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RIVE

L’objectif du couple est de créer une relation dans laquelle chacun peut s’épanouir tout en permettant à l’autre de garder une certaine forme de liberté…

Écrit par

Deux albums encensés par la critique, des clips léchés, une esthétique soignée, un duo sexué et une pop organique envoûtante. Ce sont quelques superlatifs résumant parfaitement la culture de ce binôme convaincu et convaincant.

Derrière cet idiome, se cachent Juliette Bossé, féministe assumée, et Kévin Brieuc, le rêveur mélomane. Ils sont issus de Bruxelles et sont venus défendre les couleurs de « Collision », un prétexte pour se plonger dans les entrailles d’une rencontre amoureuse passée, le besoin de liberté et l’évolution de chacun des protagonistes, sous un angle lumineux et plein d’espoir. Un conte chanté entre rêve et réalité…

Sans doute, faut-il y déceler un enjeu féministe de taille, l’objectif de la demoiselle étant de retrouver sa place dans la société et de faire écho auprès de toutes celles qui vivent une situation identique.

Bénéficiant d’une production musicale audacieuse, grandiloquente, mais orchestralement portée par une émulsion artistique spectaculaire, la musique de RIVE s’inscrit dans l’air du temps en abordant des thématiques universelles et intemporelles.

Pour ce second elpee, RIVE change de ton et gagne encore en crédibilité tout en s’imposant de plus en plus comme une valeur sûre de la scène francophone.

Juliette et Kévin se dévoilent en toute intimité au travers un jeu de questions/réponses.

Le fil rouge de votre nouvel opus, « Collision » raconte l’histoire d’une relation amoureuse passée, le besoin de liberté et l’évolution de chaque individu. Alors qu’il est difficile de parler d’une liaison qui est terminée, vous avez réussi de la traduire en disque plutôt lumineux et plein d’espoir. Comment avez-vous abordé l’angle créatif ?

Juliette : Je suis contente de t’entendre dire que cet album est lumineux. Il était important pour Kévin et moi de conserver cet aspect lumineux dans notre musique. En réalité, il a été conçu en deux temps. J’ai rompu durant la période de confinement. Nous disposions de chansons très intimes liées à ce que je vivais personnellement et plus généralement au contexte global. Je me suis reconstruite ensuite petit à petit. « Rêver grand » et « « Sole rosse », par exemple, ont été écrits durant cette seconde phase, alors que des ballades telles que « Polaroid » avec Sofiane Pamart ou « Manque moi » font écho à la tristesse profonde que j’éprouvais. Le disque reflète donc ces deux atmosphères.

Avez-vous travaillé de la même manière que sur « Narcose » ?

J : Non, à l’époque, j’étais davantage dans la composition. Kévin s’est chargé ici de la production des musiques.

Nous vivions en colocation. Lorsqu’il me proposait des compos, il devinait immédiatement mon état d’esprit. Il existait une vraie interaction. Lorsque nous étions sur la même longueur d’onde, je posais des mélodies de voix et des paroles. Par rapport au premier album, l’approche était donc différente.

Kévin : Sur le premier, Juliette se chargeait des accords de guitare et de piano. Les arrangements étaient réalisés ensemble. Lorsque nous avons commencé à construire ce nouvel album, Juliette n’était pas au mieux de sa forme, alors je me suis consacré à la production. Je lui proposais des idées et nous discutions quant à l’opportunité de les garder ou non. Elle avait ensuite carte blanche pour les voix et mélodies de voix. C’est de cette façon que « Collision » est né.

J : Kévin et moi avons toujours eu recours à ce type de collaboration, que ce soit sur les paroles ou la musique d’ailleurs.
K : Lorsque ton morceau n’est qu’instrumental, tu peux le faire claquer. Ce n’est pas un problème. Mais lorsque la voix s’y pose, tu es obligé de le faire évoluer différemment, une adaptation s’impose.

Juliette, à l’écoute de tes chansons, je déduis que les échecs amoureux transportent autant que les réussites, voire plus. Est-ce la réalité ?

J : Tout dépend des personnes ! En ce qui me concerne, j’étais tellement triste que je ne pouvais écrire que sur cette thématique. En même temps, il était difficile d’imposer à Kévin des textes liés à des chansons d’amour. Mais, j’étais vraiment dans cet état d’esprit. Comme je l’ai abordé tantôt, j’ai vécu cette phase obligée de reconstruction, raison pour laquelle le disque contient des plages comme « Rêver grand » qui aborde l’ambition et le fait de vivre ses rêves. Oui, effectivement, le chagrin rend créatif, je dirais qu’il s’agit d’une obligation, d’une urgence. C’est ‘cliché’, mais je crois qu’objectivement, transformer ce chagrin en musique a été salvateur et révélateur.

Au fil des compositions, tu sembles partagée entre l’envie de poursuivre cette relation amoureuse ou retrouver ta liberté. Y a-t-il une résolution féministe dans cette décision ?

J : Totalement ! Parfois, nous vivons des relations qui ne nous conviennent pas. Mais aussi, au sein desquelles on peut être hyper amoureux. D’un côté, ces relations rendent malheureux, alors que de l’autre on a envie de vivre intensément cette passion amoureuse. En filigrane, se pose alors la question de cette liberté. Les chansons abordent cette émancipation, cette lutte permanente entre cet amour tout puissant, la souffrance et cette envie de retrouver cette liberté perdue.
En ce qui me concerne, je l’ai enfin retrouvée. Lorsqu’une relation ne fonctionne plus, il faut fuir. C’est difficile, mais il faut trouver la force et le courage de le faire.

