Le premier album de Nick, "First offense", date de 1999. Depuis il a commis cinq autres opus. Moss a même fait fort ; puisqu’il est parvenu à sortir, le même jour, quatre elpees pour son label Blue Bella. Quatre disques pour lesquels il a participé. Aussi bien comme musicien que comme producteur. Flanqué des Flip Tops, formation qu'il dirige depuis quelques années, il a concocté un double cd. Un ensemble qu’il dirige depuis avec beaucoup de cœur, de compétence et de réussite. Pour la circonstance, il est donc soutenu par le pianiste Willie Oshawny, le batteur Bob "Cartello" Carter et son homme à tout faire, Gerry ‘The utility man’ Hundt. Sans oublier sa douce compagne Kate. Elle se réserve sporadiquement la basse ; mais a quand même réalisé la luxueuse pochette qui habille la double plaque.
A l’âge de 20 ans, le prometteur Nick sévissait comme bassiste au sein du Jimmy Dawkins Band. Un an plus tard, il remplaçait Calvin ‘Fuzz’ Jones (un ancien partenaire de Muddy Waters) chez le Legendary Blues Band. Il tournera 3 ans en compagnie du Jimmy Rogers Band, avant de fonder ses Flip Tops. Ce nouveau projet est aussi le plus ambitieux. Le ‘Program one’ se consacre au blues électrique. Le ‘Program Two’ réunit des plages essentiellement acoustiques.
Le premier volume s’ouvre par "Late night saint". La guitare rythmique balise parfaitement cette compo. Elle est dévolue à l'invité d'honneur, Eddie Taylor Jr. Oui, oui, le fils du ‘bad boy’, gratteur officiel de Jimmy Reed. Ce riff récurrent devient même hypnotique. Le refrain est repris en chœur par l'ensemble des musiciens. Le son semble avoir été pris ‘live’ en studio. Le tempo est rapide. Nick chante d’un timbre rugueux son "You make me so angry". Eddie Jr est le premier à se libérer sur les cordes ; il est bientôt talonné suivi par Nick qui lâche tout ce qu'il a dans les tripes ; et lorsque le père Moss est lancé, il est difficile de l’arrêter. Le "Woman don't lie" de Luther ‘Snakeboy’ Johnson trempe bien dans le funk. La voix de Nick est convaincante, pendant que sa douce Kate se réserve les cordes rythmiques. Moss nous rappelle qu'il a régulièrement secondé le grand Jimmy Dawkins, dans le passé. Il se révèle ici aussi éclatant qu’excellent! Nick est très inspiré par le divin Dawkins. Faut dire qu’au sommet de son art, le natif de Tchula, dans le Mississippi, était sans aucun doute un des plus brillants guitaristes. Et il nous le démontre à nouveau tout au long du remarquable "Mistakes from the past". Saturées, ses cordes répondent au chant par des courtes phrases bien acérées. L’orgue de Willie nappe le tout lors de ce Chicago westside blues époustouflant. A couper le souffle ! "Bad avenue" est issu de la plume d’un autre habitué du quartier Ouest : Lefty Dizz. La version des Flip Tops est échevelée. Nick plaque sèchement les accords rythmiques. Il manifeste une agressivité inhabituelle. Sa voix est plus ténébreuse que jamais. C’est bien un blues du début de ce XXIème siècle. Moss libère ses cordes avec une violence inouïe, mais il parvient néanmoins à maîtriser son sujet. Son assurance mérite le respect. Il réussit même, au détour, à lancer un clin d'œil complice à Magic Sam Maghett. Du blues 5 étoiles ! "Lyin' for profit" est un shuffle puissant. Nick shoute ses vocaux. Implacable, la rythmique évolue dans un registre proche des Teardorps de Magic Slim. De ses cordes il nous retrace le who's who des gratteurs noirs issus des seventies. Nick Moss a manifestement tout misé sur ce « Program One ». "Woman's holler" est un Chicago blues inventif et respectueux. Piano Willie prend un billet de sortie, tandis que la section rythmique scelle en puissance les fondements de ce blues sans concession. Le "Rising wind" de Floyd Jones est un blues lent empreint d’une grande sensibilité. Nick manifeste toute sa versatilité à l'harmonica tandis que Taylor Jr assure les cordes. Blues décontracté, "My love is like a fire" est imprimé sur un mid tempo, proche de Jimmy Reed. Complice inspiré, le piano entretient une intimité déconcertante. Moss empoigne une dernière fois l'harmonica et souffle comme Big Walter sur "Peculiar feeling". Les musiciens nous donnent le tournis. Oshwny passe à la guitare et Hundt l'harmonica pour "Too many miles", une plage abordée dans l'esprit de Muddy Waters. Et enfin, Gerry se réserve les cordes et Willie glisse à la basse lors de l’instrumental "The rump bump", la finale secouée de ‘Program One’. Brillant!
Je ne m’épancherai pas trop sur ‘Programm two’, dont les compos sont quasi unplugged ; cependant, toutes ces plages évoluent à un excellent niveau. Depuis un "You've got the devil inside" à l'énergie débridée, au bien rythmé "I'll be straight on you", au cours duquel piano et harmo sont à la fête. Moss amplifie sa slide pour aborder "Another life is gone" et "Married woman blues", de vibrants hommages à Muddy Waters. Et "It's written in the bible" est de la même trempe. Dernière plage amplifiée, "Wild imagination" surprend par son jump bien frais. Le piano semble servir de ligne de conduite. Willie O'Shawny est le responsable de ces interventions empreintes d’émotion. Plusieurs plages sont consacrées à des duos intimistes. Tout d’abord l’instrumental "Fille r up". Moss à la sèche et Hundt à l’harmo s’y partagent l’espace sonore. Tout comme pour "Crazy mixed up baby '07". Mais respectivement à la guitare et à la mandoline. En outre, le tandem conjugue ses vocaux lors du gospel traditionnel "I shall not be moved". Enfin, Nick est soutenu par les ivoires de Barrelhouse Chuck pour "Got my mail today". Vu l’imagination de leurs créateurs, cette fresque de blues contemporain constitue un exercice de style passionnant. Un projet dédié à Muddy Doggers, le chien de la famille Moss qui a égayé leur vie durant ces huit dernières années.