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Les ruptures de Suuns...

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Novastar

Je suis très sensible aux sons, au timbre, à la couleur des mots…

Écrit par

Pilier de la ‘belpop’ depuis 25 ans, le belgo-hollandais Joost Zweegers, mieux connu pour son projet Novastar, a choisi, plutôt que de se remémorer ses succès du passé, de les réinterpréter, à l'instar de « Mars Needs Woman » ou « Never Back Down », en imaginant une musique, fruit d’une une alchimie subtile entre celles des Beatles, de Neil Young, de Tom Petty et de Randy Newman. A ses dix incunables, Joost, accompagné de son combo britannique, en a ajouté un nouveau, « Look At You Know », qu'il compte bien jouer cet été lors de son passage, en tête d'affiche, de la cinquantième édition du festival de Dranouter. Comme d'ailleurs le titre éponyme de cette compilation, opportunément et ironiquement intitulée « The Best Is Yet To Come », qui au lieu d’une compile, et devenue un best ‘tof’…

Pourquoi cette relecture de votre œuvre ?

Parce qu’il y a dix ans que j'enregistre mes disques à Brighton, en compagnie des musiciens et producteurs britanniques, lesquels me réclament un ‘best of’ depuis des années ; ce que je n'ai jamais accepté, refusant de regarder en arrière. Finalement, je me suis dit que si je devais sortir une compilation, c'était maintenant ou jamais, dans le cadre de mon changement de label, et par le biais d'une relecture en compagnie de ce groupe, plutôt qu'au travers des enregistrements originaux.

Je l'ai réenregistré en direct, qui plus est, au studio Abbey Road. Vu l'histoire mythique du lieu, c'était comme un rêve d'enfant pour moi.

Et vous êtes plutôt Harrison, McCartney ou Lennon ?

C'est surtout la synergie entre les quatre musiciens que j'apprécie. The Beatles, en tant que groupe, reste ma plus grande source d'inspiration, tout comme Neil Young. Les Beatles pour les chansons pop et les voix ; et Neil Young pour la vibe mystique.

Quels rapports entretenez-vous avec ce dernier ?

Je suis autodidacte, et j'ai débuté en interprétant des chansons de Neil Young quand j'avais quatorze ans. Et lorsque j'ai connu le succès en 2000, j'ai entrepris une tournée européenne complète en compagnie du grand rocker canadien. Partir en tournée avec mon idole m’a beaucoup inspiré.

Vous êtes toujours en relation ?

Non. Cependant, je communique toujours avec des membres du Crazy Horse, son groupe, et son producteur, Niko Bolas. Mais j'ai eu d'excellents contacts avec Neil pendant cette tournée, et cela s'est révélé primordial pour moi. Je donne souvent des concerts en solo, au piano et à la guitare, et c'est sous ce format que mon côté Neil Young s'exprime. En revanche, lorsque je me produis auprès de mes amis britanniques, le résultat ressemble davantage aux Beatles.

Etes-vous plutôt Elton John, Randy Newman ou Billy Joël ?

La profondeur de Randy Newman correspond mieux à ma musique, surtout en solo. Il en va de même pour l'Elton John des deux ou trois premiers albums. Il est vrai que sur ce ‘best of’, j'ai laissé de côté les guitares acoustiques au profit du piano.

Novastar, est-ce un vrai groupe ou plutôt l'émanation de votre personne ?

C'est plutôt mon personnage public. Je n'ai jamais vraiment disposé d'un groupe stable ; d'une part, parce que je désirais être totalement libre, et de l'autre parce que j’accorde beaucoup de concerts solos.

Désormais, vous vous considérez comme Belge ou Hollandais ?

J'ai vécu en Belgique toute ma vie et je suis un grand fan de ‘notre’ pays. Je suis né dans le sud des Pays-Bas, à la frontière de la Belgique et j'ai toujours demeuré dans le Limbourg. Je me sens comme un Belge sur un vélo hollandais (Il rit)

Mais j'adore jouer de cette ambiguïté. Je me produis également souvent aux Pays-Bas où l'on me pose souvent cette question ; et évidemment, je réponds que je suis hollandais (rires) !

Pensez-vous un jour enregistrer un elpee en néerlandais ou en français ?

Si cela se produit, ce serait plutôt en français. J'adore le son de la langue française qui, comme l'anglais, est très agréable à chanter. Le français a un son totalement différent, mais sa couleur se révèle également très romantique.

Car je suis très sensible aux sons, au timbre, à la couleur des mots. Je travaille une composition jusqu'à obtenir un bon texte en termes de sens, mais aussi de timbre et de tonalité. C'est ce que font également les Britanniques ; parfois, un texte peut être très simple, mais sonner parfaitement et toucher dès lors l'auditeur. Alors que dans le cas des Américains, il s'agit souvent d'une histoire, d'un récit... mais sans les couleurs.

Être invité à vous produire à Dranouter dans le cadre de la cinquantième édition du festival, cela vous honore ?

Oui, je m’y suis produit à plusieurs reprises. A l’origine, c’était un festival très folk. J'adore ce lieu situé au pied du mont Kemmel. Je suis vraiment honoré d'être à l'affiche que je vais partager avec l'un de mes grands amis, Mike Scott des Waterboys, avec qui j'ai composé. Il y a d'ailleurs de grandes chances que nous fassions quelque chose ensemble sur scène lors de cette cinquantième édition...

Novastar : The Best Is Yet To Come (Universal) – paru le16/02/2024

Festival Dranouteur, du 2 au 4 août prochain. Infos : www.festivaldranouter.be

 

Cat Power

Jésus, Bouddha, Marie-Madeleine, Biko, Dylan et les autres…

Écrit par

Cat Power a adapté le concert mythique accordé par Bob Dylan, à Londres, en 1966, sur un album intitulé "Cat Power Sings Dylan : The 1966 Royal Albert Hall Concert". Et la voix de la chanteuse américaine est parvenue à magnifier les chansons. Dans la ‘conduite’ de son interview, c'est elle, Cat Power, qui fait… Bob

C'est la plus belle voix féminine du rock alternatif, la plus chaude en tout cas. La plus déglinguée aussi. Car, tout au long de ses 25 ans de carrière, Chan Marshall, alias Cat Power, a combattu ses démons : la drogue, l’alcool et la dépression. Et son dieu dans sa lutte face à l'enfer de sa vie répond au nom de Bob Dylan.

Elle qui a pris l'habitude de se reprendre en main en multipliant les… reprises, entonne cette fois non pas une prière mais une messe entière : Cat Power réinterprète, en effet, un opus légendaire et bootleg du ‘Zim’, enregistré live comme son modèle, note à note et mot pour mot, et dans le même temple musical : l'Albert Hall de Londres. En 1966 dans le cas de Robert Zimmerman, en novembre 2022 pour la chanteuse américaine.

Laquelle nous reçoit à Paris dans sa chambre de l'hôtel Costes… aussi baroque qu'elle. Elle est allongée sur son lit. Telle une odalisque, elle réclame au serveur convoqué, 12 verrines de marshmallow et chocolat, tandis que nous prenons place sur une chaise à côté de sa couche, pour une séance de psy à la Henry Chapier dans son fameux Divan, lors d’une interview qui tourne rapidement au monologue... extérieur.

Vous étiez âgée de cinq ans lorsque vous avez découvert cet elpee pirate de Bob Dylan. Ses chansons ont-elles servi de berceuses pour la jeune enfant que vous étiez ?

J'ai été élevé par ma grand-mère jusqu'à mes cinq ans, moment où j'ai enfin rencontré ma mère, peu de temps avant mon père. Puis, mon beau-père… Nous vivions tous ensemble en compagnie des membres du groupe majoritairement black, le Mother's Finest. Ma baby-sitter était afro-américaine, tout comme Patrick Kelley, le styliste qui, à l'époque, remplissait le rôle de père, à mes yeux.

Mon environnement était constitué de jeunes adultes brillants et originaux pour qui la mode, la musique et la drogue occupaient une place essentielle. Ma mère était chanteuse et lorsque je l'ai rencontrée, elle se faisait appeler Ziggy. Elle se prenait pour Ziggy Stardust…

Mon père, musicien dans un groupe de blues et de soul, était moitié Juif allemand, moitié Indien choctaw et un disciple de la Black Church (NDR : églises protestantes fréquentées par des Afro-américains) du Sud de l'Alabama où il a appris à chanter. Il a ensuite déménagé à Atlanta, a rencontré ma mère qui avait quitté l'école. Elle avait 17 ans, fumait de l'herbe, était très belle, amusante, et sauvage.

Vous naissez très vite et votre beau-père s’immisce dans la vie de votre mère...

Oui. Mon beau-père militait au sein d'un autre groupe musical. Il adorait Dylan, Neil Young, Jimi Hendrix, Arthur Lee, Crosby, Stills and Nash, The Byrds, les Stones et les Beatles…

Grâce à mon beau-père, j'ai appris à écouter les paroles de Bob Dylan qu'il fredonnait constamment. Dylan a éveillé mon esprit critique dans la confusion de ma jeunesse. Et à travers les chansons de Bob, il m'a appris à me poser des questions… et à chercher mes propres réponses dans l’existence. Il m'a appris à écouter...

Parce que j'ai été témoin et spectatrice, quelque part, de sa motivation à s'épanouir personnellement grâce aux paroles de Dylan, j'ai passé ma vie à y réfléchir. Bob Dylan m'a enseigné l'esprit critique et m'a ouvert à la poésie.

Mais Bob s'adressait souvent aux femmes dans les chansons, que vous interprétez à votre tour ?

Que je sois une femme interprétant les paroles qu'un homme leur adresse n’a, personnellement, pas d’importance. J’ai d’ailleurs toujours affiché un côté garçon manqué.

Et quand Bob chante "Visions of Johanna", bien qu'il ait connu des aventures avec des femmes sublimes comme Marianne Faithfull, Françoise Hardy ou Eddie Sedgewick, j'ai le sentiment qu'au fond de son cœur, il s'adressait à la figure féminine, féministe avant l'heure, de Jeanne d'Arc.

Votre féminisme serait-il plutôt révolutionnaire à la Angela Davis ?

La photographie qui réunit Gloria Steiner, grande figure du féminisme, et Angela Davis est l'une des plus importantes de tous les temps. Savez-vous que l'ERA, l'amendement sur l'égalité des droits entre les sexes, déposé il y a un siècle, n'a toujours pas été adopté aux États-Unis ? Nous les femmes, sommes toujours deuxièmes...