Fusionnel ou très indépendant, chaque couple a sa propre notion de la liberté, finalement. J’estime qu’il est difficile, voire malaisé d’établir une norme dans le fonctionnement d’un couple…

J : Je vivais avec une personne très différente de moi. Nous nous étions enfermés dans une relation assez toxique. La seule issue est alors de la fuir. L’objectif du couple est de créer une relation dans laquelle chacun peut s’épanouir tout en permettant à l’autre de garder une certaine forme de liberté. Construire un couple dans lequel les deux individus restent libres constitue pour moi la plus belle preuve d’amour.

La thématique des relations n’est pas neuve chez vous puisque « Fauve », un titre issu de votre opus précédent, traitait déjà du désir et de l’alchimie des corps qui s’étiole, même si l’amour perdure. Il est de coutume aujourd’hui que les artistes se dévoilent voire se mettent à nu. L’intime est-il politique et doit-il être dévoilé ?

J : Je le pense, effectivement ! Dans le milieu féministe, on dit souvent que l’intime est politique. En exprimant ce qui se passe au sein du couple, le rapport aux corps, la relation, l’amitié ou encore la famille, on touche aux dimensions universelles. A partir de là, on peut être à même de comprendre d’autres situations. L’intime est politique parce qu’il est universel effectivement ! Il faut en parler. C’est d’ailleurs le comportement adopté par de nombreuses féministes, en révélant les rouages de la sexualité. Ce sont des sujets qui concernent tout le monde.

En abordant des sujets aussi personnels, ne craigniez-vous pas que ce disque soit perçu comme très autobiographique ?

K : La voix à elle seule porte le message. Lorsque je compose un morceau en instrumental, l’émotion est créée par la musique. On est alors envahi de joie, de tristesse ou de nostalgie. Tout va passer par une série d’accords. Le chant appartient à l’intime parce qu’on va s’identifier à la chanteuse.
J : Kévin et moi sommes très proches. Il a toujours été très présent dans toutes les étapes que j’ai vécues. J’ai fait de même pour lui en ce qui concerne ses relations. Il est donc tout à fait naturel que Kévin partage musicalement cette intimité. Ce qui me touche, le touche aussi. On est suffisamment proches que pour porter à deux un projet aussi intime.

« Dictaphone » clôture l’album. L’histoire de ce titre est cocasse. Tu te trouves en Bretagne, il est six heures du mat et tu enregistres, sur ton dictaphone, les derniers moments d’une relation toxique en t’éloignant définitivement de la maison où tout s’est déroulé. Dans quel état d’esprit te situes-tu à ce moment très précis ? Le fait de pouvoir poser ces mots a-t-il été libérateur ?

J : Exactement ! Une rupture est forcément quelque chose de compliqué à gérer. C’est un moment de solitude extrême. Disposer d’un téléphone et lui parler était en quelque sorte une manière de communiquer avec la Juliette du futur. Une façon de me dire que je n’étais pas la seule. Je me suis permise d’exprimer mon départ, valise à la main par un beau matin glacial de Bretagne. Je crois que c’était une manière de conjurer ma solitude. J’ai souhaité poser ce message sur l’album parce qu’il colle parfaitement à l’histoire. Il s’agit d’un moment fort. Il faut y voir une délivrance. J’aurais été touchée si j’avais pu entendre quelqu’un s’exprimer de la sorte. Sans doute que ce message aurait fait écho en moi. On a tous vécu des tristesses amoureuses, des déceptions, des engueulades. Dans ces situations, on a tous l’impression d’être la personne la plus seule au monde.

Justement, vous avez commencé le concert par ce morceau. Est-ce une manière de boucler la boucle ?

J : Oui, évidemment ! J’adore la relation entre la tristesse de « Dictaphone », qui annonce le départ en plage de fin et « Rêver grand », en ouverture du disque. En concert, nous enchaînons les deux. On passe de la tristesse à la magnificence de la vie, l’espoir et l’ambition. Les deux titres vont très bien ensemble car ce sont des volets de la vie. D’un côté, celui de la joie, de l’émotion et du merveilleux et de l’autre de l’intime et de la souffrance. Ces émotions forment un joli panel d’extrêmes.

Ressasser les mêmes histoires à tout bout de champ, de concerts en concerts, ne risque-t-il pas de te cloisonner émotionnellement. Et si au lieu de tourner la page, tu la déchirais ?

J : La page est tournée et bien tournée ! Parfois, en concert, j’aime me replonger dans ces sentiments de l’époque, des sentiments forts, de tristesse et de joie intense issus d’une passion amoureuse. Le fait d’y retourner me rend vivante. Je suis parvenue à prendre du recul. Aujourd’hui, ce sont des chansons qui appartiennent aux gens. Je communique un message qui doit les toucher. Enfin, j’espère…

Sais-tu si la personne à qui tu t’adresses a écouté l’album et compris les messages qui lui étaient destinés ?

J : C’est le but ! Certaines chansons ont été écrites lorsque nous étions encore ensemble. Oui, effectivement, cette personne a écouté le disque et l’a même apprécié. Elle nous a félicité aussi pour le travail effectué. Aujourd’hui, c’est loin tout ça. Pour être franche, je ne crois pas que cet individu soit capable de livrer son intimité à l’heure où nous parlons. Qui sait dans 20 ans… Je suis en tout cas vaccinée contre les relations passionnelles. Cependant, je suis très heureuse de l’avoir vécue. Elle m’a fait rêver. Mais, en même temps, j’étais triste aussi. C’est très dangereux finalement parce que, selon moi, ce genre de relations peut mener à la mort de soi, voire la mort concrète. Il y a cette dualité extrême de joie et de tristesse. C’est également un apprentissage car on expérimente quelque chose de très intense. De l’exploration de soi et de jusqu’où on peut aller par amour pour quelqu’un. Le plus important reste de s’en sortir. Mais beaucoup de personnes n’y parviennent pas, malheureusement.

