Sages Comme Des Sauvages face à l’obsolescence programmée…

« Répare ou Pas », premier single issu du troisième album de Sages Comme Des Sauvages est un hymne en forme de question. On le répare ou pas ? Face à un monde plein de vices de fabrication et de malfaçons, le duo se demande si ça vaut encore la peine de…

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Ed Kuepper

Jean Lee and The Yellow Dog

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Difficile de comprendre pourquoi un artiste aussi talentueux qu’Ed Kuepper soit confiné depuis si longtemps dans la zone crépusculaire de l’underground. Sa discographie ne se contente pas d’être impressionnante, mais recèle plusieurs albums remarquables. Ses prestations scéniques le sont tout autant. Et les articles que lui consacrent les journalistes spécialisés ne tarissent pas d’éloges ce ténébreux Australien. Le mystère reste donc entier.

Son dernier opus studio, « Smile, Pacific » remontait quand même à 2001, et franchement on se demandait ce qu’il attendait pour revenir dans le parcours. En fait, après avoir lu une biographie sur Jean Lee, la dernière condamnée à mort, exécutée par pendaison en Australie, il a projeté d’écrire un opéra. Il a donc refilé le bouquin à sa partenaire Judi Dransfield-Kuepper (photographe, écrivain et poète reconnue aux Antipodes) en lui demandant si elle était intéressée par ce projet. Mais celui-ci a pris davantage de temps que prévu, et Ed, impressionné par ce qu’elle avait déjà écrit, a décidé de bosser sur une partie du thème développé et de s’en servir pour son nouvel opus ; repoussant ainsi ultérieurement les desseins opératiques. C’est ainsi qu’est né « Jean Lee and The Yellow Dog », un disque pour lequel, Kuepper a notamment reçu la collaboration de Warren Ellis (Dirty Three), de la claviériste/violoncelliste Jan Elliot, d’une section de trois cuivres et puis de Chris Bailey. Pour une des meilleures compos de l’elpee : « That depends pt 3 ». Une plage complexe, noisy/jazz/world élaborée dans l’esprit des Laughing Clowns, c'est-à-dire très cuivrée mais en même temps mélodique. Une sensibilité très développée mais en même temps très personnelle chez le natif de Perth. Dans le même registre, « Skinny Jean » se révèle plus laidback, mais en même temps énigmatique et parfois presque funèbre (ces cuivres !) Et la ballade mélancolique « Demolition » semble hantée par le spectre de Morphine.

Donc les deux ex-Saints ont à nouveau coopéré. Une situation qui avait été débloquée en juillet, à l’initiative du festival Queensland Music, au cours duquel les Saints s’étaient donc produits en ‘live’ et sous un line up originel. Pas comme chez nous l’an dernier. L’opus recèle une cover des Go-Betweens : « Finding you ». Un hommage à feu Grant McLennan qui aurait dû, au départ, figurer sur un album ‘tribute’. Balayée par les accords du violoncelle, cette version minimaliste est vraiment bouleversante. Mais venons-en plus en détail sur cet album.

Découpé en douze fragments, dont un interlude d’une cinquantaine de secondes en final (« Ambient piece »), il s’ouvre par un rock bien carré, « Hang Jean Lee ». Il recèle surtout quelques plages assez curieuses. Tout d’abord « Yellow dog ». Ce boogie jazz écume le célèbre « The beat goes on » de Sonny & Cher. Deux titres sont proposés sous des versions différentes : « Read to me ». La première version est acoustique. Une jolie mélodie tramée par un banjo et un dobro, tapissée d’arrangements de cordes. Légèrement countryfiante, elle s’inscrit dans l’esprit des Triffids circa « In the pines ». Et immortalisée live, la seconde libère une intensité blanche digne de Neil Young. Une intensité qui contamine le tribal « Daddy’s girl ». La plaque recèle bien évidemment quelques compos typiquement ‘edkuepperesques’. Et en particulier « Miracles ». Une chanson empreinte d’une grande mélancolie, caractérisée par ces accords plaqués, légèrement reverb, et bercée par les accès de violon ondoyants concédés par Warren Ellis. « Shame », ensuite. Un morceau découpé dans les cordes élégantes, discordantes, hypnotiques, au cours duquel, il partage un duo avec Su Crowley.