Avez-vous envoyé votre enregistrement-hommage à Bob Dylan ?

Lorsque l'an dernier, j'ai signalé mon concert du 5 novembre à l'Albert Hall de Londres et deux autres en Grande-Bretagne, le lendemain, Bob a annoncé sa tournée au Royaume-Uni et dans les mêmes villes.

Je l'ai aperçu sur les marches du même hôtel au sein duquel je logeais, la veille de son concert d'Halloween. Je me suis approché et je l’ai interpelé : ‘Bob !’ Mais il a détourné le regard. J'ai alors ajouté : ‘C'est Chan, Cat Power’. Nous nous étions rencontrés 15 ans plus tôt. Il a alors mis son bras autour de mon épaule en disant simplement : ‘C'est bien de te revoir’. Et quand je suis remonté dans ma chambre, une ‘Guest’ pour son concert solde-out du lendemain m'attendait...

Quelqu'un crie Judas durant votre concert, au même moment que sur l'enregistrement original, quand Dylan se met à électriser son style acoustique. Et vous répliquez par un ‘Jésus’... 

Bob n'est qu'un homme. C'est pourquoi j'ai prononcé le nom de Jésus ; n'importe qui, s'il travaille dur, comme Bob, qui a lu toute la littérature du 19ème siècle, peut devenir Malcolm X, Bouddha, Gandhi, Stephen Biko, Bob Dylan... ou Jésus.

Incarneriez-vous, dès lors, Marie ou Marie-Madeleine par rapport à ce Jésus ?

Oh, c'est intéressant... À cause de la fierté que je ressens pour Bob qui s'apparenterait à la fierté d'une mère ? Waouh, c'est magnifique !

"Cat Power Seings Dylan : The 1966 Royal Albert Hall Concert", paru le 10 novembre 2023 sur Domino.

Photo Credit: Inez & Vinoodh.

 

Catherine Graindorge

De l’élévation de l’âme par la poésie, l'amour et la musique… à la célébration de nos êtres chers disparus…

Sur son nouvel elpee, « Songs For The Dead », Catherine Graindorge communique une dimension métaphysique à son art. Basées sur un poème d'Allen Ginsberg et sur le mythe d'Orphée et Eurydice, les 8 nouvelles compositions révèlent un univers onirique, romantique et paradoxalement, à la fois sombre et éclatant de lumière. Un opus que la violoniste belge a réalisé en collaboration avec, entre autres, Simon Huw Jones, le chanteur du groupe culte And Also The Trees, qui a partagé la profondeur tellurique de sa voix et son inspiration lyrique. Un LP d'une touchante beauté, que l'artiste a présenté à Musiczine au cours d'une interview réalisée en collaboration avec l'émission WAVES.

Catherine, les lecteurs de Musiczine t'ont déjà découverte l'an dernier, lors de notre première interview, au cours de laquelle on a parlé de ton projet réalisé en compagnie d’Iggy Pop et du dernier opus de Nile On waX. On avait juste évoqué celui pour lequel on se rencontre aujourd'hui, qui s'intitule “Songs For The Dead”. Quelle est l'idée derrière ce projet ?

Cet album est une manière de célébrer les êtres chers disparus. Je l'ai construit autour d'un poème d'Allen Ginsberg, ‘A Dream Record’. Dans ce rêve, Allen Ginsberg raconte qu'il retrouve Joan Vollmer, la femme de William Burroughs. Elle est assise sur une chaise et ils discutent. Et puis, tout à coup, il voit sa tombe. Il se rend compte qu'elle est décédée. Et dans la réalité, effectivement, Joan Vollmer a été accidentellement tuée par William Burroughs, son mari. Ils étaient sous l'influence de stupéfiants et d'alcool et ont voulu jouer à Guillaume Tell. Il a tiré une balle de revolver sur un verre posé sur sa tête et il a mal visé. Ce qui m'a interpellée dans ce poème, c'est la question de la disparition subite. Que des événements peuvent basculer tragiquement en un instant. C'est une question qui me hante et m'interroge.

Et tu as voulu combiner ce drame et la mythologie ?

Cette femme qui, tout à coup, réapparaît, et ensuite, re-disparaît subitement, me rappelle le mythe d'Orphée et Eurydice. C'est l'idée de vouloir ressusciter les morts. Orphée va rechercher Eurydice dans les enfers, mais il ne peut pas se retourner s'il veut la ramener à la vie. Et malheureusement, il se retourne, et elle est perdue pour toujours. Mélanger ces deux histoires me semblait en harmonie.

Lorsque tu as eu l'idée de ce projet, c'était dans le cadre des Nuits Botanique...

Lorsque le Botanique m'a proposé une carte blanche, pendant un an, j'ai pu explorer de nouvelles pistes et réfléchir à un nouveau projet. J'avais envie de mettre en scène une figure féminine qui incarne Eurydice et Joan. En l'occurrence, moi. J'ai aussi souhaité incorporer un antagoniste, un homme qui soit à la fois la figure d'Orphée et de Ginsberg, cette figure masculine de la Beat Generation. J'avais envie d'une voix qui ait une dimension poétique, un peu théâtrale, capable d'alterner chant et ‘spoken word’. Mon conjoint, Elie, qui est un fan d'And Also The Trees, m'a fait entendre la voix de Simon Huw Jones et je me suis dit : ‘Oui, elle correspondra bien à mon univers. Simon possède cette dimension onirique...’

Et il affiche aussi un côté 'dark romantic'.

Oui, ça, d'office. Je vais toujours chercher des chanteurs 'dark romantic' (rires)…

Effectivement, on voit le lien avec Iggy Pop, Nick Cave, les Bad Seeds...

Pourtant, Iggy Pop n'est pas si 'dark' que ça... Il a quelque chose de très lumineux. Mais c'est vrai que Hugo Race et les autres... J'aime les personnages dark romantiques. Voilà...

Tu ne pouvais pas trouver mieux que Simon Huw Jones... En plus, il a participé à l'élaboration des paroles.

Oui, ça s'est fait de manière très naturelle. Quand je choisis quelqu'un je fais toujours confiance à mon intuition et souvent, mon intuition est plutôt juste. Que ce soit pour Simon Huw Jones, Iggy Pop ou Hugo Race, il n'y a rien à dire : c'était parfait.

C'est comme si les planètes s'étaient alignées.

Absolument ! C'était étonnant, la facilité avec laquelle Simon Jones a glissé ses textes sur mes musiques.  Comme si on était partis de zéro tous les deux. Je pense que son univers et le mien se combinent à la perfection.

C'est un peu comme un voyage rêvé en dehors d'And Also The Trees. On a la voix de Simon Huw Jones, mais placée dans un écrin musical complètement différent.

Oui, et pour compléter l'historique du projet, à l'issue de ma carte blanche, Paul-Henri Wauters, du Botanique, m'a proposé de jouer à Bozar dans le cadre des Nuits Botanique 2023. Et c’est devenu, d'une certaine manière, un 'try out', mais sous la forme d'un véritable concert, accordé dans une des salles les plus prestigieuses en Belgique. Les morceaux tels qu'ils avaient été construits à ce moment-là ont été utilisés comme 'démos' pour l'enregistrement de l'album.

C'est Pascal Humbert (NDR : un ex-16Horsepower impliqué chez Lilium et Détroit) qui joue de la basse et de la contrebasse. Comme Simon, c'est quelqu'un de très authentique...

Oui. Comme Simon, Pascal est très fidèle à ses idées, à sa conception de la musique et de la vie, également. Tous deux préfèrent aller travailler la terre ou s'occuper d'animaux, plutôt que de coopérer à des projets qui ne les amusent pas du tout...

Et tu as aussi reçu le concours de Simon Ho.

Oui. Simon Ho est un Suisse allemand qui vit à Bruxelles depuis pas mal d'années. On vit dans la même rue. C'est ainsi qu'on s'est rencontrés. C'est un pianiste, compositeur et claviériste formidable. Tant sur le plan humain qu’artistique. Je joue beaucoup avec lui. Comme sur « Eldorado », mon album précédent. Et puis, j'ai aussi convié mon compagnon, Elie, qui joue de la batterie sur deux morceaux et, enfin, ma fille aînée, qui chante sur « Eurydice » et « Time is broken ».

Oui, c'est Lula ! J'avais une question assez abrupte. Pourquoi cet intérêt pour la mort ?

Ce n'est pas un intérêt pour la mort. Disons que c'est peut-être...

Une obsession ?

Oui, c'est une obsession. Elle me hante, en fait, depuis toujours. Moins de manière angoissée aujourd'hui que quand j'étais plus jeune. Mais je ne me ferai jamais à cette absurdité, le fait de perdre quelqu'un qu'on ne reverra plus jamais.

Des êtres chers ?

Oui, je ne m'en remettrai jamais. Et donc, qu'est-ce qu'on peut faire ? L'idée n'est pas d'attendre que le temps passe pour oublier et panser ses plaies, comme on le conçoit dans nos sociétés occidentales. Je pense, au contraire, qu'il faut réserver une place pour les défunts, afin qu'ils puissent nous accompagner dans nos vies et ce, de manière joyeuse et apaisée. Je suis très attachée aux traces laissées et à la transmission.

Et donc, il y existe cette dimension, on va dire, un peu tragique dans ta musique. J'avais imaginé le terme 'Tragic Ambient' pour la décrire. Qu'en penses-tu (rires) ?

Oui, pourquoi pas ?

Parce qu'il y a ce côté mélancolique, auquel je suis particulièrement sensible. Mais, il y a aussi ce côté lumineux. L'idée que l'on va aller chercher une expérience qui, à l'origine, est négative, et qu’ensuite, on essaie de la transmuter pour en concevoir quelque chose de beau. C'est un processus alchimique que l'on rencontre au sein de la littérature 'dark' et dans la musique 'dark' en général. Chez Nile On waX, on détecte une touche cosmique, surtout dans l'album « After Heaven ». Pour tous ces projets, on retrouve cette dualité entre le yin et le yang, entre le dark et le light. Est-ce que ça te parle ?

Oui, complètement. Je serais malheureuse qu'on me dise : ‘Ton album est complètement plombant et dark’. Même si le titre peut sembler un peu lourd, j'ai justement choisi comme pochette une photo de moi que j'ai retrouvée chez ma mère, où l'on me voit, petite fille, jouant de la trompette dans un jardin, en Provence, à côté d'une chaise vide. Je trouvais qu'il y avait une symbolique lumineuse puisque la photo baigne dans le halo d'un soleil éclatant. Pour moi, le mot-clé, c'est l'élévation. S'élever...

