invités. A dessein?

Nous avons toujours voulu atteindre un équilibre parfait entre musique et rap. A nos débuts, nous ne connaissions qu'un rappeur. Ce qui explique pourquoi « Remedies » ne recelait qu'une plage hip hop. Depuis, nous avons eu l'occasion de rencontrer des gens, et surtout, de nous développer musicalement, donc d'affiner notre idée de départ. Musicalement, les disques de hip hop sont trop souvent simplistes et linéaires ; c'est le rappeur qui y apporte du rythme et des couleurs. Au fil du temps, nous avons acquis une grande liberté musicale que nous restituons maintenant en dessous des raps...

Et vous continuez à jouer des instrumentaux. Qui ressemblent à de la musique de film, parfois...

C'est à cause de ce que je viens d'évoquer. Mais oui, ils peuvent susciter nombre d'images dans la tête de l'auditeur. En fait, le but de notre musique est surtout de créer des atmosphères. Elle ne véhicule d’autre contenu particulier. Il y avait un grand nombre de chouettes breakbeats funky sur notre premier album ; mais il manquait cruellement ces atmosphères et ces émotions. A l'époque de "Blow Your Headphones", nous avons voulu corriger le tir en explorant cette musique, mais la plupart de nos expérimentations nous ont emmenés dans son spectre le plus sombre et étrange. Aujourd'hui, nous avons tout simplement appris à mieux nous exprimer.

Que deviennent alors toutes ces collaborations dont « Very Mercenary » s'est enrichi?

Sur scène, nous jouons essentiellement des instrumentaux, pour diverses raisons. Emmener tout ces invités nous coûterait trop cher évidemment, et puis ces périples les empêcheraient de poursuivre leurs propres activités. D'autre part, comme je l'expliquais, entraîner un rappeur dans cette aventure, restreint la liberté d'expression des musiciens Et jusqu’ici, nous sommes toujours arrivés à compenser l'absence de voix sur scène, par la richesse des musiques. Ce qui n'empêche pas l'un ou l'autre invité de nous rejoindre occasionnellement, comme les Dream Warriors à Toronto, il y a peu. Et comme nous tournons aussi en compagnie de Roots Manova, il est probable que nous lui accordions également un peu de place.

God save the rappers

L'évolution actuelle du hip bop britannique te satisfait?

Le hip hop britannique reprend du poil de la bête. Mais je ne m'attends pas à ce qu'il explose aussi aux Etats-Unis au point d'influencer leurs rappeurs ; parce que les Américains sont convaincus que le hip hop est né chez eux…

Le hip hop anglais n'a aucune influence hors d'Angleterre?

Il y a moyen d’établir un parallèle avec le rock anglais des années 50 et du début des années 60. A l'époque, il n'était qu'une imitation de la scène américaine. Même les Beatles, au départ, jouaient une sorte de r’n’nb. Progressivement, les musiciens et les auteurs ont acquis une certaine expérience qui leur a permis de développer un son britannique qui, à son tour, est parti à la conquête du monde. Les Anglais ont élaboré leur propre style de rap, leur propre manière de concevoir les beats pour donner naissance à d'autres genres. A mon avis, la jungle est née, et du hip hop, et elle a déjà fait son chemin hors de Grande-Bretagne.

Ah?

Ce constat est perceptible au sein des plus récentes productions hip hop issues de New York. Busta Rhymes par exemple, utilise des sons et des raps très rapides. Missy Elliott, c'est définitivement drum'n'bass dans un sens. Et ces sons-là sont typiquement anglais. A la fin des années 80 et au début des années 90, le hip hop britannique est devenu de plus en plus rapide, notamment au niveau des breaks, avec des gens comme Silvah Bullet, Blade, Hijack...

Quelle grosse ‘règle’ du hip hop The Herbaliser a-t-il brisée?

La plus évidente, à mon avis, est que nous utilisons de vrais instruments de musique. Mais je ne sais pas s'il faut vraiment parler de règles. En tout cas, celles qui existent sont constamment redéfinies. Prends un hip hop old school comme celui de Sugar Hill Gang : à l'époque, la technique du sampling digital n'existait pas. Les rappeurs invitaient donc des groupes à jouer pour en récupérer la musique. La situation a évolué depuis le développement du sampling. Certains me disent encore et toujours que les roots du hip hop ne comportent pas d'instruments live; c'est une connerie!

Ce qui explique la présence d’un titre comme « Who’s the realist », sur votre album...

Oui, il traite de ce type de sujet : chacun avance sa propre définition du vrai hip hop ; ce qui, déjà, enlève pas mal de sens au terme lui-même. Tout dépend finalement de l'endroit d'où tu viens et de la perception que tu en as. Pour moi, un bon hip hop, c'est un bon texte, des bons scratches et un peu de 2-toning. Pour certains, ce que fait Puffy n'est pas du vrai hip hop parce qu'il est trop commercial. Pourquoi? Les disques de Sugarhill sont commerciaux! Il ne fait rien de bien différent de « Rapper’s delight » qui est du Chic avec du rap plaqué dessus. Pourquoi ce que fait Puff Daddy ne serait-il pas du hip hop? C'est de la merde, d'accord, mais bon...

(Article paru dans le n° 72 d’avril 99 du magazine Mofo)

dEUS

Cette fois, c'est du sérieux! (archive du mois)

Écrit par

Et de trois! Transférés sur une ‘major’, les Anversois ont manifestement emprunté la voie d'un plus grand professionnalisme en concoctant "The Ideal Crash". C'est en tout cas le sujet sur lequel Tom Barman a tenu à insister. Si son groupe n'a pas définitivement troqué les robes à fleurs pour les trois pièces, il semble pourtant bien que le dEUS new look soit arrivé...

Nouvel album, contrat récent chez une ‘major’; tout baigne pour vous?

Eh bien... Nous sommes restés les mêmes! La relation avec Island est toujours bonne. Pas mal de remous ont secoué les firmes de disques, ces jours-ci. Je ne dirai pas que nous ne les avons pas ressentis, mais quand même, l'atmosphère générale a un peu changé. Beaucoup de gens ont perdu leur job, des groupes se sont fait virer. Chez Island, récemment, ils en ont mis quatre à la porte! Il faut dire aussi que nous sommes la seule formation du label à ne pas avoir éclaté complètement. Ce qui donne quand même l'impression qu'ils croient en nous. That's a good feeling!

C'est vrai que dEUS a enregistré quelques changements de line up. C'est grâce à toi que la sauce a chaque fois repris?

Comme je suis à l'origine de dEUS, c'est normal que ma présence provoque les effets les plus intenses. Mais il y a eu des moments où je n'y croyais plus. Et puis d'autres d'incroyable bonheur. Celui de tomber sur des gens aussi talentueux que Stef ou Rudy. Aujourd'hui, nous sommes six puisque Tim, de Superstars, nous a rejoints. Pour une raison bien simple: en live, nous ne pouvions pas tout jouer à cinq. Je trouve génial qu'il ait accepté d'être incorporé. Il a 22 ans, du talent et sait tout faire, des guitares aux claviers en passant par le chant et la scène où il a une présence remarquable. Et il est tout jeune. Pas que nous soyons vieux, même si Jules a déjà 40 ans, mais Tim dégage tellement d'enthousiasme que ces 8 mois de studio n'ont pas réussi à nous achever!

dEUCE!

Ce nouvel album, si l'on en croit certaines rumeurs circulant notamment sur le net, aurait dû inclure une chanson dédiée à Martina Hingis... C'était une blague?

Jeeeesus, non, c'est vrai! Mais elle ne figure pas sur l'album. Elle s'intitule "You Can't Deny What You Liked As A Child". C'est un bon morceau, plus up tempo, qui sert de face B à "Instant Street", le premier single. J'ai toujours rencontré quelques problèmes à écrire un texte de ce genre, qui est... disons, plus éclatant, que des choses plus sombres. En fait, j’étais dans l’avion pour Malaga. Et en feuilletant un magazine, je découvre une photo hyper sexy de Martina Hingis que j'apprécie beaucoup. Elle est géniale, cette tennis woman! Elle n'est pas très jolie, mais sexy. Et puisque j'ai aussi vécu une histoire de sportif (NDR : lui, c'est le squash), j'ai combiné les deux...

