Tuxedo Moon a donc composé la bande originale de ce film réalisé par George Kakanaki, un hommage aux techniques de cut-up expérimentées dans un hôtel parisien par William Burroughs, mais aussi par Brion Gysin, deux poètes de la radicalité, et dont Gysin a tiré son fameux roman, The Bardo Hotel. Malheureusement, le long métrage n’est pas joint au cd audio. Grosse surprise, les sessions d’enregistrement ont été opérées à San Francisco, alors que le groupe avait annoncé mordicus qu’ils n’y mettraient plus les pieds. Bref, revenons-en à la musique. Exclusivement instrumentale (NDR : il y a bien quelques chœurs, mais intégrés à la solution sonore), cette œuvre nous conduit de chambre en chambre (NDR : celle de l’hôtel), au sein desquelles vous avez parfois envie de vous attarder, de vous y installer ou d’y transiter à la vitesse éclair. Certaines sont bruyantes, car on y fait la fête ou tout simplement parce que les vrombissements des avions qui atterrissent ou décollent (à moins que ce ne soit tout simplement à cause du tumulte de la rue), d’autres propices à la méditation. Tuxedo Moon peint en quelque sorte des impressions avec des sons. Nous ne sommes parfois pas très loin de l’univers de Miles Davies ou de Charlie Mingus, même si l’électronique y est plus présente. Maître de l’avant-gardisme, Tuxedo Moon s’est même autorisé quelques fantaisies, en parsemant, au beau milieu de ses compos, quelques mesures de « Baron Brown » (« Cabin in the sky »), « Loneliness (« Half mute ») et même de l’incontournable « Jinx », morceau phare de « Desire ». On comprend mieux pourquoi, cet opus porte l’empreinte de Made to Measure, collection qui avait disparu de la circulation depuis belle lurette…