« Narcose », votre premier opus, baignait dans une veine électro. Ici, la ligne artistique diffère puisque « Collision » met davantage l’accent sur le côté organique. En opérant ce choix, n’y avait pas un risque d’altérer la nature même de RIVE ?

K : Ce n’est pas par dépit que nous avons opéré ce choix. C’est délibéré. Comme nous avons débuté l’écriture de l’album durant le confinement, nous recherchions des instrumentaux un peu plus sensibles. Pour y parvenir, le piano a été un allié de taille. Il est devenu un fidèle compagnon de choix, de vie et de route durant tout le processus de création. Il correspondait aussi avec l’état d’esprit dans lequel Juliette se trouvait à ce moment-là. On a voulu garder cette atmosphère organique, l’orchestration, l’ambiance du piano et du violon. Des compos comme « Obsession » ou « Orage » baignent plutôt dans cette veine néo-classique. Le côté électro est effectivement moins présent comparativement à notre premier opus. En tout cas, on y a recours de manière plus sensible et plus subtile.
J : On aime bien explorer et changer de direction. C’est un exercice que l’on pourrait réitérer à l’avenir. On ne voulait pas faire la même chose.
K : Oui, nous nous refusions à un bis repetita. Nous voulions surprendre, même en ce qui concerne les textes. Ici, ils sont moins imagés, la musique n’a donc pas besoin d’artifices. On a davantage misé sur l’intime et les messages véhiculés.

Oui, effectivement les textes sont plus que jamais ciselés et mettent en exergue la justesse du propos. Faire passer autant d’émotion aurait été plus compliqué dans une autre langue ?

J : Nous ne sommes pas fermés à l’écriture d’une chanson en anglais dans le futur. Le français est la langue dans laquelle je m’exprime le plus. Avant ce projet, nous avions un projet rock dans lequel l’anglais primait. Depuis que nous chantons dans la langue de Voltaire, nous n’avons jamais autant voyagé. Le réseau de la francophonie est assez développé. Paradoxalement, en Chine ou au Brésil par exemple, il existe un vrai public pour la chanson française. Il y une forme d’aura autour de ce style musical.

RIVE, c’est évidemment la musique, une prose poétique, mais aussi une esthétique et une culture à l’image très imprégnée, notamment à travers ce nouvel artwork (NDR : réalisé par Laetitia Bica) qui montre le reflet transformé de ton visage. Référence à cette transformation où on se découvre soi-même ?

J : L’album s’intitule « Collision ». La collision peut naître de l’affrontement vécu dans une relation difficile avec quelqu’un de très différent. Ce genre de relations nous oblige aussi à nous confronter avec d’autres facettes de nous-mêmes. On peut évidemment entrer en collision avec soi. C’est l’image reproduite par la pochette. Le reflet renvoie une photographie différente, un peu difforme, celle d’une femme qui a changé à la suite de cette expérience. Celle d’une femme qui se redécouvre en quelque sorte.

Temple Caché à qui vous aviez fait appel dans le passé, notamment pour « Vogue », « Justice » et « Fauve », a de nouveau participé à cet elpee.

J : Oui, effectivement. Nous avons une confiance totale en Temple Caché. Nous avons beaucoup bossé avec cette équipe. On adore leur univers magique qui fait rêver. Nous sommes très contents d’avoir pu collaborer à nouveau avec eux et plus particulièrement la réalisatrice Clara Liu.
K : Cette collaboration permet de créer un lien entre les deux albums. « Narcose » date de 2019. Quelque temps après, nous avons été touchés de plein fouet par la COVID et ses périodes successives de confinements. Temple Caché a donc créé cette passerelle pour le retour de RIVE. Nous avions besoin d’un visuel fort.
J : Nous avons aussi reçu le concours d’autres artistes, dont Super Tchip pour le clip « A-m-o-u-r » ou encore Jean Forest pour « Obsession ». Nous sommes impatients d’en découvrir d’autres et il n’y a aucune raison d’agir autrement si l’occasion devait se représenter.

Lors de vos tournées précédentes, vous vous produisiez à deux sur scène. Un troisième vous a rejoint ; il se charge du piano et de la basse. On en a parlé tantôt, cet LP est davantage organique, alors que le précédent était davantage focalisé sur les arrangements. Entre production et émotion, où se situe le juste milieu ?

K : Les arrangements étaient nettement plus présents sur le premier album parce qu’il revêtait un caractère nettement plus instinctif. Nous nous étions présentés à un concours avec trois titres et nous l’avons gagné. Au départ, nous devions tenir vingt à trente minutes sur scène pour basculer ensuite à soixante. Nous avons donc conçu ce disque en fonction de celles et ceux qui en voulaient toujours plus. Il a été réalisé de manière progressive et instinctive. Il en résulte un produit fignolé, mais avec des choses qui partent dans tous les sens. La musique prenant l’ascendant, la voix importait moins, raison pour laquelle elle était plus imagée.

Puisqu’on parle de concours, quelques années plus tôt, avant de participer à ‘Du F. dans le texte’ vous déclariez n’avoir aucune dynamique de travail particulière et de prendre les choses comme elles venaient. Comment abordez-vous aujourd’hui votre travail ?