Ça élève l'âme.

Oui. On retrouve également ce concept dans la musique classique.

Dans le « Requiem » de Brahms...

Oui, le « Requiem » de Brahms, je vois que tu n'as pas oublié... (rire)

… que tu écoutais avec ton ami allemand lorsque tu étais plus jeune...

Bravo (re-rires) ! Et puis il y a également Bach. Par exemple, la « Matthäus-Passion », la Passion selon St-Matthieu. C’est magnifique ! Ou les oratorios. Il existe une dimension métaphysique dans tout cela. Sans être croyant, on peut y voir le mystère de la vie. C'est l'idée que l'on ne saura jamais, que l'on n’aura jamais de réponse, mais qu'on essaie de vivre, avec nos petits corps d'êtres humains, un peu comme des petits cloportes. En tant qu'humains, on essaie de s'élever par la poésie, par l'amour, par la musique...

Catherine, merci beaucoup. Et une fois de plus, bravo pour ce magnifique album, « Songs for the Dead ». On a attendu presque un an, mais cette attente valait la peine parce que le résultat est magnifique. Faisons un petit coucou en passant à Koen et à An Pierlé, qui ont participé à l'enregistrement.

An a participé avec son sourire et son magnifique accueil mais sinon, c'est Koen Gisen qui a enregistré et mixé.

Oui, au Studio La Patrie, à Gand !

Tout à fait !

Merci beaucoup Catherine et à bientôt.

À bientôt.

 

Catherine Graindorge jouera « Songs For The Dead » en concert :

- le 8 mai à Liège, au Reflektor

- le 9 mai, à Gand, au Palmarium, dans le cadre du Festival Democrazy

- le 12 mai, à Den Haag, au Paard

- le 27 septembre à Bruxelles, au Beursschouwburg.

Simon Huw Jones participera aux 3 concerts, ainsi que Simon Ho et, à la basse, Cyrille de Haes. 

Pour écouter le titre « Joan », c'est ici

Pour acheter « Songs For The Dead » sur le site du label, tak:til/Glitterbeat, c’est et sur Bandcamp, cliquez sur le nom de l’artiste dans le cadre ‘Informations complémentaires’ ; vous y retrouvez les liens vers les réseaux sociaux ainsi que les articles qui ont été consacrés à Catherine Graindorge, dont une interview accordée en 2023. 

Shake Shake Go

L’écriture est directement liée à l’environnement dans lequel nous évoluons…

Écrit par

Poppy Jones, Virgile Rozand (guitare) et Kilian Saubusse (batterie) ont posé leurs valises le temps d’une soirée au sein d’un quartier très populaire du cœur lillois, le Moulins et Wazemmes, et plus précisément à la Bulle Café, un endroit, certes atypique, mais qui ne manque pas de charme et surtout, s’illustre par une franche convivialité.

Alors qu’au début de leur carrière, ils se produisaient dans la rue ou des pubs miteux, progressivement, ils commencent à assurer des premières parties, au Royaume-Uni, puis en France, et notamment pour James Blunt et Rodrigo y Gabriela. Shake Shake Go commence à percevoir le bout du tunnel...

En 2015, il décroche un hit : « England Skies ». C’est même le tube de l’année. Impossible de passer à côté de ce titre à la mélodie imparable, devenu disque de diamant.

Après avoir sorti « All In Time », en 2016 et « Homesick », en 2018, la formation grave son troisième opus, « Double Vision », « en octobre 2023.

Avant le concert, Poppy, rousse et solaire, s’est prêtée, de bonne grâce, au jeu des questions et réponses…

Plus organique, « Double Vision » paraît cinq années après « Homesick » et huit ans après « All in time ». Ressentiez-vous le besoin de vous octroyer une pause ou s’agissait-il du temps nécessaire pour le réaliser ?

Nous ressentions effectivement le besoin de nous accorder une pause. Pas mal de choses ont changé au sein du groupe durant ces années. Il fallait que nous prenions le temps de concevoir un album qui nous permette d’évacuer nos sentiments les plus profonds. Et puis, il y a eu cette période COVID qui n’a pas facilité les choses. A vrai dire, je crois que c’est la première fois que je peux me lâcher autant dans l’écriture des chansons. Mes camarades partagent la même constatation. Très objectivement, cet album est sans doute le plus sincère que nous ayons réalisé.

L’opus a été composé à Brighton et au Pays de Galles, ensuite en Espagne et en France. Deux climats, deux ambiances, qui ont inspiré l’écriture des compos puisqu’elles abordent des thèmes liés à la tristesse et de la colère, d’une part, le bonheur et la liberté, d’autre part. Les chansons sont-elles liées à l’intime et dépendent-elles toujours de l’environnement dans lequel vous évoluez ?

Oui, sans doute que l’environnement dans lequel nous vivons influence notre façon de composer. Lorsque nous avons débuté la phase d’écriture, nous séjournions à Brighton avant de nous installer quelque temps en France, soit des régions climatiquement froides. Ce qui a déteint sur notre inspiration. Puis nous avons mis le cap vers l’Espagne, où nous avons commencé à créer des morceaux positifs. Donc, oui, je crois que l’écriture est directement liée à l’environnement dans lequel nous évoluons...

Ce voyage a d’abord été une aventure humaine, j’imagine ?

Oui, bien sûr. C’était une belle expérience. Nous étions dans une bulle et rien ne pouvait nous atteindre. Durant ce périple, nous nous sommes complètements lâchés. Le plus bel exemple est l’Espagne, ses plages et ses boissons. Pour la petite histoire, lors de notre premier concert là-bas, nous étions tellement bourrés que nous n’avons pu jouer (rires). Ce voyage reste avant tout une aventure humaine.

Ce disque s’avère très solaire. Il est à ton image ?

Oui, absolument. C’est le plus solaire des trois. Plus jeunes, nous écoutions des groupes comme Mumford & Sons et The Lumineers. Au fil du temps, nos goûts ont évolué et nous nous intéressons désormais à des genres différents. C’est une évolution qui s’est manifestée tout à fait naturellement. La musique que nous jouons maintenant est celle qui nous correspond aujourd’hui.

« All In Time » était orienté folk, « Homesick », taillé pour le live, dans quelle catégorie places-tu « Double Vision » ?

Nous n’avions pas de plan préétabli, lorsque nous avons composé « Double Vision ».

On peut dire que cet opus est cathartique. Thérapeutique également car nous venions de vivre des événements difficiles au sein du groupe et nous ressentions le besoin de se confier à notre public.

Tiens, au fait Poppy, tu es d’origine galloise alors que les membres qui t’accompagnent, eux, sont français. « Double Vision » sonne aussi bien anglais que français. Y a-t-il une coïncidence ?

C’est la première fois que l’on me pose cette question en interview. Il s’agit effectivement d’une coïncidence, le titre du disque a été choisi pour les atmosphères très différentes qu’il libère. Aussi, lors des prochaines interviews, je pourrais annoncer que c’est pour ce côté franco-gallois que nous avons choisi de l’intituler « Double Vision » (rires).

D’un quintet à ses débuts, le line up du band a été réduit à un trio. Est-il difficile de maintenir le paquebot à flots, malgré la défection de certains de ses matelots ?

Toby (Barnett) a quitté le groupe volontairement car il n’aimait pas trop partir en tournée. Il vivait, en parallèle, une autre passion et souhaitait s’y investir pleinement. Mais, nous sommes restés de très bons amis. Quant à Marc (Le Goff), les circonstances sont différentes ; mais je préfère ne pas m’étendre sur le sujet, si tu le permets, tant par respect pour lui que pour nous. Je conclurai simplement en disant qu’aujourd’hui, la formule fonctionne et j’espère que cette symbiose continuera encore et encore durant de longues années.

Je suppose que cette recomposition a nécessité des modifications dans la manière d’appréhender les morceaux ?

L’ancien répertoire a nécessité une adaptation afin de pouvoir les jouer en ‘live’. Ce soir, nous sommes accompagnés par deux musiciens additionnels, au clavier et à la basse. Nous procédons de la même manière lors de chaque tournée. Ce sont de jeunes artistes talentueux. Nous avons simplement travaillé quelque peu sur les arrangements. Mais, si nous avions dû bosser sur une setlist de trois heures, sans doute que les conditions auraient été différentes.

Mais au fond, cette formule n’offre-t-elle pas aujourd’hui davantage d’espace de liberté au sein du groupe ?

Au début, Marc et moi écrivions les paroles. Si le socle s’est aujourd’hui réduit, l’écriture des textes est plus aisée car il y a plus de dialogue et de cohésion. Personne ne revendique le monopole comme nous avions pu le rencontrer précédemment. Tout le monde a aujourd’hui trouvé sa place. C’est beaucoup mieux ainsi.

Vous avez créé votre propre label. Est-ce, finalement, la seule manière de garder une certaine indépendance artistique ?

J’ignore s’il s’agit de la seule manière de préserver l’indépendance artistique. Tout dépend de la liberté que ton label t’accorde. Nous voulions prendre cette direction. Il s’agit d’un nouvel album et donc une nouvelle orientation au sein du groupe. L’opportunité s’est présentée et nous l’avons saisie. Nous gardons ainsi notre libre arbitre, sans aucune contrainte extérieure. Nous avons davantage de latitude dans le choix de nos chansons. Pour être tout à fait complète, nous avons eu la chance que notre label précédent ne de nous impose pas trop de contraintes et le remercions vraiment pour les opportunités qu’il nous a offertes. Disons que ce nouveau disque est un nouvel exercice dans lequel nous nous essayons. C’est amusant !

Vous avez clippé l’une de vos chansons en compagnie de Noreen Riols, agent secret durant la seconde guerre mondiale. Elle transmettait les messages personnels codés à la BBC. C’est d’ailleurs elle qui a communiqué le célèbre message : ‘les carottes sont cuites’. Qu’est-ce que cette rencontre t’a apporté ?

C’est une rencontre tout à fait fortuite. Nous recherchions une maison à Paris qui avait un look anglais. Quelqu’un nous a signalé que sa grand-mère possédait ce style de bien. Nous sommes allés chez elle et nous lui avons parlé de notre souhait. Elle nous a dit être une femme importante. Et justement comme la thématique de la chanson traite de l’importance et de la puissance d’une femme, nous l’avons naturellement intégrée dans le clip. Nous sommes ravis de l’avoir fait.

