Groupe post punk d’origine irlandaise, Sprints est né en 2019 et a sorti son premier single en 2020, » Kissing practice ». Depuis, son ascension a été tout simplement fulgurante. A son actif, deux Eps et un premier elpee, « Letter to Self », paru début de cette année.
Il se produisait ce vendredi 13 décembre au club de l’Aéronef. Et le concert est sold out.
Votre serviteur revient souvent sur le sujet, mais c’est sous l’impulsion de The Girl Band, devenu Gilla Band en 2021, que toute cette scène rock irlandaise a véritablement pris son envol, amorçant le réveil du rock indé du 21ème siècle. Pas étonnant, d’ailleurs, qu’on retrouve régulièrement le bassiste, Daniel Fox, à la production de nombreux albums de formations irlandaises, et notamment de Sprints.
Sprints grimpe sur les planches. A sa tête, la chanteuse Karla Chubb. Rousse, de petite taille, elle porte un t-shirt sous une veste à courtes manches de couleur noire et un pantalon à damiers. Et par rapport aux clichés découverts sur la toile, elle a perdu du poids. Ce qui lui va bien. Elle s’installe derrière le clavier au centre du podium, et le quatuor entame sa prestation, en douceur, par « To the bone ». Les sonorités des ivoires semblent rognées, vintage ; puis la basse de Sam McCann commence à se tendre, et la voix de Karla monte déjà dans les aigus.
Dès « Shadow of a Doubt », elle empoigne une guitare et conjuguée à celle de Zac Stephenson, le morceau monte progressivement en puissance. L’hymne féministe « Adore Adore Adore » est imprimé sur une solide rythmique. Entre les titres, Karla parle beaucoup avec le public et n’hésite pas à défendre ses convictions. Place ensuite à « Feast », le tout nouveau single. La foule frappe dans les mains, en cadence, pendant le refrain. Les guitares deviennent plus agressives. Inévitablement puissant, « Heavy » fait monter la température dans la salle et les premiers crowdsurfings se déclenchent Tout au long de « I’m in a band », lead vocal et contre-voix se complètent à merveille.
Karla troque sa gratte contre une sèche pour « Shaking Their Hands », une ballade offensive, menaçante, mais subtilement mélodieuse. Elle est toujours à la six cordes acoustique pour le contagieux « Can’t Get Enough of It » ; et effectivement, difficile de chasser le refrain de sa mémoire de la tête, même après le spectacle.
Des accords de guitare cristallins sont dispensés par Zac pendant « better ».
Franchement votre serviteur n’avait jamais assisté à un ‘circle pit’ lors d’un concert de rock indé. En général, ils se produisent lors des concerts de metal. Karla l’organise et le dirige de a main, tout au long de « Up and Comer ». Sa voix est granuleuse et passionnée alors qu’elle canalise toute sa colère dans la chanson. Elle couvre une amplitude rare, en fonction des émotions qu’elle libère. D’ailleurs, Karla en explore les sombres aspects sur « Cathedral », évoquant son éducation dans une Irlande catholique et homosexuelle.
Derrière ses fûts, Jack Callan imprime un rythme tribal à « New one » et « Letter to Self », le titre maître su long playing, qui aborde les thèmes de persévérance, d’acceptation de soi et de triomphe sur l’adversaire, et graduellement, la compo adopte un crescendo puissant.
Le public est de plus en plus excité. « The Cheek » et « How Does the Story Go ? » grimpent encore en intensité, même si sur ce dernier, la voix et contre-voix tempèrent quelque peu le climat.
Karla assure le show. A la demande d’un spectateur, la formation accorde un titre qui ne figure pas dans la setlist.
Et puis tout au long de « Literary Mind », elle fait tourner le micro, en tenant le fil, à la manière de Roger Daltrey.
Mais c’est le morceau final, « Little Fix », qui va révéler (confirmer ?) le statut de frontwoman de Karla. Un roadie débarque et prend sa guitare. Elle se lance alors dans un monologue des paroles dans la même veine qu’une lecture de poésie, rien de plus qu’un bourdonnement mécanique en arrière-plan. Et puis entame un crowdsurfing sur la foule au grand bonheur des mains tendues, aux premiers rangs. Quand elle remonte sur l’estrade, c’et sous les acclamations d’un auditoire, conquis.
Il n’a aura pas de rappel. Mais quelle show-woman !
(Photos Ludovic Vandenweghe ici)
Setlist
To the Bone
Shadow of a Doubt
Adore Adore Adore
Feast
Heavy
Band
Shaking Their Hands
Can’t Get Enough of It
better
Somethings Gonna Happen
Up and Comer
Cathedral
New one
Letter to Self
The Cheek
How Does the Story Go?
?
Literary Mind
Little Fix
(Organisation : Aéronef, Lille)
Soirée à la sauce batave, ce samedi 7 décembre, en compagnie de BigBobbyBitch et, en tête d’affiche, du groupe punk vintage, Hang Youth.
Considéré comme des stars aux Pays-Bas, les musicos de Hang Youth ont radicalisé toute une génération de jeunes contestataires et sont devenus leur porte-parole. Parmi leurs faits d’armes, on pourrait citer le blocage de l'autoroute A12. Ce qui ne les a pas empêchés de se produire au Pinkpop et au Lowlands...
Originaire d’Utrecht, Bobby van Elten, aka BigBobbyBitch, assure donc le supporting act. Notoire dans son pays, il pratique une forme de rap/trap/hip hop, parfois teinté de techno, dans la langue de Vondel. Ce genre, baptisé également ‘plug’, a acquis une certaine popularité à partir d’environ 2010. Il est construit sur des rythmes mélodiques et des lignes de basse 808, très utilisées dans les styles trap, hip hop et rap. En 2018, il a lancé sa propre collection avec Berki, alias ‘BigBoyShyt’. Ce collectif, qui dispose de sa propre chaîne YouTube, conçoit des vêtements et organise des fêtes. Bobby a fait forte impression sur la scène underground, grâce à son style unique. Il apporte sa collaboration à des artistes tels que Flansie, Skeer & Boos et Kunch Sosa. En 2020, a sorti trois cassettes ; et sa troisième a atteint plus de 150 000 écoutes.
Ce soir, il est soutenu par un Deejay, flanqué d’une double platine ‘Pionner’. Ce DJ manifeste beaucoup d'enthousiasme et une belle attitude scénique. Peu à peu, la paire diffuse, dans la salle, un large arsenal de rythmes, enrichis de couplets souvent aussi absurdes qu’incompréhensibles. Pourtant, le public apprécie et fait la fête. L'artiste a bien assuré son rôle de chauffeur de salle et a certainement conquis de nouveaux fans parmi le jeune public néerlandophone… (page ‘Artistes’ ici)
Place ensuite à Hang Youth, un quatuor impliquant un guitariste, un bassiste/claviériste, un drummer, perché sur son estrade, en position centrale, et le chanteur Abel van Gijlswijk. Le décor, en arrière-plan, se limite à un mur métallique grillagé censé représenter une forêt artificielle de lierre. 10 projecteurs placés derrière ce mur, éclairent les artistes dans le dos. Sous cette configuration, Abel dispose d’un maximum d’espace pour faire son show.
Quelques notes aux ivoires précédèrent le morceau d’entrée « BOM ». 40 titres d’une durée de 1 à 1’30 vont défiler. Cependant le rythme des morceaux est deux fois plus rapide que sur « Er is hoop », le dernier album, paru en octobre dernier.
Nouvelle compo, « Malloot », est accueillie sous les vives acclamations d’un public conquis d’av avance. Classique, « SHELL IS EEN PRIMA BEDRIJF (ALS IK DE WEBSITE MAG GELOVEN) » déclenche un premier mosh pit, et « MET JE AKO-IDEOLOGIE » dégénère spontanément en pogo. « WAAROM IS ALLES ZO KK DUUR » amplifie la folie dans la foule qui danse, saute et remue. Les ‘circles pits’ sont légion et les bousculades nombreuses, tout en restant ‘bon enfant’.
Le band est contestataire et cela s’entend dans les paroles des chansons interprétées avec un fort accent néerlandais. Abel s’enquiert de la présence de députés européens dans la salle. Il n’y en a pas. Il insinue, quand-même, qu’il pouvait y avoir un infiltré. Il transmet un message, sans équivoque, au public, pour une Palestine libérée. A la suite duquel il chante en chœur ‘Je haat geen maandag, je haat kapitalisme’.
En rappel, le combo nous réserve une reprise du « Ik Haat Hem Voor Jou » de Froukje (NDR : que votre serviteur a hâte de voir et écouter en concert). Et contrairement aux titres de l’opus de Hang Youth, celui de la native de Nieuwkoop, n’est pas en lettres majuscules.
Au cours de ce spectacle débordant d'énergie, l'interaction entre le groupe et le public a été une pure alchimie, a cœur d’une ambiance torride. Votre serviteur se remémore, alors, le premier concert accordé par les Sex Pistols, en Belgique. C’était à Louvain ! Et le groupe, comme Hang Youth ce soir, y avait mis le souk…
Souvenirs, souvenirs !