J : Nous bossons tranquillement depuis la maison. Le travail de production est réalisé via nos ordinateurs et le piano sur place. J’enregistre les voix chez moi. La colocation facilite les opérations. Le mix, quant à lui, est réalisé en studio. C’est notre manière de fonctionner. Pour le live, nous participons à pas mal de résidences, ce qui nous permet de travailler en profondeur et de préparer la scène.

Vous avez reçu le concours du pianiste Sofiane Pamart et de la chanteuse suisse Sandor, pour enregistrer ce long playing. Vous les aviez rencontrés auparavant ?

J : Nous avions croisé Sofiane au Canada, à Québec plus précisément, où nous avons fait un gros plateau. Le courant est relativement bien passé. J’ai collaboré avec lui et Scylla sur l’album « Pleine Lune 2 ». Par la suite, je l’ai sollicité afin qu’il me propose un morceau au piano ; j’y ai ajouté une mélodie de voix et des paroles.
Quant à Sandor, nous nous sommes rencontrés à Québec, en Suisse et en France. Nous nous intéressions à son parcours. Et c’était réciproque. Comme on se voyait très peu, les réseaux sociaux restaient notre meilleur allié pour communiquer. Nous avons ensuite composé un morceau ensemble. Cette artiste est mon alter ego suisse. Nous avons une trajectoire parallèle. Je suis très contente d’avoir pu échanger avec elle.

« Collission » a été mixé par Lionel Capouillez (Stromae). Pourquoi l’avoir choisi précisément et quelle est la plus-value apportée ?

K : Notre album était déjà produit à la maison. Nous voulions que Lionel puisse faire ressortir la voix un maximum et que la musique reste un support. Nous souhaitions un travail différent du premier album. Nous avions cette volonté d’expérimenter un autre créneau.
J : Oui, c’est exact ! La priorité était de faire un gros travail sur la voix afin de la rendre dynamique. Lionel Capouillez est un mec très sympa et très efficace.

Vous faites de la musique ensemble. Vous vivez toujours en colocation. L’un de vous a-t-il un ascendant sur l’autre ? J’imagine que garder l’église au milieu du village, pour reprendre une expression populaire, ne doit pas être facile au quotidien…

J : Comme dans toutes les relations de couple, de famille ou d’amis, il y a forcément des moments où c’est orageux. Nous nous connaissons parfaitement et nous communiquons beaucoup. On rigole pas mal aussi. On se permet de dire les choses voilà tout.

K : Justement, on peut se permettre d’être très transparents parce que nous sommes des amis avant tout. Si cette amitié n’existait pas, on ne se dirait rien.
J : J’ai aussi un chat qui s’appelle « Bisous » (rire)

Juliette, dis-moi, as-tu enfin trouvé la paix intérieure aujourd’hui ?

J : Cette histoire a pris fin il y a deux ans déjà. La période de reconstruction qui s’en est suivie a été longue. J’ai appris énormément. J’ai également engagé un travail thérapeutique par le biais d’une professionnelle. Comme tout était détruit en moi, le fait de consulter m’a considérablement aidée. Aujourd’hui, je suis très heureuse d’être sur scène et de pouvoir me produire en concert. On s’en sort toujours en construisant des relations plus belles. C’est la morale de toute cette histoire. Et je ne regrette rien.

Et si la vraie thérapie résidait avant tout de la musique ?

J : C’est un mix des deux. La musique m’a aidé, mais le soutien de cette thérapeute a été également salvateur…

SOROR

Vaut le détour !

Écrit par

Ce jeudi 21 septembre 2023, c’est la ‘release party’ de SOROR, une formation bruxelloise née de la rencontre entre Sophie Chiaramonte et Alice Ably. La première, passionnée de rock, se charge de la basse. La seconde, chanteuse, bercée au trip-hop et r&b des années 90, vient d’avoir un bébé. Ce qui explique le titre de l’album, « New born ». Depuis 5 ans, à l’instar de Julie Rens et Sasha Vonk chez Juicy, elles sont devenues inséparables, voire fusionnelles.

SOROR signifie sœur en latin. Il ne s’agit cependant pas d’un duo, mais d’un quatuor, puisqu’il implique le batteur Théo Lanau (NDR : issu de la scène jazz, il a milité, notamment, au sein de Limite, Le Bal de Marie Galante, Amaury Faye Trio, Terpsichore, Mobilhome, Pétrole et Omega Impact) et le guitariste Thibaut Lambrechts. Mais ce sont les filles qui dirigent la manœuvre ; elles reconnaissent d’ailleurs être féministes, mais sans tomber dans le radicalisme.   

Fondé en 2020, Warm Exit assure le supporting act. C’est également un quartet réunissant le bassiste/chanteur Max Poelmann, le drummer Martin Tafani, le préposé au synthé Joris Vanshoren et le guitariste/chanteur Valentino Sacchi. A son actif, un Ep éponyme (4 plages) paru en 2023, et un single deux titres, « TV/Ultra Violence », en 2021. Un nouvel Ep (8 pistes) sort dans un mois, il s’intitulera « Ultra Violence ».

La Rotonde est déjà bien remplie lorsque l’autre formation bruxelloise grimpe sur les planches. Look à la Mountain Bike, cheveux au vent, Max est vêtu d’un short. A l’écoute de la musique de Warm Exit, on pense successivement à Wire, Crass, P.I.L., Nirvana et pour les plus contemporains à Pearl Jam, mais surtout au band canadien METZ ; et pour les combos belges le spectre des défunts Cocaïne Piss et Raketkanon se met parfois à planer. Outre le punk, le grunge, la noisy et l’indus, le groupe puise également ses références dans le krautrock pour concocter une expression sonore qu’on pourrait qualifier de virile, torturée et intense.  