Souvent les groupes sollicitent des artistes confirmés pour la réalisation de l’artwork. Celui de l’album est une photo prise par une fille que vous avez rencontrée il y a quelques années lors d’un concert. Chez Shake Shake Go, il existe toujours ce côté relationnel…

C’est exact ! Nous sommes restés en contact et elle a bien grandi depuis. Elle a déménagé au Royaume-Uni. Elle nous a sollicités et s’est rendue à Brighton pour prendre quelques clichés. Puis nous avons choisi celui qui a servi pour la pochette. Pour réaliser la vidéo de « Blackbird », un titre issu de « Homesick », c’est aussi une fille que nous avions rencontrée qui a clippé le morceau. Donc, oui, effectivement, le groupe cultive cet aspect relationnel. C’est tellement agréable de rencontrer les gens lors de nos concerts. Et idéalement, nous essayons de travailler avec des personnes que nous côtoyons et avec lesquelles il se noue de réelles affinités. Dès lors, nous avons beaucoup d’amis. Un autre ami nous filme également dès qu’il en a l’opportunité. C’est vraiment cool et ça donne un petit côté fédérateur.

Vous avez commencé à jouer dans la rue et dans les pubs miteux. Aujourd’hui, vous bénéficiez d’un succès populaire et critique. Comment le gérez-vous aujourd’hui ?

Très honnêtement, je l’ignore. Il faut continuer, c’est essentiel. Nous avons la chance de jouer et de tourner. Je crois que nous ne devons pas penser uniquement au succès. Si vous aimez quelque chose profondément, ne vous arrêtez pas. Il y a toujours des moments difficiles dans la vie d’un groupe. Le COVID en a été un, de toute évidence.

Ta mère est décédée d’un cancer de l’ovaire il y a environ deux ans. Tu es aujourd’hui marraine de l’organisation Target Ovarian ? Pourrais-tu nous en parler ?

A travers la maladie de ma mère, j’ai réalisé que ce genre de cancer frappait beaucoup plus de femmes que l’on ne pense. La difficulté majeure dans cette maladie, en particulier, est que les symptômes ne sont pas toujours pris au sérieux par le monde médical. C’est le cas de ma maman. Elle s’est rendue à cinq reprises chez son médecin qui a prétendu que sa maladie était imaginaire. Elle ressentait pourtant de vives douleurs dans le bas du ventre, se sentait ballonnée et perdait l’appétit. Si nous avions su de quoi il s’agissait, ma mère aurait été prise en charge efficacement. Je souhaite donc lever des fonds afin de faire connaître ce cancer et inciter les femmes à s’en préoccuper davantage. Ce cancer pris tardivement a des conséquences désastreuses. Je pense aussi que la santé des femmes est sous-évaluée et manque de financement. Ce soir, au stand merchandising, on mettra à disposition des brochures susceptibles de sensibiliser un maximum de monde et j’invite celles et ceux qui le souhaitent à y déposer quelques pièces. Merci à toi aussi d’avoir soulevé ce sujet.

Je me souviens d’une émission de ‘Taratata’ au cours de laquelle tu avais chanté en français en compagnie du groupe Pony Pony Run. Tu avais déclaré, à l’époque, ne pas maîtriser la langue. Et depuis ?

Oui, les choses ont évolué ; mais il m’est impossible aujourd’hui de réaliser une interview en français (rires). Pour m’aider, j’ai téléchargé une application qui permet de la pratiquer plus facilement. Dernièrement, j’ai participé à un podcast en français durant une heure et je me suis dit : ‘Oh, mon Dieu, qu’est-ce que je suis stupide’. Je comprends pas mal de mots, mais je dois parler lentement sinon ça devient vite compliqué.

Est-ce que tu vis en France actuellement ?

Oui, nous visons actuellement en France, mais nous nous déplaçons régulièrement. J’espère que d’ici la fin de l’été, je vivrai à Paris pour de bon.

Lors des promos ou showcases, il vous arrive d’interpréter des versions acoustiques de vos compos. C’est un exercice alternatif qui colle bien au groupe. Pourriez-vous imaginer un long playing reprenant vos meilleurs titres sous cet angle ?

Très franchement, je n’y avais jamais pensé. Tu as une excellente idée. Nous avons enregistré quelques pistes acoustiques, il y a quelque temps. Les gens aiment que l’on revisite des morceaux sous une forme différente. Nous avons eu des réactions positives lors de nos concerts. Peut-être donc consacrerons-nous le prochain album à des versions acoustiques ; qui sait ?

Une chanson s’intitule « Safe Space ». Quel est ton endroit ‘sécure’ ?

C’est lorsque je suis de retour au Pays de Galles. J’y retrouve la campagne, la maison familiale, mon père, ma sœur et ses deux enfants même s’ils sont turbulents, sans oublier mon chat. Quand je rentre chez moi, je me tape les corvées ménagères et je suis au fourneau ; ce qui est très vite éreintant, mais j’adore ça. Lorsque je suis à la maison, je redeviens l’enfant que j’étais et j’oublie tout. Mais profondément, c’est mon endroit ‘sécure’…

Photo ©shooting_concerts

Admiral Freebee

Admiral Freebee a plus d’une corde à…

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Ce 20 janvier 2024, Tom Van Laere (aka Admiral Freebee) se produisait à l'Ancienne Belgique dans le cadre de Rewind ; l'occasion pour ce musicien d’exécuter dans l'ordre et intégralement son premier elpee éponyme. En 20 ans de carrière, cet artiste –frère du galeriste anversois Tim Van Laere– qui avoue s'inspirer énormément de Tom Waits, mais dont la musique lorgne manifestement vers Neil Young et Bob Dylan, a pris de l'amplitude et n'a cessé d'améliorer son jeu. Pas étonnant quand on sait qu’avant de se lancer dans la musique, c’était un espoir du tennis belge, sport qu'il pratique cependant, toujours quotidiennement… L'occasion de demander, sans le prendre de ‘court’, à ce manieur de raquette et de guitare anversois son avis sur l'évolution du rock belge depuis deux décennies…

Quelle est l'importance d'Anvers dans votre musique ? 

Énorme... Sur mon premier album, que je vais réinterpréter complètement demain, la chanson « There is a Road » évoque la Noorderlaan. Je suis né à Brasschaat, et cette artère mène à Anvers.

Sur « Get out of town », la première chanson du disque, je parle de la transition difficile vers l'âge adulte tout comme l’effort qu’exige aller de Brasschaat à Anvers. Ensuite, se rendre à New York ou à Tokyo n'est pas compliqué quand on a pris confiance en soi, et lorsqu’on devient un homme. Car en ville, on découvre la vraie vie, on doit se prendre se prendre en main et on y fait de bonnes et de mauvaises rencontres…

Dans vos chansons, on ressent souvent une pointe de l'amertume…

Je ne suis pas quelqu'un d'amer dans la vie, mais j’éprouve le droit de l'exprimer dans ma musique ; c'est une sorte de catharsis. Lorsque je suis sur scène, je chante incarner un ‘loser’ et quand je m’adresse au public, j'affirme que nous le sommes tous, mais que nous allons célébrer cette condition. En tant qu'Admiral Freebee, je proclame ne pas savoir comment m'y prendre avec les impôts, les femmes... bref, que je ne sais pas comment vivre, mais que le public va se reconnaître dans les paroles de mes chansons. Ce qui engendre une certaine communion d’esprit, de progression collective...

Sur « I'm Bored », Iggy Pop chante ‘I'm the chairman of the bored. I'm a bit the chairman of the losers’ (rires)

La compo « The Worst Is Yet To Come » symbolise cette perspective ?

C'est du Schopenhauer (NDLR : un philosophe allemand qui a exercé un impact important sur de très nombreux écrivains, philosophes ou artistes majeurs du XIXe siècle et du XXe siècle) ! Il a écrit que lorsqu’on imagine le pire, on a l'heureuse surprise de constater ensuite que ce n'est pas le cas. Bref, il est préférable de prévoir le pire...

Vous aviez débuté une carrière de tennisman. Quel est le rapport entre le tennis et la guitare ?

Il y en a tellement que je pourrais rédiger un livre sur le sujet. À l'instar du tennis, en matière de jeu de guitare par exemple, on vous apprend que pour ‘speed up, you have to slow down’. Pour être meilleur, il faut ralentir un peu son jeu.

Par ailleurs, lorsque je dispute un match de tennis important ou me produis à l'AB voire à Werchter, c'est chaque fois dans ces moments importants que je joue le plus mal. Question de mental ! 

Enfin, dans ces deux disciplines, c’est au bout de milliers d’heures de pratique qu’on atteint un certain niveau.

Et vous pratiquez toujours le tennis ?

Oui, une fois, voire deux fois par jour ! Mais j'ai arrêté un moment, car la musique devenait trop envahissante. Mais désormais, comme je joue au tennis plus souvent et mieux, mes concerts sont bien meilleurs ! Ma résistance s‘est accrue eet mes poumons sont en pleine forme. Le tennis est un sport très intense, et chanter ressemble à de la course à pied...

Et puis j'écoute beaucoup au tennis... car de nombreux joueurs crient, sans que ce soit du chiqué…

J'entends cela et je me dis ‘c'est génial le rock’ (rires) ! Je vais m'y mettre aussi ! Donc en concert, j'imite un joueur de tennis (rires) !

Quel est votre guitariste préféré...

Keith Richards. Enfin, notamment ; parce qu'il joue à l’économie, sans emphase. Ce qui n'est pas simple ; et il rejoint ainsi l'approche du tennis. Il a confié dans une interview que si la toile est le support du peintre, pour le guitariste, c'est le silence...

Après 20 ans de carrière, comment jugez-vous l'évolution du rock en Belgique ?

Immense ! Lorsque j'ai débuté, tout le monde était influencé par dEUS, moi y compris. La formation combinait des éléments du rock qui ne l'avaient jamais été précédemment. Aujourd'hui, elle mélange bien d'autres styles : rap, hip-hop, jazz... Comme des tas d'autres groupes, d’ailleurs…

Qu'en est-il de la scène, des concerts ?

On ne parle plus de concert, mais de show. À mes yeux, un concert c'est quand on commet des fautes. C'est forcément imparfait. Lors d’un show, entre en compte le jeu de lumière et la gestion par ordinateurs qui évite les erreurs ; tout y est parfait… trop parfait, trop léché…

Y a-t-il désormais trop de festivals en Belgique ?

Non. Beaucoup de groupes belges sont excellents parce qu'ils peuvent justement se produire dans de nombreux festivals.

