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Roger Waters

Au sommet de sa forme !

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Lors de la tournée qui a suivi la parution de « Division Bell », le deuxième opus studio depuis le départ de Roger Waters, votre serviteur avait eu l’immense chance d’assister au show du légendaire groupe britannique Pink Floyd sur la plaine de Werchter où avaient été déposées pas moins de 250 tonnes de matériel pour un concert déjà très réussi d’un point de vue technologique.

Près de 30 années plus tard, arborant fièrement 79 piges, la pierre angulaire du Floyd se produisait au stade Pierre Mauroy, également baptisé Decathlon Arena, une structure située dans la bourgade de Villeneuve-d'Ascq, commune de la Métropole européenne lilloise.

Une belle manière de boucler la boucle et de mettre fin à une certaine forme de frustration qui rongeait votre serviteur depuis tant d’années…

En forme de vaisseau translucide, l’édifice est non seulement visuellement impressionnant, mais il offre également différentes configurations en fonction du type et de la taille de l’évènement.

Un constat, entre dénonciations des violences policières, crimes de guerre et discours de politiques véreux, le sergent Waters est loin de s’être assagi.

La météo n’est pas nécessairement de la partie en cette mi-mai. Le trublion anglais se voit donc offrir le luxe de se produire à huis-clos, grâce à un toit mobile de 7 600 tonnes qui peut être refermé en trente minutes, si nécessaire.

Waters et son team vont monter sur une scène en forme de croix revêtue d’écrans gigantesques comme autant de points cardinaux qui va permettre à tout un chacun de profiter du set de manière identique. Une belle prouesse technique à souligner ! Et ce ne sera pas la seule !

Les spectateurs se sont pressés en masse, essentiellement des quinquas et sexagénaires aux cheveux poivre et sel. Normal quand on sait que l’artiste a été un membre actif de Pink Floyd dès 1965, comme bassiste, dans un premier temps, et parolier, chanteur et leader ensuite, après a mise à l’écart du chanteur, guitariste et compositeur, Syd Barrett.

En voix off et sur l’écran, Roger Waters insiste pour que les téléphones soient éteints. Il met aussi en garde le peuple sur ses prises de position. Prière à ceux qui ne les apprécient pas d’aller ‘se faire foutre au bar’. La messe est dite !

Vers 20h30, l’artiste entame son tour de chant par un subtil réarrangement de « Confortably Numb ». Une version down tempo diamétralement opposée à l’originale. Une signature personnelle, épurée et très sombre à la fois, où s’emmêlent projections de gratte-ciels désertés et gens qui déambulent sous des grondements de tonnerre incessants. On relèvera aussi cet ensemble de chœurs puissants qui gravitent majestueusement et font oublier la mythique Fender de Gilmour et ses solos dont il a le secret.

Lors des dernières gammes de cette composition mythique, les hélices d’un hélicoptère vrombissent de part et d’autre du stade. Aucun doute ne subsiste, ce sont bel et bien les deuxième et troisième segments de « Another Brick in the Wall » qui retentissent sous un lit de bombardement de slogans (forcément) idéologiques, le tout relevé par des lumières rayonnantes particulièrement impressionnantes.

Entouré de Jonathan Wilson et Dave Kilminster (guitares), Joey Waronker (percussions), Gus Seyffert (basse), Jon Carin (claviériste, multi-instrumentiste), Robert Walter (orgue), Ian Ritchie (saxophone) et des choristes Amanda Belair et Shanay Johnson, l’ex-boss de P.F., affublé d’un t-shirt noir moulant, manifeste une énergie phénoménale, mais n’en oublie pas son combat primaire : dénoncer les faits les plus abjects et crimes commis par le pouvoir en place. Tout un programme !

Peut-être aussi se rend-t-il aussi coupable d’excès de zèle. Le public est venu pour apprécier un spectacle dans son ensemble et pas forcément pour entendre des discours moralisateurs toutes les cinq minutes.

Cette première partie privilégie également des titres plus personnels comme « The Powers That Be » ou « The Bravery of Being Out of Range » interprétés au piano, insufflant beaucoup d’émotion et de légèreté au set. Des titres aux relents tristement célèbres allant des manifestations et divers débordements policiers (de l’Afro-Américain George Floyd à l’Iranienne Mahsa Amini), aux prises de parole d’anciens présidents américains, de Reagan à Trump. Sans oublier Joe Biden, qui, selon le discours du maître de cérémonie, ne ferait que commencer. L’avenir lui donnera peut-être raison…

Autre moment hors du temps, lorsque, tout en finesse et avec une humilité non dissimulée, Waters s’épanche longuement sur son ami de longue date, Roger Keith Barrett, cofondateur et leader de Pink Floyd, mieux plus connu sous le pseudo Syd Barrett, disparu en 2006 des suites d’une longue maladie. Les musiciens du groupe ont mis un terme à sa collaboration en 1968 en raison de son comportement de plus en plus erratique, principalement dû à une importante consommation de LSD.