La ligne de basse est entêtante, le drumming tribal, la sixcordes régulièrement discordante est parfois traversée de larsens. Le chant peut s’assimiler à des cris, être vocodé, devenir grave, passer au murmure, au gémissement ou se désarticuler. Excitant, le premier morceau, « Damages Become A Necessity » permet de pénétrer au sein de l’univers tourmenté de Warm Exit. La basse y est légèrement désaccordée, comme celle de Chris Slorach, du groupe torontois susvisé. A ce moment précis, on a même l’impression d’entrer dans un macrocosme industriel. « Become The Butcher » est aussi tranchant. La guitare devient littéralement incendiaire pendant « Concrete Fascination ». Les morceaux sont, en général brefs et rapides.

Un set aussi sauvage qu’accrocheur !

Setlist : « Damages Become A Necessity », « Become The Butcher », « Positive Anxiety », « Concrete Fascination », « Too Many Faces », « Extraordinary Murders », « Ultra Violence », « Auto-Destruction ».

Lorsque SOROR monte sur les planches, la Rotonde est bondée. Le set s’ouvre par « Sister », un extrait du premier Ep (NDR : un éponyme) paru en 2021. La batterie est puissante et tranchante, la ligne de basse omniprésente et la voix d’Alice, habitée, atmosphérique, incantatoire. Campant un hybride entre Beth Gibbons (Portishead), P.J. Harvey, Siouxsie et Björk, elle prend directement aux tripes. Quelquefois, Sophie vient également l’appuyer de la sienne, nous réservant alors de superbes harmonies. Huileuse, subtile, la guitare monte progressivement en puissance. Organique, le son définit la ligne de conduite du groupe. Quant à la musique, bien que fondamentalement rock, elle est pimentée de de saveurs psychédéliques contemporaines, de nuances trip hop et d’accents r&b circa 90’s.

Les compos sont profondes, sombres et mélancoliques. Dispensées par petites doses, les interventions des claviers peuvent se muer en sonorités vintage, très sixties, comme celles d’un orgue Hammond. La section rythmique est parfaitement en phase.

Poursuivie par des percus percutantes, la basse attaque de manière frontale « System Is A Lie ». Les textes sont engagés. Ainsi cette chanson accuse les gouvernements de nos sociétés d’afficher une vision démocratique alors qu’en réalité, elle est oppressive. « Shadow Of A Doubt » invite à ne pas retourner dans le passé, mais plutôt de foncer vers l’avenir. La voix d’Alice devient alors caustique pendant que son corps ondule et se trémousse sous le light show de couleur rouge, nous plongeant au sein d’une ambiance mystérieuse et un peu démoniaque…

« Bohemian Paradise » c’est l’histoire du road trip d’un gitan qui part de Bruxelles, traverse les pays de l’Est et atteint ‘Le paradis de Bohême’ une région de moyenne montagne située au nord de la Tchéquie, sur le cours moyen de la Jizera. Il est particulièrement renommé pour ses villes de rochers en grès. Le séjour y est presque idyllique, mais lors du retour, le voyageur transite par Berlin et le périple s’achève en cauchemar. Ce morceau hypnotique et langoureux baigne au cœur d’un climat plus psyché. Groovy et lancinante, la ligne de basse est rappelée à l’ordre par les guitares effilées. La voix devient envoûtante et le drumming tribal (NDR : le clip vidéo de ce titre est disponible ). 

En écoutant attentivement « Humdrum Route », un extrait du premier Ep, on a parfois l’impression de se retrouver lors d’un concert de Siouxsie & The Banshees, lorsque Robert Smith y militait encore à la guitare. C’était en 1979 ! A d’autres moments, la six cordes libère des sonorités réverbérées, surf même. « Wish » est dispensé dans une version acoustique. Conquise, la foule écoute le morceau religieusement.

SOROR accordera « Copy Of You » en rappel. Un chouette concert pour un groupe qui mérite manifestement qu’on s’y intéresse. Enfin, si vous avez l’opportunité d’assister à sa prestation en ‘live’, n’hésitez pas, elle en vaut le détour !

Setlist : « Sister », « System Is A Lie », « Shadow Of A Doubt », « Bohemian Paradise », « Humdrum Route », « New Born », « Wish », « The Only Way Out », « Wash Bleeding ».

Rappel : « Copy Of You ».

(Organisation : Botanique)

Califone

Villagers

Écrit par

25 ans de carrière déjà pour Califone, la protéiforme formation emmenée par l’ex-Red Red Meat, Tim Rutili. Son rock expérimental rayonne depuis plus de 2 décennies, de Chicago à Los Angeles, et revêt des habits particulièrement accessibles sur cette nouvelle œuvre mêlant habilement power-pop (« McMansions »), folk (« Villagers », « Skuknkish ») ou r’n’b mutant à la Lambchop (« Eyelash »). Un mix charmant et mélancolique, d’apparence simple mais d’une réelle complexité sonore, bercée par la voix chaude de Rutili. Une belle porte d’entrée dans un univers unique qui pourrait s’ouvrir à un large public…

Dead Soul Revival

Ignite

Écrit par

Formé par les natifs de Los Angeles, Matt Clark (chant/guitares), Scott Freak (batterie) et Kendall Clark (basse), Dead Soul Revival a acquis une certaine notoriété après avoir participé à la B.O. de la célèbre série américaine ‘The Big Bang Theory’ pour son titre « Into A Hole ». Le band nous propose un heavy rock alternatif, mais en général accessible et adapté à la bande FM.