Comment expliquez-vous qu'il y ait autant de groupes en Flandre et moins en Wallonie ?

Mais il existe de nombreux bons groupes en Wallonie. Cependant, je ne comprends pas pourquoi les groupes wallons ne se produisent pas davantage en Flandre. Sans doute parce que les Flamands sont snobs... (rires)

Pourtant, à mes yeux, la meilleure artiste belge, la plus authentique c'est Mélanie De Biasio. Elle joue d'ailleurs énormément en Flandre. Elle est tellement formidable, qu'au début, je pensais qu'elle était flamande (rires) 

La réédition des 4 premiers albums d’Admiral Freebee est sortie ce 10 novembre, en série limitée, sous forme de vinyle et dans un même box.

 

Kurt Vile

Kurt Vile, c'est mon vrai nom…

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Co-fondateur de The War On Drugs, Kurt Vile quitte rapidement le groupe, en 2009, pour (ré)embrasser une carrière solo qu’il avait entamée en 2003. Prolifique, en deux décennies il doit compter, en tout, près d’une quarantaine d’elpees et d’Eps à son actif. Ce virtuose de la guitare est revenu progressivement d'une lo-fi bruyante vers ses racines country-folk-rock, lui qui vit désormais entouré d'arbres et de forêts. L’an dernier, il avait gravé le splendide « Watch My Moves » et il est déjà de retour en sortant « Back To Moon Beach », un Ep de six morceaux jamais publiés et écrits au cours des quatre dernières années, très pandémiques (un titre s'intitule d'ailleurs « Touched Somethin (Caught a Virus) », dans une veine très dépouillée comme les arbres en cette saison, et flanquées d'une nouvelle version de « Cool Water » (NDR : l’original est paru sur le dernier LP) et de deux covers, dont une de « Must Be Santa », une chanson de Noël signée Bill Fredericks et Hal Moore et adaptée en 2009 par Bob Dylan…

Vous reprenez le Zim et Wilco, évoquez Tom Petty (« Tom Petty's Gone ») sur ce disque. Pourtant, en termes de guitare, vous vous référez plutôt à Thurston Moore de Sonic Youth et J Mascis de Dinosaur Jr. Alors pourquoi cette combinaison de références à ces trois artistes sur ce disque ?

J'ai été très tôt influencé par la virtuosité de J. Mascis ainsi que trois artistes, par leur jeu de guitare pincée.

Mais c'est surtout qu'ils me parlent en tant qu'auteurs-compositeurs.

De plus, les morceaux de Tom Petty passait à la radio, alors qu'au contraire, Dylan ne verra que quelques-unes de ses chansons diffusées ; cependant, il exercera une influence indéniable sur des musiciens comme Neil Young et Tom Petty, au niveau de l'écriture. Jeff Tweedy de Wilco a lui-même été influencé par ces deux-là... Impossible dès lors de ne pas l'être à mon tour.

Être fan de Petty, Dylan et Springsteen, ne serait-ce pas une sorte d'hommage rendu à votre père et à ses choix musicaux ?

Non, c'est simplement parce que je suis un auteur-compositeur américain. J'ignore pourquoi ces chansons me parlent. Celles de Springsteen vont simplement vous anéantir, et notamment « The River », Atlantic City » ou « Independence Day ». Elles évoquent son père et une manière de lui signifier qu'il doit quitter le nid familial.

Elles vous parlent parce que c'est de la musique de col bleu ?

Partiellement. En ce qui concerne Springsteen, c'est très possible. J'écoutais des radios de rock classique pendant que j’accomplissais mon propre boulot de col bleu à l'usine, tout en essayant de m'en extraire.

Plus vous vieillissez, plus lo-fi vous devenez...

C’est une évolution naturelle pour revenir à mes racines. Je n’affirmerai pas que je suis spécifiquement lo-fi, mais simplement que j'utilise tous les éléments du genre. Je suis vraiment heureux de composer depuis chez moi ou d'aller en studio quand bon me semble. Mais je peux terminer un morceau à tout moment dans mon home studio, si je le souhaite. Le simple fait d'être entouré à la maison d'un tas d'instruments étranges que j’utilisais à mes débuts –comme la trompette– suspendus sur tous les murs, ont une incidence, alors que lorsque j'enregistre dans un autre studio, je n'ai pas cette relation intime avec les instruments qui là-bas vous encadrent également. Ainsi, lorsque quelqu'un d’extérieur vous enregistre, la performance devient trop professionnelle…

La covid a-t-il modifié votre approche de la musique ?

L’épidémie m'a forcé à en revenir aux fondamentaux. S’asseoir et remplir un carnet comme au bon vieux temps. Avant la pandémie, lorsque j'étais embarqué dans une tournée, je n'y arrivais plus. Elle m'a finalement permis de me replonger dans l'époque où, à la maison, je me posais afin de lire et d'écrire de la musique, pris dans une sorte de pratique bénéfique. La covid m'a redirigé vers une manière plus conventionnelle de travailler à domicile.

Pourquoi publiez-vous autant d'Eps ?

Il y a une minute au moins que mon dernier Ep n'était pas paru (il rit) ! Je suis fier d'être aussi prolifique et de pouvoir sortir celui-ci à la fin d'un cycle de tournée plutôt qu'au début. J'ai trouvé un bon équilibre désormais. Je sais que j'aurai toujours des concerts à l'horizon, mais également que je disposerai du temps libre entre les deux pour sortir un disque.

Je livre des Eps parce que c'est mon boulot, mec ! Je fais de la musique et j'en suis fier ! Le précédent, « Speed, Sound, Lonely KV », ressemblait à un extended play enregistré à Nashville. Et notamment parce qu’il a été enregistré en présence du chanteur de country-folk, John Prine... 

Quel que soit le voyage, j'ai de la chance de pouvoir explorer différents mondes, par Eps et par albums.

D’un point de vue littéraire, pourrait-on comparer un Ep à une nouvelle et l’elpee au roman ?

Cela dépend. Dans ce cas-ci, c'est peut-être quelque part entre les deux. Celui-ci en particulier, et les six chansons qui y figurent, a un petit air de compilation, d'autant que trois chansons le complètent.

Quelle est l'influence de la forêt environnante sur votre production ?

Je la vois tous les jours et nous y campons souvent. J'ai écrit certaines des chansons comme « Like Wounded Bird Trying To Fly » durant l'un de ces séjours en forêt. Pendant la pandémie, j'avais l'habitude de m'asseoir au milieu des arbres et de regarder les bois dans lesquels nous vivons. Il est important pour moi d'être entouré de forêts au point où j'ai même oublié l'époque où nous vivions en ville.

L'élévateur semble toujours une grande source d'inspiration pour vous, puisque « Space Forklift » est le titre d'une de vos premières chansons…

Oui, j'y pense constamment. Je songe à mon univers de col bleu et à la brasserie, toute proche, où j'ai travaillé. Au cours de l'été dernier, j'y ai assisté à un concert, et j'y ai revu mon vieux chariot élévateur... J'aimerais le conduire à nouveau. Viendra un moment où c'est que je ferais (il sourit).

Quel est donc le point commun entre Kurt Weill, le compositeur classique et toi ?

Eh bien, c'est mon vrai nom Kurt Vile mais je suis également un grand fan du compositeur allemand. J'ai un box-set de ses œuvres avec Bertold Brecht. Mais je vous avoue qu'un jour, en allant me faire couper les cheveux, j’ai entendu une interview de David Byrne qui racontait être fan de ma musique... celle de Kurt Vile. En écoutant ces mots, j’en ai conclu qu’il parlait certainement du compositeur allemand... (rires)

Ou plus récemment Martin Gore de Depeche Mode qui avouait dans un programme télé qu'il aimait les accords étranges dans la musique de Kurt Vile. Et j'étais sûr qu'il parlait du compositeur de musique classique. Mais je n'ai jamais eu de confirmation à ce sujet...

Mais bon, j'adore Depeche Mode, donc, finalement, c'est peut-être vrai… (il sourit)

Kurt Vile - Back To Moon Beach (Virgin) - 17/11/2023

Photo : Ludovic Vandenweghe

 

Richard Hawley

Des histoires de Cockers à Sheffield, dans le Yorkshire…

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Ancien guitariste de Pulp, Richard Hawley est parvenu à construire, en deux décennies, un répertoire très personnel et mélancolique forgé au sein d’un univers marqué par sa ville de Sheffield, que ce grand promeneur musical et pédestre revendique dans des compositions aux allures de paysages en cinémascope dessiné par sa six cordes électrique et sur lesquelles se pose sa voix de baryton, mais aussi à transformer un handicap physique de naissance en atout...

Sa carrière solo, résumée sur un double cd intitulé "Standing At The Sky's Edge" (NDR : qui figure au générique du dernier film de Wes Anderson), a été couronnée d'un ‘Brit Award’. Ce qui n'empêche pas Richard de collaborer avec des artistes aussi divers que les Arctic Monkeys, Elbow ou Paul Weller ou encore de produire, à la grande joie de cet amoureux du rock des pionniers, d’autres artistes, dont Nancy Sinatra…

D'aucuns affirment que vous chantez comme Roy Orbison. Pour vous, c’est un compliment, je suppose ?

Roy chantait de manière plutôt aiguë. Ma voix évolue plutôt dans le registre des basses. C'était un chanteur dramatique, quasiment d'opéra. 

Quelle est l'importance de la ville de Sheffield dans votre répertoire ?

C'est chez moi. J'y ai vécu ici toute ma vie. Vivre ailleurs m’est totalement étranger. Je ne sais pas ce que c'est de vivre à Bruges, en Belgique ou en Chine Si je feignais d'être influencé par une autre ville ou un autre environnement, le résultat sonnerait faux. Il s'agit d'exprimer une vérité : la mienne. J'écris sur ce que je vois, ce que je ressens, et ces impressions se produisent à Sheffield. 

Si vous déménagiez, votre musique serait-elle différente ?

Je ne crois pas ; Sheffield me manquerait.

La fente palatine dont vous avez souffert lorsque vous étiez enfant vous a-t-elle donné envie de chanter ou de devenir une personnalité connue ?

Quand je suis né, on a annoncé à mes parents que je ne serais jamais capable de parler… et certainement pas capable de chanter. Ma famille m'a donné confiance, alors que beaucoup considéraient ce bec de lièvre comme un handicap. En vieillissant, j'ai appris à le transformer un atout…

Je peux deviner, en quelques secondes, si je suis en présence d’un trou du cul ou une personne formidable ; c'est écrit sur mon visage. Il suffit de me regarder et, à mon tour, je peux observer le regard de l'autre.