Waters lui porte encore aujourd’hui beaucoup d’amour et de respect. ‘On rêvait de vivre un rêve et on l’a vécu. Ça s’est un peu gâté par la suite. Comme mon mariage d’ailleurs’ s’exclame-t-il d’ailleurs sous les cris hilares du public. Véritable icône de l'histoire du rock, Pink Floyd lui a d’ailleurs rendu un vibrant hommage à travers notamment l’album « Wish You Were Here », un opus sorti en 1975.

Waters s’exécute la gorge serrée à travers le triptyque « Have a Cigar » suivi du séculaire « Wish You Were Here » ou encore l’intemporel « Shine On You Crazy Diamonds » alors que Barrett et les membres originels de Floyd sont projetés en filigrane. 

Le spectaculaire « Sheep » et surtout son mouton géant tient la vedette à lui seul en survolant les spectateurs. Une chanson lourde de sens dans laquelle RW pointe du doigt la couche sociale la plus basse, le prolétariat, et y démontre comment le peuple est exploité au sein d’une société capitaliste, ‘à peine conscient du malaise dans l’air’ (‘only dimly of a certain unease in the air’).

Le mouton, rentré dans la bergerie, sonne le glas d’une première partie qui a tenu en haleine même les plus perplexes.

Après une vingtaine de minutes d’un entracte fort mérité permettant tant aux musiciens qu’aux spectateurs de se réhydrater, le plus rock’n’roll des Anglais revient sur les planches, plus combattif que jamais, et affublé d’une longue veste noire en cuir de type gestapo tout en arborant fièrement le brassard ‘marteaux croisés’ de « The Wall ».

A la grande surprise, cette fois, c’est un cochon gonflable qui sort de sa basse-cour, animal issu de l’album « Animals ». On peut y lire aisément ‘Fuck the poor’ (‘on emmerde les pauvres’) et ‘Volez aux démunis, donnez aux riches’. Le mammifère s’en donne à cœur joie virevoltant au gré de son instinct et n’a que faire de cette énième provocation.

Le puissant et grandiloquent « In The Flesh » est alors interprété, toute guitare hurlante. Les marteaux marchent au pas de militaires sur les nombreux écrans floqués, signe du symbole fasciste.

Le chanteur, après s’être exclamé comme un goret, met un terme à ce (triste) spectacle par un tir de mitraillette en direction du public, ranimant aussi dans la mémoire collective le débat des armes à feu aux États-Unis.

Sublime, le show réserve encore des visuels hors du commun, comme sur ce « Run Like Hell » ponctué par une vidéo d’un raid aérien de 2007 à Bagdad, qui avait causé plusieurs morts, dont deux journalistes.

« Two Suns In The Sunset » (cette plage figure sur « The Final Cut », le dernier elpee du Floyd auquel il a participé), permet à Roger de remercier chaleureusement les trois personnes qui revêtent de l’importance dans sa vie : Bob Dylan, sa femme Kamilah Chavis, et son frère John, décédé il y a peu de temps.

L’apothéose de ce spectacle procède d’un medley issu de « Dark Side Of The Moon », le huitième album studio, soit un « Money » illustré par ses images de liasses de fric, de cartes de crédit, etc. et interprété par le guitariste Jonathan Wilson qui se consacre ici au chant, « Us and them » et ses flashs photos sur des visages issus du monde entier, qui finiront par s’unir plus tard dans la soirée, « Brain dammage » et enfin « Eclipse », comme si la lune allait éclipser définitivement le soleil…

Les titres sont mis en lumière par des synthétiseurs stellaires, des solos de guitare à faire pâlir David Gilmour et des faisceaux lumineux recréant ainsi petit à petit les pyramides symbolisant la pochette de l’opus paru en 1973.

Seul bémol au tableau, l’absence de l’inimitable « Great Sky In The Sky », un morceau très apprécié des aficionados. Pour la petite histoire, dans sa version studio, la voix est celle d’une jeune chanteuse de 25 ans, Clare Torry tentant d’improviser un chant pour la musique composée par Wright. Elle est ressortie du studio, convaincue qu’elle n’y était jamais parvenue…

En guise d’adieu, on aura droit à une reprise de « The Bar », suivie de « Outside the » au piano, alors que l’ensemble de l’équipe en profite pour siroter des shots que l’on devine fortement alcoolisés. Un moment de communion surréaliste, magique et fragile à la fois.

Après environ deux heures trente d’un spectacle à marquer au fer rouge, les musiciens et le natif de Great Bookham saluent le public généreusement sous tous les angles de la scène pour se diriger ensuite vers les coulisses tout en continuant de jouer comme s’il s’agissait d’une fanfare de rue. Les caméras suivent cette mise en scène jusqu’à que ce le drummer donne le clap de fin par un solo sur sa seule caisse claire tenue en bandoulière pour l’occasion.

Un Roger Waters au mieux de sa forme qui signe là sans doute un des plus beaux concerts auxquels votre serviteur ait pu assister…

Un homme aussi d’une grande dignité, contestataire dans l’âme, qui combat toutes les injustices de ce monde et tente d’utiliser sa notoriété pour faire changer le cours des événements.

Et enfin, un artiste qui est parvenu à mettre de côté, le temps d’une soirée, ses rancœurs envers David Gilmour tout en parvenant à se réinventer artistiquement.