Fatalement ce disque figurera parmi mes albums de l’année. Et si vous continuez à snober cet artiste hors pair, c’est que vous n’avez toujours rien compris…

 

Ed Kuepper

Out-takes, castaways, pirate women & takeways

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Non, ce n'est pas encore un nouvel album d'Ed Kuepper, mais une compilation de versions inédites, de remixes et de reprises. Quatre reprises, tout d'abord. Probablement écartées de l'album " Reflections of old golden eyes ". Dont une de Bob Dylan (" If not for you ") mise à la sauce postcard ; une de Merle Haggard (" Okie from muskogee "), pour laquelle Edmund a pris le soin de préserver les propriétés countryfiantes ; une adaptation d'un standard de country/blues (" Rough neck blues ") qui semble être directement sortie d'un pressage en 78 tours ; et un rock'n roll pur et dur signé Giant/Baume/Kaye (" Kissin' Cousins "). Quatre remixes. En premier lieu " Yard goes forerver ". Rebaptisé pour la circonstance " Also sprach 2001 ". Un fragment traduit en techno/disco à la manière d'un Cerrone. " Poor Howard ", ensuite. Qui nonobstant son final cuivré consomme un electro/funk/tribal réminiscent de Chemical Brothers. Et enfin, " Eternally yours ". Enrichi de parties de basse et de guitare, il atteint la même intensité électrique qu'un Luna. La plus grosse surprise nous vient de " All these things ". Chantée par Rachel Holmshaw ", cette composition est à la fois hantée par l'esprit de Lightning Seeds et de Mazzy Star. Plus classique dans le style, " Mona " met en exergue l'aspect percussif de la solution sonore, à l'instar de celle qui immergeait l'opus " Today wonder ". Et si " Horse under water " émarge au minimalisme atmosphérique, " Hunker dowwn " fait un crochet par le psychédélisme brumeux. Une seule composition " live " : " La di doh ". Une adaptation aussi contagieuse qu'excitante à laquelle vous ne pourrez résister de reprendre le refrain en chœur. Et enfin, Ed n'a pas oublié Louise Elliott, une fabuleuse saxophoniste qui avait sévi au sein de ses New Imperialists et de ses Laughing Clowns. Une saxophoniste talentueuse qui donne la réplique à un(e) flûtiste sur un inévitable morceau de free jazz, " CCR versus the 3rd reich "… Impressionnant !

 

Ed Kuepper

Reflections of ol golden eye

Écrit par

A force de dire du bien d'Ed Kuepper, on finira par croire que je suis un fan (NDR: pourquoi, c'est interdit?). Ce " Reflections of ol' golden eye " ne constitue, malheureusement pas, le nouvel album de l'ex Saints, mais un recueil de covers, qu'il a personnalisées. Seize adaptations enregistrées entre 1990 et 1998, dont la plupart n'avaient jamais été reproduites sur gravure. Et croyez-le si vous le voulez, elles sont particulièrement réussies. Edmund parvient même, le plus souvent, à leur donner une nouvelle dimension, tout en leur injectant cette dose d'émotion qui n'appartient qu'à lui-même. A l'instar de " Highway to hell " d'ACDC, ou de " The man who sold the world " de Bowie. Et le reste mérite vraiment le détour… Alors Ed, ton nouvel album, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

 