Tu aurais pu tomber pire! Sur une photo de Martina Navratilova par exemple...

Oui, mais son nom n'apparaît pas dans le texte, hein (rires)!

C'est la première fois que tu en consacres un à quelqu'un de bien réel?

Disons plutôt que mes chansons combinent la réalité et la fiction. Comme l'année passée a été vraiment moche pour moi sur le plan sentimental, je n'ai pas eu trop de mal à écrire. En fait, c’était comme une révélation! J’estime même que cet album constitue un grand pas en avant, tant du point de vue des paroles que du chant. Pour la première fois d'ailleurs, j'ai beaucoup travaillé les parties vocales.

Tu as suivi des cours?

Non, pas du tout, mais j'ai beaucoup bossé. Dans le groupe, nous avons toujours été critiques sur le feeling du chant. Je ne sais pas si c'est vraiment frappant, mais cette fois, je chante bien plus qu'auparavant. Les textes sont aussi plus élaborés. J'ai même vécu des moments de pure extase! Par le passé, au stade des démos, ce n'était jamais pareil. Quand j'avais une hésitation, j'appelais Craig qui est un peu mon arbitre à ce point de vue. C'est un bon écrivain, il est complètement honnête et m’indique toujours si telle ou telle phrase sonne cliché ou stupide. Voilà. Ceci dit, ce n'est pas la première fois que je consacre une chanson à une personne. En fait, tu peux chanter sur tout. Hier, j'écoutais la compo d’un groupe dont le texte parle d’une taverne et de sandwiches au thon. Et c'est un joli morceau!

dE-USA

Qu'avez-vous retiré de votre expérience américaine?

On a eu une très, très bonne presse, mais ce périple n'a rien donné. Rien! D'ailleurs, je ne veux plus jamais travailler avec la maison de disques là-bas! Mais nous nous sommes bien marrés! Nous avons joué en compagnie de Morphine, de Blur. Nous devions aussi partager l’affiche de Cake, mais la formation a finalement annulé. Les musiciens étaient épuisés. Mais, et c'est assez ironique, nous avons accordé de très bons concerts dans des petits clubs, devant 100 personnes à peine. A San Diego, par exemple; waow!

Quelles ont été les réactions du public américain en découvrant un groupe belge comme le vôtre?

Il était bien sûr conscient de notre nationalité et il a bien réagi. Mais ce qui est ironique, c'est que nous avons aussi eu d'excellentes réactions de la part des journalistes. A New York, le ‘Village Voice’ nous a consacré une page entière. Et nous avons joué de bons concerts à New York. Mais dEUS n'a rien vendu! Bien sûr, je sais que Rome ne s’est pas construit en un jour, mais entre ‘rien’ et ‘un tout petit peu’, il y a toujours une différence...

dEUS reste finalement ‘le’ groupe belge, mais il y a eu une période où tu souhaitais en voir davantage. Ce n'est toujours pas le cas, dirait-on...

Tu rigoles? Et K's Choice? Bon, ce n'est pas à moi de déterminer au sein de quel créneau ils évoluent, mais en tout cas, c'est un grand groupe belge. Soulwax marche pas mal non plus. Ils fonctionnent bien en Wallonie? C'est timide? Ah... Et Zita Swoon? En tout cas, moi je trouve qu'il y a beaucoup de bons groupes. Et qu'ils durent. Au début des années 90, on a cru que le milieu allait éclater en une foule d'artistes ; mais ce dénouement ne s’est jamais produit, même si on a pu penser le contraire à un certain moment... Prends Dead Man Ray; ils vendent beaucoup d'albums. Soulwax aussi, comme Zita Swoon. D'accord, à une certaine époque, c'était dEUS et point final. Mais c'est fini, aujourd'hui. Quand je vais assister aux concerts de ceux que viens de citer au Vooruit, c'est sold out! Bien sûr, ce sont des groupes qui ne se rendent pas souvent à l'étranger, parce que la maison de disques... parce que blablabla... On connaît les raisons. Et donc, forcément, en dehors de la Belgique, c'est encore K's Choice et nous. Et Hooverphonic.

Tu as pu suivre tout ce qu'on réalisé tes ex-collègues de dEUS?

Ouais, bien sûr. Bon, Rudy, je ne peux pas le suivre parce qu'il sort trop de disques. Mais oui, bien sûr... On se voit aussi souvent... De plus en plus en fait; à un moment, ils étaient en Belgique et moi constamment en tournée. Aujourd'hui, Stef et moi sommes tous les deux à Anvers, et je le vois chaque semaine.

Will & les autres...

Tu étais un grand fan de Will Oldham; c'est toujours le cas?

Oui, absolument! Son dernier album, je n'écoute plus que ça! Je m'endors chaque soir avec! Textuellement, il va de plus en plus à l'essentiel. A ses débuts, ce n'était pas le cas, mais maintenant, c'est vraiment joli. J'adore ses textes. C'est le meilleur; tout simplement!

D'autres auteurs t'inspirent de la sorte?

Oui, Beck! On parle toujours de son show et de ses samples, mais jamais de ses textes. C'est pareil pour Tricky dont j'aime beaucoup le style. Et hormis Palace, évidemment, il y a aussi les vieux poèmes et Randy Newman.

Tu n'avais pas un projet de collaboration en compagnie de Tricky?

Je l'ai rencontré à quelques reprises. C'est un mec très étrange. En fait, c'est lui qui avait pris contact. Mais le projet n'a jamais abouti. Et puis, c'était il y a longtemps...

Ton apparition sur l'album de Cinerex, c'est le genre d'escapade salutaire?

Oui, parce que c'est intéressant de combiner ma façon d'écrire, qui est assez vieux jeu, et leur connaissance des ordinateurs. Les deux titres que nous avons composés ensemble datent déjà un peu. J'ai écrit "One Advice, Space" avec Kelvin, ici, chez USA Import (NDR : disquaire anversois) où il travaille, après trois jours horribles qui m'ont laissé complètement cassé à tous les points de vue. Le jour où on s'y est mis, tout est sorti en une seule fois. Kelvin l'a enregistré, loopé et je l'ai proposé au groupe. Craig y a rajouté quelques éléments musicaux, et puis voilà, il figure sur l'album. J'adore ce titre!

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L'an 2000, et après?

"Je ne pense pas que dEUS vendra des millions et des millions d'albums", déclare modestement Tom Barman. "Mais je crois que nous pouvons toucher un public plus large que celui que nous atteint actuellement". Quant aux fans purs et durs, qu'ils se rassurent, le groupe ne s'arrêtera pas d'ici l'an 2000 pour cause d'envie de film manifestée par son leader, Comme le laissait sous-entendre une interview parue dans ‘Humo’. Cette envie est cependant toujours présente: "C'est un projet sérieux, même si je n'aime pas trop en parler parce que ça fait ‘plan de carrière’. Mais j'y tiens. Je tourne des clips, je viens d'achever un court-métrage, j'ai collaboré à la création d'un opéra, donc oui, j'y tiens absolument". L'une des principales préoccupations de notre homme pour les mois à venir sera par contre sa... santé! "J'ai eu de gros problèmes de dos l'an dernier, notamment une hernie atroce. Il paraît que cette situation est consécutive à l'arrêt brutal d'un sport intensif. Et probablement aussi aux cigarettes, à la bière et à une vie irrégulière. Finalement, la santé, c'est le plus important".