Et qu'en est-il du chant ?

C'est indéniablement un avantage. Ma bouche est une immense caisse de résonance. Mais je tiens à préciser que je n'ai jamais physiquement souffert, grâce à l'intervention de la médecine. Par ailleurs, mes parents m'ont convaincu que je valais autant que n'importe qui d'autre. Je ne suis pas meilleur que quiconque… Je suis juste différent et je vois les choses différemment, par conséquent. Et comme je suis différent des autres, j'ai développé plus rapidement de l'empathie. Surtout aussi parce que j’ai été victime de cruauté, et en particulier de cruauté émotionnelle, de la part des autres enfants

Avez-vous justement développé de l’empathie à l’égard des personnes nées avec le même handicap physique ?

Je suppose que oui. Nous pouvons tous nous entraider. Mais ce n'est pas comme si nous formions un gang (il rit).

Croisez-vous toujours Phil Oakey de Human League lorsque vous promenez votre chien au parc ?

Non, parce le sien est mort. Je croise encore Phil mais, occasionnellement, au pub... à Sheffield (il sourit).

Puisque l'on parle de chien, quelle relation entretenez-vous aujourd'hui avec Jarvis... Cocker de Pulp ?

Il reste l'un de mes meilleurs amis. Rien n'a vraiment changé... si ce n'est que nous avons vieilli (il sourit).

Et quelle était votre relation avec Joe... Cocker qui était également originaire de Sheffield ?

C'était un ami proche de mon père. Joe était mon parrain, mais je l'ai perdu de vue à la suite de son départ en Amérique. Mon père et lui travaillaient ensemble pour la compagnie de gaz, et réparaient des radiateurs ; ils s'appréciaient énormément et bossaient ensemble à l'usine.

Vous a-t-il influencé musicalement ?

Pas vraiment, mais il aimait la musique avec laquelle j'ai grandi : Ray Charles et beaucoup de vieux morceaux de rhythm’n’blues. Mais j'aime beaucoup la musique de Joe. Son style vocal est assez agressif et bourru, aux antipodes du mien. Mais c'était quelqu'un de bien...

Vous êtes fan du club de foot de Sheffield Wednesday. Pourquoi ne pas composer un hymne à leur attention, à l'instar de ce que Judas Priest a réalisé pour Sheffield United ?

Il m'est très difficile de discuter de Sheffield Wednesday pour l’instant, car c'est vraiment la pire saison de l'histoire du club. Nous avons donc été promus en seconde division cette année et là nous sommes bons derniers : cela tourne à la blague (silence).

Est-il possible de changer de sujet ? Ou je vais avoir envie de me pendre à la fin de cet entretien (il rit).

Vous avez écrit la musique du film ‘Funny Cow’. Était-ce très différent au niveau de la composition ?

Lorsqu’on compose de la musique pour une bande originale ou pour un groupe ou un disque, les cadences de travail sont très différentes. Composer une B.O. est plus cinématique. Les chansons titres que j'ai écrites se répartissaient en trois sections.

Comme je promène mon chien tous les jours, elle a été écrite au rythme des trois promenades canines. Chaque fois que je suis rentré, j’avais une section différente en tête. 

Le chien est donc désormais détenteur de toutes les royalties (rires).

Je suppose dès lors que votre chien est une excellente source d'inspiration pour votre musique ?

Pire… C'est lui le génie et c'est moi l'idiot (rires) !

Richard Hawley - Now Then : The Very Best of Richard Hawley - 20/10/2023

 

 

The Damned

Lemmy Kilmister a joué de la basse chez Damned...

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Auteur du premier single punk quelques semaines avant celui des Sex Pistols, The Damned, s’il n’a pas rencontré le même succès, peut cependant se targuer d’une longévité impressionnante pour une formation de ce genre : 45 ans d’existence pour ce groupe vétéran. Excusez du peu ! Captain Sensible, dernier membre fondateur du quintet actuel, au même titre que le chanteur Dave Vanian, a par ailleurs été l’auteur, à titre individuel, d'une carrière solo ponctuée par le tube interplanétaire “Wot !”, au début des eighties. Le guitariste évoque, avec humour, l'étonnante carrière de The Damned ainsi que cet excellent treizième elpee studio aux chansons accrocheuses, d’une fougueuse jeunesse et parfois belles... à se damner…

Votre jeu de guitare se révèle très en avant et trahit sur cet LP (NDR : il s’intitule "Darkadelic"), des accents hard rock, notamment sur le morceau “Girl I'll Stop At Nothting”, dont le solo évoque étrangement ceux que dispensait Ritchie Blackmore au sein de Deep Purple.

(Il rit) En fait, c'est par cette compo que nous terminions les concerts de notre tournée qui vient de s'achever en Europe et au Royaume-Uni. Mon solo était différent chaque soir et opérait une sorte de dialogue entre le synthé et la guitare, à la manière de John Lord et Ritchie Blackmore, à l'époque. D'ailleurs, à la fin de l'un des shows et de ce titre, je me suis écrié : ‘Bloody hell ! Mesdames et messieurs, nous sommes en train de devenir Deep Purple (rires) !’

Comme vétéran du punk justement, que pensez-vous de groupes punkoïdes récents comme Shame, Fontaine D.C., Idles ou Viagra Boys ?

Je n'en connais aucun... Je suis sûr qu'il existe de bons groupes aujourd'hui, mais il y a tellement de merdes autour.

Je n'arrive pas à me résoudre à les écouter et me contente de plonger dans mes anciens disques. Je suis le vieux gars assis dans un coin du pub, à me plaindre que la musique actuelle est nulle. Les autres habitués du bar racontent aux clients de passage qui s'étonnent : ‘Faut pas s'inquiéter, ce vieux grincheux se plaint toujours que toute la musique actuelle est à mettre aux chiottes. On s'en fout de ce que raconte ce débris installé près du juke-box... que plus personne n'écoute non plus (rires)’

L'humour des punks

“Wake The Dead”, “Beware of the Clown” et “Roderick” sonnent comme du gothique avec de l'humour, un peu comme le vampire du Muppet Show à l'époque, les films de Roger Corman ou de Russ Meyer.

Un côté kitch dans le fantastique que nous cultivons, à la manière de certaines icônes du genre comme Vincent Price ou Bela Lugosi, figure qui est certainement liée à l'apparition du gothique dans le rock. Il suffit de regarder le “Bela Lugosi's Death” de Bauhaus, à l'époque.

Les groupes punk ont-ils un grand sens de l'humour ?

Cela devrait être le cas et pourtant... Le punk était une sorte de réaction contre les ‘rock stars’ prétentieuses des seventies qui pensaient avoir inventé la roue et remplissaient les stades. Cette réaction ironique supposait un certain sens de l'humour, mais malheureusement, la plupart des musiciens punk connus se sont également trop pris au sérieux.

Ce qui est incroyable, c'est que Nick Mason, membre de Pink Floyd, archétype du rock progressif, ce qui ne correspond pas vraiment à l'image que l'on se fait d'un groupe punk, a produit un de vos disques ?

A l'époque, nous avions demandé à l'éditeur musical de Pink Floyd, qui était également le nôtre, s'il pouvait solliciter Syd Barrett, premier leader et chanteur de Pink Floyd, afin qu'il produise notre prochain album. Nous sommes donc allés au studio en attendant Syd Barrett ; et c'est Nick Mason qui a débarqué à la place. Il a déclaré : ‘Oh, je suis désolé, les gars ; Syd n'est pas en état de le faire. Cela vous dérangerait-il que je produise l'album à sa place ?’ Et comme, en plus, il nous proposait d'enregistrer gratuitement dans le studio du Floyd, nous avons accepté.

Marc Bolan

Un des événements les plus étonnants dans votre carrière, c'est que vous avez assuré la première partie de T-Rex, icône du glam rock, genre que les punks sont sensés détester et auquel ils se sont opposés…

C'est vrai, mais Marc Bolan était quelqu'un d'intelligent, contrairement à certains de ses contemporains, de ces grandes stars du rock des seventies qui détestaient la musique punk. Pour sa part, Marc estimait qu’il s’agissait de l’actualité et voulait en faire partie. Il s'est coupé les cheveux et a demandé à son groupe d'accélérer le rythme de chaque chanson, interprétant des versions plus rapides de ses tubes. Tous les soirs, j'assistais à son concert qui se révélait fascinant. Marc était un très bon guitariste et livrait une version brute et bien plus passionnante de ses titres. Il s'est vraiment montré sympa avec nous, nous emmenant dans son bus de tournée en nous prodiguant des conseils pour le choix des studios et en termes de directions musicales...

Lemmy Kilmister de Motörhead aurait joué de la basse chez Damned...

Oui ! C'était à une époque où j'ai quitté le groupe pour rejoindre Amsterdam. Nous étions tous complètement ruinés, au point que je dormais par terre chez des connaissances. Rat Scabies, le batteur de l'époque, m'a téléphoné un jour et m'a proposé de nous reformer pour quelques dates, afin de gagner un peu d'argent et payer les factures. ‘Tu t'occuperais de la partie guitare’ me dit-il, ajoutant ‘Et il ne nous reste plus qu'à dénicher un bassiste’.

Nous avons alors pensé à Lemmy parce que nous savions dans quel pub londonien le trouver. Je suis allé le voir et il m'a dit ‘Ok, laisse-moi essayer’. Pour ces concerts, il devait juste apprendre cinq ou six morceaux de Damned et nous avons fait de même pour une poignée de compos de Motörhead... Et finalement, nous avons tous été payés (rires) !

The Damned - « Darkadelic » - sortie le 28 avril 2023 sur V2.

Vince Clarke

De la musique électronique organique…

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« Just Can't Get Enough », premier succès de Depeche Mode, c'était lui. Ensuite, il est parti former Yazoo, avant de fonder un autre duo baptisé Erasure. Fervent défenseur de la ‘synth pop’ (NDR : la pop électronique), le voici qui, la soixantaine bien entamée, publie son premier LP solo, quasi instrumental, et ambiant, organique aussi, malgré l'omniprésence des machines, déployant des paysages sonores grandioses nonobstant le climat claustrophobe qui a prévalu à leur création durant les différents confinements dus à la COVID.

Rencontre avec Vince Clarke qui sort son premier album solo en 40 ans de carrière…

Pourquoi ce titre, « Songs of Silence » ?