Ed Kuepper

Frontierland

Edmund Kuepper nous surprendra toujours. Alors que depuis 1990, ce chanteur/compositeur/guitariste australien privilégie une muse semi-acoustique, quoique généreusement électrifiée ; pour enregistrer sont 21ème album, il a décidé d'enrichir la texture de ses chansons d'orchestrations et d'arrangements, en engageant toute une flopée de musiciens. Un tas de cuivres, comme à l'époque de Laughing Clowns. Un harmoniciste, plusieurs claviéristes, un violoniste, des bassistes, et nous en passons. Mais énorme surprise, il a décidé de faire appel à la technologie de pointe. En particulier aux samples et aux loops, en sus des boîtes à rythmes, du mellotron et du moog synthesizer. Et le résultat ne manque pas d'allure, même si les puristes lui reprocheront, sans doute, son infidélité à une certaine ligne de conduite minimaliste... Pourtant, en débarrassant la solution de toutes ces fioritures, on retrouve de remarquables mélodies trempées dans la nostalgie mélancolique, mélodies qu'il sculpte avec tellement de subtilité et une ineffable sensibilité, à l'aide de sa ‘douze cordes’. Pour ceux qui connaîtraient peu, mal ou pas du tout l'œuvre novatrice d'Ed Kuepper, nous ne leur conseillerons pas cet opus, mais plutôt des chefs d'œuvre tels que "Today wonder", "Honey steel's gold" ou "Black tichet day". Evidemment, si vous en êtes encore à patauger dans la marre des canards, à clamer "We are the champions", en pensant à Phil Collins, votre cas est totalement désespéré...

 

Ed Kuepper

Startruck

Album exclusivement instrumental pour l'un des artistes les plus sous-estimés de la planète. Vingt-six titres parmi lesquels cinq ont servi de bande sonore au court métrage " The Chrismas cake ". Un film qui a d'ailleurs reçu un award, dans sa catégorie, en Australie. Un disque étrange, complexe, varié, hypnotique, atmosphérique, partagé entre instrumentation électronique, boucles, samples et instrumentation plus conventionnelle. Soit guitare, percussion, cuivres, piano et claviers. Pour enregistrer " Startruck ", Ed a reçu le concours de quelques collaborateurs, parmi lesquels on retrouve son inséparable pote Mark Dawson, mais également Louise Elliott, qui jusqu'alors n'avait côtoyé l'artiste qu'au sein des New Imperialists. A l'origine, " Startruck " n'avait été pressé qu'à 3 000 exemplaires, mais suite à la critique élogieuse émise par les médias, notamment en Angleterre, Hot a décidé de le sortir officiellement. Et finalement c'est tout à fait justifié...

 

Ed Kuepper

Sings his greatest hits

Ed Kuepper est tellement prolifique qu'il est parfois nécessaire de faire un peu le point pour s'y retrouver. Ce que cette compilation ne permet cependant pas de faire. D'abord, elle n'inclut aucun titre des Aints, des New Imperialists ni de Laughing Clowns, mais exclusivement de ses opus solo. Et uniquement d'albums enregistrés entre 90 et 95. Soit "Today wonder", "Honey steel's gold", "Black ticket day", "Serene machine", "Character assassination", "I was a mail order bridegroom" et "A key in the kindness room". Pas de trace malheureusement de ses expériences individuelles commises entre 85 et 88. Soit "Electrical storm", "Room of the magnificent" et "Everybody's got to"... Ed Kuepper est un artiste d'exception, nous l'avons toujours proclamé, mais le titre de cet album prête à sourire. Parce qu'Edmund n'a toujours pas décroché de hit. Ni en Europe, ni aux States, ni dans son Australie natale. Ce qui est une profonde injustice, c'est vrai. Mais un fait incontestable. Ces 15 compositions auraient mérité d'entrer dans les charts. Simplement, il faut croire qu'il ne suffit pas d'être un musicien d'exception pour s'imposer. "Il n'est de pire sourd que celui qui ne veut entendre..." Pour ceux ou celles qui ne connaîtraient toujours pas Kuepper, ce disque constitue un occasion unique de faire le premier pas. Les inconditionnels risquent, eux de râler sec. Car si le CD recèle deux inédits, les versions proposées sur le reste du disque ne sont sensiblement différentes que parce qu'elles ont été remasterisées. Mais ne gâchons pas notre plaisir. Les titres sélectionnés demeurent de petites perles dans le sens le plus mélodique de la pop. Des chansons romantiques, raffinées, basiquement acoustiques ou délicatement électrifiées. Maintenant, ce style d'album peut également comporter une part de danger. En effet, si vous étiez inopinément séduits par cette musique, vous risqueriez fort de ne plus pouvoir en éradiquer le charme...