(Organisation : Ancienne Belgique)
Bury Tomorrow réunit des musicos originaires de Portsmouth et Southampton, dans le Hampshire. Pratiquant du metalcore mélodique, le quintet implique Dani Winter-Bates au chant et au screaming, son frère Davyd Winter-Bates à la basse, Dawson Kristan à la guitare ainsi qu’Adam Jackson à la batterie. Et le line up s’est enrichi du claviériste/percussionniste Tom Prendergast. Il se produisait donc ce dimanche 1er décembre à l’Ancienne Belgique de Bruxelles.
C’est la dernière date de la tournée européenne, pour laquelle le band a engagé, comme supporting act, Make Them Suffer, Thornhill et As Everything Unfolds. Belle soirée en perspective !
Pourtant, le concert devait se dérouler dans la grande-salle, mais comme moins de places que prévu ont été vendues, c’est l’option Ball Room qui a été choisie. D’ailleurs, les deux étages sont fermés.
Groupe insulaire de post hardcore et de metal alternatif, As Everything Unfolds ouvre les hostilités. Réputé pour ses instrumentaux dynamiques, son attaque sonore agressive mais mélodique et ses paroles chargées d'émotion, le combo est idéal pour faire circuler l'énergie dès le début de la soirée. Le chanteur principal, Charlie Rolfe, a la capacité de passer, sans problème, du chant clair aux cris gutturaux et impurs. Son registre vocal est à la hauteur de la performance serrée et soignée du band. La configuration de la scène est simple mais efficace. A cause de cet éclairage violet qui baigne la salle, créant un climat atmosphérique (page ‘Artistes’ ici).
‘Très bien, mettons-nous en mouvement !’, s’exclame Rolfe alors que la batterie entre en action, suivie d'un solo de guitare saccadé. La foule s’enthousiasme lorsque le bassiste George Hunt et le claviériste Jon Cassidy s’autorisent un petit tour dans la fosse. Le light show vire au rouge pendant les morceaux plus lourds, amplifiant l'intensité d’une performance, qui n’a duré que 30 minutes (page ‘Artistes’ là).
Place ensuite à Thornhill, un quatuor de metalcore progressif issu de Melbourne, connu pour son approche atmosphérique et émotive du genre. Le public piaffe d’impatience, en attendant que la formation australienne grimpe sur les planches. Il frappe dans les mains en cadence et lance même un ‘Woo’ collectif.
Enfin, le set s’ouvre par « Raw », un morceau particulièrement énergique qui va donner le ton à la soirée. Le lead vocalist, Jacob Charlton, a une présence imposante. Sa voix oscille entre force explosive et profondeur émotionnelle. Au fil du set, le mélange de metalcore percutant et d'éléments atmosphériques permet au band de créer des compositions complexes et en couches (page ‘Artistes’ ici et photos Romain Ballez là) …
Make Them Suffer (page artistes ici et photos Romain Ballez là) est également originaire du pays des kangourous. En ‘live’, il libère une certaine lourdeur ainsi qu’une énergie éruptive et contagieuse.
Notoire pour son amalgame de breakdowns deathcore brutaux, de chants clairs mélodiques et d'éléments atmosphériques symphoniques, le quintet aussi entame sa prestation par le célèbre morceau « Ghost Of Me ». Le chant clair et mélodique d'Alex Reade est remarquable, contrastant parfaitement avec les tons plus écrasants et gutturaux qui dominent dans son expression sonore. Cette énergie déborde dans la fosse. Les ‘crowdurfers’ la traversent. L'interaction entre le combo et le public est un élément clé de la performance. Le chanteur Sean Harmanis le taquine en criant : ‘Vous nous gardez en vie !’ Et il répond par des ‘crowdsurfings’ encore plus nombreux. Le personnel de la sécurité est très sollicité, alors que la tête d’affiche doit encore se produire. Et il est de notoriété publique que les concerts de Burry Tomorow sont athlétiques pour réceptionner les surfeurs devant le podium. Il y avait plus de 1 000 crowdsurfers, lors de son dernier spectacle, dans une salle qui peut accueillir 3 000 personnes.
Burry Tomorow clôt donc la soirée. La foule scande son nom bien avant qu’il n’apparaisse. Et lorsqu’il débarque, elle est prise d’une frénésie paroxystique. Dès la première note, on est conscient que ce set sera intense. La présence scénique des musicens est incomparable. Ils se déplacent constamment, interagissant avec le public afin de lui communiquer le sentiment de faire partie du spectacle. Le chanteur Daniel Winter-Bates, porte un gilet pare-balles. Il mène la charge.
Le public est déjà en ébullition lorsque Winter-Bates crie : ‘Je veux voir toute la salle tourner !’. Une invitation à créer un immense ‘circle pit’ auquel la foule s’empresse de répondre. Dingue !
Le setlist est partagée entre les morceaux préférés du public tel que « Earthbound », au cours duquel le band se déchaîne passionnément, nouvelles compos, et titres plus sombres mais davantage atmosphériques comme « DEATH (Ever Colder) », où la production scénique se distingue par son visuel obsédant pour correspondre aux thèmes introspectifs développés. La foule reprend les chansons en chœur. L’énergie monte en crescendo, au fil du show. « What If I Burn » libère une charge émotionnelle phénoménale, même si la foule continue de se défouler.
Tom Prendergast a droit à son moment de gloire sur le fameux « Majesty » pour lequel il entame le chant seul avant d’être rejoint par le reste du band Et Bury Tomorrow achève son concert par « Choke », l'un des morceaux les plus emblématiques du band. Une performance magistrale !
Depuis les premières notes de As Everything Unfolds jusqu’au rugissement final de Bury Tomorrow, cette soirée s’est révélée d'une férocité et d'une énergie sans précédent. Chaque groupe a apporté quelque chose d'unique sur scène, mais tous ont partagé une passion et une connexion avec leur public qui ont fait de ce concert un moment inoubliable. Qu'il s'agisse des mélodies dynamiques de As Everything Unfolds, du son progressif et atmosphérique de Thornhill, de l'énergie chaotique de Make Them Suffer ou de la présence électrisante de Bury Tomorrow, ce spectacle était un véritable témoignage de la puissance de la musique live et du dynamisme de la communauté métal, même si en fin de parcours, les infrabasses dépassaient un peu trop les limites du (dé)raisonnable… (photos Romain Balllez là)
Setlist : « Abandon Us », « More Than Mortal », « Earthbound », « DEATH (Ever Colder) », « Begin Again », « Villain Arc », « What If I Burn », « Recovery ? », « Boltcutter », « LIFE (Paradise Denied) », « Black Flame », « Cannibal », « Majesty », « Last Light », « Choke ».
(Organisation : Ancienne Belgique)
Une fois n’est pas coutume, votre serviteur s’est expatrié outre-Quiévrain ! A Lille plus exactement ! Non pour y déambuler entre les différents stands dressés sur la Grand Place pour y appâter le nigaut en période de Noël, mais pour y voir et écouter une Hoshi au sommet de son art.
L’artiste se produit au Zénith, une salle nichée en plein cœur de la cité, dans le cadre de sa tournée baptisée ‘Cœur Parapluie’.
Le supporting act est assuré par Camille Gemoets, aka RORI, une autrice-compositrice-interprète belge. Depuis quelque temps, elle marque de son empreinte la sphère musicale grâce à une pop contemporaine inspirée par la culture musicale anglo-saxonne et la scène rock.
Alors qu’elle est habituellement flanquée de ses fidèles serviteurs, l’ex-The Subs, Hadrien Lavogez, préposé à la guitare, et Loïc Lavogez, derrière les fûts (succédant à Pierrick Destrebecq), ici, la demoiselle se livre seule, uniquement soutenue par un support préenregistré.
Lorsque votre serviteur débarque sur les lieux du crime, l’artiste a déjà (bien) entamé son set. Sa taille est inversement proportionnelle au podium, qui pour le coup, paraît immensément démesurée. Pour seul décor, un grand tissu blanc qui flotte derrière elle. Pas d’autres artifices, si ce n’est l’un ou l’autre coup de projecteur. Un peu ‘cheap’ quand même…
La belle et rebelle n’en demeure pas moins efficace, infligeant, sans semonce, ses compos à la fois cinglantes et paradoxalement très radiophoniques. A vrai dire, l’absence de ses musiciens ne semble pas, a priori, la gêner outre mesure. A moins que ce ne soit qu’un leurre…
Elle poursuit vaille que vaille, sans se laisser démonter. « Jalousie », une nouveauté aux accents pop/rock chanfreinés lui va comme un gant. Le public, enivré par cette fausse nonchalance dont elle a le secret, n’y tient plus. Ça gigote et ça tape des mains. Difficile de rester cloué sur son siège.
Et que dire lorsque, elle se rend chez son « Docteur », pour y décrire la syncope d’une foule en délire.
Capable de vous retourner de solides punchlines, l’ingénue, devenue figure de proue de la scène musicale noir-jaune-rouge, s’affranchit des préjugés pour servir sa sauce pop acidulée devant un public que l’on dit souvent élitiste et pas nécessairement venu pour elle.
Après une interruption d’une vingtaine de minutes, place à la Maîtresse des lieux. Une artiste, une vraie au sens noble du terme. Elle baigne dans la musique depuis son plus jeune âge. Elle commence à jouer du piano à six ans et la guitare à quinze. À la même époque, elle écrit ses premières chansons.
