Le dernier combat de Malween…

Malween est le projet emmené par Julien Buys, auteur, compositeur et interprète, originaire de Nantes. Julien a quitté le monde de la finance, sans regret, en 2017 pour devenir comédien voix-off le jour et chanteur/guitariste a sein de différents projets…

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L’interaction de Ride…

Le septième elpee studio de Ride, « Interplay », sortira le 29 janvier 2024. Ce nouvel album est le troisième du quatuor d'Oxford depuis sa reformation en 2014. Ces pionniers du shoegaze, quelquefois proche du noise rock des années 90, sont davantage ensemble…

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The Experimental Tropic Blues Band

Le serpent et le loup...

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Il aura donc fallu attendre presqu'une année pour voir sortir le premier véritable album d'Experimental Tropic Blues Band. Pourtant, Dirty Wolf (alias Psycho Tiger) et Boogie Snake prévoyaient sa parution vers le mois de mai. Apparemment, les événements ne se sont pas déroulés comme ils l'imaginaient. Vous le constaterez vous-même à la lecture de cet entretien que les deux chanteurs/guitaristes avaient accordée lors de la dernière édition du festival d'Hiver Rock. Une interview au cours de laquelle, on ne pouvait, non plus, passer sous silence les différents projets parallèles menés par les différents membres de l'E.T.B.B.

Quand on parle de l'Experimental Tropic Blues Band, on évoque d'abord ses prestations 'live'. C'est sur les planches qu'il a bâti sa réputation. Peut-on affirmer que c'est l'endroit qui vous motive le plus ? Le moteur du groupe en quelque sorte ?

Dirty Wolf : Effectivement, c'est sur la scène qu'on s'exprime le mieux. Pour l'instant, nous sommes en studio pour terminer notre album. En fait, on s'est rendu compte que lors de l'enregistrement de nos deux précédents disques, nous n'étions pas parvenus à y communiquer ce feeling 'live'. C'est ce qu'on va essayer de faire sur cd. Mais c'est très difficile à concrétiser…

Lorsque vous êtes sur les planches, Dirty Wolf baragouine en anglais entre les morceaux. Est-ce le reflet d'un l'attitude ?

D.W. : Ouais, c'est l'attitude ! Parfois, j'ai du mal à parler en français. Surtout quand on joue une musique comme la nôtre. Tu m'imagines balancer : 'Allez les gars' ou 'Est-ce que vous voulez du sale rock ?'. C'est ridicule… 'Come on' ou 'Do you wanna dirty rock', ce n'est pas pareil ! Maintenant, je ne sais pas trop pourquoi, mais on a toujours fait ainsi. Cependant, lors de certains concerts, je parle quand même dans ma langue natale. Notamment, lorsqu'il se produit un événement assez marrant. Finalement, j'aime bien les groupes qui parlent en anglais. Ca me dépayse un peu. Même si je parle très mal l'anglais. Surtout moi…

Lors de vos sets, il arrive régulièrement que vous vous laissez porter par le public. Lors de l'édition du festival de Dour 2005, je pense que c'était Boogie Snake.

Boogie Snake : (s'adressant à Dirty Wolf) Oui, mais tu l'as fait aussi !

D.W. : Ouais, ouais…

Pas trop les boules, quand même ?

B.S. : Il y avait tellement de monde, qu'il n'était pas possible de tomber. Et de se casser quelque chose.

D.W. : Il aime ça, hein !

B.S. : J'adore le snake diving !

Sais-tu que dans le passé, Peter Gabriel était coutumier du fait ?

B.S. : Non ! Je pensais plutôt à Iggy Pop ou des gens comme lui.

D.W. : C'est vraiment une sensation étrange.

B.S. : Physique.

D.W. Etrange aussi, car c'est incroyable de voler au-dessus de la foule. Tu vois leurs têtes de près. Et cette situation te communique une énergie incroyable.

B.S. : Alors qu'ils prennent des godasses dans la tronche.

D.W. : Ou alors, ils te tirent le froc. Ou encore tu finis par tomber…

Et des tas de filles crient à poils ?

D.W. : Non, là alors, je suis trop fatigué (rires)

Pour jouer une musique comme la vôtre, il faut adorer le blues et le rock'n roll. Mais qu'est ce qui vous a poussé à fonder un groupe semblable ?

B. S. : Notre admiration pour des artistes comme Elvis, Bo Diddley, Bob Log, John Spencer, etc.

D.W. : Les Cramps…

B.S. : R.L. Burnside, Skip James, Blind Willie Johnson, Otis Rush, et puis toute l'écurie du label Fat Possum…

Ce qui explique pourquoi on vous décrit parfois comme les héritiers naturels des Cramps et du Jon Spencer Blues Explosion ?

D.W. : Surtout des Cramps ! (rires)

A l'instar de la bande à Lux Interior et de Poison Ivy, votre répertoire inclut des reprises (NDR : le premier elpee des Cramps était exclusivement constitué de covers). N'envisagez-vous pas, dans le futur, l'enregistrement d'un album exclusivement consacré à ce type d'exercice ?

B.S. : Non, je ne le pense pas. Ce type de projet pose trop de problèmes de droits d'auteurs. Et on ne sait pas trop comment s'y prendre pour aborder le sujet. Enfin, il faut aussi en payer un certain prix…

D.W. : Pour l'instant, on joue sur scène, une version du « Garbage man » des Cramps (NDR : elle est sur le nouvel album !). Une autre de Bo Diddley et aussi d'Alan Vega.

B.S. : D'André Williams également (rires)

Vu le style musical pratiqué, ne craignez-vous pas que dans un futur plus ou moins proche, vous aurez rapidement fait le tour du sujet ?

B.S. : A premier abord, cette musique paraît, assez limitée. Mais en vérité, elle offre bien plus d'alternatives qu'il n'y paraît. Dans l'univers du rock, il y a toujours moyen d'emprunter une direction différente.

D.W. : La question ne se pose même pas, car on joue de la musique pour se faire plaisir et on a envie de continuer pour cette même raison. Qu'on soit seul, à deux, à trois ou à quatre, on continuera à faire du Tropic. Et tant pis si ça ne marche plus. J'espère simplement que j'aurais toujours la force de continuer… J'en ai même la quasi-certitude. Mon avis peut paraître prétentieux, mais j'ai trop la flamme pour m'arrêter. Et je pense que mon acolyte blond partage mon opinion.

Revendiquez-vous d'autres legs ?