Ed Kuepper

A king in the kindnessroom

Neuvième album pour cet auteur/compositeur/arrangeur/producteur/chanteur/guitariste aussi innovateur que prolifique. Si "Character Assassination" s'était révélé fondamentalement plus acoustique, "A king in the kindnessroom" consomme manifestement une plus grande intensité électrique. Enfin, suivant le concept prôné par Edmund. C'est à dire la guitare sèche à douze cordes amplifiée puis triturée par une série de pédales. Le résultat en devient même presque psychédélique sur l'intro "Confessions of a window cleaner" ou même surf (Spoutniks? Shadows?) lors du final "The diving board". Le CD recèle même un exercice de style exclusivement instrumental de plus de neuf minutes, mettant en exergue les talents de flûtiste/ saxophoniste de Louise Elliot et du drummer/ percussionniste Mark Dawson. Un peu dans l'esprit de "Lizard" du King Crimson.  Bref, un chouette disque qui épingle une cover alanguie du "Highway to hell" d'ACDC, le single "Pissed off" et trois autres compositions aussi épatantes. Mélodies irrésistibles, mystérieuses, que balaie le timbre vocal blême, nostalgique d'Ed Kuepper…

 

Ed Kuepper

Deux versions des mêmes chansons

Écrit par

Voici deux ans, lors d'une première rencontre, cet ex Saints s'était montré peu loquace, passant le plus clair de son temps à boycotter les questions qui lui étaient posées. De retour en Belgique pour une nouvelle tournée des petits clubs, mais en solo, Edmund était particulièrement surpris de nous revoir. Et peut-être également touché. Une insistance qui a sans doute enfin permis de lever une partie du voile qui recouvre l'histoire de ce chanteur, compositeur, interprète que guitariste aussi talentueux et prolifique...

Ton dernier album, "Character Assasination" est double, mais se limite sur le deuxième disque à une adaptation acoustique du premier. Une raison?

En fait, au départ, il ne devait y avoir qu'un seul disque enregistré en compagnie de mon groupe, mais comme je n'étais pas satisfait du résultat, je suis retourné en studio pour en réaliser une nouvelle mouture, avec pour seul accompagnement la guitare sèche. J'ai à la fois voulu revenir à une écriture plus basique et démontrer que j'étais capable d'aborder mes compositions sous des angles différents. Ce qui explique pourquoi j'ai réalisé ces deux exercices de style.

Pour chacune des versions, tu as choisi un titre différent: "Character assassination" et "Death of the howdy doody brigade" Une raison? Et que signifient ces deux titres plutôt curieux?

Les deux titres sont très liés, mais recèlent différentes significations. "Character assasination" exprime une face cachée et symbolique de mon caractère dans la musique. Je m'efforce constamment de détruire mon passé, mes expériences antérieures pour pouvoir me ressourcer entièrement. C'est un "leitmotiv". "Death to the howdy doody brigade" exprime sans doute le sentiment que j'ai éprouvé après avoir enregistré la première version du disque. A moins qu'il ne reflète le sort des Aints lorsque je les ai liquidés...

Sur ces disques, tu interprètes un classique de Johnny Cash, "Ring of fire", une chanson qui a déjà été reprise par un nombre incalculable d'artistes. Il existe même un spot publicitaire qui s'en est inspiré pour vanter les mérites de jeans. Que représente pour toi ce mythique folk singer?

Je n'ai pas repris cette chanson par admiration pour Johnny Cash, mais simplement parce que j'aime cette chanson depuis ma plus tendre enfance. Et puis, je souhaitais en réaliser une version très personnelle. C'est vrai qu'il en existe de multiples. La dernière que j'ai entendue appartient à Dick Dale. Elle m'a particulièrement amusé. Mais j'ignorais que ce titre avait servi de bande sonore pour une pub. Je n'ai jamais vu ce spot passer à la TV australienne.