Elle effectue ses premiers pas au sein du groupe amateur TransyStory, formé en septembre 2011. Passionnée par la culture japonaise, elle choisit comme nom de scène Hoshi Hideko, puis simplement Hoshi, qui signifie ‘étoile’ en japonais.
La pénombre s’estompe doucement, les lights prennent discrètement de l’intensité. Pendant la longue intro, les projecteurs, jusque-là timides, laissent entrevoir un espace scénique très épuré. Seul le parapluie, immense emblème de la tournée, dénote. Il semble vissé pour toujours au plafond. Il est auréolé de tubes néon qui s’illumineront au gré des chansons et des ambiances.
Ses musiciens entrent en scène lentement, tour à tour. Et dans cette bande, il n’y pas que des inconnus. A commencer par Lola Frichet à la basse (Pogo Car Crash Control), Charlène Juarez aux claviers (Brigitte) et Enzo Gabert à la batterie (Skip The Use). Et c’est Lucie, un joli bout de femme, qui se réserve la guitare.
« Mauvais rêve », titre phare de son dernier opus, retrace les étapes d’une vie que l’on comprend difficile, rejetée de tous et du système. Parfois, des sanglots apparaissent dans sa voix.
Une certitude, Hoshi impose un style musical bien à elle. Des textes simples, mais touchants, une musique entraînante et une aura exceptionnelle. Sans oublier cette voix haut-perchée et quelque peu nasillarde qui peut perturber les non-initiés. Pas étonnant donc que ce soit devenue l’une des révélations de la chanson française de ces dernières années.
Elle cultive une identité visuelle très forte : des vêtements amples, une attitude de femme-enfant, un chignon nippon et ce visage angélique qui lui confère un petit côté geisha.
Très vite, elle embraie par « Tu me manques même quand t'es là », une compo sur les relations passionnelles. Un moment particulièrement émouvant.
L’artiste répète à qui veut l’entendre qu’elle est heureuse de fouler les planches lilloises. Le meilleur selon ses dires.
Manifestant le souhait de prendre un nouveau tournant dans sa vie, elle dénoue d’un coup sec ses cheveux et laisse apparaître une longue tignasse impressionnante. Un choc visuel qui détonne par rapport à l’image de la jeune première qu’elle veut bien se donner.
Très vite, Mathilde Gerner, à l’état-civil, s’épanche sur la bestialité sans nom dont elle a été victime à travers son appel au manifeste, « Amour censure », hymne à la tolérance et à la sincérité des sentiments amoureux.
Hoshi, elle-même victime d'agression homophobe, a écrit cette chanson en réaction à une certaine libération de la parole discriminatoire, notamment après la ‘manif pour tous’. Une composition qui malheureusement a encore des raisons d'exister auprès des ‘biens pensants’. Et pour contrer toute cette haine, rien de tel qu’un gros fuck à tous ces enculés dont elle n’a plus peur aujourd’hui, dit-elle, tout en agitant un drapeau arc-en-ciel, symbole du mouvement LGBT+. Le public ne peut s’empêcher, à son tour, de lever le majeur, signe de l’intégration des mœurs. Mêmes les plus jeunes s’y mettent. Une parenthèse particulière, mais bien sympathique.
Souffrant de la maladie de Ménière (un mal qui la poursuit depuis toute petite et provoque des acouphènes et des pertes d'audition), elle s'avoue, à demi-mot, vaincue par cette affection sur l’époustouflant « Fais-moi signe ». Un piano-voix qui met en exergue le grain particulier de sa voix. Un véritable appel de détresse également auprès d’un public qui ne peut que l’encourager en applaudissant par le langage des signes. Les larmes ruissellent alors sur les joues de la jeune femme. Sans doute, est-elle convaincue qu’elle ne parviendra pas à éteindre ce fléau qui la consume lentement.
Marcel, son grand-père, est au centre des débats. Un homme qui lui a communiqué la fibre musicale alors qu’il l’emmenait aux concerts, alors qu’elle était encore très jeune. C’est donc à la mémoire de ce grand monsieur qu’elle entame un hymne à la puissance magistrale. Et si nous avions tous un Marcel dans notre cœur ?
Elle empoigne ensuite sa sèche, comme à ses débuts, pour y jouer « Manège à trois », lorsqu’en rue, elle essayait d’accrocher du regard les passants, sans parvenir à ses fins. Sauf sa mère et son père, dit-elle, entre rage et désespoir.
Douée pour les métaphores et autres figures de style, elle poursuit sur un ton nettement plus rock avec un « Superstar » qui arrache les portugaises. Les musiciens s’en donnent à cœur joie. Un joli moment de communion également.
Généreuse et humaine, on la sent fusionnelle au sein de son band. Une belle complicité la lie avec sa bassiste. Et les puristes auront remarqué l’inscription gravée sur l’instrument, ‘One woman on stage’.
Celle dont le physique a été quelque malmené par le journaliste-chroniqueur Fabien Lecoeuvre, entame un « Je partirai », une chanson percutante où elle parle du désir de partir loin d'un monde qui ne l'aime pas, la juge et la blesse. Bref, un exutoire où elle exprime sa souffrance, son incompréhension et son besoin de liberté. Elle veut rester éternelle dans les mémoires, comme une étoile ou une comète. Gageons qu’elle y parvienne.
Le set s’achève doucement. « Ta marinière » versius 2.0 est repris en chœur par un public particulièrement enchanté par cette extraterrestre. On a droit à deux versions. L’une imbriquée à l’autre, tantôt proche de la version originale, tantôt, plus luxuriante, avec des riffs et des beats à n’en plus finir.
Après plus d’une heure trente de concert, Hoshi se retire.
Elle détient la recette du succès ! Un brin de folie, beaucoup d'amour et une énergie communicative.
Le Soweto Gospel Choir n’est rien de moins qu’un trésor international. Depuis ses débuts au Cap en 2003, lors du premier concert ‘46664’ de Nelson Mandela pour sensibiliser au sida/VIH, le chœur sud-africain s’est rapidement imposé comme une force majeure sur la scène musicale mondiale.
Il a collaboré avec des stars telles que Bono, John Legend, Céline Dion, Robert Plant, Aretha Franklin, Stevie Wonder, Red Hot Chili Peppers et Josh Groban. La chorale célèbre aujourd’hui son 10ème anniversaire en proposant ce qu’il fait le mieux : partager son mélange unique de gospel, de world, de reggae, de spirituals traditionnels, de folk et de pop. Il va nous réserver des extraits de ses trois derniers albums, « Freedom » (2018), « Hope » (2022) et « History Of House » (2024).
Le collectif se produisait, ce dimanche 24 novembre, au Cirque Royal. Ce soir, la troupe réunit 10 choristes féminines et 6 masculins (NDR : en général, elle en dénombre 30) soutenue par un claviériste et un percussionniste (tambours et djembés). Ils ont revêtu les tenues traditionnelles bantou de l’Afrique du Sud. De quoi donner de la couleur au show ! Qui n’est pas sold out, et c’est dommage. Pas de supporting act.
Le set est divisé en deux parties de 45 minutes. La première est consacrée aux chants traditionnels et parfois de guerre des populations bantous (de combat au bâton zoulou) en prônant la liberté et en évoquant l’Apartheid qui a sévi en Afrique Du Sud, mais surtout rend hommage à Nelson Mandela dont l’âme et l’aura vont planer sur l’auditoire.
Le spectacle s'ouvre par une histoire relative à la lutte pour la liberté et on est instantanément plongés dans cet univers sonore, mais aussi dans le cœur et l'esprit de la raison pour laquelle elle a longtemps été culturellement un moyen de se lamenter, de célébrer et surtout, d’unifier (une seule chanteuse uniquement accompagnée de percussions génératrices de bonnes sensations devient alors la porte-parole). Alors que les gens parlent de lui et chantent pour lui (Nelson Mandela), il est difficile de ne pas être ému. Il y a presque 11 ans que ce grand homme est décédé et sa mémoire est toujours bien présente au sein du public. Tandis que chaque membre de la chorale lève le bras, le poing serré, et en concordance, « Madiba » résonne dans la salle. Il y a une puissance qui vous glace le sang. C'est respectueux, percutant et particulièrement émouvant.
Le second acte attaque les classiques de stars qui ont apporté leur collaboration au collectif.
Il est impossible de faire semblant de ressentir la joie que les chanteurs injectent dans la musique pendant ce concert. Elle brille dans leurs regards, illumine leurs sourires, s’entend dans leurs voix et se remarque dans leurs mouvements de danse.
La chorale réalise ne performance magnifique, tout au long du « Biko » de Peter Gabriel. Un seul battement de tambour et une ligne de basse de voix masculines fournissent une toile de fond dramatique pour un travail vocal de haut vol. C'est un choix naturel pour la chorale, d'un point de vue thématique, vu que la chanson s'adresse à l'activiste anti-apartheid sud-africain Steve Biko.
Lors de l’adaptation du « Bridge Over Troubled Water » de Simon et Garfunkel, la chorale est parvenue à communiquer un nouveau souffle à cette mélodie, grâce à un arrangement qui associe deux chanteurs principaux à une section d'harmonie à 14 voix.