The Ideal Crash

Huit mois de dur labeur, en Espagne notamment, auront été nécessaires au groupe pour accoucher de cet officiel troisième album studio. Passé le cap des problèmes techniques (dEUS a commencé par des démos fignolées), l'enregistrement final s'est achevé sous la houlette de David Bottrill (Tool, Real World) dont la patte est, le moins que l'on puisse dire, caractérisée par une grande maîtrise technique. "Nous cherchions effectivement un technicien confirmé plutôt qu'une force artistique", explique Tom Barman. "Nous souhaitions un album qui sonne mieux, plus plein dans toutes les zones du spectre auditif". D'où la présence, discrète, d'un quatuor à cordes et d'un certain nombre de plages plus calmes. D'une certaine manière, sur plastique comme sur scène, dEUS semble être devenu plus pro. En septembre 98, au Botanique, certains auront peut-être trouvé les Anversois trop parfaits, mais c'est la direction qu'ils souhaitent emprunter, au risque d'avoir l'air, un jour, trop sages: "Nous avons vécu cette époque où toutes les improvisations nous semblaient cool. Aujourd'hui, nous avons envie de changer. Nous avons en tout cas appris que s'il était permis d'être nonchalants, et nous le resterons, il y avait aussi des limites. Et un public qui paie sa place de concert! Les gens se demanderont peut-être, en découvrant ce disque, où sont passés les amplis qui explosent. Mais voilà, nous ne pouvons pas toujours refaire la même chose"...

Interview parue dans le n°71 du magazine Mofo de mars 1999

 

Blondie

La Vengeance d'une Blonde

Écrit par

Ressorti du frigo après 16 ans d'absence, Blondie n'est pourtant pas un produit périmé. A plus de 53 balais, Debbie Harry collectionne encore les... cheveux, laissant au caillou de Chris Stein, la pérennité de la coupe grisonnante. Les hommes noirs qui flanquent la toujours pulpeuse ‘baby doll’ sont certes un peu plus ventripotents qu'au début des années 80, mais grâce à "No Exit", cette bande de quinquas a repris son parcours musical là où elle l'avait laissée...

Ils proposent toujours une pop légèrement aseptisée qui a du goût lorsqu'elle est bien dégelée. Avec l'âge, voilà même qu'elle en devient succulente... Alors quoi, Blondie reformé, c'est à nouveau pour pouvoir garnir le garde-manger? Et puis d'abord, était-ce difficile de faire sonner ce nouvel album comme les anciens?

Debbie Harry: Non, c'était très naturel, puisque nous avons toujours eu un son bien à nous.

Il semble un peu plus poli, plus doux qu'autrefois...

Chris Stein: C'est peut-être un peu ‘glossy’, à cause du rap qui a entre-temps percé. Pourtant, j'avoue aimer cet album, et même le préférer à certains anciens. Mais c'est vrai qu'il est moins trash que les précédents.

Est-ce un résumé de ce que vous avez fait auparavant?

Jimmy Destri: Yeah, exactement. Nous avons eu la même démarche que pour les anciens albums, c'est-à-dire que nous voulions y mettre les influences que nous avons subies. Et en 16 ans, elles ont été nombreuses.

Blondie For All

Croyez-vous bénéficier du revival punk qu'on observe actuellement?

C.S.: Non, parce que nous n'avons pas l'impression de faire du revival mais de reprendre notre travail là où nous l'avions laissé. Les Sex Pistols m'ont déçu quand ils se sont reformés ; je pensais vraiment qu'ils allaient entrer en studio pour pondre un nouvel album. La différence entre la musique des Pistols et la nôtre, c'est que la leur est plus limitée en terme de hits. Et puis, Blondie pratique des musiques multiples comme le ska, la dance... Tous les genres qui nous viennent à l'esprit se retrouvent dans ce disque.
D.H.: La chanson qui traite, par exemple, des vampires se voulait une contribution de Blondie à la scène gothique. Pour nous, Coolio était le choix évident pour interpréter le côté rap de celle-ci.

Tu te considères comme la mère du rap?

D.H.: Oh yes (rires)! Non!
C.S.: Yo! Mother!
D.H.: Quelque part, je suis très fière du fait que nous ayons contribué à en faire quelque chose de légitime et de populaire. Mais je pense que le rap était tellement puissant qu'il y serait parvenu sans notre intervention. C'est tout simplement arrivé plus tôt grâce au succès de "Rapture".
Clem Burke: Pour ma part, j'ai contribué à une chanson reggae et un morceau plus jazzy inspiré du travail de Debbie chez les Jazz Passengers.

Qui espérez-vous ce disque va-t-il intéresser ? Les gens qui avaient 20 ans en 82 ou... 

C.S.: Tout le monde et chacun! J'espère que ce disque touchera des gosses qui n'ont jamais entendu parler de Blondie. Notre désir le plus cher est d'apercevoir plus de kids dans les salles. Mais beaucoup de gens viennent aussi nous voir parce que durant notre première époque, nous étions un groupe assez limité en termes de concerts et beaucoup de fans n'ont jamais eu l'occasion de nous voir jouer live. Mais le public des premiers rangs semble déjà plus jeune que celui qui se tient derrière... C'est le Blondie Viagra Tour (rires)! D'ailleurs, on est tous sous Agra, sauf Debbie bien sûr!

Vous sentez-vous toujours Blondie, comme à l'époque, lorsque vous montez sur scène ?

C.S.: Oui! Malheureusement, la réalité est très différente (il se marre)!

Debbie dans le ‘Muppet’

Debbie, ton rôle dans les Jazz Passengers était-il très différent de celui que tu as au sein de Blondie?

D.H. : Oui. Ma position était plutôt celle de l'artiste invitée. Leur routine était établie depuis 11 ans. Sur la scène jazz, c'est plutôt un groupe culte sur lequel le succès populaire a peu de prises. C'est donc un univers totalement différent du milieu rock. En termes d'idéologie aussi: leur vie est véritablement dédiée à la musique. Ils pensent vraiment que la pop music n'est qu'une blague. C'était donc très facile pour moi, et très élégant aussi puisque que je n'avais qu'à penser à la musique et me considérer comme une artiste. Formidable!

Blondie avait beaucoup plus de succès en Europe qu'aux Etats-Unis...

J.D.: Sauf à New York, notre ville. Mais c'est vrai, beaucoup de gens du Midwest croyaient que nous étions un groupe anglais. Nous appartenons à la pop culture. Chris et Debbie étaient très proches d'Andy Warhol.

Voyez-vous un lien entre vous, Sonic Youth et les Pixies, un autre groupe américain plus populaire en Europe qu'aux States?

D.H.: Oui, bien que nous ayons eu plus de succès aux States que les Pixies. Mais nous avions une collection de chansons plus variées, certaines marchant là-bas et pas du tout ici, et inversement. "Denis", par exemple, a cartonné ici mais n'a rien fait aux States.

Debbie, quels souvenirs as-tu de ton travail en compagnie d’Iggy Pop? Ensemble, vous aviez enregistré "Swell Party" de Cole Porter...

D.H.: J'adore travailler avec lui! C'est un type formidable et une inspiration pour tous!
C.S.: Oui, moi j'ai de grands souvenirs de l'enregistrement de "Zombie Birdhouse", l'album d'Iggy Pop auquel j'ai participé. Nous avons de terribles souvenirs des premières parties que nous faisions pour lui dans les années 70.

Debbie, de quoi es-tu la plus fière: d'avoir travaillé comme Bunnie dans un bar ou d'être apparue dans le "Muppet's Show"?

D.H.: D'avoir participé à l'aventure du "Muppet's Show", bien sûr. Les Muppet's constituaient une expérience fabuleuse. Jim Henson était génial, à la fois très créatif et professionnel. C'était instructif de voir comment il travaillait. Les marionnettistes avaient de si jolies mains et n'arrêtaient pas de parler entre elles d'ailleurs.

Interview parue dans le n° 71 de mars 99, du magazine Mofo.

