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De l’élévation de l’âme par la poésie, l'amour et la musique… à la célébration de nos êtres chers disparus… Spécial

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Sur son nouvel elpee, « Songs For The Dead », Catherine Graindorge communique une dimension métaphysique à son art. Basées sur un poème d'Allen Ginsberg et sur le mythe d'Orphée et Eurydice, les 8 nouvelles compositions révèlent un univers onirique, romantique et paradoxalement, à la fois sombre et éclatant de lumière. Un opus que la violoniste belge a réalisé en collaboration avec, entre autres, Simon Huw Jones, le chanteur du groupe culte And Also The Trees, qui a partagé la profondeur tellurique de sa voix et son inspiration lyrique. Un LP d'une touchante beauté, que l'artiste a présenté à Musiczine au cours d'une interview réalisée en collaboration avec l'émission WAVES.

Catherine, les lecteurs de Musiczine t'ont déjà découverte l'an dernier, lors de notre première interview, au cours de laquelle on a parlé de ton projet réalisé en compagnie d’Iggy Pop et du dernier opus de Nile On waX. On avait juste évoqué celui pour lequel on se rencontre aujourd'hui, qui s'intitule “Songs For The Dead”. Quelle est l'idée derrière ce projet ?

Cet album est une manière de célébrer les êtres chers disparus. Je l'ai construit autour d'un poème d'Allen Ginsberg, ‘A Dream Record’. Dans ce rêve, Allen Ginsberg raconte qu'il retrouve Joan Vollmer, la femme de William Burroughs. Elle est assise sur une chaise et ils discutent. Et puis, tout à coup, il voit sa tombe. Il se rend compte qu'elle est décédée. Et dans la réalité, effectivement, Joan Vollmer a été accidentellement tuée par William Burroughs, son mari. Ils étaient sous l'influence de stupéfiants et d'alcool et ont voulu jouer à Guillaume Tell. Il a tiré une balle de revolver sur un verre posé sur sa tête et il a mal visé. Ce qui m'a interpellée dans ce poème, c'est la question de la disparition subite. Que des événements peuvent basculer tragiquement en un instant. C'est une question qui me hante et m'interroge.

Et tu as voulu combiner ce drame et la mythologie ?

Cette femme qui, tout à coup, réapparaît, et ensuite, re-disparaît subitement, me rappelle le mythe d'Orphée et Eurydice. C'est l'idée de vouloir ressusciter les morts. Orphée va rechercher Eurydice dans les enfers, mais il ne peut pas se retourner s'il veut la ramener à la vie. Et malheureusement, il se retourne, et elle est perdue pour toujours. Mélanger ces deux histoires me semblait en harmonie.

Lorsque tu as eu l'idée de ce projet, c'était dans le cadre des Nuits Botanique...

Lorsque le Botanique m'a proposé une carte blanche, pendant un an, j'ai pu explorer de nouvelles pistes et réfléchir à un nouveau projet. J'avais envie de mettre en scène une figure féminine qui incarne Eurydice et Joan. En l'occurrence, moi. J'ai aussi souhaité incorporer un antagoniste, un homme qui soit à la fois la figure d'Orphée et de Ginsberg, cette figure masculine de la Beat Generation. J'avais envie d'une voix qui ait une dimension poétique, un peu théâtrale, capable d'alterner chant et ‘spoken word’. Mon conjoint, Elie, qui est un fan d'And Also The Trees, m'a fait entendre la voix de Simon Huw Jones et je me suis dit : ‘Oui, elle correspondra bien à mon univers. Simon possède cette dimension onirique...’

Et il affiche aussi un côté 'dark romantic'.

Oui, ça, d'office. Je vais toujours chercher des chanteurs 'dark romantic' (rires)…

Effectivement, on voit le lien avec Iggy Pop, Nick Cave, les Bad Seeds...

Pourtant, Iggy Pop n'est pas si 'dark' que ça... Il a quelque chose de très lumineux. Mais c'est vrai que Hugo Race et les autres... J'aime les personnages dark romantiques. Voilà...

Tu ne pouvais pas trouver mieux que Simon Huw Jones... En plus, il a participé à l'élaboration des paroles.

Oui, ça s'est fait de manière très naturelle. Quand je choisis quelqu'un je fais toujours confiance à mon intuition et souvent, mon intuition est plutôt juste. Que ce soit pour Simon Huw Jones, Iggy Pop ou Hugo Race, il n'y a rien à dire : c'était parfait.

C'est comme si les planètes s'étaient alignées.

Absolument ! C'était étonnant, la facilité avec laquelle Simon Jones a glissé ses textes sur mes musiques.  Comme si on était partis de zéro tous les deux. Je pense que son univers et le mien se combinent à la perfection.

C'est un peu comme un voyage rêvé en dehors d'And Also The Trees. On a la voix de Simon Huw Jones, mais placée dans un écrin musical complètement différent.

Oui, et pour compléter l'historique du projet, à l'issue de ma carte blanche, Paul-Henri Wauters, du Botanique, m'a proposé de jouer à Bozar dans le cadre des Nuits Botanique 2023. Et c’est devenu, d'une certaine manière, un 'try out', mais sous la forme d'un véritable concert, accordé dans une des salles les plus prestigieuses en Belgique. Les morceaux tels qu'ils avaient été construits à ce moment-là ont été utilisés comme 'démos' pour l'enregistrement de l'album.

C'est Pascal Humbert (NDR : un ex-16Horsepower impliqué chez Lilium et Détroit) qui joue de la basse et de la contrebasse. Comme Simon, c'est quelqu'un de très authentique...