Autre moment marquant : la version douce et pleine d'âme du magnifique « Many Rivers to Cross » de Jimmy Cliff, qui finit par glisser vers le ‘spiritual’ « Swing Low, Sweet Chariot ».
Le point culminant du concert est atteint lors de l’interprétation dramatique d’« Angel » de Sarah McLachlan, moment choisi par le public pour réserver au Soweto Gospel Choir, une ovation debout bien méritée.
Bien que la plupart des morceaux ne soient pas interprétés en anglais, le groupe est un conteur si percutant que chacun d’entre eux reste facile à suivre. L’émotion qui transpire de chaque chanson, soutenue par des mouvements simples mais forts, permet au public de s'y intéresser. Leur générosité en tant qu'interprètes, partageant leur culture et la signification historique des compos sélectionnées, est énorme. La scène est remplie de couleurs vives, caractéristiques reflétées par leurs costumes traditionnels. La chorégraphie est nette et symbolique. La formation n'est pas devenue célèbre par hasard. Elle se produit souvent, tourne beaucoup, partage énormément. Et c’est particulièrement évident lorsque vous êtes témoin de la précision avec laquelle les choristes se déplacent sur les planches, chorégraphiant même soigneusement le passage des micros les uns aux autres.
Quelle que soit la religion ou l'origine culturelle de chacun, il y a quelque chose de très significatif à voir ce groupe chanter « Hallelujah » de Leonard Cohen. Si vous n’êtes pas croyant, il est bouleversant de le voir interpréter cette chanson avec autant de respect et de conviction. Sa force réside dans son unité parfaite. C’est un travail d’ensemble dans sa forme la plus authentique et la plus impressionnante. Néanmoins, il y a encore de nombreuses possibilités de se démarquer ; et le choriste Shimmy Jiyane y parvient. Sa passion transparaît dans son mouvement, son esprit et son expressivité. Mais dans l'ensemble, ce sont les femmes qui focalisent vraiment l'attention. Une soirée de rêve et la meilleure pour votre serviteur depuis longtemps.
(Organisation : Greenhouse Talent)
METZ se produisait au club de l’Aéronef, ce samedi 23 novembre. Son cinquième elpee, « Up on gravity Hill », est paru en avril dernier. Il est moins âpre que les précédents. Mais lorsque le trio torontois est sur les planches, son cocktail de noise-rock, de post-punk et de hardcore, parfois légèrement teinté de funk blanc, est sans concession.
Il revient à Stuffed Foxes d’assurer le supporting act. Un sextuor issu de Tours réunissant quatre sixcordistes, dont l’un double régulièrement aux claviers, un bassiste qui pianote, de temps à autre, également, sur un petit clavier, et un batteur. Parmi les guitaristes, figurent deux solistes. Caché derrière le chanteur, le premier se charge des distorsions et le second, imperturbable, semble canaliser l’énergie dispensée par le groupe. D’ailleurs, hormis ce dernier et le drummer, dont les interventions sont aussi amples qu’efficaces, ils entrent régulièrement dans une forme de transe.
L’expression sonore navigue à la croisée des chemins du shoegaze, du post rock et de la prog. Elle alterne passages empreints de sérénité ou chargés d’une folle intensité instrumentale. Le band s’autorise même une reprise, plutôt réussie, du « Ghost rider » de Suicide. Le seul bémol émane du préposé aux vocaux ; surtout lorsqu’il se met à hurler. Dommage, car la formation dispose d’un fameux potentiel. D’ailleurs, lors du morceau final, le plus calme, en tout cas, il s’est mis à chanter. Allez comprendre ! N’est pas Frank Black qui veut ! ((Photos Ludovic Vandenweghe ici)
METZ débarque vers 21h15, sous les acclamations de la foule et attaque immédiatement son set par « No Reservation / Love Comes Crashing ». Une véritable agression sonore. Aux drums, Hayden Menzies pilonne ses fûts. Alex Edkins chante d’une voix déclamatoire tout en dispensant des riffs de guitare grinçants. Telle une mélopée, la mélodie devient ensuite insidieuse et le refrain, paradoxalement hymnique.
La voix d’Alex est chargée de reverb tout au long de « Blind Youth Industrial Park », une sorte de « Danse du sabre » électrique, mais également d’« Acetate », un morceau entrecoupé de brefs breaks, alors que la sixcordes crisse comme une scie circulaire.
La formation maîtrise parfaitement son chaos organisé. Chaque salve de feedback et chaque accord chargé de distorsion semblent à la fois instinctifs et soigneusement élaborés.
Pendant le convulsif « Get Off », Alex grimpe sur les retours de scène alors qu’un spectateur tente un premier crowdsurfing, au cours duquel il balance sa bière sur les premiers rangs. A partir de ce moment, ces slams vont se poursuivre tout au long du concert, s’achevant même par le stagediving de quelques casse-cous.
« Entwined » se distingue par son riff accrocheur alors qu’une boîte à rythmes amorce « Demolition Row ». Après la ballade presque shoegaze « Light Your Way Home », « Mess of Wires » emprunte le tempo d’une valse qui accélère en fin de parcours.
Bref et percutant, « The Swimmer » émarge au punk pur et dur.
Alors qu'il torture ses cordes, la sueur coule du visage d'Edkins. Sa chemise est d’ailleurs complètement trempée.
Le band n’en n’oublie pas son single à la mélodie entêtante, « 99 ».
Après l’offensif « Headache », le show s’achève par « A Boat to Drown In », au cours duquel le batteur révèle toute l’amplitude de sa technique.
Le combo revient rapidement pour accorder « Wet Blanket », en rappel. Alex invite l’auditoire à frapper dans les mains en cadence, puis la compo repart rondement, le batteur marquant parfois cette course échevelée par des coups de sticks comparables à des coups de feu.
METZ est scintillant mais terrifiant, comme une force de la nature sauvage qui ne peut être bridée. Mais si la frustration principale procède du son de la basse de Chris Slorach, qu’on pourrait résumer à un gros bourdonnement, difficile de comprendre pourquoi le light show nous a semblé autant à contre-courant…
Le band a annoncé qu'il allait faire une ‘pause indéfinie’, à l’issue de sa tournée européenne. (Photos Ludovic Vandenweghe là)
(Organisation : Aéronef, Lille)
Vainqueur de l’édition 2019 du concours ‘De Nieuwe Lichting’, organisé par StuBru, Portland se produisait, ce vendredi 15 novembre, au Cirque Royal.
Après avoir gravé un premier album baptisé » Your Colors Will Stain » et avoir accordé de solides performances, le groupe de dream pop s’est imposé rapidement dans la catégorie restreinte des Belges qui réussissent à l'étranger. Pour le second opus, les musiciens ont fait d’incessants allers-retours au Royaume-Uni. C'était une période mouvementée au cours de laquelle ils étaient à peine chez eux ou repartaient constamment. Ce qui explique le titre du deuxième elpee, « Departures ».
Chaque concert est une expérience magique plébiscitée par une communauté de fans toujours plus nombreux et constamment au rendez-vous. Comme en témoigne la rapidité à laquelle les tickets de ses shows s’épuisent.
Lauréat de la Nouvelle Vague 2023 et Prix du Public lors du Humo's Rock Rally 2022, Isaac Roux assure le supporting act. C’est le pseudo choisi par Louis De Roo. Il grimpe seul sur les planches, armé de sa guitare électrique et s’installe devant son micro. Son indie folk est teinté de légères touches électroniques. Il puise manifestement ses influences chez Bon Iver et Bear's Den. Sa voix peut être très cool un instant et s’envoler dans les aigus le suivant. Il est parvenu à captiver l’auditoire grâce à des morceaux comme « White Rose », et son premier single, « Troubled Waters », une excellente chanson empreinte de douceur. Sans enflammer les planches du Cirque Royal, il a accordé une prestation de bonne facture page ‘Artistes’ ici).
Place ensuite à Portland. Le line up implique le chanteur/guitariste charismatique Jente Pironet, la chanteuse/claviériste Nina Kortekaas (NDR : elle est vêtue d’une longue robe blanche, d’un blanc immaculé, mais qui change de couleur, en fonction du light show), le drummer Bram Van Hove, le guitariste Sebastian Ley et le bassiste/claviériste Boris Van Overschee.
Sous un déluge de lumières bleues, Jente apparaît seul. Il interprète, en s’accompagnant à la guitare semi-acoustique, « Time To Talk ». Les autres musicos déboulent ensuite ; Bram et Joris prennent place sur leurs estrades respectives. Et la formation, au complet, embraie par « Alyson ». Jente pète littéralement le feu (NDR : son cancer est en rémission depuis 2023). Le drumming monte en crescendo. Les sonorités satinées de la guitare se marient parfaitement à la voix délicate de Nina.
De teinte mauve, la tenture, tendue en arrière-plan, varie également de couleur, au gré du jeu de lumières.
Jente change de gratte, à chaque morceau, alternant semi-acoustique et électrique. Il invite une dame, installée aux premiers rangs, à venir l’accompagner au chant, pour une chanson, mais encore, vient s’asseoir sur un haut-parleur, pour en interpréter une autre, face au public. Il nous réserve un bouleversant « She Really Means It », en mode piano/voix. La setlist puise dans les deux long playings du band.