D.W. : Bien sûr, nous ne sommes pas seulement influencés par le blues et le rock'n roll. Nous apprécions également la musique très dure, directe. Celle où on sent que les musiciens mettent leurs tripes sur la table. Un don de soi. Et que l'on ressent au plus profond de soi-même.

B.S. : J'apprécie aussi la musique country. Pour l'instant j'écoute beaucoup Johnny Cash.

Arbitrairement, je vais considérer l'E.T.B.B. comme groupe fédérateur au sein d'une multitude de projets auxquels vous participez. Colonel Bastard, c'est un projet solo imaginé par Psycho Tiger ?

D.W. : (d'une voix caverneuse) Dirty Wolf…

Seasick implique Boogie Snake ?

D.W. : Il ne s'appelle pas Boogie Snake dans Seasick, mais JJ.

Et enfin il y a Two Star Hotel au sein duquel militent le guitariste et le bassiste de Seasick. C'est tout ?

D.W. : A peu près. Ce n'est déjà pas si mal non ? Ah oui, il y a aussi l'Electric Ladies Blues, un ensemble auquel participe la copine de Boogie Snake.

Je suppose que vous multipliez les projets pour élargir votre horizon musical ?

D.W. : Nous ne souhaitons pas élargir notre horizon musical, mais on a trop d'énergie à dépenser. Trop d'idées. Alors pourquoi se limiter à un seul projet ?

B.S. : Il n'est pas possible de se contenter d'un seul projet. Nous écrivons trop de chansons. Et puis, nous ne pouvons concevoir de ne se concentrer que sur un style de musique. Nous avons besoin d'autre chose. De ressentir d'autres vibrations.

D.W. : En vérité, ce n'est pas l'E.T.B.B. qui est fédérateur, mais Seasick. C'est notre premier groupe. Nous participons à son aventure depuis 11 ans.

B.S. : Quatorze ans !

C'est ce groupe qui a emporté le Concours-Circuit dans la catégorie métal, en 2004 ? Un résultat plutôt étonnant, non ?

D.W. : Ce prix a provoqué un véritable scandale !

B.S. : J'ai vu des gens pleurer de dépit, parce qu'on avait décroché la palme (rires). Enfin, plus exactement parce que leur groupe préféré n'avait rien gagné. Pitoyable !

A propos de Seasick, j'ai lu qu'ils reconnaissaient pour influences majeures la physique nucléaire et les expériences sur le conditionnent du cerveau humain par Milgram et Hasch. (fou rire général). Vous assumez ?

B.S. : Il fallait bien écrire quelque chose, non ?

D.W. : Ce n'est pas vrai ! C'est parce que Jean-Jacques et Ben sont influencés par tout ce qui se rapporte à l'univers gothique et romantique (rires) : Clyde Barker, les films de série B ou d'horreur, etc. Et je crois que ce sont ces caractéristiques qui sont reflétées chez Seasick. Vraiment ! C'est la raison pour laquelle on écrit des textes semblables. J'ai également lu qu'on écoutait Seasick comme on regarde un film de David Lynch. Et c'est une bonne comparaison. Parce que la musique est très violente et directe. Surtout dans la manière de la donner. Personnellement, j'estime qu'elle est plus punk que metal.

B.S. : C'est sans doute la raison pour laquelle nous avions été versés dans la catégorie métal, lors du Concours-Circuit.

D.W. : C'est dans la manière d'exprimer la musique.

B.S. : Qui libère une énergie parfois dure à encaisser…

On dit de Colonel Bastard qu'il pratique du karaoké-rock-théâtral au sein duquel il n'y a pas de réelle ligne conductrice, mais une improvisation constante…

D.W. : Du karaoké'n roll. Très exactement ! Non, attention, je tiens à mettre les points sur les 'i' (rires). Je reconnais que c'est assez improvisé. Pas les paroles, ni la musique. En fait, je glisse un cd dans le lecteur et je chante dessus. Il n'y a pas de groupe pour m'accompagner. J'apporte quand même mon propre compact disc. L'impro, c'est la mise en scène. Il faut imaginer que je suis seul sur scène. Je dois me donner à fond sur la musique, même si elle est 'nazze'. Sur de l'électro, par exemple. Or, je déteste l'électro. Enfin, il n'y a pas que de l'électro. Donc, je chante sur un support sonore. Qui importe peu, finalement. Je fais en quelque sorte du théâtre en musique. Dès que je monte sur scène, je cherche des endroits où je vais pouvoir me jeter. Où je vais pouvoir faire des trucs. Je ne prévois pas ce que je vais accomplir. Faut que ce soit du 'live' ! Et tant pis si je me casse la gueule ou si je me pète des doigts. C'est ainsi. Ces risques font partie du show… (il souffle)

L'album de Two Star Hotel est paru chez Sounds Of Subterrania! Et sa distribution a été confiée à Sonic RendezVous. Curieux non ?

B.S. : Il faut savoir qu'Al et Ben Plastic ont fondé un groupe qui a connu un certain succès au cours des années 80 : Hiatus. En Allemagne. Et dans le milieu 'crustcore'. La formation a même accompli une tournée mondiale. Jusqu'aux States. Et apparemment, ils ont conservé leurs contacts avec l'Allemagne. Notamment de cette époque. Ce qui explique pourquoi ils se sont retrouvés sur ce label.

On dit de Two Star Hotel, qu'il pratique du Plastic avant-rock ? Une explication ?

D.W. : Je pense qu'ils seraient plus aptes à répondre à ces questions. Parce qu'on risque de raconter des conneries…

Vous relevez du Collectif Jaune Orange. Etes-vous simplement groupe membre ou êtes-vous impliqués dans le conseil d'Administration ?

D.W. : Tout le monde a son mot à dire dans Jaune Orange. Les gens imaginent que c'est un gros bazar. Mais ce n'est pas du tout le cas. C'est une structure très familiale. Il n'y a qu'une ou deux personnes vraiment responsables. Finalement, cette association n'existe que par hasard. Et tous les gens qui en dépendent s'entendent bien. Tout roule parfaitement…

Qu'est-ce que vous a apporté ce collectif ?

D.W. : Enormément. Et d'ailleurs, on commence seulement à en recueillir les fruits. Parce que le collectif prend une ampleur de plus en plus importante et jouit de plus en plus d'une excellente notoriété. Les gens prennent, aujourd'hui, au sérieux, Jaune Orange.