J'ai eu l'idée de ce titre, que j'ai gardé en tête, alors que je travaillais sur un autre projet il y a quelques années. Mais il s’explique surtout parce que je suis un grand fan de Paul Simon, et au cours de mon adolescence, une de mes chansons préférées était « The Sound of Silence » de Simon and Garfunkel. Par ailleurs, comme il s'agit principalement d'un disque instrumental, le titre coïncide parfaitement avec l'ambiance de l'album.

L'Eurorack, synthétiseur spécial que vous utilisez sur cet elpee, y joue un rôle central...

Il existe de multiples fabricants de modèles dans le monde entier qui créent leur propre style de synthétiseur. Eurorack permet de réunir toutes ces différentes approches. Un peu comme si vous aviez en main la voiture idéale : un moteur Porsche, un design Alfa Romeo... 

Je suppose que nous devons remercier la COVID qui vous a enfin permis de sortir votre premier long plyaying solo en quarante ans de carrière ?

Il a certainement été le facteur déclencheur. Durant le premier confinement, j'étais coincé chez moi comme tout le monde, et j'ai passé beaucoup de temps en studio. C'était une période très propice à la réflexion. Beaucoup de mauvaises choses se sont produites dans ma vie et dans celle d'autres personnes proches, ce qui a vraiment influé sur la façon dont j'ai commencé à composer ces morceaux. Je souhaitais exprimer d'une manière ou d'une autre la tristesse que je ressentais à ce moment-là.

Au départ de chacun compo, vous produisez une note et vous ‘tournez autour’ un peu à la façon dont Michael Brooks utilisait son ‘infinite guitar’, il y a trente ans. Cet opus serait-il en rapport avec ce procédé ?

Il y a certainement un lien, mais également avec d'autres musiques ambient électroniques que j'ai écoutées récemment.

En compagnie d'un ami, je produis une émission de radio consacrée à la musique électronique. C’est l'occasion pour moi de découvrir de nombreux artistes différents et divers types de musique ambient. J'ai toujours été curieux de savoir comment ces musiciens s'y prenaient pour composer ; pour ma part, je travaille à la création de chansons classiques depuis 40 ans dans un format refrain/couplet/refrain. Je me suis demandé si je serais capable de créer, développer et étirer un morceau intéressant sans vraiment utiliser ces astuces, plutôt que d'utiliser les traditionnels changements d'accords.

Je comptais sur une texture évolutive. Et j'ai aimé le processus plus que tout. Je l’ai trouvé très thérapeutique dans son ensemble.

Avez-vous été influencé par des artistes comme Brian Eno, David Sylvian, Ryuichi Sakamoto, Laurie Anderson ou Tangerine Dream ?

Evidemment, je connais tous ces artistes programmés dans notre émission de radio ; mais, pour être tout à fait franc, je n'ai vraiment découvert cette musique qu'il y a environ quatre ans. Jusque-là, le genre ne m'intéressait pas particulièrement. C'est sans doute parce que je vieillis un peu ; j'ai plus de patience désormais pour écouter un morceau (il sourit).

Par ailleurs, la musique ambient électronique a fortement évolué. S'il y a 20 ans, quelqu'un m’en parlait, je pensais toujours au bruit de la mer sur le rivage ou au cri des baleines (rires). Le genre s'est énormément développé, parallèlement à l'évolution de l'instrumentation électronique dont on dispose désormais. Le matériel que j'utilise à présent est beaucoup plus ouvert à l'expérimentation et je trouve cette perspective fascinante.

Vous faites est une sorte de ChatGPT musical sous contrôle humain ?

(Il rit) Oui, je suppose. Pour certains morceaux du disque, lorsque j'enregistrais, alors que je produisais quelque chose de très électronique, j'entendais parfois un son plus humain dans ma tête. Ainsi, par exemple, « The lamentations of Jeremiah » était au départ une sorte de paysage sonore de science-fiction. Je l'ai ensuite envoyé à mon ami Reed Hays, un excellent violoncelliste, qui a composé et enregistré une partition de violoncelle par-dessus. Soudain, c'est devenu un morceau complètement différent, très humain et triste.

Et c’est pareil pour le titre « Passage » qui contient une voix de soprano tout au début et en son milieu ; là encore, l'apport de la voix a créé ces morceaux particuliers, subitement complètement différents et organiques.

Pourquoi n'en jouez-vous pas vous-même car le premier instrument sur lequel vous avez joué lorsque vous étiez enfant, c'était le violon ?

C'était il y a longtemps ! J'ai commencé à en jouer à l’âge de 12 ans. J'ai gardé mon violon... qui est irréparable. Mais en vieillissant, j'apprécie d'autant mieux les talents et les compétences des autres d'autant que ceux de Reed Hays sont exceptionnels. Aucune chance que je puisse l'égaler vu mon lamentable jeu au violon (rires).

Vous êtes un passionné de technologie et d'instruments de musique. Aviez-vous l'impression durant l'enregistrement d'être semblable à un pilote de drone ?

(Il réfléchit) Je ne sais pas... L’intégralité du processus d'enregistrement de ce disque s'est révélée complètement différent de tout ce que j'ai réalisé auparavant.  D'abord, j’étais seul en studio ; enfin, mon chat et moi. Évidemment, lorsque j'écris des chansons avec mon partenaire d'Erasure, cela n'a rien à voir. Mais ces sessions n’étaient pas censées se retrouver sur disque. C'était juste moi qui expérimentais et créais de la musique en studio. Donc à l'origine, les morceaux s'intitulaient drone 1 2 3 4. Puis j’ai envoyé les fichiers à mon ami Daniel Miller de Mute Records qui m'a suggéré de les graver sur un album, ce qui n'était pas du tout mon intention au départ. J'aurais pu être simplement heureux de continuer à triturer ces morceaux à l'heure où je vous parle. Mais j'en ai tiré beaucoup de satisfaction, notamment du processus, probablement plus que toute autre chose. Un voyage intéressant.

Mais alors pourquoi des titres comme « White Rabbit » et « Red Planet » ?

(Il rit) J'avais l'habitude, pour les albums d'Erasure, d'écrire les chansons, et de laisser le choix des titres à Andy qui est bien meilleur que moi dans ce domaine.

Soudain, la responsabilité était mienne... résultat, c’est devenu un cas vraiment classique du son du morceau qui suggère le titre.

Par exemple, j’estime qu'un titre comme « White Rabbit » semble assez frénétique.

Et évidemment, c'est une référence à ‘Alice au pays des merveilles’. Le passage, dans lequel chante la soprano, me donnait l'impression d’un voyage difficile. Mais les titres ont surgi spontanément ; il m'a fallu à peine une demi-heure pour intituler les dix morceaux. Je devais sans doute inconsciemment y penser ces deux dernières années, car soudain ils ont émergé à la surface de ma conscience...

Et « Mitosis », est-ce une référence au jeu vidéo ou à cet élément scientifique qualifié de mitose ?

C'est une référence au phénomène scientifique, à l'activité frénétique des cellules qui se divisent.

Je souhaitais un titre qui exprime la vitesse et le chaos. Et c'est le mot qui a surgi.

« Red Planet », se réfère, je suppose, à la planète Mars.

En effet. Et je suis un grand fan de science-fiction.

Il en était donc de même pour un autre morceau, intitulé « Last Transmission ». Ils sont le résultat de visionnages de films de science-fiction pendant la COVID.

Donc, si Ridley Scott vous demandait de composer la bande originale du nouveau ‘Prometheus’, vous répondriez avec enthousiaste ?

Et comment ! Le tout premier titre que j'ai composé et qui m'a inspiré l'album, « Cathedral », l'a été après avoir visionné ‘Blade Runner 2049’ que j'ai dû voir six fois. A la fin, j'ai commencé à prêter attention à la bande originale. Et je me rappelle juste m'être dit :  ‘J'adore cette B.O. et je crois que je vais composer celle de ‘Blade Runner 3’... Mais j'attends le coup de fil, on verra bien (rires).

Mais rêvez-vous de composer la bande originale non seulement d'un film de science-fiction ou tout simplement d'un film ?

J'ai en quelque sorte composé quelques petites choses par ci par là, mais c'est un autre monde. Je me suis penché là-dessus il y a peut-être 20 ans. J'ai passé du temps à Los Angeles avec des gens du cinéma et des directeurs musicaux. Après ces rencontres, j'ai réalisé que c'était un univers dans lequel je ne voulais pas évoluer. Il y a beaucoup de politique en jeu, et puis je ne souhaitais pas composer en compagnie de quelqu'un qui regarde par-dessus mon épaule.

La pochette évoque le ‘Best of’ de The Cure, un disque paru il y a bien longtemps, dont la photo en noir et blanc représente le visage d'un vieil homme ?

Lorsque cette aventure s’est transformée en album, j'ai souhaité que la pochette corresponde un peu plus à un documentaire ou soit un peu plus sérieuse que celles des disques auxquels j'ai participé par le passé.

L’idée que ce soit dans un style très documentaire et très rugueux me semblait intéressante. J'ai 63 ans et il me plaît de ne pas faire semblant de ne pas avoir mon âge. Les visuels donnent un peu plus de poids au disque ; c'est pourquoi nous avons choisi le noir et blanc. Et le photojournaliste Eugene Richards n'est pas du tout un photographe musical, mais plutôt documentaire.

Comment revoyez-vous aujourd'hui à cette scène électro qui a sévi au début des années 80 ? Je pense à John Fox, Heaven, 17, Human League et Fad Gadget ?

C'étaient mes héros. Je garde donc de très bons souvenirs de cette époque et, j'écoute encore toujours ces disques.

Lorsque j'étais jeune, la musique punk est apparue, ce qui était assez excitant ; mais en fin de compte, je ne la trouvais pas très révolutionnaire. Juste du rock and roll joué un peu plus vite...

Ce qui ne veut pas dire que je n'aimais pas. Au contraire j'adore les trucs punk.  Mais quand la musique électronique a émergé, elle m'a paru révolutionnaire.  La réinvention de tout, du son, surtout grâce à des groupes comme Human League, Fad Gadget et Neu!, c’est quelque chose que nous n'avions jamais entendu auparavant.

C'était donc incroyablement excitant. Eh bien avant de commencer à faire de la musique pour de l'argent, mes amis et moi étions fans de ces formations qui ont émergé à l'époque…

Ceux que j'ai mentionné pratiquaient de la cold wave. D'un autre côté, des bands comme OMD, Ultravox, Pet Shop Boys et The Bronsky Beat étaient plus pop. Vous les appréciiez autant ?