Garbage

Etat des lieux

Remplir Forest National après avoir seulement sorti deux albums, n’est pas à la portée de tout le monde. C’est pourtant la performance que vient de réussir Garbage. Faut dire que depuis quatre ans, le quatuor a beaucoup tourné, sans jamais oublier la Belgique. Et que malgré son succès, il n’a pas attrapé la grosse tête. Ce qui explique, sans doute pourquoi, il attire la sympathie, aussi bien du public que des médias. Leur simplicité et leur gentillesse sont plus que légendaires. Il serait d’ailleurs malheureux de ne pouvoir se forger une opinion, lorsqu’on a la chance de les rencontrer pour la quatrième fois. Pas le temps, cette fois, de parler de la pluie et du beau temps. Quinze minutes nous étaient imparties. Butch Vig et Steve Marker ont donc fait le maximum pour nous dispenser une interview à la fois riche et intense…

Dans quel état d’esprit êtes-vous quelques heures avant d’accorder un concert dans une des plus grandes salles de Belgique?

S.M. : C'est incroyable. Lorsque nous avons commencé à booker la tournée, c’est un des premiers endroits à avoir été sold out! Nous devons compter une foule de fans, ici, en Belgique.

N'avez-vous pas parfois peur d'être dépassé par la situation? Comment faites-vous pour garder la tête froide?

B.V. : Ce n'est pas facile du tout (rires). Heureusement, nous avons de la bouteille. Nous ne sommes pas forcément plus malins, mais nous avons en tout cas cette faculté de pouvoir garder les pieds sur terre, quand les événements se précipitent autour de nous. Et nous l’avons démontré tout au long des nombreux concerts que nous avons accordés, ainsi que lors de la sortie de notre premier album qui a cartonné un peu partout dans le monde... Des expériences auxquelles nous avons pris beaucoup de plaisir. Le groupe a ainsi pu rester très soudé, et je crois que cette ‘union sacrée’ explique notre calme au sein de la tourmente…

Vous avez beaucoup eu recours à la technologie sur votre dernier album. N'avez-vous pas peur de perdre l'élément humain dans vos chansons? Et qu'à brève échéance, les hommes cèdent leur place à des machines?

S.M. : Ce serait cool que nous puissions nous asseoir en attendant que les machines fassent tout le boulot, non? Imagine un peu que lors de l’enregistrement de notre prochain album, toute la programmation soit mémorisée sur ordinateur ; mais que lors du bug de l'an 2000, au réveillon de 99, nous perdions toutes les données, parce que toutes les machines se seraient crashées. Nous serions alors obligés de sortir un album folk, avec des guitares acoustiques (rires). Du bluegrass... de la country, parce que nous n'aurions plus accès à nos synthés...

Vous n'avez jamais joué ‘unplugged’ pour MTV?

B.V. : Ils ne nous l'ont jamais demandé. Mais nous en serions capables. Nous avons donné quelques concerts acoustiques. Avec des guitares sèches, une batterie jazz et ce genre de matériel. A Portland dans l'Oregon, notamment, devant près de 10 000 personnes. Bien sûr, nous étions plus nerveux sur scène, mais nos chansons n'ont cependant rien perdu de ce traitement.

Parfois, ça fait du bien, de jouer en acoustique?

B.V. : Oui, c'est agréable. Et puis, l'essence même de la chanson est toujours présente. Juste les guitares et la voix de Shirley.

Il y a une cover de Big Star sur le single, vous en êtes de grands fans?

S.M. : Oui, mais « Thirteen » est la seule chanson que nous n’ayons jamais jouée d'eux. C’est un grand groupe. Alex Chilton s’est toujours montré à la hauteur, aussi bien au sein des Box Tops, de Big Star qu’en solo. C'est une chanson que Shirley a toujours voulu interpréter, parce qu'elle trouvait que le texte pouvait prendre une signification différente, s'il était chanté par une femme. Peut-être que nous la chanterons ce soir, je ne sais pas encore. (NDR : ils l’ont interprétée !)

Si vous aimez Big Star, vous devez alors également apprécier Teenage Fan Club et les Posies?

S.M. : Oui, surtout les chansons des Posies.

Sur votre nouvel album, Shirley a écrit l’essentiel des textes, mais ils semblent faire référence à la vie de Butch. C'est vrai? Si oui, pourquoi?

S.M. : Tu penses vraiment que les textes ont un rapport avec la vie de Butch, alors qu'ils ont été écrits par Shirley, c'est ça? Qu'est-ce que tu en dis, Butch?
B.V. :
(Apparemment ennuyé) Lorsque Shirley nous a rejoints, les lyrics se rapportaient à des épisodes qui nous concernaient. « Version 2.0 » inaugure ses premiers textes pour Garbage. Elle en est d’ailleurs responsable à 95%. Je crois qu’aujourd’hui, Shirley se sent mieux quand elle écrit. Ils peuvent être interprétés de différentes manières selon les auditeurs. C'est vrai que certains donnent l’impression d’avoir l'air d'être écrits par un voyeur, quelqu'un qui porte un regard sur des événements qui lui sont extérieurs ; mais cette façon d'écrire relève de son interprétation personnelle. A part ça, je ne peux pas t'en dire plus (rires).

Dans la chanson « Temptation waits », Shirley clame : ‘Je suis un vampire qui attend son heure…’ Partagez-vous une même perspective gothique que celle des Cramps?

S.M. : Les Cramps? Haaaa... Nous aimons les Cramps! Mais personne ne nous a jamais posé cette question. C'est peut-être de là que nous tirons notre nom. Va savoir!
B.V. :
Ils ont toujours véhiculé cette espèce de vibration psychobilly, ce truc un peu fou. Nous possédons un de leurs clips : ils jouent dans une espèce d'asile d’aliénés, en Californie, et au bout d'un certain temps, tu ne peux plus faire la différence entre le groupe et les patients. C'est assez surréaliste. Là où je discerne un parallèle entre eux et nous c'est que Shirley a cette faculté de pouvoir se glisser dans la peau d'un personnage ; ce que ce groupe new-yorkais faisait très bien. Surtout Lux Interior.

Et ce côté gothique, alors?

S.M. : Disons que c'est un peu plus ‘tongue in cheek’, un peu ironique. Certains journalistes nous accusent parfois d'être gothiques. On a un peu de mal à les comprendre. On ne se déguise pas en croque-morts, on ne reprend pas de vielles chansons de Cure, de Siouxsie & The Banshees ou de Bauhaus. Peut-être que cette image vient de la manière dont Shirley interprète un personnage gothique. Enfin  intrinsèquement, nous sommes peut-être un peu gothiques. Mais alors un peu.

« Special » est un hommage à Chrissie Hynde des Pretenders. Que représentent les Pretenders pour vous?

B.V. : Leur premier album est absolument génial. Grand groupe, grandes chansons, Honeyman-Scott était un tout bon guitariste. La semaine dernière, nous avons joué à Wembley, c'était sold out. Chrissie Hynde nous a rejoints sur scène pour chanter « Only Happy When It Rains ». Pour nous tous, cette rencontre restera inoubliable. C’était incroyable ! Le simple fait d'entendre sa voix, et de voir comment elle a pu soulever l’enthousiasme de milliers de gens, m’a donné la chair de poule... Coup de bol, on avait mis le son bien clair, et quand on l’a réécoutée, après dans le bus, tout le monde était sur le cul. A ce jour, c’est déjà un des grands moments de notre tournée. Elle est une de nos idoles. Shirley adore sa façon de chanter, et quand elle joue de la guitare, elle a un de ces looks. Elle a toujours été un ‘role-model’ pour nous. En plus, nous avons pu discuter avec elle après le concert. Elle est vraiment gentille, très marrante et intelligente.

C'est vrai que vous avez dû payer votre place quand vous avez joué chez vous, à Madison, parce que tout le monde avait demandé une exonération?

S.M. : Nous avons dû payer notre place?
B.V. :
Non, nous avons reçu des tickets gratuits. En fait, c’était la première fois que nous jouions au Dane County Coliseum, qui est une des plus grandes salles de concert du coin. Je crois que sur la guest-list, il y avait à peu près 500 personnes. Tout le monde voulait obtenir un backstage. Cette situation a failli tourner à l'émeute. Comme le public était chaud, nous en avons profité pour tourner quelques plans de foule. C’était vraiment très intense. Après le concert, nous sommes allés dans un bar qui est un peu notre QG officieux, et là aussi c'était la folie. C'est amusant de jouer chez soi, en sachant que tous tes fans de la première heure seront présents pour t'encourager...