Et Girls In Hawaii y est sans doute, un peu pour quelque chose ?

D.W. : C'est Jaune Orange qui a découvert Girls In Hawaii. Depuis, il a pris une toute autre dimension…

Que devient l'harmoniciste Lord Bernardo ? Il avait notamment participé à l'enregistrement du mini album « Dynamite Boogie ».

D.W. : On le voit de moins en moins. En fait, il a son propre groupe : Stinky Lou & Goon Mat, en compagnie duquel il tourne beaucoup, sans compter ses collaborations diverses. Mais pour nous, c'est plus un ami qu'un musicien. Il vient parfois encore nous rejoindre, mais quand il est libre. C'est-à-dire très épisodiquement…

Vous êtes actuellement en studio. Peut-on lever un coin du voile qui recouvre les sessions d'enregistrement ? Y a-t-il des invités ?

D.W. : John Roo est notre ingénieur du son. C'est un bosseur. En outre on partage la même philosophie en matière de musique. Et c'est devenu un pote. D'ailleurs, on ne peut pas travailler en compagnie de gens avec lesquels on ne s'entend pas. Et pour l'instant on ne travaille qu'avec des amis. Les sessions d'enregistrement se déroulent à Waimes… On n'a invité personne. Rien que nous trois et l'ingénieur du son. On a même emporté nos tartines.

B.S. : Et quelques bouteilles de whiskey…

Et pour la musique ?

D.W. : C'est du rock'n roll. Maintenant, il est difficile d'en dire davantage tant que tout n'est pas terminé. Notamment les parties vocales et le mixing. Mais on y est presque. On a voulu prendre une nouvelle direction, même s'il recèle beaucoup de boogie. Et puis il est très puissant, plus puissant que tout ce qu'on a enregistré jusqu'à présent.

Et la date de sortie de cet opus ?

D.W. : Il part au mastering le 27 avril, donc 3 semaines plus tard, il devrait être dans les bacs. Si tout va bien. Et pour ton info, il s'intitule « Gangrene blues » (rires). Parce que nous considérons que nous somme quelque part la gangrène du blues. (NDR : en définitive, il s'appelle « Hellelujah »)

(La suite de l'interview nous propulse le 26 janvier 2007. Juste pour obtenir quelques éclaircissements relatifs à l'entretien que vous venez de lire. Dirty Wolf nous répond par téléphone.) L'album devait sortir en mai 2006. Il compte huit mois de retard. Vous avez rencontré des contretemps majeurs ?

D.W. : Non, pas vraiment. En fait, ce retard est dû à la confection de la pochette. Tout simplement.

Lors de notre rencontre, vous m'aviez répondu, que lors des sessions d'enregistrement, vous n'aviez reçu le concours d'aucun invité. Ce qui est loin d'être le cas, puisque Arno est venu apporter son concours à l'harmonica, sur deux de vos chansons (« Twice blues » et « Dry whisky »).

D.W. : A cette époque, ta question nous avait pris de court. En fait, nous avions eu l'accord verbal d'Arno pour qu'il vienne jouer de l'harmonica sur l'une ou l'autre de nos chansons. Mais il n'était pas encore passé en studio. Et on s'est dit, merde alors, comment as-tu fait pour savoir ce que personne ne savait ? Et pour ne pas que l'affaire capote, on a préféré tout nier en bloc. On aurait eu l'air malin s'il avait décliné l'invitation. Pour le reste tu peux savoir que Lio qui joue au sein d'Electric Ladies Blues et dans Le Prince Harry nous accompagne au piano sur deux titres. Je te le signale, car on va bientôt parler de ces groupes. Et en bien !

The Experimental Tropic Blues Band

Le mot ‘Experimental’ prend ici tout son sens…

Écrit par

Fasciné par le cinéma underground des seventies, Jérôme Vandewattyne avait déjà bossé en compagnie des Tropics, pour « The Belgians », un concept consacré autant à l’album qu’aux projections destinées aux spectacles. Il a donc remis le couvert, mais ici, pour un véritable long métrage. Son titre ? ‘Spit’n’split’. Une référence à une pratique sexuelle dans l’univers du porno. Jérémy, Jean-Jacques et David ont participé comme acteurs à ce tournage. Mais également composé la B.O.. En fait, ce jeune réalisateur a suivi la tournée du trio, pendant deux ans. Et il en relate les aventures et les mésaventures rencontrées par la formation, sous la forme d’une fiction. Dont la démesure conduirait à l’évasion et à l’amour. Enfin, presque. Jérémy et Jean-François ont accepté d’accorder cette interview à Musiczine, juste avant le set du band, accordé dans le cadre du Roots & Roses. Et il faut le reconnaître, en ce qui concerne ce film, qu’il n’est pas toujours facile de leur tirer les vers du nez…

On dirait qu’aujourd’hui, vous avez besoin de thématiques, pour écrire de nouvelles compos. A l’instar de « The Belgians ». Puis maintenant, à travers ce « Spit’n’Split ». Une explication ?

Jeremy : pas vraiment une thématique, mais on ne souhaite plus reproduire la même routine : sortir un disque, faire une tournée, sortir un disque, etc. On préfère quand l’exercice est moins classique et plus complexe.
Jean-Jacques : Nous cherchons à explorer de nouveaux horizons. Celui-ci,
cinématographique, est tout à fait inédit pour nous.

J : il s’intéresse à l’amour dans tous ses états. Finalement, c’est un bon moyen pour évoquer un sujet… différemment.
J-J : c’est un prétexte. Parler d’autre chose. De plus profond.

Sur la pochette figurent des personnages dans leur plus simple appareil. C’est une manière de promouvoir une idéologie naturiste, nudiste… ?

J : non, on a voulu que le projet reste cohérent en montrant l’affiche du film pour lequel on a composé la musique. Et on l’a reproduite sur la pochette.
J-J : être nu, dans la nature, c’est un retour aux sources. En fait, si on observe bien les personnages, ils portent tous des masques de nos visages. Ils nous réincarnent. Bien sûr, c’est un peu morbide…
J : la fin du film est proche et il reflète une forme d’évasion…

Une envie de retour à la nature ?

J-J : exactement.
J : le retour à tout ce qu’il y a de plus simple en nous, quoi.