Oui. Comme Simon, Pascal est très fidèle à ses idées, à sa conception de la musique et de la vie, également. Tous deux préfèrent aller travailler la terre ou s'occuper d'animaux, plutôt que de coopérer à des projets qui ne les amusent pas du tout...

Et tu as aussi reçu le concours de Simon Ho.

Oui. Simon Ho est un Suisse allemand qui vit à Bruxelles depuis pas mal d'années. On vit dans la même rue. C'est ainsi qu'on s'est rencontrés. C'est un pianiste, compositeur et claviériste formidable. Tant sur le plan humain qu’artistique. Je joue beaucoup avec lui. Comme sur « Eldorado », mon album précédent. Et puis, j'ai aussi convié mon compagnon, Elie, qui joue de la batterie sur deux morceaux et, enfin, ma fille aînée, qui chante sur « Eurydice » et « Time is broken ».

Oui, c'est Lula ! J'avais une question assez abrupte. Pourquoi cet intérêt pour la mort ?

Ce n'est pas un intérêt pour la mort. Disons que c'est peut-être...

Une obsession ?

Oui, c'est une obsession. Elle me hante, en fait, depuis toujours. Moins de manière angoissée aujourd'hui que quand j'étais plus jeune. Mais je ne me ferai jamais à cette absurdité, le fait de perdre quelqu'un qu'on ne reverra plus jamais.

Des êtres chers ?

Oui, je ne m'en remettrai jamais. Et donc, qu'est-ce qu'on peut faire ? L'idée n'est pas d'attendre que le temps passe pour oublier et panser ses plaies, comme on le conçoit dans nos sociétés occidentales. Je pense, au contraire, qu'il faut réserver une place pour les défunts, afin qu'ils puissent nous accompagner dans nos vies et ce, de manière joyeuse et apaisée. Je suis très attachée aux traces laissées et à la transmission.

Et donc, il y existe cette dimension, on va dire, un peu tragique dans ta musique. J'avais imaginé le terme 'Tragic Ambient' pour la décrire. Qu'en penses-tu (rires) ?

Oui, pourquoi pas ?

Parce qu'il y a ce côté mélancolique, auquel je suis particulièrement sensible. Mais, il y a aussi ce côté lumineux. L'idée que l'on va aller chercher une expérience qui, à l'origine, est négative, et qu’ensuite, on essaie de la transmuter pour en concevoir quelque chose de beau. C'est un processus alchimique que l'on rencontre au sein de la littérature 'dark' et dans la musique 'dark' en général. Chez Nile On waX, on détecte une touche cosmique, surtout dans l'album « After Heaven ». Pour tous ces projets, on retrouve cette dualité entre le yin et le yang, entre le dark et le light. Est-ce que ça te parle ?

Oui, complètement. Je serais malheureuse qu'on me dise : ‘Ton album est complètement plombant et dark’. Même si le titre peut sembler un peu lourd, j'ai justement choisi comme pochette une photo de moi que j'ai retrouvée chez ma mère, où l'on me voit, petite fille, jouant de la trompette dans un jardin, en Provence, à côté d'une chaise vide. Je trouvais qu'il y avait une symbolique lumineuse puisque la photo baigne dans le halo d'un soleil éclatant. Pour moi, le mot-clé, c'est l'élévation. S'élever...

Ça élève l'âme.

Oui. On retrouve également ce concept dans la musique classique.

Dans le « Requiem » de Brahms...

Oui, le « Requiem » de Brahms, je vois que tu n'as pas oublié... (rire)

… que tu écoutais avec ton ami allemand lorsque tu étais plus jeune...

Bravo (re-rires) ! Et puis il y a également Bach. Par exemple, la « Matthäus-Passion », la Passion selon St-Matthieu. C’est magnifique ! Ou les oratorios. Il existe une dimension métaphysique dans tout cela. Sans être croyant, on peut y voir le mystère de la vie. C'est l'idée que l'on ne saura jamais, que l'on n’aura jamais de réponse, mais qu'on essaie de vivre, avec nos petits corps d'êtres humains, un peu comme des petits cloportes. En tant qu'humains, on essaie de s'élever par la poésie, par l'amour, par la musique...

Catherine, merci beaucoup. Et une fois de plus, bravo pour ce magnifique album, « Songs for the Dead ». On a attendu presque un an, mais cette attente valait la peine parce que le résultat est magnifique. Faisons un petit coucou en passant à Koen et à An Pierlé, qui ont participé à l'enregistrement.

An a participé avec son sourire et son magnifique accueil mais sinon, c'est Koen Gisen qui a enregistré et mixé.

Oui, au Studio La Patrie, à Gand !

Tout à fait !

Merci beaucoup Catherine et à bientôt.

À bientôt.

 

Catherine Graindorge jouera « Songs For The Dead » en concert :

- le 8 mai à Liège, au Reflektor

- le 9 mai, à Gand, au Palmarium, dans le cadre du Festival Democrazy

- le 12 mai, à Den Haag, au Paard

- le 27 septembre à Bruxelles, au Beursschouwburg.

Simon Huw Jones participera aux 3 concerts, ainsi que Simon Ho et, à la basse, Cyrille de Haes. 

Pour écouter le titre « Joan », c'est ici

Pour acheter « Songs For The Dead » sur le site du label, tak:til/Glitterbeat, c’est et sur Bandcamp, cliquez sur le nom de l’artiste dans le cadre ‘Informations complémentaires’ ; vous y retrouvez les liens vers les réseaux sociaux ainsi que les articles qui ont été consacrés à Catherine Graindorge, dont une interview accordée en 2023. 

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