Intimiste, le concert s’achève par « Pouring Rain ». Il n’y aura pas de rappel.
L’indie pop mélancolique de Portland a magnifiquement résonné dans le cadre du Cirque Royal, créant une expérience unique pour le public présent.
Ce concert a marqué une étape importante pour Portland, qui, après une année difficile, est revenu sur scène avec une énergie renouvelée, confirmant son engagement envers la musique live et son fidèle auditoire.
Setlist : « Time To Talk », « Alyson », « Sensationnel », « Ally Ally », « Step Aside », « Killer's Mind », « Never Leave », « How It Is », « Serpentine », « Good Girls », « Deadlines », « Lucky Clover », « Aftermath », « She Really Means It » (Metejoor cover), « Pouring Rain »
(Organisation : Live Nation)
Après avoir sorti son troisième elpee, « Reason enough », ce 27 septembre 2024, Crows est donc reparti en tournée. Un périple qui passait par l’Aéronef de Lille, ce mercredi 13 novembre. Il s’était produit au même endroit, en février 2023, après avoir gravé son second essai, « Beware believers », en mars 2022. Et le show avait déjà été convaincant
Dans l’univers du rock indé, « Reason enough » devrait figurer parmi les albums de l’année. C’est, en tout cas, une certitude pour l’équipe d’Inaudible
Mais il est toujours intéressant d’assister au concert d’un groupe quand il vient défendre de nouvelles compositions. D’autant plus que Crows a passé des années à perfectionner son art, se forgeant une réputation pour que son expression sonore devienne à la fois brute, électrique et atmosphérique.
Une constante : un concert de Crows dure 60 minutes, parce que les musicos estiment que c’est suffisant.
En arrière-plan, on remarque la présence du logo du groupe. Et puis, le podium du club a été relooké ; ce qui permet d’offrir une meilleure visibilité à l’auditoire, mais aussi, en rehaussant le plafond de cette scène, de rendre le light show plus efficace.
A 21 heures, après la diffusion d’une bande sonore, Crows grimpe sur l’estrade et attaque « Room 156 ». James Cox dispose de deux micros, dont un astatique et joue régulièrement avec les supports de ces microphones. Le grognement de la basse d'Amarasinghe se révèle déjà ténébreux.
Dès le viscéral « Bored », James Cox descend dans la foule, micro en main, brisant ainsi le fossé traditionnel qui sépare l’artiste du public.
Un exercice qu’il réitèrera pendant « Healing ». Il est toujours dans la fosse au début de « Demeanour », mais finit par remonter sur les planches au milieu de cette compo imprimée sur un tempo à la Ramones et caractérisée par ses riffs de sixcordes hypnotiques.
Après l’échevelé « Wednesday’s Child », « Land of the rose », imprimé dans sa première partie sur un rythme new wave, prend un virage ouvertement politique. Il décrit le combat intérieur de James entre l’amour et la haine à l’égard de son pays détruit par les ceux qui le dirigent. Il se sert alors de nouveau des deux micros pour entonner ‘Goodbye, Goodbye, Goodbye to the Land of the Rose’…
Tout a long de l’introspectif « Vision of me », un morceau qui fusionne les lignes de guitare sombres et anguleuses ainsi que les rythmes lourds du post-punk avec une sensibilité moderne, le spectre de Ian Curtis se met à planer.
Evoluant sur un tempo tribal, « Slowly Separate » est écorché par les stridulations féroces de la guitare. La batterie de Sam Lister et la basse de Jith Amarasinghe - il assure quand même et régulièrement les backing vocals - cognent avec une force viscérale, amplifiant l’énergie libérée et créant une atmosphère électrique alors que la voix de Cox s’élève au-dessus de l’ensemble.
Avant que le band n’entame « Every day of every year », Cox enlève sa veste. Après l’hymnique « Silhouettes », « Living on my knees » monte progressivement en crescendo. Le refrain est construit sur un chant répétitif. Un couplet est récité en spoken word et James se sert alors et encore, mais alternativement, de ses deux microphones ; mais soudain, tel un coup de feu, la guitare électrique retentit. Un audacieux se lance alors dans un crowdsurfing. La foule est de plus en remuante et notamment durant le punkysant « Closer still », « Garden of England » et le décapant « The Itch »
Le set s’achève par le mélodieux « Is it better ? », au cours duquel Cox pose une question existentielle : ‘Vaut-il mieux aimer et vivre dans la peur de la douleur ?’, alors qu’un téméraire risque l’exercice du stagediving.
La performance de la soirée a clairement confirmé que Crows n’est pas seulement un groupe de studio, mais qu’il est également taillé pour le ‘live’, où sa musique prend vraiment une dimension viscérale et conflictuelle. Ce qui en fait l’une des formations les plus excitantes de la scène post-punk contemporaine.
Photos Ludovic Vandenweghe ici
Setlist
Room 156
Bored
Demeanour
Wednesday’s child
Land of the rose
Vision of me
Slowly separate
Every day of every year
Silhouettes
Living on my knees
Healing
Closer Stll
Garden of England
The itch
Is it better ?
(Organisation : Aéronef Lille)
Le Cirque Royal est sold out depuis longtemps pour accueillir la nouvelle sensation britannique, The Last Dinner Party. Après avoir publié quelques Eps, le quintet féminin a gravé son premier elpee, « Prelude To Ecstasy », en février dernier, sous la houlette de James Ford (Arctic Monkeys, Gorillaz). Particulièrement médiatisée, sa sortie est devenue un best-seller. Depuis la sortie de « Nothing Matters », en avril de l'année dernière, le groupe accomplit une longue tournée internationale qui est passée par Rock Werchter en juillet dernier. Cependant, cet interminable périple est épuisant. Et la crainte que des dates soient annulées, comme à l’Engine Shed de Lincoln (UK), commence à planer. Heureusement, le combo remplira bien son engagement et de brillante manière.
Deux premières parties ont été programmées : Luvcat et Katy J Pearson.
Entre les bancs de la fac et les scènes obscures de Londres, c’est dans un univers à la fois rock et studieux qu’Abigail Morris, Lizzie Maryland, Emily Roberts, Georgia Davies et Aurora Nishevci commencent à se côtoyer, dès la fin 2010. Si elles ont toutes les cinq des identités bien distinctes, elles se complètent à merveille dans leurs visions artistiques, musicales et même vestimentaires. Leur styl, entre émancipation féminine, glam rock et pop baroque est au service de compositions structurées et de paroles sans tabou. Une recette qui fonctionne ! Avant même la sortie de leur premier single, les cinq filles avaient déjà assuré les premières parties de Nick Cave, Florence + the Machine ou encore des Rolling Stones.
Puisant son inspiration chez ABBA, Siouxsie and The Banshees (pour le côté baroque), Kate Bush ou encore Warpaint, The Last Dinner Party est passé des pubs sombres de l’est londonien, où elles avaient l’habitude de se produire, aux grandes salles et de festivals du monde entier. Courtisé par les plus grandes maisons de disques, agents et producteurs, le quintet n’en est qu’à l’aube d’une longue et brillante carrière, alors que le rock à guitares est en pleine résurgence…
Mais place au premier supporting act : Luvcat. Sur les planches, cette jeune Britannique est soutenue par un quatuor masculin. Deux guitaristes, un bassiste, un drummer et un claviériste. Si physiquement, elle ressemble un peu à Sabrina Carpenter, musicalement, ses références lorgnent plutôt vers CMAT et Amy Winehouse.
Son set baigne au sein d’un climat groovy et parfois même captivant. A ce jour, elle n’a publié que 3 singles, parus en 2024 : « Dinner@Brasserie Zédel », « He’s My Man » et « Matador », des morceaux qui clôtureront le set avec bonheur. Tous les autres titres proposés sont de nouvelles compos. On épinglera sa jolie voix qui colle parfaitement à l’expression sonore. A suivre, et de très près (page ‘Artistes’ ici Photos Vincent Dufrane là).
Setlist : « Lipstick », « Alien », « Alchemy », « Love & Money », « The Girl Who Sleeps in the Four Poster Bed », « Bad Books », « He’s My Man », « Matador », « Dinner At Brasserie Zedel ».
Katy J Pearson embraie. Elle chante, joue de la guitare et est accompagnée d’un guitariste, d’un bassiste et d’un drummer/claviériste. Et agréable à écouter, sa musique passe bien la rampe. Pas étonnant que la Britannique se soit déjà forgé un nom. Mais son manque d’enthousiasme ne lui permet pas de captiver l’auditoire. Manifestement, il manque l’étincelle susceptible de faire la différence. Elle ne parvient pas à attirer l’attention du public. A mi-parcours, on entend les spectateurs des premiers rangs qui taillent une bavette. Et franchement, c’est un manque de respect vis-à-vis de l’artiste et de ses musiciens (page ‘Artistes’ là et Photos Vincent Dufrane ici).