En préambule à ce long métrage, vous citez une phrase d’Alfred de Musset, ‘Tout le réel pour moi n’est qu’une fiction’. Poète et dramaturge, il était un grand romantique, mais aussi un débauché et un alcoolique notoire, comme Rimbaud…

J : ta réflexion confirme qu’il s’agit bien d’une fiction. Sans trop dévoiler le scénario. Et ce choix communique davantage de saveur. Parce qu’on piste des alcooliques et des débauchés, pendant au moins une heure et demie.

Vous avez intitulé un morceau de l’elpee, « Divine Comedy ». Ce n’est quand même pas un clin d’œil adressé à Neil Hannon ?

J-J : non c’est plutôt un hommage au romancier Dante Alighier. A son œuvre littéraire.
J : du coup, cette référence résume un peu le film. La Divine Comédie. Une approche quand même globale...

Le premier titre du long playing, « Le culte », évoque un rite païen. Tribal. Celui des aborigènes australiens ?

J-J : c’est la secte des Tropics !
J : il a surtout été écrit pour le film. La scène est importante et le réalisateur nous avait demandé d’imaginer une musique qui corresponde à cet état d’esprit. Celui d’une secte. Nous sommes entrés en studio sans un seul riff, mais en se servant uniquement des souvenirs de souhaits émis par Jérôme. Mais on avait aussi envie de composer des chansons à la Tropics, parce qu’il en fallait pour l’album. Ce soundtrack est donc également devenu notre nouveau disque. Qui est enrichi par des tas d’autres morceaux, pour lesquels on a vraiment pu expérimenter. Le mot ‘Experimental’ prend ici tout son sens.

Ce qui explique sans doute aussi pourquoi un titre comme « Baby Bamboo » semble s’inspirer de Swans. Il est chamanique, obsessionnel et hypnotique, sauf en fin de parcours, lorsque des interventions de claviers vintage font leur apparition…

J-J : jamais trop apprécié la musique de Swans…
J. : tu vas découvrir ce morceau, et après on se fera une orgie de « Baby bamboo » (NDR : une pipe psychédélique ?) En outre, je suis le gourou de cette secte…

J’ai lu que dans le film, il y avait des répliques qui tuent.

J : en fait, non, il s’agit plutôt de phrases cultes.

Tout au long de « Straight to the top » et « Power of the fist », le spectre de Jon Spencer se remet à planer. Comme lorsque vous avez publié « Liquid love », long playing qu’il avait produit…

J-J : c’est l’aspect punk du groupe. La face destroy. Le côté Pussy Galore. Ce sont des morceaux qu’on a composés instinctivement, sans réfléchir. Tous les matins on bossait dans ce climat. Pendant une demi-heure à quarante-cinq minutes, on faisait n’importe quoi. Le riff vient ou pas, peu importe. Et on chantait ce qui nous passait par la tête, dessus.

Une forme de brainstroming ?

J-J : exactement ! Et puis, parfois quand on écoute, on se dit, ouais, ça marche, t’as entendu, c’est super. Mais c’est vrai qu’il y a cette énergie Blues Explosion, en plus.
J : et puis on les a laissés, tels quels. Même les voix. On chantait, « Power of the fist ».
J-J : tout était improvisé.
J : La puissance du poing. Lors d’un sport de combat. Le morceau est sorti naturellement et on n’y a plus touché. Et souvent quand tu composes, ce sont les premiers instants, les premières prises, qui sont magiques. Ces instants de magie, on voulait vraiment les capter.
J-J : Quand tu débarques avec des morceaux construits, tu perds quelque chose au moment où tu les enregistres. Des tas de trucs s’égarent en cours de route.
J : Le studio était un laboratoire sonore. On n’avait rien écrit. Toute la journée était consacrée à la recherche sonore. Et à expérimenter. Donc là on se retrouve, on joue, on est devant l’ordinateur. On écoute ce qu’on a fait, puis finalement, on n’en isole qu’une partie. On duplique, on rejoue dessus. Et on peut même ajouter un peu de synthé. On avait plein de matos, et on s’est laissé aller. Et finalement, au bout des sessions on disposait de 40 morceaux. Il a fallu faire le tri de toute cette masse de travail, et Jérôme y a participé. On n’a jamais été aussi productifs, alors qu’on est arrivés en studio, sans rien. Jérôme a pioché dans ce répertoire et s’en est servi pour le film. Il y a même plus de musique dedans, que sur le disque. On n’est pas parvenu à tout inclure.

Vous avez eu recours à une certaine forme d’écriture automatique ?

J : si on veut !
J-J : ce n’était pas intentionnel. C’est arrivé (NDR : près de chez vous ?)

« Ultra erectus » est un titre manifestement post punk, mais on y décèle des traces de r&b. A la limite on pourrait parler de r&b post punk.

J : il me fait plutôt penser aux années 90. A fond. A Lenny Kravitz (rires)…
J-J : à cause de ce côté fusion… ce morceau est encore complètement involontaire. Il n’a pas tellement sa place hors du film, en fait. Je n’aime pas le jouer en live (NDR : les musiciens de The Scrap Dealers débarquent et on se salue…) C’est un morceau qui me fait aussi penser à « Satisfaction » des Stones (NDR : il imite le riff). Oui, c’est vrai le côté r&b, tu n’as pas tort.

« Alas alas » est un slow. Curieux quand même, cette guitare surf et ces cris d’enfants qui semblent émaner d’une cour de récréation.  

J : tout à fait. J’habite à côté d’une école. J’ai emporté mon enregistreur et puis voilà. Les paroles évoquent la relation entre un papa et son fils.
J-J: c’est inspiré d’une séquence que j’ai vue dans « Interstellar ». Qui met en scène Matthew McConaughey. Au cours de ce film, il prétend qu’il deviendra le fantôme de ses enfants. Et c’est un truc qui m’a fort marqué. Le fait de savoir que tu seras le futur fantôme de tes enfants. Cela m’a brisé le cœur. Mais finalement, c’est le contraire qui se produit. Son enfant vieillit avant lui, parce qu’il voyage dans une autre dimension, etc.

Une bonne raison pour aller voir le film ?

J-J : très spécial. Inattendu. Riche. En même temps, trash. C’est un film qui va loin. Dans les tabous. Il brise beaucoup de tabous.

C’était l’objectif ?