As-tu le sentiment d'être sous-estimé? Ne penses-tu pas qu'une signature chez un major pourrait t'ouvrir les portes du succès?

Je pense recueillir un certain succès. Mais je ne désire pas supporter une quelconque pression sous prétexte d'acquérir une plus grande notoriété. Je n'ai pas à me plaindre de ma situation actuelle. Ce que je récolte me paraît justifié et pas davantage. Relever d'un label major soulève d'autres problèmes. Et pas nécessairement faciles à résoudre. Trop de monde pense que signer sur une major permet de vivre pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je ne partage pas ces idées préconçues. Pourtant, si la proposition était intéressante, je ne dis pas que je la refuserais. Mais, jusqu'à ce jour, aucune ne m'a semblé suffisamment solide pour être étudiée. Personnellement, j'estime essentiel de préserver mon intégrité artistique. Conserver le contrôle de ma création. Enregistrer des disques lorsque j'en éprouve le désir. Des conditions difficilement admissibles pour un label major.

Oui, mais justement, un label indépendant doit avoir les reins solides pour voir défiler une telle prolifération de disques. Est-ce que ce système est viable, surtout lorsque les ventes ne suivent pas?

Sur un label major, un artiste a droit à approximativement un album tout les deux ans. Or, j'estime que le rythme d'une sortie annuelle constitue le minimum pour rester dans le coup. La période qui sépare les enregistrements s'allonge exagérément à cause de la campagne de promotion, campagne dont il est indispensable d'amortir le coût, souvent beaucoup plus élevé que le prix de revient du disque lui même. Au cours des sixties, les artistes de rythm 'n blues, de blues, et de rock 'n roll gravaient un vinyle tout les deux mois. Ils se remettaient constamment en question, travaillaient sur leurs nouveaux projets à peine la matrice mise en boîte. Ils pensaient à se renouveler constamment. Evidemment, je concède que la sortie trop rapide d'un nouvel opus s'effectue au détriment du précédent, surtout lorsque le laps de temps qui les sépare est très réduit. Mais dans ma perspective artistique, dès que mes chansons sont terminées, reproduites sur bandes et suffisamment solides à mon goût, je n'attends qu'une seule chose: la graver sur un album.

Considères-tu ta musique comme une religion?

Ma musique n'est pas une religion, mais elle polarise une grande partie de mon existence. Et même davantage. Je suis totalement hanté par la musique. Et en même temps, il existe une déchirure entre cette obsession et la partie de ma vie qui me comble. Cette déchirure peut également expliquer le titre de mon album. Mais lorsque tu es totalement obsédé par la musique, tu cherches à te protéger, à t'isoler du monde, à te couper des autres. J'en suis conscient, mais j'essaie de me remettre en question, de prendre du recul par rapport à cette passion. J'y ai tellement consacré de temps qu'elle y a pris une place très importante dans ma vie.

Est-ce la raison pour laquelle on te qualifie de taciturne?

Ah bon? Je n'avais jamais entendu cette réflexion à mon sujet.

L'inspiration te vient en tournée ou à la maison?

Rarement en tournée. Nonante pour cent de mes chansons sont écrites chez moi. J'ai besoin d'une concentration optimale pour les concevoir. Mais les voyages peuvent être également une source d'inspiration.

Pourquoi tes lyrics sont-ils obliques? Y réserves-tu une place pour ton sens de l'humour?

La perspective de mon écriture est très personnelle. Je rédige essentiellement à la troisième personne. Ce qui explique sans doute pourquoi mes textes sont obliques. Mon sens de l'humour. Il s'exerce à travers les mots à double sens...

Es-tu un guitariste pyrotechnique?

