Ce vendredi, c'est le 2ème jour du W-Festival et sur la plaine du Mont-de-l'Enclus, les festivaliers sont prêts à accueillir une nouvelle salve de groupes et artistes des mouvances ‘dark’ (new-wave, synthpop, darkwave, …) Un beau soleil inonde tout le site. Quel contraste par rapport au déluge qui s’est abattu, la veille, en fin de soirée.
A 13h20 tapante, Flesh & Fell ouvre le feu sur la Synth-Scene. Créé par Pierre Goudesone, ce projet belge a sévi au cours des années 80 et a été reformé en 2011, mais en compagnie d’une nouvelle chanteuse : l'excellente Laurence Castelain (aussi chez Alk-A-Line). Au W-Fest, il présente son nouvel opus, « Icarus », qui célèbre les 30 ans du groupe. Cet elpee et le précédent constituent l'essentiel de la setlist, qui recèle néanmoins quelques classiques, dont « Hunger » et « The Wind ».
L’estomac crie famine ! Il est temps d’aller se restaurer. Par conséquent, Doganov, le groupe belge de 'heavy-gothic rock', Altered Images, la formation responsable des hits « I Could Be Happy » et « Happy Birthday » ainsi que Monica Jeffries et Me The Tiger passent malheureusement à la trappe…
On est de retour pour Orphaned Land. A l’instar de Machiavel, la veille, cette formation israélienne sort complètement du cadre 'new wave' prôné par le festival. Mais pourquoi pas, quand on veut varier les plaisirs… Actif depuis 27 ans, il infuse son prog-metal de sonorités orientales et de musiques traditionnelles. Malheureusement, malgré la qualité des compos et les messages de paix délivrés par le chanteur, le concert n'est guère convaincant. L’instrumentation ‘live’ ne parvient pas à s’intégrer aux bandes qui tournent en play-back. Résultat des courses : c’est brouillon ! A découvrir sur disque ou alors, si c’est en concert, sous la houlette d’un ingénieur du son compétent !
La Synth-Scene est déjà bien remplie à 16h pour la prestation de Peter Godwin, un chanteur anglais qui a décroché quelques hits au cours des eighties. Sa synthpop est sirupeuse, trop sans doute. Il affiche un look de ‘vieux beau’ à la Pierce Brosnan et ses attitudes précieuses frisent le ridicule. Heureusement, « Criminal World », d'ailleurs repris par Bowie, « The Art of Love » et surtout « Images of Heaven » sortent quelque peu du lot...
Pendant ce temps, Echoes of Yul, le projet polonais emmené par Michał Śliwa, déroule sans grande conviction ses sonorités dark/ambient/drone/doom.
Bref, pas la peine de trop s’attarder, car A Flock of Seagulls, une formation anglaise qui a marqué l'époque new wave, grâce à un style rock/pop synthétique très efficace et au charme irrésistible, s’apprête à grimper sur les planches. Bon : au niveau du look, c'est râpé : le chanteur a troqué sa célèbre crête punk blonde contre une coupe à la Bruce Willis et affublé d’une veste argentée, on dirait un 'Bonhomme Michelin' qui aurait été kidnappé par les Aliens. La voix a mûri, mais ne parvient plus à passer l’octave supérieure. Cependant, plus rock, la musique passe bien la rampe. Des hits comme « Modern Love is Automatic », « The More you Live the More you Love » et, bien sûr, « I Ran » n'ont pas pris une ride et on se rend compte à quel point certains groupes contemporains ont pillé le style des volatiles, surtout Arcade Fire. Première belle surprise de la journée !