J : non, pas vraiment, parce que le film s’est écrit au fur et à mesure de la tournée et Jérôme nous a suivis pendant les deux ans de ce périple. Et après, on a eu besoin d’un an de montage. Un an de boulot. Ca s’est fait comme ça, parce que nous on n’est pas des acteurs et il a fallu jouer la comédie, quoi. C’est vraiment un long processus. Comme réalisateur, il a vraiment été très bon, parce qu’il a nous a pris tels qu’on étaient. Pour créer une fiction qui est ultra réaliste. Ma mère y croyait dur comme fer. Mais après l’avoir vu, elle s’est dit : ‘ce n’est pas possible, je n’ai pas enfanté un monstre pareil’. Et à la fin, un élément remet tout à plat et on en conclut : ‘OK, je me suis fait avoir’. Même si je le dis, tu te feras quand même avoir.

Ce soir, on vous a demandé de reprendre l’hymne du festival, ‘Roots & Roses’. La cover devrait être psyché/noisy, enfin dans le genre.

J-J : psyché oui… noisy, certainement.
J : chaque année les organisateurs invitent un groupe à tenter l’exercice de style, et c’est tombé sur nous. Et la version qu’on va interpréter ce soir, n’est pas vraiment celle diffusée sur Internet.

(Photo : Ludovic Vandenweghe)

 Sortie de l'album "Spit'n'Split", ce 1er mai. Et à l'achat de l'album vous disposerez d'un code pour visionner le film, une seule fois, en streaming.

 

The Experimental Tropic Blues Band

Ce disque est invendable...

Écrit par

The Experimental Tropic Blues Band se produisait ce samedi 19 avril, au Salon de Silly, afin d’y présenter un curieux concept intitulé ‘The Belgians’. Après une bonne heure trente d’un show particulièrement déjanté et décomplexé, votre serviteur part à la rencontre d’un des deux guitaristes : Jérémy dit ‘Sale Coq’. Sans doute, le plus exubérant de la bande ; et pourtant il a la tête bien sur les épaules. Entretien.

Comment est née l’idée de réaliser une ode patriotique et électrique à notre drôle de pays ?

Elle est née suite à un simple concours de circonstances. Aux Etats-Unis, les gens ne nous surnommaient pas les ‘Tropics’, mais ‘The Belgians’. A notre retour, nous avons accordé un concert dans le minuscule Lou's Bar, à Liège. Nous voulions rendre hommage à notre pays. Nous avons dès lors choisi de conserver ce sobriquet plutôt sympa. Le programmateur du Festival de Dour, Alex Stevens, y était. Il estimait le concept original et nous propose alors de nous produire le jour de la Fête nationale, tout en gardant ce nom, afin de marquer le coup. Dans un premier temps, on a estimé l’idée saugrenue. Mais finalement nous avons joué le jeu à la condition que nous puissions projeter quelques images propres à la Belgique sur un écran, durant le set. Les étapes se sont construites intuitivement pour finalement aboutir à ce que nous avons présenté ce soir.

Un concept album consacré à la Belgique, est-ce sérieux ?

Le spectacle de ce soir est un condensé d’évènements qui ont marqué la Belgique. Parfois drôles, parfois dramatiques, comme les tueries de Liège, par exemple. Ils constituent le miroir de notre société. La Belgique est-elle sérieuse ? Est-ce sérieux de vivre dans un pays qui n’existe même pas aux yeux des Belges et du monde ? Nous voulions présenter, naïvement, la vision que nous avions de notre propre patrie sans prise de position aucune. Il s’agit d’une démarche plutôt artistique, proche de celle des dadaïstes.

Cet elpee serait-il plutôt le reflet d’une récréation, d’une blague potache ou d’un cri du cœur ?

Il résulte de la culture et de l’expérience de Jon Spencer. Il nous a inculqué un principe, celui de pouvoir exercer ce métier tout en restant soi-même et en acceptant ses erreurs. Sa philosophie est la nôtre. Nous sommes issus de la même école. Lui comme professeur et nous comme ses élèves. Pour ma part, je n’aime pas du tout les disques léchés. Je préfère de loin ceux dont l’imperfection est palpable. Ceux qui trébuchent le plus en quelque sorte. Le lâcher prise est essentiel dans ce métier.

Quelle symbolique souhaitiez-vous développer en adaptant ‘La Brabançonne’ ?

A vrai dire, nous n’avions jamais imaginé enregistrer un album intitulé « The Belgians ». La mise en place s’est opérée en fonction des rencontres et des circonstances. Lorsque le projet a mûri, la Brabançonne s’est imposée d’elle-même. Cependant, nous la voulions ‘façon’ Jimi Hendrix, afin de nourrir davantage le disque et le spectacle. Encore une fois, rien n’a jamais été calculé. Nous avons d’abord réalisé l’album. Le visuel a été conçu par ‘Film Fabrique’ et ‘Sauvage Sauvage’, deux structures qui avaient déjà bossé sur nos clips. Les morceaux prennent tout leur sens à l’appui des images. Il était important que notre démarche soit bien comprise, et tout particulièrement la signification que nous voulions communiquer à notre définition du surréalisme. Par exemple, pour « Belgian Hero », il était intéressant d’appuyer la dichotomie entre un chômeur qui noircit ses cases et celle d’une Justine Hénin savourant une victoire. Nous fonctionnons à l’instinct à vrai dire. C’est essentiel ! Le jour où nous changerons cette perspective, nous sommes morts.

Les paroles sont sans langue de bois et bien éloignées de ce fameux ‘compromis à la Belge’ !

Oui, effectivement.

On a l’impression qu’en gravant un tel LP, le groupe n’a pas voulu s'enfermer dans une routine et a osé prendre des risques, notamment celui de ne s’adresser qu'à une partie de son public potentiel. Est-ce exact ?

En Belgique, la prise de risques n’existe pas. Un groupe belge ne parviendra jamais à révolutionner le milieu. Seuls ceux issus du pays de l’Oncle Tom parviennent véritablement à imposer leur propre vision des choses. En Belgique, il n’y a que Hooverphonic, Stromae et dEUS, même si ce dernier est à la traîne aujourd’hui, qui y soient parvenus sur notre territoire. Pour notre part, nous sommes juste une bande de potes qui prennent plaisir à faire un truc complètement barré. Nous avons l’opportunité de poursuivre cette voie et le public nous suit. Que demander de plus ? Notre prochain projet sera différent, mais tout aussi décalé. Nous y avons travaillé pendant une année complète. Ce qui a exigé beaucoup d’investissement, mais le plaisir est omniprésent…

Lorsqu’on écoute "Belgians Don't Cry", on ne peut s’empêcher de penser aux sonorités new beat des Confetti’s…

C’est exact. Les Confetti’s restent une référence. Tu sais, lorsque nous avons enregistré « She Could Be My Daughter », nous recherchions clairement cette identité noir/jaune/rouge en y insérant des sons propres aux fanfares belges. Tu y entends beaucoup de percussions. Toute cette culture appartient à notre patrimoine et nous ne pouvons l’ignorer, en fin de compte.