Garbage figurait sur une compile intitulée « Women of the 90's ». Imagine qu’il y en ait une autre qui sorte sous titre « Boys of the 90's », vous y figurerez aussi?

S.M. : J'espère! Nous ne sommes ni vraiment un boy band, ni vraiment un girl band. Nous sommes un peu des deux. Les deux perspectives sont présentes au sein de Garbage. J'espère effectivement que nous figurerons sur ces deux compilations.

Jérémy & Bernard Dagnies.

(Merci à Didier Stiers)

Version originale de l’article paru dans le n°70 du Magazine Mofo de février 99

 

Unbelievable Truth

La mélancolie, un passage obligé…

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Chez Unbelievable Truth milite un certain Andy Yorke, le frère de Thom, leader de Radiohead. Une formation née en 1993 et responsable d’une pop pleine de douceur et de mélancolie. Un peu à la manière des si belles ballades dispensées par REM ou Radiohead. Une musique imprégnée d’émotions, de fragilité et de chaleur que le trio tente de faire partager avec son public. L’an dernier sortait « Almost here », un premier album tout simplement splendide. Une des nombreuses raisons qui nous ont poussés à s’intéresser de plus près à une future locomotive de la pop anglaise et qui est déjà une révélation à nos yeux. Nigel, batteur et producteur du groupe nous donne ses impressions quelques mois après la sortie de l’album.

-  Sur certaines compositions de votre premier album, "Atmosphere", vous avez introduit une section à cordes. Pourquoi avoir opté pour de tels arrangements?

J'aime ce type de formule, même si je ne suis pas enclin à en abuser. Pour certaines chansons, le violon semblait être la meilleure solution. Une section à cordes procure une atmosphère à la fois étrange et délicate…

-  Pourquoi la mélancolie est-elle considérée de manière si positive chez Unbelievable Truth?

Je crois que tous les membres du groupe partagent ce sentiment. Nous avons tous eu des expériences quelque peu douloureuses. La mélancolie n'est pas négative. C'est davantage une émotion qui vous en procure d'autres... encore plus intenses. Je pense malgré tout qu'il y a une différence entre la mélancolie et la tristesse. Les sentiments de faiblesse, de pessimisme, de tristesse, d'impuissance, sont assez particuliers. Ils n'ont rien à voir avec la mélancolie qui est plutôt un passage, un processus que l'on traverse. Selon moi, la tristesse, la déprime, c'est comme une sorte de piège, de cul de sac.

-  Le nom de votre groupe, Unbelievable Truth (NDR : traduisez ‘vérité incroyable’) a-t-il une signification particulière ? Penses-tu qu’il soit impossible de découvrir la vérité ? Et cette vérité est-elle unique ?

Je suis incapable de répondre à la question. Pas mal de gens nous ont demandé des renseignements sur le nom du groupe. Unbelievable Truth, ce sont deux mots qui sonnaient bien. C'est pour cette raison qu'on s'appelle ainsi. Parfois, je me pose quand même des questions sur ce sujet... mais je n'ai pas encore trouvé de réponse. (NDR : en fait, il s’agit tout simplement du titre d’un film de Hal Hartley, sorti en 1989)

-  Apparemment, vous ne voulez pas devenir des rock-stars. Un choix délibéré?

Nous nous concentrons sur ce que nous faisons. Il y a des formations qui ne visent qu'un seul objectif, devenir d'énormes célébrités, sans aucun souci artistique. Actuellement, des groupes comme les Spice Girls ou les boys band illustrent bien cet état d’esprit. Je ne suis pas convaincu de leur souci artistique. Je pense aussi à des formations pop qui sont uniquement capables de reproduire les B-sides d'Oasis. C'est aussi une question d'argent. On veut être riche. Et un des moyens pour arriver à ses fins est de former un groupe, de sortir un disque et de se remplir les poches, si ça marche... mais après?

-  REM, Jeff Buckley, Crowded House, Nick Drake. De bonnes références pour vous?

REM a eu beaucoup d'influence sur nous. Les 3 autres un peu moins. En fait, nos références proviennent de différentes sources. Throwing Muses, par exemple, et toute la musique acoustique des USA nous ont beaucoup marqués. Le son du groupe est une combinaison de trois expériences individuelles. J'aimais écouter la musique progressive des 70's. Jason était plutôt branché ‘hip hop’. Quant à Andy, il était habitué à écouter des groupes postcard comme les Smiths, James ou Orange Juice.

-  Qu'est-ce que représente Talk Talk pour U.T.?

Andy est un grand fan des deux premiers albums de Talk Talk. Et lorsque nous avons produit ce disque nous nous sommes demandé comment ils auraient fait à notre place. Nous avons essayé d'éviter une construction trop traditionnelle des chansons, et opté pour l'introduction de petits éléments qui donnent au disque une atmosphère toute particulière.

-  Peut-on dire qu’« Amost here » soit un concept album ?

Non, ce n'est pas vraiment comme dans la musique progressive. Nous nous sommes concentrés sur la place à donner à chaque composition de l'opus. Mais je parlerais plutôt d’enchaînement plutôt que d’élaboration d'une œuvre entreprise avec l’intention d’en faire un concept album. Lorsque vous écoutez les Pixies, c'est un peu la même chose. Sans le vouloir, lorsqu'on met bout à bout chacune de leurs compositions, en partant de leur première chanson à la toute dernière de leur carrière, on a l'impression que cela forme un tout. Nous voudrions faire quelque chose de semblable. Mais je ne suis pas convaincu que cela soit une réussite totale.

-  N’est-il pas trop difficile, pour un jeune groupe, de compter pour chanteur, le frère de Thom Yorke ?

Non, pas vraiment. En fait, c’est surtout la presse anglaise qui y fait allusion. Même si Andy est le frère de Thom, nous ne faisons pas vraiment la même chose que Radiohead. Le public qui vient nous voir n’est d’ailleurs pas celui qui achète les disques de Radiohead.

-  Unbelievable Truth est un groupe plutôt intellectuel. Une attitude qui va à contresens des ensembles issus de l’actuelle scène britannique. Un commentaire ?

C’est sûr, nous sommes plus intellectuels que bon nombre de groupes anglophones. Et nous avons d’ailleurs été fortement critiqués à ce sujet. C’est une caractéristique très particulière de la Grande-Bretagne. La plupart des Anglais considèrent l’intellect comme quelque chose de mauvais. Pourtant, je crois que la qualité musicale n’a rien à voir avec le niveau d’éducation. Dans la musique, tu peux venir de n’importe quel milieu et faire quelque chose de très bien. Il n’y a pas d’obstacle pour faire de la bonne musique.

(Article paru dans le n° 70 du magazine Mofo de février 1999)

 

The Third Eye Foundation

Parano des bois…

Écrit par

Matt Elliot est un de ces adeptes des collages musicaux sans cesse aux aguets d'ingrédients à enfourner dans la moulinette de son sampler. Ce qui en ressort a habituellement un fort arrière-goût d'électronique, mais piétine joyeusement les plates-bandes du post rock comme celles de la drum'n'bass, du trip hop et de l'avant-garde. Pour un peu, on aurait l'impression qu'il ne se sent bien, comme son compatriote Jonny L., que devant ses machines...

Avec des titres comme « There'sA Fight At The End Of The Tunnel », « Fear Of A Wade Planet » ou « An Even Harder Shade Of Dark » ce serait presque un jeu de retrouver les originaux auxquels tu sembles faire référence...