Setlist : « Maybe », « Those Goodbyes », « Constant », « It's Mine Now », « Siren Song », « Long Range Driver », « Sky »
Place enfin à The Last Dinner Party. Le line up implique la chanteuse/guitariste Abigail, la bassiste Lizzie, la claviériste Aurora ainsi que les deux sixcordistes Emily et Georgia. Le band féminin est soutenu par un batteur, perché sur une des estrades, placée en retrait, à gauche, et dont le drumming à la technique irréprochable, oscille entre le tribal et le métronomique, suivant les morceaux. Sur l’autre estrade, à droite, également en retrait, un piano à queue a été posé.
Six répliques de colonnes doriques lumineuses encadrent le podium. Elles sont également incluses dans un light show puissant, parfois même aveuglant et changeant de couleur selon l’intensité du son. Excellent, par ailleurs. Et devant la petite plate-forme du batteur, une énorme rampe de leds a été installée.
La chanteuse interagit parfaitement avec le public. Et les musiciennes déménagent pas mal. Certains morceaux bénéficient d’une chorégraphie. Ainsi, au cours du set, elles se suivent en file indienne, à plusieurs reprises, tout en assurant les chœurs et en continuant de jouer de leur instrument
A l’instar des prestations accordées lors des festivals, le set n’ira pas au-delà des 70 minutes, malgré un rappel de deux titres. La setlist est constituée de l’intégralité de l’elpee, d’un nouveau morceau (« Big dog ») et d’une superbe version du « Call me » de Blondie.
Il serait cependant malvenu de reprocher à la formation de ne proposer qu’un concert aussi court, mais difficile de faire mieux quand on a qu’un album à son actif.
Setlist : « Prélude To Ecstasy », « Burn Alive », « Caesar on a TV Screen », « Second Best », « Bountiful Boy », « On Youri Side », « Guha », « Sinner », « Portrait Of A Dead Girl », « The Féminine Urge », « Call Me » (Blondie cover), « Mirror », « Big Dog » (New Song), « My Lady Of Mercy ».
Rappel : « The Killer », « Nothing Maters »
(Photos Vincent Dufrane ici)
(Organisation : Live Nation)
Il y a près de 20 ans, Seasick Steve, auteur-compositeur-interprète américain à l’époque méconnu, alors que dans les 60’s c’était un ami de Janis Joplin, livre une prestation magistrale sur le plateau du présentateur britannique Jools Holland. L’homme n’a rien d’autre que son vieux stompbox, petite caisse en bois retournée, et une guitare à trois cordes décrépite. Et pourtant, cette prestation fait l’effet d’une claque, dont l'impact se fait encore sentir près de deux décennies plus tard. Depuis, il a quand même gravé 14 elpees, dont le dernier, « A Trip A Stumble A Fall Down On Your Knees », est paru ce 7 juin 2024.
Le supporting act est assuré par James Dixon. Il est seul, armé de ses guitares, dont une ‘cigar box’ (NDR : il ne s’en servira qu’à une seule reprise).
Barbu, de longs cheveux bouclés retombant sur les épaules, il prend place sur un cajun. A sa droite, on remarque la présence d’une boîte dont les différents boutons sont destinés à moduler ou amplifier les sonorités de sa sixcordes. Mais également à produire quelques jolis effets. Une cymbalette traîne à ses pieds. Originaire des Cornouailles, en Angleterre, cet homme-orchestre va accorder un set de plus de 40 minutes. Il va nous réserver de larges extraits de son dernier opus, « Trepassing Light », ainsi que son nouveau single « Freight Train », un morceau de country/americana vivifiant. En écoutant sa musique les yeux fermés, on a l’impression de voyager à travers les States, tantôt en traversant les grandes plaines sauvages de l’Ouest américain ou alors en s’enfonçant profondément dans le Bayou. Chouette première partie (la page ‘Artiste’ consacrée à James Dixon est disponible ici
Longue barbe blanche, Seasick Steve aurait pu incarner le père Noël s’il avait opté pour un bonnet rouge plutôt qu’une casquette de couleur kaki. Il est accompagné d’un drummer, mais sans couvre-chef.
Le concert s’ouvre par « My Donny ». Issu de son dernier opus, l’entraînant « Backbone Slip » libère un groove incroyable. Plus de la moitié de la setlist est d’ailleurs constituée de titres extraits de son quatorzième long playing. Un groove qui se révèle hypnotique sur le rythmé « Soul Food » dont les riffs répétés sont découpés dans les accords d’une vieille dobro. « Barracuda '68 » est à la fois fluide, doux et enlevé.
Sympa, attachant et cool, il présente longuement ses compos, change de guitare entre chacune d’entre elles, sauf pour les deux morceaux qu’il interprète d’affilée à la ‘cigar box’ et qu’il est fier d’exhiber.
On a droit au quart d’heure amoureux de Steve. Il place sa guitare dans son dos, se lève de son siège et scrute attentivement les premiers rangs. Il cherche une jolie fille et l’invite à monter sur les planches. Il la prie de s’asseoir à sa gauche sur un baffle puis, comme il est toujours bien vert, commence à lui faire la cour. D’abord, à travers une vanne, en signalant que la dame fête son anniversaire. Ce qui déclenche l’hilarité dans l’auditoire. Il empoigne sa guitare et lui confie amoureusement qu’il s’appelle Steve. La chanson terminée (« Walkin' Man, Abraham »), il l’embrasse et demande à un roadie de lui apporter un vinyle qu’il dédicace ; et, en petit fûté, lui communique son adresse e-mail personnelle. Votre serviteur a déjà assisté au même scénario, à trois reprises. C’est devenu un rituel lors de chaque concert. En outre, Steve frotte et lisse souvent sa longue barbe lorsqu’il manipule la foule.
Mais les spectateurs sourient et dansent sur sa musique allègre, contagieuse, et dont les morceaux s’achèvent régulièrement par une rafale de percussions.
Il a aussi le don de mêler son blues à d'autres styles. Et le résultat est très réussi. On épinglera encore « Funky Music », une composition dont les paroles sont explicites : ‘Le blues m'a appelé / Toute ma vie…’ Une belle illustration de sa passion demeurée intacte pour ce style musical… Une superbe soirée comme on souhaiterait en connaître plus souvent. Et puis, c’est une des dernières icônes du blues qui crée toujours la sensation.
Setlist : « My Donny », « I Don't Know Why », « Backbone Slip », « Good Morning Little Schoolgirl », « Roy's Gang », « Soul Food », « Summertime Boy », « Walkin' Man, Abraham », « Mona », « Funky Music », « Started Out With Nothin' », « Barracuda '68 », « Let The Music Talk », « Bring It On », « Sun on My Face ».
Rappel : « Thunderbird »
(Organisation : Live Nation)
Groupe californien de metalcore, The Ghost Inside a sorti son sixième elpee, « Searching For Solace », en avril dernier et s’est lancé dans une nouvelle tournée européenne. Depuis sa fondation, à El Segundo, en 2004, The Ghost Inside accroit son contingent de fans de plus en plus déterminés et passionnés. La tragédie a frappé le combo, en 2015, lors d’une collision frontale entre le bus de tournée et un semi-remorque causant la mort des deux chauffeurs et blessant gravement tous les membres de la formation. Au lieu de saper le moral des musicos, cette épreuve les a rendus plus forts.
Le concert est soldout.
Gideon et Boundaries assurent le supporting act.
Originaire de Hartford, dans le Connecticut, Boundaries est un quintet réunissant le chanteur Matt McDougal, le drummer Tim Sullivan, le bassiste Nathan Calcagno ainsi que les guitaristes Cody DelVecchio et Cory Emond. A ce jour, il a gravé trois long playing, dont le dernier, « Death Is Little More », est paru en mars dernier. Il va nous en proposer de larges extraits, ce soir, en 30 minutes chrono.
Dès que les lumières s’éteignent, la foule est en ébullition. Le groupe est déchaîné et l’assaut auditif est percutant. Pas la peine d’inviter les spectateurs agglutinés aux premiers rangs de s’enflammer, ils ne tiennent pas en place. Survoltés, certains se lancent déjà dans l’exercice du crowdsurfing.
L’expression sonore est à la fois bruitiste, sauvage, voire animale. Un métal brut de décoffrage attisé par les guitares huileuses, graisseuses et vibrantes, comme si elles livraient une guerre dantesque dans les profondeurs de l’enfer. Le chant est hargneux, parfois mélodique mais surtout guttural. On comprend mieux pourquoi les cordes vocales de McDougal ne tiennent pas plus d’une demi-heure. A ce rythme il va se les arracher… (page ‘Artistes’ ici)
Setlist : « A Pale Light Lingers », « Darkness Shared », « My Body Is A Cage », « Is Survived By », « Realize and Rebuild », « Turning Hate Into Rage », « Cursed To Remember », « I'd Rather Not Say », « Easily Erased »
Gideon est une formation originaire de Tuscaloosa, dans l’Alabama. Fondée en 2008, le line up implique le chanteur/frontman Daniel McWhorter, le guitariste Tyler Riley, le bassiste Caleb DeRusha et le drummer Jake Smelley. Le quatuor pratique du metalcore. Daniel mène la danse. Tout de blanc vêtu, y compris le Stetson vissé sur le crâne, il ressemble à un cowboy. Il pourrait incarner ce personnage dans le western « La Ballade de Buster Scruggs ». Son sixième opus, « More Power. More Pain » remonte à mars 2023. Le combo va nous en réserver de larges extraits. Parfois son passé hardcore mélodique refait surface, mais les influence de Madball et Lionheart sont indéniables. L’aspect guttural des vocaux est privilégié. Et l’auditoire répond avec enthousiasme à cette agressivité addictive. Mais finalement, il faut reconnaître que ce mix entre hardcore et metalcore est parfaitement équilibré… (page ‘Artistes’ là)
Setlist : « Bite Down », « Push It Back », « Locked Out Of Heaven », « Too Much Is Never Enough », « More Power. More Pain. », « Take Off », « Sleep », « Take Me », « Damned If I Do (Damned If I Don't) », « Cursed », « No Love/No One ».