Premier elpee de la formation, « Ignite » déborde d’énergie et d’urgence. En 12 titres, le groupe montre clairement qu'il a une vision unique du style à travers des refrains accrocheurs et une production impeccable.

L'album démarre par une reprise puissante du « The Hand That Feeds » de Nine Inch Nails. Véritable brûlot, mais entraînant, « Black Roses » véhicule des accents pop, les guitares et les ivoires s'intègrant parfaitement dans l'ensemble.

« Let It Ride » constitue une pièce essentielle de cet opus. Un rock qui groove grave. Un solo classique de sixcordes communique de la douceur à « Nothing Left », un morceau inspiré par la pandémie et les sentiments de frustration qu’elle a suscités chez beaucoup d’entre nous.

Hymnique, « Monsters In My Head » est destiné aux grandes salles et aux stades.

Dead Soul Revival mêle volontiers les genres. Ainsi, du rap s’immisce dans les lignes vocales de « In This Moment », alors que la mélodie est bien mise en exergue par le clavier.  

Dans l’esprit d’un Bring Me The Hrizon, « Still Frames » se nourrit davantage d’électronique.

« Breathe » déclenche une urgence rythmique. « In The Meantime » est une adaptation d’un classique de Spacehog, un groupe de glam/rock alternatif américano-britannique (NDR : les musicos sont originaires de New York et Leeds) qui ont sévi de 1994 à 2002 avant de se reformer en 2008.

« Down For The Last Time » s’intéresse aux excès du rock n'roll.

L'album s’achève par des versions acoustiques de « Black Roses » et de « Breathe ». Plus douces et plus cool, elles permettent de démontrer le large potentiel offert par Dead Soul Revival en termes de savoir-faire et de composition.

Maita

Loneliness

Écrit par

Originaire de Portland, dans l’Oregon, Maita c’est le projet de », Maria Maita-Keppeler. Un an après avoir publié son elpee « I Want To Be Wild For You », elle a décidé de dépouiller ses morceaux de tous leurs artifices afin de les réenregistrer sous forme acoustique. Elle ne fait d’ailleurs pas les choses à moitié puisque d’un pop-rock énergique et efficace, la songwritrice est passée à un folk minimaliste. Impossible de tricher en se cachant derrière des effets ou autres nappes d’instruments. Accompagnée simplement de sa sèche, elle pose sa voix avec subtilité et délicatesse. Le résultat est bluffant. Du premier au dernier morceau, Maita parvient à nous transporter. « Loneliness » permet ainsi de dévoiler une artiste complète que l’on suivra de près au cours des prochaines années…

Arlo Parks

On en aurait voulu davantage…

Écrit par

Anaïs Oluwatoyin Estelle Marinho, aka Arlo Parks, a grandi à Hammersmith, dans l'ouest de Londres. Ses origines sont pourtant nigérianes, tchadiennes et françaises. Née à Paris, sa mère lui appris à parler le français avant l’anglais. Enfant, elle écrit des nouvelles où elle imagine des mondes fantastiques, puis commence à écrire son journal intime et à s'intéresser à la poésie orale. Elle lit et aime interpréter les textes de poètes américains comme Allen Ginsberg, Chet Baker ou Jim Morrison. Elle avait l’intention d’étudier la littérature anglaise à l’université, mais c’est la musique qui l’a conquise. Son dernier elpee, « My soft machine », est paru en mai dernier. Elle se produisait ce vendredi 15 septembre à l’Ancienne Belgique, et le concert est sold out.

Le supporting act est assuré par Vagabon, une amie d’Arlo. Elles voyagent d’ailleurs dans le même bus pour cette tournée. En arrivant à 19h30, votre serviteur constate que le balcon est occupé par une majorité de quinquas et de quadras alors que la fosse réunit un public plus jeune…

D’origine camerounaise, Laetitia Tamko, aka Vagabon, est une auteure-compositrice-interprète établie à New York. Pour enregistrer son dernier opus, « Sorry I Haven’t Called », qui sort demain, elle a reçu le concours de l’ex-Vampire Weekend, Rostam Batmanglij ; ce qui lui a permis d’approfondir le processus d'écriture et d'enregistrement. C’est cet LP, au cours duquel elle est en recherche perpétuelle du bonheur, qu’elle va défendre, ce soir. Elle y tisse des chansons authentiques et vulnérables qui ne peuvent être amplifiées que par ses performances en ‘live’…

Elle est seule sur le podium et se sert d’un synthé, de samples (NDR : même les percus et la ligne de basse sont échantillonnés) et, à une seule reprise, d’une guitare. Elle est vêtue de rouge. Ses cheveux sont frisés en couettes. Derrière elle, dans la pénombre, on remarque la présence d’un miroir qui permet de la découvrir de dos.

Le set s’ouvre par « Do Your Worst », une compo au cours de laquelle elle demande des comptes à un partenaire un peu mou.

Caractérisé par sa superbe harmonie vocale, la chanson, plutôt cool, s’achève dans une forme de r&b classieux. « You Know How » invite la jeunesse sur le dancefloor. Tout comme l’entraînant et épatant « Lexicon ». Pas de trace cependant du sautillant et printanier, « Can I Talk My Shit ? » …

Setlist : « Do Your Worst, « Every Woman », « Lexicon », « Autobahn », « Water Me Down », « Made Out with Your Best Friend », « Carpenter »

A 21h00 pile, la lumière de la salle principale s'éteint une seconde fois, puis une vidéo est projetée alors que les musicos grimpent sur le podium. Soit un bassiste, une claviériste, un guitariste/claviériste et un drummer, qui s’installent chacun sur une estrade. Arlo dispose des ¾ de la scène pour se déhancher, déambuler ou bondir.