La pochette du disque nous projette dans un univers proche du communisme. Qui a eu cette idée et pourquoi ?

Le postulat de départ était d’y voir des personnes sur une plage belge. A la place des yeux, nous avions imaginé des gaufres. Puis, Pascal Braconnier (NDR : Sauvage Sauvage) avait une autre idée en tête. Il nous avait suggéré de retranscrire les dernières images du film ‘La Planète des Singes’ où sur fond d’apocalypse, la statue de la Liberté reste figée. Nous estimions ce concept très intéressant. Nous avons donc pris le parti de mettre en exergue le symbole national qui est l’Atomium et l’avons transposé sur la jaquette. Le produit fini est une forme d’art en quelque sorte. Il y a une pochette, des chansons à textes et un spectacle.

Que pensez-vous de l’étiquette de ‘groupe sérieux qui ne se prend pas trop au sérieux’ ?

Ecoute, on s’en fout. On peut écrire ce que l’on veut sur nous, ces réactions ne nous touchent pas. Le pire serait de tomber dans l’indifférence complète. Nous essayons de faire partager notre univers à un maximum de personnes, sans aucune pensée manichéenne. Nous ne sommes pas dans une optique carriériste. Il y a quinze ans que le groupe existe et pourtant nous ne passons toujours pas à la radio. Mais au fond, ce n’est pas important. Tu sais que lorsque nous avons commencé, le batteur était complètement néophyte. Il était guitariste et n’avait jamais mis la main sur une batterie auparavant. Nous voulons pratiquer naïvement de la musique, sans se fixer d’objectif précis. Il n’existe vraiment aucune volonté arriviste chez nous.

Tu déclarais, lors d’une interview, que tu avais voté blanc pour la première fois de ta vie et que tu ne te rendrais plus aux urnes, à l’avenir. Coup de gueule ou coup de com’ ?

Je ne crois plus en la politique belge. Je recherche une certaine forme d’utopie en quelque sorte. J’ai l’impression que les gens sont pris d’une forme d’aliénation. Nous ne voulons pas communiquer un message politique à travers nos chansons. Mais plutôt d’afficher notre propre perception des événements. En fait, notre discours est politique, mais sans le vouloir. Je ne m’y intéresse absolument pas, ni aux programmes proposés par les partis. Ils ne prennent pas leurs responsabilités. J’assume complètement et ouvertement ces propos.

Une formation qui prend pour patronyme ‘The Belgians’, mais qui ne s’est pas encore exportée en terres néerlandophones, n’est-ce pas un peu paradoxal ?

Les Belgians n’ont jamais été invités en Flandre, c’est vrai. Par contre, nous nous sommes déjà produits à l’Ancienne Belgique. Mais, ce jour là, la salle était quasi francophone.

Quels pourraient être vos homologues flamands ?

Je me sens assez proche d’un Mauro Antonio Pawlowski, même si son univers est assez différent (NDR : il a entamé sa carrière en 1992 comme chanteur d’Evil Superstars et a ensuite rejoint dEUS).

La belgitude est-elle soluble dans le rock ?

Les étrangers parviennent difficilement à comprendre ce qu’est la belgitude. Pour un belge, c’est un concept assez naturel somme toute.

Difficile de l’exporter, et notamment en France ?

Nous avons déjà joué en France à deux reprises. Les Français ne parviennent pas à comprendre toutes les subtilités liées de notre culture. C’est tout à fait normal. Nous nous inscrivons dans une démarche plutôt spontanée. Dans le cas contraire, nous n’aurions jamais pu tourner ailleurs qu’en Wallonie avec tout au plus dix dates. Nous ne sommes ni carriéristes, ni arrivistes. Notre aventure ne nous permet pas de gagner notre vie. Nous voulons juste nous amuser et donner du plaisir. Pour de nombreux artistes, faire de la musique, c’est d’abord se façonner une identité avant même de pouvoir proposer quoique ce soit de concret. Cette démarche n’a jamais été notre truc. Nous avons réalisé un spectacle sur la Belgique, sans même imaginer qu’on allait le mettre en scène par l’image. Jamais, nous ne calculons.

C’est le ‘live’ qui vous permet de bénéficier d’un certain écho auprès du public. Ce nouvel opus semble d’ailleurs davantage taillé pour la scène. Etait-ce calculé ?

Ce disque est invendable, c’est clair. Je considère qu’il s’agit avant tout d’un concept album. Une fois complètement achevé, on passe à autre chose, c’est tout. Nous travaillons pour l’instant sur le projet suivant. Ceux qui s’installent d’ailleurs dans la routine sont pathétiques...

The Experimental Tropic Blues Band

C’est dans l’imperfection que se fait la perfection…

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Pour introduire cette interview, on va simplement vous rappeler l’essentiel de ce que vous avez déjà lu ou entendu, dans la presse spécialisée ou non, au sujet de “Liquid love”, le 3ème  opus de The Experimental Tropic Blues Band. Cet elpee a donc été enregistré sous la houlette de Jon Spencer. A New York. Au sein des studios de Matt Verta Ray (Heavy Trash). Et pas de prises digitales, mais comme autrefois, analogiques. Deux ou trois maximum. Afin que les compos soient les plus spontanées possibles. Le titre de l’album ? Inspiré d’un club de rencontres entre ‘blacks’, sis sur la Bedford Avenue, au sein duquel, Jon les avait invités. Un choix judicieux, puisque les lyrics parlent de sexe et de fantasmes. Et le reste, on vous invite à en prendre connaissance, en compagnie de Jeremy, alias Dirty Wolf, rebaptisé Dirty Coq, qui nous a accordé cet entretien à Liège, deux jours après le concert du trio, accordé au Magasin 4 de Bruxelles, c’est-à-dire ce 26 novembre.