Je suppose, oui. Malgré leur ironie, ils donnent déjà une petite indication du morceau. Pour moi, c’est comme un mécanisme de défense contre le ridicule dans lequel je tomberais si j'étais trop explicite. J’essaie qu’ils soient marrants ; mais en général, je choisis le titre quand le morceau est terminé. Je n'y pense pas en composant. Après coup, je me dis: ‘Il faut encore que je ponde quelque chose’. Je tourne un peu en rond, et n'importe quoi peut m'aiguiller. En fait, ces titres, c'est juste moi en train de me marrer. Je suppose que je suis quelqu'un d'assez ironique. Dans la vie, tu ris ou tu pleures. Et je préfère rire de la religion, de l'homme en général, de tout quoi. Il n'y a que par rapport à la musique que je ne suis pas ironique. C'est trop important pour moi!

Et ça fait mal ?

Tout ton travail est-il basé sur l'expérimentation?

En général je démarre par un drumbeat. C'est le plus simple, et ce processus est assez neutre, émotionnellement parlant. Après, je réfléchis à la tournure que je veux donner au morceau, ce que j'ai envie d'explorer comme sentiment. Il peut emprunter n'importe quelle voie. Et j'écoute aussi beaucoup de musique. Enfin, uniquement ce qui pourrait me servir, des trucs que je peux... voler ! Cette méthode peut prendre du temps. Alors je fume, je ne dors presque pas, je ne mange plus et je deviens fou. Parfois au bout de quelques jours, je n'ai qu'un ou deux morceaux valables. Parfois je reste en rade avec ce drumbeat...

Ta musique nait aussi de cette frustration?

C’est plutôt le travail en lui-même qui est parfois frustrant. Ou terriblement déprimant. Tu sais, quand rien ne marche... Alors j'éteins tout et je vais dormir. Ou me soûle la gueule. Mais j'aime ce que je fais. J’essaie d'ailleurs de me conduire de1a manière la plus dingue possible quand je travaille, je repousse sans cesse mes limites. C'est la musique qui veut ça... Aucune sensation n'équivaudra jamais celle que tu peux ressentir quand tu entends enfin ce morceau qui t'a fait suer sang et eau...

Comment travailles-tu les samples?

Chez moi, ils sont essentiels. Il n’y a que le séquencer que j'utilise autant qu'eux, mais de mon point de vue, la musique basée sur les samples est la seule qui puisse encore apporter quelque chose aujourd'hui. Je ne dis pas que tout doit être computarisé ; des types comme Elliot Smith ou les Palace Brothers ont leur place, bien sûr, mais j'aime assez l'idée selon laquelle le sample te permet d'utiliser n'importe quel son, puisé n'importe où dans... l’univers. Et de pouvoir faire ce que tu veux avec. Ces derniers temps, j'ai passé plus d'heures à jouer avec les samples qu’à réellement enregistrer de la musique. A vrai dire, je ne comprends pas très bien ces producteurs qui utilisent juste des sampleurs pour coller un ‘ooh yeah’ sur un beat. D’autant qu’aujourd'hui, ils sont à la portée de toutes les bourses et qu'ils t’ouvrent des horizons infinis...

Ne crois-tu pas que cette façon de ‘t'amuser’ devienne une recette en soi, au détriment de ta créativité par exemple?

Je ne sais pas. En tout cas, je n’ai pas le sentiment d’essayer des sons bizarres juste pour le plaisir d'avoir l'air bizarre. Si mes titres sont étranges, c'est parce que je suis moi-même un type étrange. Je le sais, on me la dit! Au départ, j'enregistrais des trucs vraiment durs, sales, agressifs. Aujourd'hui, j’ai plus envie de créer de belles choses. Enfin, quand je dis ‘belles’, ça ne veut pas dire ‘gentilles’. ‘Belles’ comme de la musique classique quoi, qui peut être sombre en même temps.

Tu réécoutes souvent tes disques?

Hum...! Il y a un truc que tu dois absolument faire avec ma musique, c'est te balader dans les bois ou dans un parc et l'écouter sur un minidisc. Là, le son est vraiment exceptionnel. Je l’ai expérimenté après avoir achevé l’enregistrement de « You Guys Kill Me ». Les bois, c'est un bon plan, parce qu’on y a plus vite peur. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de regarder par-dessus mon épaule... Mais bon, c'est peut-être parce que je suis parano.

Ce qui ne t'empêche tout de même pas de t’intéresser à la scène électronique anglaise? A ton avis, elle évolue?

Oui, elle bouge, mais on n’y rencontre plus grand-monde de créatif. Cinq ou six artistes, d'après moi. Et des centaines qui les copient! Mais ce n’est pas un phénomène typiquement britannique. En Angleterre, la scène musicale est saturée par la house, que je trouve très, très casse-pieds. La jungle y est aussi de plus en plus stylisée et ennuyeuse. En plus, il y est très facile de faire parler de toi, même quand tu n'as absolument rien à dire. Pour l'instant, je crois que c'est le hip hop qui bouge le plus, sous une certaine influence américaine. On y retrouve beaucoup de samples classiques, des éléments plus sombres... Quant à l'électronique, le meilleur vient pour l’instant du continent, et d'Allemagne surtout. Un groupe que j'aimais beaucoup était presque belge : Tuxedomoon. A mon, avis, ils ont composé une des plus belles musiques jamais réalisées ; et quasi personne n'est arrivé à les égaler, sauf peut-être The Aphex Twin. Lui, je l'admire parce qu'il se moque de l'avis des gens et ne s'excusera jamais pour aucun de ses disques.

(Article paru dans le n°69 du magazine Mofo de décembre 1998)

 

Recoil

Le choix d’Alan Wilder

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Alan Wilder a choisi Recoil, son projet. Un projet pour lequel, alors qu’il était encore au sein de Depeche Mode, il avait déjà publié deux albums (« Hydrology » en 88 et « Blooline » en 92). Mais le nouveau cd, « Unsound methods », est le meilleur à ce jour, flirtant parfois avec les sons trip hop, voire techno.

Mes disques précédents, tant chez Depeche Mode que Recoil, avaient recours à des sons électroniques et des rythmes orientés techno... Je suis un instinctif, je ne choisis pas consciemment la façon dont je vais sonner. Cette fois-ci, je m'étais juste dit que je voulais des rythmes plus groovy, quelque chose de plus desserré, de plus fluide, de plus relâché. En prenant du recul, quand je réécoute mes disques, ils me semblent tous trop rigides.

Quelle étiquette peut-on coller à ton travail?

A vrai dire, je m'en fous un peu. La plus commune semble être ‘cinématographique’ ou ‘bande-son’ d'un film qui n'existe pas. C'est probablement un peu de ça qu'il s'agit.    .

Il y a d'ailleurs des extraits de la B.O. d'‘Apocalypse Now’ sur ton disque. Pourquoi?

Oui, sur « Incubus ». Parce que c'est un de mes films favoris. Il est très sombre, très noir, très dur. Comme j'aime!

C'est dans les atmosphères sombres et oppressantes que tu te sens à l'aise. Parce que tu es quelqu'un de pessimiste?

Tout le monde me le demande, mais je ne me considère pas comme tel. Créer ce genre de musique me semble plus intéressant que de décrire la joie qu'on éprouve à avoir des enfants, par exemple... La part de moi qui s'exprime en musique est sombre et glacée, mais elle ne correspond pas à ma personne. Peut-être que mon côté sombre, je l'évacue en musique et que je n'ai plus besoin de le faire dans la vie? Je ne suis pas pessimiste, je me considère comme réaliste avec une dose de cynisme aussi. En fait, je suis quelqu'un de très ouvert, même si je choisis mes amis avec la plus grande prudence. Si je me montre parfois sec, c’est que je n’ai pas nécessairement beaucoup de temps à consacrer aux gens. Ce propos paraît sans doute égoïste, mais la vie est courte. Par exemple, je refuse systématiquement de travailler comme remixeur, parce que j'y mettrais trop d'énergie et que je préfère la garder pour moi.

L’ironie du titre

Un mot sur le titre du disque « Unsound Methods »?

Il affiche un côté ironique: ‘Unsound’ et se traduit par quelque chose comme ‘raté’, ‘mauvais’. Une méthode non correcte qui s'applique bien à la plupart des sujets du disque. ‘Stalker’ est typiquement un truc ‘unsound’...