Coupés à la brosse, ses cheveux sont teintés de couleur orange. Chaussées de baskets blanches, elle a enfilé un tee-shirt mauve sur un pantacourt à pattes d’éph’ flottantes…

« Bruiseless » entame le show. La voix d’Arlo est suave, douce et chaleureuse. Paisible en version studio, le titre devient nerveux en ‘live’. Très relax, elle interagit régulièrement mais timidement et pudiquement avec le public. Lorsqu’elle susurre ses mots, on doit tendre l’oreille. Mais lorsqu’elle chante, sa voix prend une autre dimension.

Quand elle entame « Blades », des applaudissements enthousiastes se répandent dans la salle. Manifestement, elle bénéficie d’un a priori favorable de la part de l’auditoire. Certaines compos véhiculent des accents légèrement psychédéliques ou funky, ce qui s'avère être l'une de ses forces sur les planches. Les musicos affichent une parfaite cohésion. Le guitariste et le bassiste troquent régulièrement leurs instruments. Mais parfois, l’instrumentation menace de noyer le chant, même si ce déséquilibre correspond également à l’atmosphère du concert. Pendant « Caroline », on a l'impression de flotter à quelques centimètres au-dessus du sol, mais « Impurities » nous remet les pieds sur terre, avant que des sonorités électroniques, qui semblent venir d'un autre univers, émergent, mais sans perdre la douceur et la familiarité que l'on associe à la chanteuse. Elle parvient à parfaitement coordonner les titres de ses deux elpees. Pendant « Eugene », les premiers rangs chantent à pleins poumons, tandis que le reste du public paraît enchanté par la jeune artiste de vingt-trois ans. Elle se sent à l’aise au milieu de son auditoire ; enfin c’est l’impression qu’elle donne. « Pegasus » est interprété sans Phoebe Bridgers. Arlo ne cache pas que la santé mentale est un thème important pour celle-ci lors de ses concerts. Dans ses chansons, elle raconte également son quotidien d'adolescente, la solitude, ses relations et sa quête d'identité. « Black Dog » et « Hope » offrent des câlins serrés lors des jours difficiles et apportent un peu de soutien à ceux qui en ont besoin. En fin de parcours, dans la fosse, le public commence à esquisser l’un ou l’autre pas de danse. « Devotion » révèle une facette légèrement différente d’Arlo, alors que se distinguant par son outro intéressante, « Softly », qui clôt la prestation, récolte un franc succès. Mais finalement la foule semble déçue… que le concert n’ait pas eu un prolongement plus conséquent. Faut dire que pour nous entraîner dans son univers onirique insulaire, fruit d’un cocktail de pop, de soul et de r&b qui impressionne par son élégance et sa maturité, Arlo Parks a enchaîné 17 titres en seulement 75 minutes…  

Setlist : « Bruiseless », « Weightless », « Blades », « Caroline », « Impurities », « I’m Sorry », « Eugene », « Dog Rose », « Pegasus », « Hurt », « Too Good », « Black Dog », « Purple Phase », « Hope », « Sophie », « Devotion ».

Rappel : « Softly »

(Organisation : Live Nation)

Daniel Norgren

Chaud dedans, chaud dehors…

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Daniel Norgren est un habitué de l’AB. Il s’y était produit en 2015 au sein d’un AB Club bien rempli, puis en 2016 dans un l’AB Flex conquis. Février 2020, il avait quand même foulé les planches du Crique Royal. Et il nous revient ce samedi 9 septembre, mais dans la grande salle de l’Ancienne Belgique. Et c’est sold out.

Son dernier elpee, « Wooh Dang », date de 2019, mais grâce à sa solide réputation live et à la bande originale du film primé du jury de Cannes 'Le Otto Montagne' (2022), l’intérêt du grand public à son égard, n’a fait que croître.

Pas de supporting act, le concert débute à 20h30. Il fait encore plus chaud à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il y fait même torride. Et l’ambiance sera au diapason.  Heureusement la musique nordique devrait nous apporter un petit vent de fraicheur. Car Daniel Norgren est suédois, même si sa musique semble venir des grandes plaines des States. Sur scène, il est accompagné par un organiste (un Hammond ?), un drummer, un guitariste et un bassiste. Daniel s’installe devant un piano droit de couleur brune, éclairé par deux lampadaires à la luminosité blafarde. D’ailleurs le light show oscille entre ombres et lumières tamisées. Casquette vissée sur le crâne, l’auteur-compositeur semble plutôt timide. Sa voix est capable d’être aussi haut-perchée que celle de Neil Young mais un rien plus rauque (Tom Waits ?). Une chose est sûre, elle a quelque chose de fascinant.

Il ne faut pas très longtemps avant que cet artiste nous attirer dans son univers sonore. Il laisse choisir le public, puis l’entraîne là où il le souhaite. Après avoir attaqué les 3 premiers morceaux aux ivoires, Daniel passe à la guitare et l’atmosphère devient magique. Les titres sont longs mais grimpent progressivement en intensité. Le concert va d’ailleurs 120 minutes !