Quant à Dive, il n'y a pas de surprise ! Ce projet electro-indus de l'hyperactif Dirk Ivens (NDR : aussi derrière The Klinik, Absolute Body Control et Sonar) est devenu notoire pour ses concerts-tueries. Et il ne dérogera pas à la règle. Comme pour D.A.F. la veille, c'est simple, minimaliste même mais... ça déchire. Ivens est seul sur l’estrade, soutenu par une bande-son et des stroboscopes ; mais son énergie est impressionnante. Que ce soit sur « Underneath », « Far Away » ou « Bloodmoney », le son est puissant et on l’encaisse comme un coup de poing dans la figure. Il faut dire que Borg (Bodybeats, The Klinik, Juggernauts), le fidèle comparse d'Ivens, est derrière les manettes. « Power of Passion » vire à l'indus-noise et devient quasi-bruitiste. En fin de set, « Concrete Jungle », un morceau découpé par un riff d'infrabasses jouissif, suivi de deux reprises de The Klinik (« Sick... » et « Moving Hands »), passées ici à la moulinette, provoquent un orgasme auprès du public massé dans un chapiteau 'Wave' affichant 'complet' : un grand moment !
Bow Wow Wow est une formation emblématique de la new wave, fondée en 1980 par le manager Malcolm McLaren. Responsable d’une musique percussive, elle est fortement influencée par le rockabilly et la world, tout particulièrement celle issue du Burundi. Pour former le line up, ce dernier avait recruté des musiciens chez Adam & The Ants, dont Annabella Lwin, qui n’avait alors que 13 ans. Cette dernière avait alors suscité la controverse, en posant nue sur ses premières pochettes, un peu dans l’esprit de la toile d’Edouard Manet, ‘Le déjeuner sur l’herbe’. Faut dire que la nénette n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à se produire en petite culotte… ou presque. Comme en ce début de soirée, vêtue d’une robe ultra-courte à motifs jaunes et noirs. Ah, fallait quand même le préciser, Annabella ne joue plus chez Bow Wow Wow, au sein duquel, d’ailleurs, ne figure plus que le seul Leigh Goman comme membre originel, mais se produit subtilement sous le patronyme d’Annabella’s Bow Wow Wow. Ce qui ne l’empêche pas d’interpréter des titres de son ancien groupe ou encore des reprises, dont « These Boots Are Made for Walkin' » de Lee Hazlewood ainsi que « I Want Candy » des Strangeloves. Bien qu’ayant pris des rondeurs, elle est encore jolie et puis, c’est une véritable pile électrique qui parcourt le podium de long en large. En outre, sa voix est toujours aussi spasmodique et aiguë. Son drummer est excellent et semble avoir bien assimilé la technique de Dave Barbarossa, produisant parfaitement ce groove si caractéristique. La première moitié du set est particulièrement sauvage et ludique, le gratteur à la belle guitare blanche et le bassiste participant activement à ce débordement d’énergie ; avant que le soufflé ne retombe, pour laisser place à des morceaux plus pop, mais moins intéressants. L’occasion d’aller prendre un rafraîchissement, avant la pièce de résistance… (*)
De retour sous le chapiteau 'Wave', une foule compacte attend Die Krupps. Un groupe qui a tout simplement ouvert la voie (royale) à Rammstein. Dès les premières notes de « The dawning of doom », on a l’impression d’entendre « Tier » voire « Engel », deux compos de leurs compatriotes. Et l’intro de « Crossfire », intégrée en milieu de set, n’est pas sans rappeler le « Sehnsucht » de leurs voisins pyromanes. On pourrait encore citer « Hi tech/low life » comme titre plagié. Pas besoin de feux d’artifices ni de mise en scène théâtrale pour Die Krupps. Sa déferlante EBM et indus s'abat sur la plaine tel l’orage qui a secoué la région, la veille. Le leader, Jürgen Engler, a pour seul artifice un instrument de percussion industriel composé de 4 gros tubes cylindriques, sur lequel il s’acharne à la manière d’un N.U. Unruh (NDR : Einsturzende Neubauten). Et tout particulièrement tout au long de « Wahre arbeit », moment au cours duquel, le micro est tendu vers le public pour qu’il reprenne en chœur le refrain binaire ‘Lohn – Arbeit’. Les compos défilent comme des uppercuts, mais toujours avec ce sourire et cette sympathie qui animent les membres du groupe. Regardez d’ailleurs leur clip video « To the hilt » ici pour bien percevoir leur humour. (**)