Pourquoi ne chantes-tu pas sur cet album?

Parce que je n'aime pas le son de ma voix! Elle n'est pas atroce, mais elle est terne, un peu fade... Et puis, je ne suis pas très bon pour écrire les textes. J'ai essayé, mais l’inspiration ne vient pas naturellement. Je préfère donc laisser cde rôle à quelqu'un de plus compétent. Quelqu'un comme Douglas McCarthy, de Nitzer Ebb, avec qui j'avais déjà travaillé ou comme les trois filles (NDR : inconnues au bataillon) que sont Siobhan Lynch, Maggie Estep et Hildia Campbell. J'adore travailler en compagnie d'autres chanteurs et je suis persuadé pouvoir tirer le meilleur parti de leur voix. Je ferais un bon entraîneur, je suis capable de pousser quelqu'un à aller plus loin, à être meilleur. L’exemple parfait, c'est Douglas : voilà quelqu'un qui a du talent, mais qui ne sait pas toujours bien comment l'utiliser ni comment l’exprimer. Franchement, j'arrive à le sublimer et lui, il apprécie que je le pousse ainsi. Pourtant, ce sont juste quelques encouragements.

Recoil, c’est un groupe ?

Sûrement pas. C'est un projet en perpétuelle mutation. Il implique des collaborateurs qui entrent et sortent aux moments appropriés. J'adore travailler avec les autres, mais pas tout le temps les mêmes.

La séparation

On le sait ; en juin 95, Alan Wilder a abandonné Depeche Mode après une grosse douzaine d'années passées dans le groupe anglais. Il faut sûrement du courage pour quitter un groupe qui recueille autant de succès. Si on peut avoir l'impression qu'Alan n'y jouait que les seconds rôles, son influence occulte auprès des Gahan et Gore aura sans doute été déterminante sur le son et la popularité de ce groupe.

J'avais fait mon temps dans le groupe. J'en avais assez et j'estimais qu'au sein de Depeche Mode, on avait concrétisé tout ce que je sentais qu'on pouvait réaliser. Pourquoi continuer alors? Bien sûr, il y a eu des moments de tension, les ennuis de Dave liés à la drogue ; mais ce n'étaient pas les motifs primordiaux qui ont conduit à mon départ. Juste que cela n'allait plus!

Parce que tes idées n'étaient pas assez utilisées ?

Non, pas vraiment. J'étais capable de les faire adopter par la formation. Mais peut-être parfois, était-ce quand même un peu frustrant, je veux bien l'avouer. J'ai réalisé, c'est vrai, des trucs qui ont peu été appréciés, du moins pas à leur juste valeur par les autres membres du groupe.

As-tu hésité avant de partir?

Non, je n’ai pas hésité à quitter Depeche Mode, mais entendons nous bien, j’y ai quand même beaucoup réfléchi. C’est normal, on ne quitte pas un tel groupe sur un coup de tête. Mais là, j'en étais arrivé à un point où il fallait prendre une décision. Je n'étais plus heureux ; ni dans ma vie privée, ni dans ma vie professionnelle. J'ai donc choisi le divorce dans un cas comme dans l'autre. Peut-être ai-je commis une grosse erreur, au moins financièrement ; mais d'un autre côté, je me sens mieux dans ma peau et j'ai plus d'enthousiasme que je n'en ai jamais eu!

Quels souvenirs garderas-tu de Depeche Mode?

Il y en a des tonnes et la plupart sont très, très bons. Je ne voudrais pas qu'on se cantonne dans mes explications sur la fin de l'expérience et qu'on oublie tout le reste. Je ne suis absolument pas amer, c'est même plutôt le contraire. Je suis très reconnaissant envers tout ce qui m’est arrivé dans cette aventure. J'y ai appris énormément, spécialement au début, dans le domaine de la production. Et puis, j'y ai pris beaucoup de plaisir, notamment lors de tournées où l'ambiance était fantastique

Enfin, pour que votre info soit complète, sachez que Wilder n’envisage pas de concert pour Recoil. Pourquoi ? Parce qu'il ne voit pas comment il pourrait monter une telle entreprise. Cependant, il souhaite continuer à enregistrer dans le studio qu'il s'est aménagé, juste à côté de chez lui, dans sa maison du Sussex, à la campagne, où il lui faut à peine une heure de route, depuis Londres, pour s’y rendre... mais où il est tellement plus au calme !

(Article paru dans le n° 59 du magazine Mofo de décembre 97/janvier 98)

 

Moloko

Un homme, une femme et un sampleur

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Quand ils répondent ensemble aux interviews, Mark Brydon (le garçon) et Roisin Murphy (la fille) donnent l'impression de deux gosses occupés de se chamailler. Le premier semble peser ses mots et développe ses idées avec pondération, tandis que la seconde le reprend constamment, comme si elle craignait qu'on prête moins d'attention à sa version des événements. La différence d'âge, peut-être... Quoi qu'il en soit, le deuxième album du duo reflète cette même envie d'aller plus loin dans les directions (musicales) choisies.

Mark : Il est vrai que notre premier album était très léger. Disons: ‘insouciant’. Quand nous avons commencé à travailler sur « I Am Not A Doctor », nous n'étions déjà plus dans le même état d'esprit.
Roisin :
J'avais vingt ans quand « Do You Like My Tight T-Shirt » est sorti. On peut y retrouver tout ce que nous avions en tête depuis des années. C'est un peu comme si tu avais laissé entrer un gosse dans un magasin de jouets pour qu'il se serve. Depuis, nous avons beaucoup tourné, rencontré du monde et nous nous connaissons forcément mieux. Nous nous sommes rendu compte que si la musique était notre obsession, nous étions d'accord sur beaucoup de points. Mark est revenu à cette avant-garde, à cette fusion qu'il écoutait dans les années 80. Moi, j'étais moins dans ce trip, mais j'ai beaucoup appris, sur la musique, la musicalité, je suis devenue plus critique. Ce qui explique pourquoi nous avons pu travailler sur ce second disque, sans que des divergences ne nous bloquent en cours de route.

Ne restez pas coincés!

Considérez-vous ce second elpee comme un disque plus sérieux?

M. : Nous l'avons en tout cas travaillé plus sérieusement, de manière réfléchie pour qu’il puisse mieux atteindre sa maturité. Mais l'humour est toujours présent ; peut-être un rien plus noir, néanmoins. Ce disque est peut-être aussi plus parano, dans le sens où il nous a cette fois confrontés à nous-mêmes.
R. :
Au fur et à mesure, nous nous sommes d'ailleurs pris au jeu en nous disant: ‘Mais oui, pourquoi ne pas être un peu parano?’.

Ce qui frappe aussi sur cet opus, c'est son éclectisme musical...

R. : Nous ne sommes pas obsédés par la house, ni particulièrement fans de techno... C'est difficile de nous coller une étiquette. De toute façon, ceux qui prétendent faire un truc pur racontent des conneries. A la limite pourrions-nous nous rapprocher d'un peu plus de pureté, tant sur le plan de la musique que sur celui des mots. Mais il reste que les gens ont parfois du mal à comprendre notre musique.
M. :
Comme nous, d'ailleurs...

A propos d'étiquette, la presse en avait vite collée une sur votre premier long playing, non?

M. : Au départ, c'est vrai, les gens ont parlé de trip hop, c'est le terme qui avait été utilisé. Alors, forcément, c'était les deux ou trois mêmes références qui revenaient sans cesse : Portishead, Massive Attack... A part le fait que nous étions un type, une fille et que les samplers nous avaient permis de réaliser pas mal de choses, la comparaison, à mon avis, s'arrêtait là. S'il faut parler de références, j'irais plutôt les chercher dans les années 80, du côté des B-52's, des Talking Heads ou même de Grace Jones. Et encore, ce serait bien plus sur le plan de la mentalité que de la musique
R. :
Le public a parfois du mal à voir d'autres influences que celles qui sont strictement musicales. Sans parler de toutes celles que tu subis inconsciemment, quand tu sors en boîte par exemple, et que tu entends des tas de disques dont tu ne connais ni le titre ni l'auteur...

