Après 25 ans de guindaille musicale, Geoff Travis aurait pu se réveiller avec une grosse gueule de bois. Toutes ces années de galère, pendant lesquelles son label prenait l'eau, n'ont pourtant pas eu raison de notre homme. Si Rough Trade, dans les années 80, était un label d'importance (The Smiths, Young Marble Giants, The Feelies, Aztec Camera,…), il passera en effet péniblement le cap des années grunge et techno, avant de sombrer dans une léthargie qu'on pensait fatale. Mais depuis deux/trois ans, Geoff Travis s'est réveillé, et signe à tout va de bons petits groupes : on peut clairement parler d'une renaissance. Sans doute que les Strokes y sont pour quelque chose. Et aujourd'hui, c'est Belle and Sebastian qui rapplique. Entre les deux, Geoff Travis n'aura pas lésiné : grâce à lui, on aura découvert l'antifolk (Adam Green, Jeffrey Lewis), sympathisé avec une chorale gay (The Hidden Cameras), pogoté sur The Detroit Cobras et voyagé au pays des cow-boys (Eastern Lane, Royal City), mais aussi des ménestrels (Alasdair Roberts). Evidemment, tout ce beau monde se retrouve sur cette compile anniversaire, sorte de trait d'union entre plusieurs générations pop-rock. En clair, les jeunes reprennent les vieux, comme lors d'un marathon où on se passe le témoin tout en continuant à courir. Parce que Rough Trade, malgré ce genre d'hommage, ne s'intéresse qu'à l'avenir (son nom : The Fiery Furnaces, The Veils, Oneida). Il faut néanmoins écouter ces versions personnelles de standards de Galaxie 500 et de Robert Wyatt, même si certains n'y vont pas de main morte avec leurs idoles (les synthés de Belle and Sebastian sur le " Final Day " des Young Marble Giants, les Television Personalities - forcément - saccagés par un Jeffrey Lewis en pleine forme dissonante, le " Ride It On " de Mazzy Star transformé en comptine eighties par les Delays,…). Qu'ils en profitent : dans 25 ans, ce sera à leur tour d'être ainsi malmenés… Jeffrey Lewis aura étudié le solfège. Julian Casablancas des Strokes se sera suicidé en sautant d'un immeuble, dégoûté du music business et de ces journalistes qui ne parlent toujours que de " Is This It ? ", malgré les 8 albums qui ont suivi. Stuart Murdoch aura abandonné la musique pour se lancer dans la pisciculture. Quant à Musiczine, il sera devenu une institution internationale, un cas d'école étudié dans les universités (‘Comment faire carrière et devenir riche dans l'e-journalisme’), décliné également en version papier (glacé) et régi par une caste de rock critics gouvernant le monde musical tels des Césars levant ou baissant le pouce, splendides " opinion leaders " sur qui, chaque semaine, se tourneront tous les regards, même celui du Tout Puissant, ce qui est peu dire… Justement, c'est dit, donc soyez vigilants : notre heure, votre heure, approche.

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