Et inévitablement, il était intéressant de savoir comment s’était déroulé leur set. Réponse : « Perso, j’ai vraiment pris mon pied, comme je ne l’avais plus pris depuis longtemps ; enfin je veux dire comme je le prends rarement. En tous cas, sur la scène, c’était très bien, très intense aussi. Maintenant, je n’étais pas au sein du public. Mais après le concert, j’ai croisé de nombreux spectateurs qui m’ont avoué avoir adoré notre prestation. Et toute la soirée, dans son ensemble, s’est parfaitement déroulée. Une affiche très rock ’n roll, entamée par les Magnetix et clôturée par DJ Ponpon et Bronco Billy. Une belle fête, du début à la fin. Partagée par le public… »

On entre maintenant dans le vif du sujet. Et tout d’abord le recours aux bandes analogiques, lors des sessions d’enregistrement. « C’est différent. On n’avait jamais enregistré sous cette forme. Et au début, on a été un peu effrayés, parce quand tu te plantes, tu te plantes. Tu ne sais pas rectifier les erreurs aussi facilement qu’en digital. Bref, tu disposes de bien moins de marge d’erreur qu’en numérique. Mais finalement, les sessions se sont plutôt bien déroulées. En y laissant nos qualités et nos défauts. Et puis on y a gommé toutes les fioritures. Ce qui rend le disque plus humain… La différence entre l’analogique et le numérique ? C’est que l’analogique, ce n’est pas parfait. Et c’est dans l’imperfection que se fait la perfection. La magie, en tout cas. C’est dans l’imperfection que la magie prend naissance… » Pourtant, les trois musicos sont des éternels insatisfaits. Aussi, avec le recul, qu’auraient-ils changé à cet album, maintenant qu’ils ont eu le loisir de le réécouter ? « Bonne question ! Parce que lorsque tu as réalisé deux albums, tu cherches à ce que le suivant soit parfait. Que les vocaux soient impeccables. De ne pas faire une seule erreur, même au niveau du rythme. Et là on s’est retrouvé en studio, en compagnie d’un mec qui nous dit d’y aller à fond ; et que si on se plante, c’est tant mieux. Et il y a des tas de morceaux où on s’est planté. Où ça sonne faux ou on pète une corde. Et il nous disait que c’était bon. Tu imagines, après ces incidents, on était un peu interloqués, en se demandant s’il n’était pas dans l’erreur. Je crois que c’était en mars que nous étions en studio (NDR : il s’adresse à JF, qui opine de la tête) ? Après ce laps de temps, on a un peu digéré cette aventure. Et finalement, je pense qu’il avait totalement raison de nous pousser vers la déglingue. Car en ‘live’, c’est ce qui correspond à notre identité. Ce n’est pas parfait. C’est même loin d’âtre parfait. Notre musique passe plutôt dans l’énergie et dans l’émotion. Et c’est ce qu’il a voulu reproduire en studio. Il a récupéré notre énergie et notre émotion pour l’immortaliser sur un support. Finalement, je n’ai aucun regret. Et je ne changerai rien à ce disque, parce que Jon a vraiment bien fait son job… » Alors, à l’avenir, le groupe a-t-il déjà une petite idée du prochain producteur, en compagnie duquel, il aimerait travailler, pour enregistrer leur futur elpee. La réponse fuse : « Le prochain ? Ce sera nous trois. Parce qu’en enregistrant ce disque, on a appris énormément. Vraiment. Aujourd’hui, nous sommes suffisamment mûrs pour se charger de ce boulot. Nous ne serons plus dans nos petits souliers, quand on pénètrera dans un studio d’enregistrement. Nous ne serons plus honteux, parce qu’on n’est pas super bien en place. C’est cette spontanéité qui va faire notre force. Et on sera tout aussi bien capable de la traduire sur un support… »

Jon Spencer a produit l’elpee. Mais s’est-il également investi au niveau instrumental. Un peu de theremin ? Des claviers vintage ? Des interventions à la guitare ? Ou quoi encore ? « Il ne joue pas de claviers, mais c’est lui qui nous a proposé d’en jouer. Des idées un peu improvisées. Il imitait un motif de la voix. Et après il fallait le reproduire. Puis on recherchait les notes avec lui. Et quand c’était à son goût, on pouvait foncer. C’est vrai que le clavier, c’est pas habituel chez les Tropics. Mais c’est aussi la raison pour laquelle on lui a demandé de produire le disque. Afin d’avoir des idées qui sortent de l’ordinaire. Avant de le rencontrer, ce genre de fantaisie ne nous aurait même pas effleuré l’esprit… Et il n’y a pas de theremin. En fait, ce sont des sonorités produites par les nouvelles pédales de disto. Après les avoir enclenchées, il suffit de moduler le bouton de volume pour obtenir le même résultat. Par contre, oui, il joue de la guitare ; et notamment sur ‘Do it’. C’est lui qui se réserve le solo. Sans quoi, il participe essentiellement aux chœurs et aux voix criées… »

Un détail qui permet de passer au chapitre suivant. L’analyse des plages de ce ‘Liquid love’. Dont la compo la plus influencée par Jon est manifestement ‘Nothing to prove part 2’. Pas dans l’esprit du Spencer, mais plutôt de Pussy Galore. « Tout à fait. Parce qu’il n’était pas convaincu du refrain proposé par Jean-Jacques. Et il lui a proposé une autre ligne vocale. Et elle est clairement estampillée Jon Spencer (NDR : il la reproduit au chant). Je veux dire très rythmique… » Quant à ‘Keep this love’, c’est incontestablement la compo la plus radiophonique de l’opus. Un peu ragtime, très country & western, mais sous une forme qui peut rappeler Johnny Cash. Jeremy acquiesce : « Johnny Cash, Buddy Holly. Ces légendes issues des 60’s. Un peu, c’est vrai. Et c’est assez curieux, car quand on l’a enregistré, on n’y pensait même pas. On a limité l’instru à une gratte, un harmo et une boîte à rythmes. Mais c’est après l’avoir enregistré qu’on s’est seulement posé des questions. Enfin, c’est Jon qui nous a dit que cette compo lui rappelait Johnny Cash. Mais c’est aussi lui qui a voulu qu’elle sonne ainsi. Car la musique, ce n’est qu’une question de son. Je veux dire que si quelqu’un d’autre enregistrait cette chanson, elle ne ressemblerait pas du tout à du Cash ou du Holly… » Après l’entretien, dans la voiture qui me reconduisait au centre de Liège, je me suis quelque peu entretenu avec JF. Justement au sujet de cette compo, qui pourrait, vu son sens mélodique, passer en radio. Et même faire un hit. J’ai donc été très étonné d’entendre que chez Pure FM, on estimait que le son n’était pas assez propre. Sans commentaire…