Quelle est alors, votre mentalité ?

M. : Jouer avec le feu! Expérimenter l’univers de la pop, par exemple. C'est dangereux. Beaucoup pensent en effet que la pop est sans contenu. Vas donc leur expliquer que tu expérimentes avec du vide, ils ne te prendront jamais au sérieux. Or, la pop peut être le champ d'investigation le plus intéressant qui soit. Et les choses y sont encore plus belles quand elles y naissent par accident.
R. :
Et en même temps, nous ne voulons pas en rester à ce stade. Il faut à la fois continuer à expérimenter, mais aussi t’engager intelligemment dans une certaine direction. Rester à expérimenter constamment est trop simple à nos yeux.

(Article paru dans le n° 66 de septembre 1998 du magazine Mofo)

 

Kent (Sweden)

C’est en Suède que ça se passe!

De Kent, vous ne connaissez probablement que le hit single, doublé d’un clip flamboyant, « If you were here ». Pourtant, le quintette suédois est très populaire dans son pays et vient d’enregistrer son troisième album, « Isola ». Juste avant de partir en tournée et de participer à la plupart des festivals de cet été, en Europe. Comme celui du Pukkelpop. A l’issue de leur excellent set, nous avons rencontré un des deux compositeurs, Martin Sköld, bassiste également, flanqué, non pas du chanteur (NDR : l’autre lyriciste), mais du claviériste Markus Mustonen…

Pour enregistrer votre dernier album, Chris Gordon, le chanteur de Baby Chaos, vous a donné un coup de main. Vous le connaissiez depuis longtemps ?

M.S. : Joakim (NDR : le chanteur), l’avait déjà rencontré, et apparemment, le courant était bien passé entre eux. Il l’a aidé à parfaire son anglais. Il n’est pas toujours facile de bien saisir la signification de ce que tu écris, lorsque tu ne maîtrises pas parfaitement une langue étrangère. Il s’est donc occupé de vérifier les lyrics et de les adapter en quelque sorte, en fonction du contexte. Je pense qu’au fil du temps, ils se sont même mis à composer des chansons ensemble…

Vous aimez Baby Chaos ?

M.S. : Pas vraiment, nous n’avons jamais écouté la moindre de leurs chansons…

Avez-vous l’intention de réenregistrer vos deux premiers albums en anglais ? Eventuellement avec le concours de Chris Gordon ?

M.M. : Non, ces chansons sont trop anciennes. Nous préférons nous concentrer sur de nouvelles …
M.S. :
Nous devrions enregistrer un nouvel album au printemps prochain, car nous avons énormément de titres disponibles, qui n’ont pas encore été enregistrés.
M.M. : Et peut-être, également, un deuxième dans la foulée, dès l’automne 99.

Toujours sous la houlette de Chris Gordon ?

M.S. : Pourquoi pas !
M.M. : C’est vraiment un chouette gars !

Est-ce que ABBA est demeuré un groupe mythique pour vous ?

M.S. : Bien sûr ! Et puis, c’est la formation suédoise la plus célèbre.
M.M. : Un jour, nous avons même eu la chance de les croiser dans un restaurant, et puis de rencontrer l’un d’entre eux…
M.S. : Aujourd’hui, ils se consacrent à la musique folk suédoise.

Paraît que louer leur studio coûte la peau des fesses. Si vous disposiez d’assez de fric, vous y séjourneriez ?

M.M. : Je l’achèterais !
M.S. : Non, nous le prendrions plutôt en location…
M.M. : Leur studio se trouve à Stockholm. Mais, lorsque nous enregistrons, nous préférons nous rendre à l’étranger. M’enfin, j’ai déjà visité les studios d’ABBA, et je reconnais qu’ils sont remarquables ; c’est probablement le plus performant de Suède…

A ce propos, votre dernier album, vous l’avez enregistré en Belgique. Dans les studios « Galaxy » de Mol très exactement. Apparemment, c’est votre producteur, Zad, qui vous l’avait recommandé. Avait-il des raisons particulières pour opérer ce choix ?

M.S. : En fait, il avait travaillé en compagnie d’autres groupes, dans le passé. Il connaissait tout particulièrement les lieux, et puis, au départ, nous souhaitions nous rendre à Berlin, là oµ la plupart des disques de Bowie avaient été enregistrés. On voulait retrouver cette atmosphère toute particulière, qu’il est toujours, jusqu’à présent, le seul à concevoir. Malheureusement, ces studios étaient en pleine phase de rénovation. Nous avons demandé conseil ; et puis Zad, nous a aiguillés sur celui de ‘Galaxy’, nous précisant, que c’était le meilleur endroit qu’il connaissait, pour y avoir déjà travaillé. Finalement, c’est vrai, c’est un endroit idéal pour bosser.

Vous avez ainsi pu rencontrer Luc Van Acker, le propriétaire de ces studios. Votre rencontre a donc dû être très conviviale ?

M.M. : Absolument. Il est même ici (NDR : au Pukkelpop). Nous avons mangé ensemble ; et puis, nous lui avons dédicacé une de nos chansons.

Bowie, c’est un mythe pour vous ?

M.S. : Nous apprécions tout particulièrement tout ce qu’il a sorti entre 1972 et 1976.

Comment expliquez-vous que le clip consacré au single « If you were here » est passé si souvent  sur MTV ?

M.M. : Je suppose qu’ils appréciaient la chanson, et puis également le clip. C’est une question de chance. Nous étions probablement dans un bon jour, lorsque nous leur avons remis la cassette…

Pas d’autres explications ?

M.S. : Non, personnellement, je n’en ai pas. Vous devriez leur demander.
M.M. : La meilleure explication ? C’est une bonne chanson !

Pas facile quand même de s’y imposer. Beaucoup de groupes américains n’y sont même jamais passés !

M.M. : Nous étions en Finlande, pour une tournée, lorsque nous avons vu le clip diffusé, pour la toute première fois, sur MTV. Du coup, on s’est foutu une bonne cuite. Mais, c’est vrai que c’était assez surprenant.

Comment expliquez-vous qu’il y ait une telle prolifération de groupes scandinaves qui s’exportent aussi bien, et notamment, suédois ?

M.S. : Je suppose que c’est parce que l’environnement musical est idéal. Il y a aussi beaucoup de monde qui est prêt à aider les groupes. Suffisamment de salles pour répéter qui ne coûtent pas tellement cher. Le gouvernement apporte également son aide d’une manière substantielle, et surtout financière. Il est assez facile de lancer une formation et de se faire payer en retour. Je pense que c’est notre tour maintenant …

Chez vous, vous êtes devenus célèbres. Pas trop de problèmes, lorsque vous souhaitez sortir et prendre un bain de foule ?

M.S. : Non, en Suède, en général, le public te laisse tranquille, respecte ta vie privée…
M.M. : Ici, ce n’est pas un problème, car personne ne nous connaît.

Je suppose que vous n’aimez pas trop les comparaisons. Mais parmi toutes celles que nous avons pu lire dans les différents articles ou bios consacrés au groupe, celles relatives à Radiohead, Mansun et à l’ensemble australien Church, nous semblent les moins absurdes. Une réaction ? Avez-vous des atomes crochus avec la scène australienne ?

M.M. : En général, nous n’aimons pas trop la musique australienne. Nick Cave, quand même. Mais pas ce que faisait INXS.
M.S. : Si je me souviens bien, The Church avait commis une excellente chanson, « Under the milky way ». C’était déjà, il y a longtemps. Mais la musique australienne ne me tente pas plus que ça.
M.M. : Radiohead est un de nos groupes préférés. Mansun, je ne connais que le nom. Je n’ai jamais écouté leurs disques. Mais  Radiohead et The Church sont de bons groupes (NDR : et certainement de bonnes comparaisons)…

(Version originale de l’article paru dans le n° 66 du magazine Mofo de septembre 1998)

Merci à Jean-Baptiste Ducrotois

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