Oui. Je suis un grand fan de ces groupes simplement parce qu'ils ont sorti énormément de bonnes chansons. A l'époque de Depeche Mode, nous étions tous fans de musique pop, de chansons qui duraient trois minutes, sans doute parce que c'est ce à quoi nous avons été exposés à la radio en grandissant. Dans le cas d'Erasure, on dit souvent que nous sommes un groupe de synth-pop. Mais je préfère entendre qu’Andy et moi sommes de véritables auteurs-compositeurs.

Simplement, nous utilisions des synthétiseurs. Les chansons que j'ai le plus aimées sont pop, dont je suis grand fan et je n’ai pas honte de le dire.

Les Sparks et Jean-Michel Jarre ont-ils exercé une grande influence sur vous ?

Oh, « This Town's Not Big Enough For The Both Of Us » a été le tout premier disque que j'ai acheté. J'avais 15 ans et ma sœur travaillait chez un disquaire et pouvait bénéficier d’une réduction. Ce qui était donc important. C'était la première fois que l'on voyait un claviériste qui ne souriait pas... Par la suite, évidemment, tout le monde l'a imité... (rires).

Et Jean Michel Jarre ?

J'ai eu la chance de travailler avec lui sur quelques titres d'un album. Il m'a contacté, puis est venu me voir à New York. Ma femme et moi étions très stressés parce que c'était la personne la plus célèbre que nous ayons jamais rencontrée. J'ai signalé à mon épouse qu’il fallait acheter du bon vin et lui proposer de l'excellente cuisine... (rires). Bref, nous étions vraiment très anxieux. Mais il s'est avéré être l'une des personnes les plus charmantes que je n'ai jamais rencontrée. Et puis, il est tellement enthousiaste ; il adore ce qu'il fait, c'est évident. Cette rencontre a été un véritable honneur pour moi et j'étais très flatté.

Suivez-vous encore la carrière de Depeche Mode ?

Pas de façon compulsive, mais j'ai écouté leur dernier album ainsi que les deux précédents qui sont probablement parmi leurs meilleurs disques. L'écriture de Martin (Gore) y est phénoménale.

Le plus récent est évidemment très poignant à cause de la mort d'Andy Fletcher. Lorsque le premier single est sorti, j'ai demandé au label s'il était paru avant ou après la mort d'Andy Fletcher. C'était avant. Pourtant, il reflète le drame de son décès. Martin est un véritable génie…

Vous composez souvent à la guitare dans Erasure. Mais pour cet elpee, vous avez débuté par la machine…

En effet et avec des sons très simples, puis j'en ai progressivement introduit d'autres et des éléments divers, sans planning, dans un processus évolutif.

Ce qui a pris du temps car j'étais totalement absorbé par le projet. Il ne m'a jamais paru comme une corvée, et j'y ai trouvé beaucoup de sérénité.

Vince Clarke - Songs of Silence (Mute) – Date de sortie : 17 novembre 2023

Miles Kane

Un mod qui vit au 21ème siècle…

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Miles Kane a sorti son cinquième album "One Man Band", ce 4 août 2023. Toute guitare dehors, cet elpee se révèle un subtil mélange de pop-rock catchy et condensée, d'hymnes propulsés par les riffs rugissants et la voix assurée de Miles Kane. Le comparse d'Alex Turner –leader des Artic Monkeys– dans The Last Shadow Puppets, replonge dans ses racines liverpuldiennes, sur cet opus, au fameux Merseybeat, et à celles des premiers âges du rock. Sans oublier la référence à sa propre enfance et son premier héros… le footballeur italien Roberto Baggio

"Baggio"est l'un des titres phare de l'album. Pourquoi cette référence au joueur de foot italien des nineties ?

C'est la première personne que j'ai adorée : j'avais huit ans et ce joueur de football avait quelque chose de particulier, non seulement dans son jeu, mais aussi dans son attitude sur le terrain, toujours pacifique, sans animosité à l’égard de ses adversaires ; il était différent et il est devenu mon premier héros qui a déclenché en moi, cette volonté de me démarquer, renforcée ensuite par les vidéos d'Oasis ou les films sur T. Rex...

Cette chanson évoque en fait mon parcours et ce que je suis aujourd'hui à 37 ans

Vous saviez qu'il était bouddhiste ?

(Il rit) Non pas à huit ans, mais je l'ai appris récemment ; quelqu'un m'a d'ailleurs transmis un livre sur le bouddhisme que je vais m'empresser de lire pour en savoir un peu plus...

"Trouble Son" parle de votre jeunesse ?

Oui si l'on veut, mais tout le monde peut se reconnaître dans les paroles de cette chanson, qui évoque les années d'adolescence, lesquelles comportent souvent des moments plus difficiles...

Mais elles se réfèrent également à l’enfant unique que j’étais, très proche de sa mère, et incapable d'avoir une relation de longue durée dans laquelle très vite je deviens claustrophobe...

Asthme

Être asthmatique comme Iggy Pop vous a-t-il poussé à devenir musicien ?

J'ai écrit une chanson qui s'intitule "Inhaler" ! Mais bon, une rockstar ne souffre pas nécessairement d’asthme (rires). Il est vrai que lorsque je me sens oppressé j’ai envie de crier, de chanter, de me libérer...

Vous citez souvent T. Rex, The Jam et Paul Weller parmi vos influences. Vous n’oubliez pas les Yardbirds ?

J'adore ! Et c'est vrai que j'oublie souvent de les citer ; Jeff Beck reste un de mes guitaristes favoris

Vos chansons sont très pop et accrocheuses comme celle de Supergrass à l'époque…

Merci ! C'est exact qu'il s'agit d'un groupe que j'aime et que j'écoute encore souvent... C'est d'ailleurs ce que je vais faire après cette interview

Et pas les Pixies ?

Je ne connais pas trop. Disons que je suis resté très insulaire, très british pop des années 90.

Votre guitare sonne un peu comme celle de Johnny Marr...

Que je vénère, j'accepte le compliment. Mais je suis un grand fan de Link Wray, un guitariste des années cinquante, le premier à maîtriser la distorsion et le larsen.

"Never Take Me Alive" évoque d'ailleurs le rock des débuts fifties…

C'était le but. Je suis admiratif de cette période où tout était simple, condensé et sans fioriture à l'image du jeu d'un guitariste comme Dick Dale, inventeur du surf rock ; le genre de musique que Tarantino utilise dans tous ses films. Je voulais éviter les violons, le piano, un décor sonore élaboré pour en revenir à l'essence même du rock, de son début... Des morceaux qui seraient des hymnes.

Simples et courts ?

Exactement. De trois minutes au maximum. Je souhaitais composer des titres spontanés et honnêtes, réalistes. D'ailleurs, cet album de 11 chansons dure à peine une demi-heure !

On sent que pour vous l'image est importante... Vous êtes toujours bien habillé…

A la ‘mod’

Oui, cela fait partie intégrante de ma personnalité. J'ai toujours aimé les beaux vêtements. Être bien habillé. Même lorsque je traînais chez ma mère. De changer de style en fonction des jours voire des heures. Là, je porte un costume, mais je peux très bien m'habiller à la manière de Marc Bolan de T. Rex et mettre de l’eye-liner. C'est aussi très liverpuldien, où la moindre racaille se sapera comme un prince…

Vous ressemblez à un mod de la période "Quadrophonia"...

Je suis un mod, qui vit au 21e siècle, et il est vrai que ma musique se réfère aussi beaucoup à cette période des années soixante. L'époque justement des Yardbirds, des Kinks et des Beatles...

Pouvez-vous expliquer ce qu'est le Merseybeat ?

C'est un truc que tous les rockers de Liverpool possèdent, qu'il s'agisse d'Echo and the Bunnymen, The Coral, Ian Broudie ou moi-même, et qui fait partie intégrante de notre âme ; un certain sens du rythme ou de la mélodie spécifique se référant au fleuve qui arrose Liverpool. Cela tient sans doute à la qualité de l'eau (rires)

Et qui n'aurait rien à voir avec les Beatles ?

Si, certainement, mais je crois que cet aspect leur préexistait, notamment chez Gerry and the Pacemakers dont Brian Epstein, le cinquième Beatles, a été le manager. Ils sont d'ailleurs les auteurs du "You'll Never Walk Alone", hymne des supporters de Liverpool... mais il est clair que les Beatles ont montré la voie...

J'ai lu d'ailleurs que supporter de Manchester United vous avez changé pour en devenir un des Reds de Liverpool...

Euh, oui, bon, j'étais jeune et mon père supportait Man U. Mais devenu adolescent, tous mes copains supportaient Liverpool, j'ai donc adopté leurs préférences... pour me faire adopter (il sourit).

On parlait des Beatles ; il y a quelques années. Vous avez composé en compagnie d'Andy Partridge de XTC, les héritiers des Beatles dans les années 80 qui ont totalement disparu...

Oui c'était dans le cadre de mon deuxième album solo. J'aimais beaucoup XTC pour leur sens pop et mélodique. Alors un jour, j'ai contacté Andy qui vit reclus dans son cabanon à Swindon. Il a bien voulu me recevoir et nous sommes rapidement devenus potes. Je m’y rendais une fois par semaine et nous avons écrit ensemble des morceaux incroyables sur mon deuxième album solo. Vous faites bien de m'en parler ; je vais le contacter tout de suite par mail pour voir comment il va.

Vous avez vécu à Los Angeles entre 2015 et 2019. Aviez-vous besoin de revenir en Angleterre pour retrouver l'inspiration ?

Il y a de cela. Je me suis bien amusé à L.A. J'habitais à côté de la maison d’Alex Turner avec qui j'ai formé The Last Shadow Puppets. Mais après un moment, mes amis, mon management mes musiciens tout cela me manquait... même la pluie (il rit) ! Je me sentais perdu.

Non sans rire, je crois que l'ambiance particulière et la ‘british pop’ telle que je la pratique me manquait et j'avais besoin de revenir à Londres pour me ressourcer.

Alex Turner des Artic Monkeys vit toujours là-bas ?

Il est plus malin : il est toujours entre Londres et Los Angeles... (rires)

Et quelque chose est-il bientôt prévu avec lui au sein de The Last Shadow Puppets ?

Pas dans l'immédiat, car je suis fort occupé par la promo de mon nouvel album et Alex par la tournée mondiale des Artic Monkeys.

Donc, il n'y a rien de prévu pour l'instant ; bref, les Shadow Puppets sont vraiment… à l'ombre (il rit) …

 

Miles Kane : "One Man Band" (Virgin) sortie le 4 août 2023

 

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