Non, pas du tout. Disons qu'en compagnie des Aints, je suis parvenu à libérer une certaine intensité électrique. Mais cette technique est plutôt réservée aux groupes de metal yankee. Je préfère la guitare acoustique. Elle offre davantage de versatilité. J'écris d'ailleurs la plupart de mes compositions à l'aide de la guitare sèche. Même si sur scène, j'aime en amplifier le son (rires)...

N'est-ce pas un handicap de toujours changer de musiciens?

Mon but est d'atteindre un résultat chaque fois différent. Que ce soit en studio ou live. Au cours des quatre à cinq dernières années, je n'ai jamais tourné deux fois avec la même formation. C'est vrai que parfois certains musiciens sont interchangeables. Ou que d'autre me côtoient plus régulièrement comme la flûtiste ou le drummer Mark Dawson. Mais je n'ai aucune exclusive dans ce domaine...

 

(Version originale de l'interview parue dans le n° 37 - octobre 95 - de Mofo)

 

Ed Kuepper

Character Assassination

Nous ne parvenons toujours pas à comprendre pourquoi cet ex-Saints ne récolte qu'un succès aussi confidentiel. Une véritable énigme que seule la curiosité naturelle d'un mélomane pourrait élucider. Car Edmund ne bénéficie ni de battage médiatique prodigue ni d'une diffusion de clips vidéo tape à l'œil. Quant aux ondes radiophoniques elles semblent presque l'ignorer. Et pourtant, chacun de ses albums, tant en solitaire, flanqué des Aints, des New Imperialists ou en compagnie des Laughing Clowns sont de petits chefs-d’œuvre. Parce qu'en plus, ce Kangourou est plutôt prolifique. "Character Assassination", par exemple, est double. Le premier morceau de plastique s'inscrit dans l'optique pop semi acoustique des "Today Wonder", "Honey Steel's gold" et "Black Ticket Day", alors que le second traduit ces mêmes compositions en langage exclusivement acoustique. Un exercice de style qui trouve toute son ampleur dans l'interprétation du "Ring of Fire" de Johnny Cash. Mais Ed Kuepper donne toute la mesure de son talent lorsqu'il électrifie légèrement ses chansons. Un peu à la manière d'un Neil Young minimaliste ou de George Harrison lorsqu'il s'est mis à composer pour les Beatles. Un "Character Assassination" qui se clôt en apothéose sur "If I had a ticket", une chanson dont la richesse émotionnelle et la fluidité mélodique enveloppe de mystère et de grâce une simple et remarquable pop song...

 

Ed Kuepper

Il y a encore une vie après les Saints....

Écrit par

Lorsque les Saints se sont séparés en 1986, toute l'attention des médias s'est focalisée sur Chris Bailey, chanteur compositeur à l'existence tumultueuse, mais au talent incontestable. Pourtant, Chris s'est enfoncé dans la médiocrité, alors que son guitariste, devenu aussi chanteur par la force des choses, a renversé la vapeur à son avantage. Après un bref intermède chez les extravagants Laughing Clowns, Ed Kuepper va se révéler un auteur prolifique, épinglant en moins de cinq années une flopée d'albums aussi savoureux les uns que les autres. En 1992, il nous a ainsi gratifiés de deux superbes oeuvres, deux disques immédiatement suivis par autant de tournées. La dernière, qui transitait par la Belgique voici quelques semaines, nous a permis de rencontrer ce très sympathique Australien, beaucoup plus loquace lorsqu'il s'agit de causer de son pays natal que pour dévoiler les arcanes du passé...

La scène rock australienne a connu un essor remarquable voici trois ou quatre ans. Aujourd'hui, le phénomène semble s'être quelque peu estompé. Comment expliques-tu cette accalmie?

Je n'en sais strictement rien. Je suis australien, mais je n'ai rien à voir avec la scène australienne. Je n'y ai d'ailleurs jamais porté grand intérêt. Je suis trop absorbé par mon travail pour analyser les turbulences qui agitent le monde musical. Je me consacre uniquement à ma création; il est donc difficile, pour moi, de répondre à cette question...

Des groupes tels que les Triffids, Wreckery, Died Pretty et des artistes comme Grant Mc Lennan et Louis Tillet ne t'intéressent donc pas tellement?