Dans la lignée, la réputation de Project Pitchfork n’est plus à faire. Il compte d’ailleurs 3 décennies de carrière. Le combo hambourgeois a fondé son propre label (NDR: Candyland Entertainment) avant de signer sur une major (Warner), fin des années 90. Le leader Peter Spilles et le claviériste Dirk Scheuber sont présents depuis les débuts de l’aventure. Ce soir, ce dernier apparaît métamorphosé, aminci, à la coiffure bien plus nette qu’auparavant, et sort d'une cure de désintox, paraît-il. En tout cas, le quatuor hanséatique confirme à nouveau son statut de référence du genre darkwave. Derrière la voix rauque de Peter, se cachent des lyrics intéressants défendant l’écologie ou les risques de l’évolution humaine. « Time killer », « Rain » ou « Beholder » sont autant de singles qui font bondir la foule et déclencher des pogos devenus rares au sein des festivals. Une prestation 5 étoiles, clôturée par une ovation du public dont se rapprochera le chanteur, visiblement ému par un tel accueil. (**)
Pendant ce temps, sur la Synth-Scene, ABC en étonne plus d'un en livrant une prestation en tous points parfaite. Fondé en 1980, il est toujours drivé par le très classieux Martyn Fry, et se pose en véritable 'big band'. Non moins de huit musiciens occupent le podium et on se croirait à Las Vegas tant leur apparence est soignée et leur jeu, professionnel. Vêtu d’un costume impeccablement taillé, Fry affiche un look de Lord Sinclair et le temps ne semble pas avoir eu davantage de prise sur sa voix. La setlist est un feu d'artifice de hits dans le style typiquement disco-wave teinté de soul qui a fait la célébrité des natifs de Sheffield. Quant au son, il est simplement exceptionnel. Chaque instrument est clair, distinct et parfaitement équilibré : un fait très rare ! Les tubes font bien entendu mouche : « Poison Arrow », « All of My Heart » ou « The Night you Murdered Love ». « When Smokey sings » rend un hommage touchant à Smokey Robinson et à la soul en général. Venu en masse, le public fait ensuite un triomphe au groupe pendant « The Look of Love », sans conteste son plus grand hit. En un mot comme en cent : ce groupe nous a étalé l’ABC de la classe...
Pour clôturer cette journée, les organisateurs ont cassé leur tirelire et ont invité Kim Wilde, la reine de la synthpop, qui fait pour l'instant une seconde carrière étonnante, déplaçant les foules dans l'Europe entière. Pour se rendre compte de la popularité, hallucinante, de l'Anglaise, il suffit de regarder les premiers rangs de la Synth-scene. Plusieurs centaines de fans sont massés devant les barrières depuis plus de 3 heures, attendant impatiemment leur idole. En raison de problèmes techniques, le show accuse 20 minutes de retard et c'est une véritable ovation que reçoit la belle blonde au moment de monter sur l’estrade.
Evidemment, les années ont passé et la jeune fille élancée a fait place à une femme mûre aux formes plus rondes. Mais le caractère est toujours bien là : Kim Wilde est souriante, enjouée même et sur « Chequered Love », elle s'amuse avec le public et ses musiciens. Dans le groupe, on retrouve bien entendu son frère Ricky, co-compositeur et producteur, que la chanteuse présente comme ‘celui sans lequel rien de tout ceci ne serait arrivé’. Les hits sont interprétés dans des versions plus 'rock' que les originaux, ce qui permet de passer un petit coup de baume sur les « Cambodia » et autre « You Came ». La ferveur est telle dans les premiers rangs que deux personnes doivent être évacuées au-dessus des barrières Nadar en raison d'évanouissements. La 'Wildemania' continue sur le dernier morceau, la reprise des Supremes, « You Keep Me Hanging On ». En rappel, Kim Wilde présente un nouveau morceau, « Pop Don't Stop », tiré de son nouvel album : « Here Come The Aliens » et le final est, comme on s'en doutait, consacré à « Kids In America », le premier hit de Kim Wilde, sorti en 1981. Malgré quelques petites fausses notes et un côté un peu agaçant, le concert est une vraie réussite et aura au final ravi tous les fans...
(Organisation : W-Festival)
(*) BD
(**) Sébastien Leclercq