La grande salle de l’AB est bien remplie et vibre d’une énergie débordante lorsque Ghost Inside monte sur les planches. Les musicos sont accueillis comme des héros sur le retour.
Le light show est impressionnant. Trois énormes rampes de spots superposées bordent la haute estrade sur laquelle est perché le batteur, sise en retrait. Et elles tournent dans tous les sens. C’est pareil pour les leds dont les faisceaux sont à la fois multicolores et aveuglants. Une forme de violence qui se focalise autant sur les artistes que l’auditoire.
La piste d'intro débouche sur une interprétation punitive de « Death Grip ». La foule éclate dans une frénésie de moshing et de headbanging.
Constituée du drummer Andrew Tkaczyk et du bassiste Jim Riley, la section rythmique pose solidement les fondations d’une expression sonore qu’on pourrait qualifier d’incendiaire. Derrière ses fûts, Andrew est une force sur laquelle le band peut compter. Ses explosions tribales mettent en exergue ses impressionnantes compétences techniques
En perpétuel mouvement, les sixcordistes Zach Johnson et Chris Davis échangent des riffs fulgurants, des harmonies complexes ainsi que des breakdowns écrasants. Johnson libère des solos aux accords rapides qui planent avec une facilité déconcertante. Pourtant, la mélodie reste une constante ; elle est d’ailleurs développée, de la plus belle des manières, sur les titres du dernier long playing.
Le band à le sourire aux lèvres lorsqu’il assiste aux crowdsurfings et aux circle pits qui éclatent, en première partie du set et particulièrement pendant « The Great Unknown », un hymne repris en chœur par la foule avant que la nouvelle compo « Split » ne fasse un carton absolu. Le chanteur Jonathan Vigil encourage ensuite la foule à l’accompagner quand il crie ‘F*** this !’ pendant le refrain de « Pressure Points » …
Les chœurs assurés par les 3 gratteurs sont remarquables tout au long de « Wash It Away », le morceau le plus metalcore du combo, abordé dans l’esprit de We Came As Romans…
Vigil confesse qu’il n’était pas sûr que le groupe puisse reprendre les tournées à plein temps après l'accident de bus, nous rappelant que qu’Andrew Tkaczyk, le batteur, n’a plus qu’une seule jambe.
En associant l’efficacité de la nouvelle vague du metalcore américain à l'urgence du punk The Ghost Inside crée un pont entre l’agressivité du son et les messages pertinents.
Une prestation convaincante.
Setlist : « Death Grip », « Earn It », « The Great Unknown », « Move Me », « Dear Youth (Day 52) », « Split », « Secret », « Mercy », « Dark Horse », « Pressure Point », « Out Of Control », « Wash It Away », « Light Years », « Faith or Forgiveness », « Between the Lines », « Avalanche », « Aftermath », « Engine 45 »
(Organisation : Biebob, AB et Live Nation)
En marche vers un succès qui semble d'ores et déjà acquis, Eosine, le groupe de shoegaze originaire de Liège, fêtait, au Botanique (Bruxelles), le 'release' de son premier Ep paru chez Mayway Records, “Liminal”. Dans une Rotonde pleine à craquer, la formation emmenée par la talentueuse Elena Lacroix a, non seulement confirmé l'essai mais, en outre, a montré qu'elle possède une énorme marge de progression...
Dans la setlist, on retrouve, bien sûr, les 4 titres issus de “Liminal” : “Digitaline”, “Plant Healing”, “UV” et “Progeria” ; cependant, et c’est une surprise, tous les autres morceaux sont inédits. Et, pour être franc, ils sont époustouflants. L’expression sonore évolue toujours dans un style combinant shoegaze, post punk, dream-pop et inspiration mystique et/ou celtique mais le spectre musical est clairement en expansion grâce à des touches prog, krautrock, grunge et, par moments, carrément 'doom'.
Pour ce nouvel avatar d'Eosine, Elena est accompagnée de Dima Fontaine, qui militait auparavant au sein du groupe liégeois Naked Passion. Guitariste et chanteur, il apporte une palette musicale très riche et renforce parfaitement le travail vocal d'Elena. A leurs côtés, Benjamin Franssen à la batterie et Guillaume Van Ngoc à la basse, constituent une excellente section rythmique.
Ce qui frappe le plus, c'est la puissance de plus en plus affirmée du groupe en ‘live’. Le côté shoegaze éthéré est rehaussé, sur les planches, par une énergie brute et une maîtrise étonnante des pulsions et des flux. La formation alterne les moments aériens et les envolées rythmiques les plus féroces.
“Digitaline” est un bel exemple de cette versatilité. Joué à la fin du set accordé au Cinquantenaire, en juin dernier, le morceau est ici placé en lever de rideau et il permet de découvrir le registre du combo. Il se termine par une diatribe vocale hallucinante d'Elena, éructant comme une possédée au bord de la scène. L'ange habillé de blanc s'est déjà transformée en démon. Le tout, devant un public médusé, enthousiaste et hypnotisé. Après un seul morceau, la messe est déjà dite... On sait que l'ambiance va être torride !
Première compo inédite, “Limewood” reflète l’incontestable évolution. Tous les musiciens portent des tenues immaculées mais les tonalités sont de plus en plus sombres. Elena confiera plus tard qu'elle se met à nu dans ses nouvelles chansons. Les émotions qu'elle éprouve sur les planches l'entraînent parfois dans des moments de violence et de souffrance, au cours desquels elle part en transe et écartèle sa voix jusqu'à en tirer de véritables ‘grunts’. Son amour de la musique 'doom' (sludge, post-metal,...) est ici révélée au grand jour! Et puis, quelques secondes plus tard, elle abandonne sa Fender pour danser avec douceur et sensualité tandis que le rythme ralentit pour introduire “UV”. De toute évidence, le quatuor a mis à profit ses récentes résidences pour peaufiner les enchaînements et la mise en place de son show.
Pendant “Cherry Pink”, encore une nouvelle composition, Pyo, alias Karel Piot, le musicien bruxellois qui avait assuré la première partie, rejoint Elena sur le podium afin de partager un duo vocal endiablé. Après le très beau “Progeria”, le moment est venu de redécouvrir ce morceau inédit (NDR : bien qu’il ait déjà été interprété lors de précédents concerts) et très ambitieux : “Incantations”. Il démarre dans une forme de douceur shoegaze qui évoque Slowdive mais, très vite, Elena se remet à trembler et on devine qu'elle va, à nouveau, entrer en transe. En effet, les guitares explosent et la ‘succube’ se remet à cracher son venin, avec une violence indescriptible. On croirait entendre un morceau de Lethvm, le groupe de post-metal belge de Bois-de-Villers, avec lequel Elena a collaboré. Ensuite, le climat retourne au calme et elle quitte la scène, tandis que Dima Fontaine chante une mélodie apaisante. Mais c'est de courte durée, car la belle revient en courant depuis les coulisses, comme une furie, pour crier au-devant de la scène, sans micro... Un moment d'une rare intensité...
Cependant, l'apothéose doit encore arriver. Un dernier inédit, “No Horses”, va mettre tout le monde sur les genoux. Plus expérimental, il est tout d'abord calme, dans l’esprit de Björk et Cocteau Twins ; mais, suivant un format désormais bien établi, le chaudron entre petit à petit en ébullition avant une nouvelle éruption ! Elena scande frénétiquement ‘I am Lost and Found’ en criant de plus en plus fort, pour finalement se lancer carrément dans un ‘stage diving’ ! Un moment inoubliable !
Finalement, le concert n'a duré qu'une heure mais il a libéré une puissance phénoménale ! Le premier album du groupe est attendu impatiemment. Il paraîtra l'année prochaine sur Mayway Records, qui héberge déjà les excellents Haunted Youth. Passionné par le monde végétal, Eosine est une plante en pleine croissance et ce soir, on a assisté à l'éclosion d'une belle rose aux épines vénéneuses...
Pour consulter les autres articles (interviews, chroniques de disques, etc.) consacrés au band, cliquez sur le nom de l’Artiste dans le cadre ‘Informations complémentaires’, ci-dessous.
Si vous souhaitez écouter les interviews en podcast dans l'émission ‘WAVES’, c’est ici pour Eosine et là pour le projet solo d’Elena, Tokyo Witch.