Lors des sessions, le trio a donc eu recours à une boîte à rythmes, on vient d’en causer, mais aussi à l’électronique, malgré l’immortalisation sur bandes analogiques. Et c’est manifeste sur ce fameux ‘Do it to me’, dont nous parlions en début d’interview. Mais sous une forme épileptique, abordée dans l’esprit de Suicide. « Encore une fois, et je le répète, lorsqu’on a composé ce titre et quand on l’a joué, on ne ressentait pas cette influence. Elle est apparue postérieurement. Jon nous avait confié, que si jamais, pour un morceau, nous souhaitions emprunter une certaine direction, de lui signaler. Il voulait qu’on lui cite des noms d’artistes. On lui a lancé, Suicide, Alan Vega. En fait, je pense que nous avons émis cette idée au même moment. C’était comme une évidence. Et sur cette piste, il y avait un long passage au cours duquel il y avait comme un vide. On se demandait ce qu’on allait bien pouvoir y insérer. Alors Jon a pris sa guitare et a branché son ampli. Il a joué un solo. Il nous a demandé si son intervention nous bottait. Et puis de la reproduire. On n’a pas insisté, on lui a répondu que la sienne était impeccable… » Les deux titres les plus frénétiques du long playing sont ‘Break up’ et ‘Sex games’. Dignes de Bad Brains. Un pur hasard, car finalement, ils ont été initiés par le drummer qui adore ce type de rythme. Par contre, après avoir écouté ‘Worm wolf’ et ‘Holy peace of wood’, il est clair que le groupe a cherché le lien manquant entre Captain Beefheart et Prince. « Très bien vu ! En fait pour ‘Worm wolf’, l’idée est née en studio. La compo n’aurait pas dû être enregistrée sous cette forme ; on devait uniquement entendre ma grosse voix (NDR : il la reproduit, à titre d’exemple). Mais lors de l’enregistrement, il en fallait une ‘témoin’. Et simultanément, en ‘off’, je chantais faiblement, de manière aigüe. Et Jon a dit que ça tuait. Qu’il fallait utiliser ma voix sous les deux formes. Quand au funk, il touche surtout ‘Holy peace of wood’. Une rencontre entre Prince et Captain Beefheart ? C’est ce qui s’est dit à New York… » Si le meilleur burger se prépare avec un gros morceau de punk, saignant à souhait, en y mettant beaucoup de sauce piano dessus, on se demandait quand même où les Tropics étaient allés pêcher un titre comme ‘TETBB Eat Sushi’. Pas au Japon, en tout cas ! Jeremy s’adresse à JF : « Dis tu l’as briefé avant ? » JF répond par la négative… Et notre interlocuteur de poursuivre : « Au départ ce morceau était instrumental. Et il n’avait pas de titre. En fait, tous les midis, Jon nous emmenait dans un resto différent de New York. Et nous sommes allés manger des sushis. Bref, lors de l’enregistrement de ce morceau, il a indiqué sur une pancarte, ‘TETBB Eat Sushi’. Il l’a brandie, derrière la vitre ; et il nous a dit, c’est ce que vous allez déclarer dans la chanson. Il ne nous l’a même pas proposé, mais imposé… »

Alors, ‘Liquid love’, album charnière ou simple exercice de style ? C’est vrai qu’il est moins blues, plus roots et surtout sujet à des influences inhabituelles pour les Tropics. La question méritait quand même d’être posée. « Album charnière, parce que je pense qu’on s’est déplacé à New York pour l’enregistrer et qu’on s’est imprégné du climat de la ville. De sa puissance. Et puis on a enregistré en compagnie de quelqu’un qui est assez connu dans le milieu underground. C’est ce qui nous a permis de franchir une étape. Enfin, je ne sais pas. Peut-être qu’auparavant, nous étions dans une situation de recherche. Et elle nous a permis d’aboutir à cet album. Nous ne sommes pas un groupe qui proclame jouer du blues ou du rock. Notre éventail d’influences est tellement large. On ne se focalise pas sur l’une d’entre elles tout particulièrement. On répète. On interprète naïvement nos morceaux et puis on les enregistre. C’est tout. Bien sûr, ce disque est beaucoup plus dur, plus rock’ n’roll aussi. Mais ce n’était pas conscient au moment de créer les morceaux. On les a composés, suivant le processus habituel. En répète, on crée un riff. Et il sert de base au morceau. Ensuite on passe au suivant. Maintenant, il est probable que nous allons prendre cette direction, par la suite. Enfin, je n’en sais trop rien, si ça tombe, on va s’engager dans une voie plus électro (rires)… »

Et Jeremy a confié un scoop à Musiczine. Pas le fait qu’il soit bleu du dernier album de Tom Waits. « Il me troue le c**. C’est un pote qui m’a informé de sa sortie. Il n’était pas trop emballé. Or, je possède tous ses disques en vinyles. Je suis allé l’acheter, simplement pour compléter ma collection. Et j’ai pris une claque comme c’est pas possible. En fait, si je l’apprécie autant, c’est sans doute parce que mon ami m’avait dit qu’il n’était pas terrible. C’est comme lorsque tu vas au cinéma voir un film que l’on t’a vivement conseillé. Faut que t’aille le voir ! Et quand t’es devant l’écran tu déchantes. Il n’est pas à la hauteur de tes attentes. Parce que tu es influencé. Et là, à l’inverse, l’avis négatif a rendu mon opinion positive. C’est mon disque de chevet, car il baigne dans un univers remarquable, unique en son genre. Et chez les Tropics on essaie de créer le nôtre. Je trouve que le plus important, dans la musique, c’est d’incarner un univers. Peu importe comment tu y parviens, avec ton corps, ton cul, ta bouche ou en te frappant dessus, l’essentiel dans la musique c’est d’incarner un univers. » On en vient quand même au scoop : « En fait, après les sessions, il nous restait encore deux jours à passer à New York et Jon m’a demandé d’enregistrer ma voix sur un morceau de Heavy Trash. Attention, il m’a précisé qu’il ne savait pas si mon intervention figurerait sur la version finale. C’est à l’état de démo. J’y parle de sexe (NDR : on y revient !), mais en français, pendant 2’30, à la manière de Serge Gainsbourg. C’est ce qu’il souhaitait. Touchons du bois pour que ce soit sur le disque… »

(Album « Liquid Love », paru chez JauneOrange ce 14/11/2011)