La musique est construite comme un paysage. Une guitare lancinante, une ligne de basse impeccable et une touche de psychédélisme habillent des textes empreints s’une grande sensibilité. On a ainsi droit à des ballades au piano, à du rock épuré, une escapade americana ou encore un folk bien bluesy sorti tout droit du bayou louisianais. L’ambiance est différente à chaque titre, nous tenant suspendus au bout de ses lèvres et de sa guitare ou de ses ivoires délicats, avec une dose de mélancolie et de malice. Ravi, le public écoute religieusement. Malgré la chaleur étouffante, on se laisse bercer par des harmonies musicales et vocales lancinantes, délicates et chargées de spleen…

Le public aimerait qu’il revienne bien vite pour un nouveau concert, mais plus dans une atmosphère aussi irrespirable. Peut-être, alors en hiver, pour nous réchauffer les cœurs…

Setlist : « Why May I Not Go Out and Climb the Trees ? », « Like There Was A Door », « If You Look At The Picture Too Long », « Everything You Know Melts Away Like Snow », « Moonshine Got Me », « I Waited for You », « New Home », « Putting My Tomorrows Behind », « Music Tape », « People Are Good », « Whatever Turns You On », « The Power ».

Rappel : « Let Love Run The Game ».

(Organisation : Ancienne Belgique)

 

 

Holy Wave

Five of cups

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Dans le passé, la musique de Holy Wave baignait dans une forme de psyché/garage vaporeux et lancinant dominé par les guitares. Depuis le précédent elpee, « Interloper », quoique toujours aussi brumeuse et flemmarde (NDR : pensez à une rencontre entre Broadcast et Tame Impala), elle accorde de plus en plus en plus d’importance aux synthés ; et si les grattes ont toujours voix au chapitre, elles ne constituent plus l’élément primordial de l’instrumentation. Et c’est encore plus flagrant tout au long du 6ème opus, « Five of cups », dont le titre se réfère à une carte de tarot qui symbolise la déception ou les soucis liés au passé. Ce qui explique, sans doute pourquoi l’expression sonore baigne au sein d’un climat particulièrement mélancolique.

La superposition de synthés hallucinatoires, le drumming cool, les instruments à cordes autant caressés que joués, les guitares shoeagaze et les voix atmosphériques créent une sensation de quiétude paradoxalement susceptible de devenir angoissante.

Lors des sessions, la formation a reçu le concours du duo mexicain Lorena Quintanilla et Alberto Gonzalez (Lorelle Meets the Obsolete) sur « The Darkest Timeline », ainsi que de la chanteuse Estrella del Sol sur « Happier ». Elle y aborde le thème de la dérive des hommes vers ce qu’ils croient être le bonheur, et dans la langue de Cervantès, tout en rendant hommage à l'auteur/romancier Kurt Vonnegut.

The Underground Youth

Nostaglia’s glass

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Fondé en 2008, The Underground Youth était d’abord le projet du chanteur, guitariste et auteur-compositeur Craig Dyer. Ce n’est qu’en 2012, qu’il a fondé un groupe, notamment en engageant son épouse, également artiste et vidéaste, Olya Dyer, comme drummeuse. Originaire de Manchester, le groupe est aujourd’hui établi à Berlin. Entre-temps, le couple avait également vécu à Saint-Pétersbourg. Pas étonnant que Dyer mentionne la littérature et la poésie russes comme influences majeures de sa muse. Mais aussi le cinéma.

Baignant à l’origine dans une forme de post punk teinté de néo-psychédélisme et de shoegaze, la musique de The Underground Youth se rapproche de plus en plus de la no wave de Swans. Et c’est flagrant sur « Frame of obsession », une plage au cours de laquelle le baryton profond de Dyer rappelle celui de Michael Gira, alors qu’Olya pose furtivement la contre-voix à la manière de Jarboe. Sans quoi, ce baryton envoûtant évoque le plus souvent celui de Sivert Høyem (Madrugada).

Une no wave qui serait gothique : tempo lancinant, cordes de guitare enchevêtrées, bourdonnantes, grinçantes ou semi-acoustiques, parfois surf (« Antother country »,) ligne de basse flottante, arrangements de violons et d’harmonica, piano plink plonk (l’instrumental « Interlude » et le morceau final « Epilogue », qui a reçu le concours du joueur de luth, Josef Van Wissen) ; une expression sonore qui alimente cet excellent onzième elpee de The Underground Youth…

Kendra Morris

I Am What I’m Waiting For

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En 2013, elle gravait « Mockingbird », un album de reprises sur lequel figurait une version du « Shine On You Crazy Diamond » de Pink Floyd qui servira de B.O. pour le film ‘Dead Man Down’, « Space Oditty » de Bowie, « Walk on the wild side » de Lou Reed », « Karma police » de Radiohead, « Black hole sun » de Soundgarden et une adaptation lascive du « I'm Gonna Be (500 Miles) » des Proclaimers. Notamment. Elle a multiplié les collaborations et particulièrement en compagnie de Ghostface Killah, Dennis Coffey, le guitariste de la Motown, mais surtout Jeremy Page, avec lequel elle travaillait en binôme.

Pour enregistrer « I Am What I’m Waiting For », elle a décidé de faire équipe avec Torbitt Schwartz (alias Little Shalimar (Run The Jewels) afin d’explorer de nouveaux horizons sonores. Cependant, on ne peut pas dire que la mise en forme apporte des changements radicaux. D’ailleurs cet opus est tout bonnement éclectique, naviguant à la croisée des chemins du funk, de la pop sixties (pensez aux productions de Phil Spector pour groupes de filles), d’indie rock et de néo-soul. Sans oublier l’une ou l’autre plage plus minimaliste au cours desquelles Kendra Morris démontre son talent de guitariste. Enfin, si elle a une superbe voix, la comparer à Janis Joplin semble quand même excessif…

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