Mwoui! Louis Tillet est quand même un excellent musicien et il récolte un succès appréciable en Australie. En fait, j'aime un tas de styles différents issus d'époques différentes... les Easybeats, les Only Ones, Heart & Soul, les Blue Jays, les Box Tops; pas nécessairement des artistes australiens...

A propos des Box Tops, un journaliste britannique a écrit récemment que tu incarnais l'Alex Chilton des nineties. Est-ce un compliment?

J'apprécie les Box Tops, mais je n'ai pas grand-chose de commun avec Alex Chilton. D'abord ses sources d'inspiration varient totalement des miennes. Il avait recours à diverses drogues pour développer les différentes perspectives de sa composition. Ce n'est pas mon cas. Je n'ai pas besoin de consommer des stupéfiants pour trouver l'inspiration. Sans quoi, c'est sans doute un compliment...

Ce qui ne t'empêche pas d'être prolifique. Mais n'as-tu jamais eu l'idée d'écrire pour d'autres musiciens?

Cette idée ne m'a jamais effleuré l'esprit. Mes chansons sont parfois interprétées, mais je ne compose pas spécifiquement pour les autres. Je me limite à Ed Kuepper et à ses deux groupes.

Deux groupes? Pourquoi deux groupes?

Pour bénéficier d'une plus grande marge de manœuvre dans la création et dans l'interprétation. Ces deux formations me permettent également d'emprunter des directions musicales différentes. Et puis, sur scène, il m'est toujours loisible de concevoir des versions différentes d'une même chanson, suivant qu'elle est jouée en compagnie des Aints ou des New Imperialists. C'est d'ailleurs en compagnie de ce dernier groupe que je viens d'accomplir ma dernière tournée européenne.

N'est-ce pas troublant de baptiser son groupe The Aints lorsqu'on a appartenu aux Saints? Aurais-tu la nostalgie du passé?

Pas du tout! C'est le genre de fantaisie dont je raffole. Romantique oui, mais pas nostalgique. Et n'imagine surtout pas que ce romantisme se limite à une certaine forme de littérature ou de poésie. Il est dans mon tempérament et influe sur ma façon de composer.

Lorsque les Saints ont décidé de mettre un terme à leur existence, un tas de rumeurs a circulé sur les mobiles de cette séparation, mais aucun ne nous a convaincus. Quelle était la véritable raison de ce split?

Nous devenions sans doute trop vieux pour continuer à jouer ensemble. Nos divergences musicales s'étaient amplifiées au fil du temps. Il était donc préférable de nous séparer. C'est un peu comme un joueur de football qui ne parvient plus à exprimer son talent parce qu'il végète dans la même équipe depuis trop longtemps. Et puis en quittant les Saints, j'ai pu explorer de nouveaux horizons, musicaux bien sûr, mais aussi sur notre planète...

As-tu tu encore des contacts avec Chris Bailey? Que penses-tu de son dernier album?

Je le vois épisodiquement. Je n'ai pas eu l'occasion de découvrir son dernier disque, mais bien le pénultième...

Tes albums précédents étaient plutôt minimalistes, "Black Ticket Day" semble davantage façonné dans le rythm'n blues des seventies; le dernier titre du CD, "Walked thin wires", éveillant même certaines affinités avec le son "Tamla Motown" dispensé par Rare Earth sur "Get Ready". Pourquoi?

Je suis plutôt surpris par cette réflexion. Si le rythm'n blues me fascine, je ne pense pas qu'il soit un élément fondamental de ma musique. Si certaines compositions de "Black Ticket Day" flirtent avec le rythm'n blues, c'est tout à fait involontaire de ma part. Ce n'est pas mon objectif. Enfin, "Black Ticket Day" n'est pas plus ou moins minimaliste que les albums précédents. Il s'inscrit dans la suite logique de mon ouvrage. C'est un pas en avant par rapport à "Honey's Steel Gold", et un de plus sur "Today Wonder". Le flux est naturel.