Setlist :
Digitaline
Plant Healing
Limewood
UV
Cherry Pink
Progeria
A Scent
Incantations
Above
No Horses
(Organisation : Botanique)
Crédit photo : Christophe Dehousse
Imaginez que Taylor Swift ait écouté Nirvana… c'est ainsi que ARXX décrit sa musique. Le groupe vit une période faste. Après avoir sorti son dernier single, « Trouble », et surtout assuré le supporting act de Taylor Swift à Wembley, le duo vient de sortir son deuxième album, « Good Boy », ce 4 octobre. Audacieux et sans complexe, caractérisé par un son rétro, riche en synthétiseurs, ARXX y transforme ses expériences extrêmement personnelles en un disque indéniablement accrocheur.
La salle n’est pas comble, mais bien remplie.
Grandma’s House, c’est le titre d’une série télévisée britannique burlesque, mais c’est également le nom du band qui assure le supporting act. Un quatuor féminin originaire de Bristol. Si cette scène y est en ébullition, les mouvements féministes et LGBTQ le sont tout autant. Ainsi, le band se revendique ‘queer’.
Le combo puise ses influences chez Idles, Heavy Lungs, LICE, Repo Man et même les Irlandais de Fontaines D.C., alors que les harmonies vocales correspondent davantage aux standards féminins insulaires incarnés par les contemporains Nova Twins et Big Joanie ainsi que des figures historiques comme les Slits. 0n pourrait également ajouter Joan Jett et L7, mais ces formations sont américaines.
A ce jour, la formation n’a pas encore sorti d’album, mais plusieurs singles et deux Eps, dont le dernier, « Who am I », est paru en mars 2023.
Le quatuor implique une drummeuse (NDR : qui joue sur le kit de batterie d’ARXX), une guitariste/chanteuse, une seconde sixcordiste et une bassiste, plutôt jolie, par ailleurs.
« No Place Like Home » ouvre le set. Il évoque la perte de repères d’une Angleterre post-Brexit. Tout en ironie et sarcasme, « Always Happy » traite d’anxiété sociale, aboutissant à un hymne capable de fédérer tous les timides et paumés.
Si Grandma’s House ne réinvente pas la roue, son post punk ‘dark’ bien électrique et énergique libère une intensité menaçante dont on prend plaisir à se délecter… (page ‘Artistes’ ici)
Setlist : « Slaughterhouse », « Desire », « Nothing Special », « Haunt Me », « Screw Up », « D.O.G. », « Body », « Devil’s Advocate »
Place ensuite à ARXX. En toile de fond, sur une tenture noire, des leds reproduisent le patronyme du combo. La drummeuse, Clara Townsend, grimpe sur son estrade, plantée à gauche du podium. Un MPD est calé à droite des charlestons et de la caisse claire. Elle a les cheveux coupés à la garçonne.
Un peu enveloppée, la chanteuse/guitariste Hannah Pidduck est tatouée des pieds à la tête. Elle dispose également d’un clavier et d’un micro susceptible de transformer ou vocoder sa voix. A ses pieds, traîne une drôle de machine pleine de boutons qui déforme également sa voix et les sonorités de sa sixcordes.
Ces deux artistes ont enfilé des shorts de couleur bleue et des chemises blanches à col officier. Ce sont également les leadeuses du band.
Quel plaisir d’assister à un concert au cours duquel les musicos ont constamment la banane, plaisantent entre elles et interagissent en permanence avec un public multigénérationnel ! En outre, leur bonne humeur est communicative. Elles font partie du genre queer (LGBTQIA+), mais ça, on s’en fout. L’important, c’est la qualité du show et de la musique ! Et sa pop rafraichissante, teintée de punk garage, l’est assurément.
Les harmonies vocales sont soignées et tout particulièrement la voix d’Hanni. Superbe, elle a connu quelques soucis. On lui a détecté des polypes sur les cordes vocales, mais opérée avec succès, elle a récupéré l’intégralité de sa voix.
Le set s’ouvre par « Trouble », un single extrait du second album (en écoute là). D’ailleurs toutes les plages de cet LP sont des hits en puissance.
« The Last Time » baigne dans le trip hop. Les synthés submergent la compo avant que puissants, les drums ne les rejoignent.
La reprise du « Murder On The Dancefloor » de Sophie Elise Baxter fait grimper la température de quelques degrés. Et dans la fosse, ça danse et ça saute de partout. La setlist inclut des morceaux issus du premier long playing, « Ride Or Die », paru en 2023, dont les pépites « Deep », The Last Time » et « Ride Or Die », qui clôture le rappel entamé par « Crying In The Carwash », dont le climat empreint de nostalgie pourrait facilement servir de B.O. pour un film de John Hughes.
Pour votre serviteur, c’est un des meilleurs concerts auquel il a assisté, cette année.
Setlist : « Trouble », « Deep », « The Last Time », « Like Hell », « Swim », « Murder On The Dancefloor », « Call Me Crazy » - « Forgive And Forget », « Easy », « God Knows », « Dublin », « All Night », « Whyd », « Love Me Again », « Good Boy ».
Rappel : « Crying In The Carwash », « Ride Or Die ».
(Organisation : Ancienne Belgique)
John Maus est ce qu’on peut appeler un artiste culte. Il est titulaire d’un doctorat en sciences politiques, décroché à l’Université d’Hawaï. Né en 1980, il est originaire d’une petite ville du Minnesota, et a commencé sa carrière musicale à Los Angeles, après avoir rencontré Ariel Pink. Depuis, il a sorti sept albums.
Sa musique est inclassable et navigue quelque part entre minimal synth, darkwave, indie-pop, lo-fi et synth-pop ; et le tout se distingue par une approche typiquement Punk / Garage / DIY. Un ‘melting-pop’ unique qui évoque tour à tour Suicide, The Velvet Underground, Fad Gadget, Dead Can Dance, John Foxx ou Nick Cave.
Ce soir, il est de retour en Belgique, sept ans après son dernier passage, aux Ateliers Claus. Et c'est une Orangerie du Botanique pleine à craquer qui a la chance de recevoir ce génie méconnu. Seul point négatif, il se produit seul sur les planches, chantant sur une bande qui reproduit les parties instrumentales et, parfois également, sa propre voix. Il va falloir franchement être attentif à cette fâcheuse tendance qu'ont les artistes de jouer en playback, une tendance de plus en plus visible depuis le ‘con-vid’. Mais en ce qui concerne Maus, on lui pardonne tout, d'autant que le point focal de ses concerts est, quelles que soient les circonstances, l'extraordinaire intensité de sa propre prestation.
Dès le premier morceau, “Castles in the Grave”, il entre comme d’habitude, dans une frénésie inimaginable, pratiquant un ‘headbang’ à s'en décrocher la tête, se frappant le cœur et le front avec le poing, une transe qui se poursuivra plus ou moins tout au long du spectacle.
Au niveau vocal, il chante parfois, mais la plupart du temps, il éructe véritablement les mélodies, déclenchant l'enthousiasme du public. Les morceaux de l'Américain prennent souvent la forme d'une synthpop spacieuse et quasi-mystique. Sa poésie est dystopique et surréaliste, voire dadaïste, l'artiste se laissant porter par la sonorité des mots davantage que par leur signification. Un chant fantomatique, qui se déploie à la perfection dans des joyaux tel que “Quantum Leap”, “... And The Rain” ou encore “The Combine”.
Affirmer qu'il est un artiste magnétique est un euphémisme ! On ne peut tout simplement pas le quitter des yeux tant il domine la scène. Après quelques titres, sa chemise est déjà trempée de sueur et l'incroyable ambiance qui règne au sein du public, à fond dans la folie du moment, a de quoi étonner.
Pendant “Just Wait Til Next Year”, on perçoit une filiation harmonique et mélodique évidente avec “Golden Brown” des Stranglers. L’artiste a d'ailleurs avoué sa passion pour la new-wave ainsi que les musiques médiévales et baroques. Après une petite accalmie et deux titres inédits, “Cop Killer” fait remonter la température de l'Orangerie, suivi par deux autres brûlots : “Time to Die” et “Pets”.
Le rappel se limite uniquement à “Believer”, et c'est trempé de sueur et échevelé que John Maus quitte finalement le podium, exténué. L’auditoire revient alors peu à peu sur terre, après une cérémonie cathartique d'une intensité rare.
Pour en savoir plus, écoutez l'interview réalisée dans l'émission de radio bruxelloise WAVES, au cours de laquelle John aborde des sujets aussi variés que la musicologie, la philosophie, la psychanalyse, la composition assistée par ordinateur, l'influence de la musique médiévale sur la new wave, etc. Le podcast est disponible ici
Setlist
Castles in the Grave
Quantum Leap
(Unknown)
...And the Rain
Streetlight
The Combine
Keep Pushing On
Bennington
Rights for Gays
Do Your Best
Maniac
(Unknown)
Cop Killer
Just Wait Til Next Year
(Unknown)
Time to Die
Pets
Encore :
Believer
En première partie, Hun Hun, un projet de musique électronique expérimentale basé à Bruxelles, a séduit grâce à son univers fusionnant des paysages sonores ambiants, des rythmes techno et tribaux et des textures lo-fi. Le duo a présenté un aperçu exclusif de son prochain album ‘Midi Temple' dont la sortie est prévue pour 2025.
(Organisation : Botanique & LiveNation)
Photo : David LaMason