Te sens-tu concerné par la question d'intégration des autochtones en Australie? Penses-tu que ce sujet puisse être mis en parallèle avec la situation des Indiens en Amérique? Est-ce que Yothu Yindi symbolise le combat ethnique des aborigènes?

C'est un problème, effectivement. Mais je doute fort que les aborigènes souhaitent s'intégrer. Ils aspirent à plus d'indépendance. Je ne vois d'ailleurs pas l'utilité de les intégrer dans la société moderne. Ils sont protégés par la législation australienne et sont capables de se débrouiller sans nous. Ils pourraient même fonder leur propre état. La Nouvelle Zélande rencontre les mêmes difficultés avec ses indigènes. Il faut bien comprendre que ces peuplades ont été arrachées à leur culture. C'est vrai que transposé dans une autre époque, la question des Indiens d'Amérique peut être comparable... Yothu Yindi est un groupe de danse folklorique qui a trouvé dans la pop l'occasion de véhiculer des idées indépendantistees à travers le monde. Quant à savoir s'il représente le combat ethnique des aborigènes, c'est une autre histoire...

L'Australie est un pays fascinant, peuplé d'animaux étranges tels que les émeus et les kangourous, traversé de paysages merveilleux et entouré de profondeurs sous-marines abyssales. Bref, un univers idyllique que bon nombre de voyageurs rêvent de découvrir un jour. Est-ce que ces attributs constituent un motif de fierté pour toi ou considères-tu ces caractéristiques comme quelque chose de banal?

J'aime mon pays, mais je ne suis pas un nationaliste. Son environnement est fragile, et les Australiens mettent tout en œuvre pour le préserver. Ce pays est beaucoup plus vaste que les USA. Mais le territoire n'est occupé que par 10 % de sa surface. Le reste est la propriété du désert. Les habitants sont très attentifs à la sauvegarde des zones vertes. C'est essentiel pour maintenir l'équilibre écologique du pays. C'est un endroit unique, et j'espère y vivre le plus longtemps possible...

L'Antarctique n'est pas tellement éloignée de l'Australie. Plus personne n'ignore que son sol regorge de richesses naturelles. Ne crains-tu pas que dans un futur proche, ce site ne devienne un nouveau Far West, avec les risques de pollution incontrôlable auxquels l'Australie n'est que très peu confrontée aujourd'hui?

C'est un réel danger pour l'Océanie, et j'y réfléchis souvent. Tout notre continent est exposé à ces risques, et en particulier la Nouvelle Zélande et Tahiti. Il est d'ailleurs à craindre que les excès ne soient commis par ceux qui pratiquent les essais atomiques dans le sud du Pacifique. La plupart de ces pays détiennent déjà des droits territoriaux sur l'Antarctique; et au vu de leurs antécédents, je serai très étonné qu'ils se soucient des nuisances écologiques. Je regrette qu'il n'y ait pas suffisamment de monde qui soit sensibilisé par la question. Si les grandes puissances étaient victimes de graves préjudices causés par des expériences nucléaires, elles réagiraient différemment...

(Version originale de l'interview parue dans le n° 9 - janvier 93 - de Mofo)

 

Ed Kuepper

Today Wonder

Ed Kuepper a hanté les légendaires Saints, puis les extravagants Laughing Clowns, avant d’entamer en 1986, une carrière individuelle. « Today wonder » constitue son quatrième album solo ; et les mots, les images et les superlatifs nous manquent pour jauger cette œuvre, ce véritable chef-d’œuvre. Exclusivement secondé par Mark Dawson aux drums, Ed tire toute la substance créatrice d’une guitare à douze cordes (acoustique ou semi acoustique) et de sa voix grisante, déchirante. « Today wonder » liquéfie la muse de Martyn Bates, de Lloyd Cole, d’Adrian Borland, de Robert Smith, de David Mc Comb et de Vini Reilly en une même solution émotionnelle, solution qui allie simplicité, élégance, imagination, éloquence et intimisme. Fabuleux !