 

Roger Waters

Wish you were there...

Oh oui : ceux qui n'étaient pas présents vont le regretter en lisant ce compte-rendu. Affichant déjà 74 printemps, ce brave Roger reste un des artistes les plus impressionnants à voir en 'live'. Est-il nécessaire de rappeler qu'il est un des fondateurs et le chanteur/bassiste/compositeur de Pink Floyd, un des groupes majeurs de l'histoire du rock, qui a vendu plus de 250 millions d'albums ? Ce soir, au sein d’un Sportpaleis archi-comble, le Britannique accorde le premier des deux concerts programmés à Anvers, dans le cadre de sa tournée mondiale baptisée ‘Us+Them’...

La période d'attente est rythmée par une musique ambient et, sur l'écran géant disposé en fond de scène, par une vidéo, très relaxante d'une femme assise sur une dune, devant la mer. Vers 20h20, le ciel dans cette projection commence à rougeoyer et le décor idyllique se transforme en cauchemar alors que des sons effrayants retentissent... Les musiciens sont à peine montés sur le podium qu’une explosion assourdissante et en quadriphonie éclate, avant de déboucher –et c’est un contraste absolu– sur les deux accords harmonieux et célestes de « Breathe », le classique de Pink Floyd. Une entrée en matière époustouflante, qui laisse présager un show spectaculaire...

Sur les planches, on reconnaît, bien entendu Roger Waters, traditionnellement vêtu d'un jean et d'un t-shirt noirs. A droite de l’estrade, Jonathan Wilson a la lourde tâche de prendre en charge les parties vocales de David Gilmour, mission dont il s'acquittera avec maestria tout au long du set. Au passage, signalons que le musicien californien mène une carrière solo très intéressante, dans un style proche du Floyd mais également de The War On Drugs.

La première partie de la setlist fait tout naturellement la part belle aux chefs d'oeuvre du Floyd, enfilant « Time », « One of These Days », « Welcome To The Machine » et un superbe « A Great Gig in The Sky » interprété en duo par les deux chanteuses, Jess Wolfe et Holly Laessig (également dans Lucius). Les nouvelles compositions de Waters, parues l'année dernière sur l'excellent opus, « Is This What We Really Want », tiennent parfaitement la route pendant le show. « Dejà Vu » et « The Last Refugee » font mouche et « Picture That » surprend par sa puissance et son côté engagé. Ici, comme à de nombreuses reprises, Donald Trump en prend pour son grade et ses photos sont copieusement conspuées par la foule.

La première partie du set se clôture par un grand moment : « Wish You Were Here » enchaîné à « The Happiest Days of Our Lives » et enfin « Another Brick in The Wall part 2 & 3 ». Suivant une tradition désormais bien établie, Waters a invité des enfants à rejoindre la formation pour un premier final endiablé. ‘Merci, les enfants ! Magnifique’, ajoute-t-il, en français, avant de se retirer…

Au cours de la pause, des inscriptions et des slogans tels que ‘Resist’ sont projetés sur l'écran géant. Dès le début du second acte, on comprend l’affectation de l'énorme rail disposé à l'avant du podium, au-dessus du parterre. Durant les premières notes de « Dogs », une structure semble sortir du rail pour s'élever jusqu’au plafond : c'est un gigantesque écran en huit parties qui s'installe ainsi perpendiculairement à la scène et projette l'image de l'usine iconique de l'album « Animals ». A la fin du track, les musiciens enfilent un masque de cochon et organisent un petit intermède ‘champagne’ sur les planches : très fun ! Waters saisit ensuite une pancarte sur laquelle est mentionné ‘Pigs Rule The World’, un geste qui introduit la version complète (plus de 11 minutes quand même !) de « Pigs (Three Different Ones) », une compo qui lui permet de fustiger tous les dictateurs et les puissants de ce monde. A l’avant du podium, il adopte une posture quasi-christique, les deux bras tendus devant lui, comme pour exhorter le public à prendre conscience de la situation et à agir ! Les images récentes projetées sur les écrans confirment que le morceau (NDR : il remonte à 1977 !) n'a pas pris une ride et son propos est, plus que jamais, d'actualité. Jolie surprise en fin de parcours, lorsque s’affiche sur l’écran l’inscription, en néerlandais, ‘Trump is een idioot’ (Trad : Trump est un idiot) !

En toute logique, Waters poursuit dans la même veine par « Money », une autre pure merveille de Pink Floyd, au cours de laquelle Dave Kiliminster et Jonathan Wilson exécutent à l'unisson le solo de David Gilmour et ce, avec une précision chirurgicale. Coup de chapeau au passage à Kiliminster, qui, d'une façon générale, reproduit à la perfection les parties de Gilmour, même si, dans le legato et certains sons, le génie de Gilmour reste inimitable. Pendant « Us and Them », les images sélectionnées par Waters font clairement allusion au conflit syrien et aux réfugiés. On a la gorge serrée, bouleversés par la beauté de la musique et la tristesse véhiculée par les images.

Mais ce diable de Waters nous réserve encore de belles surprises ! Après avoir goûté au sublime « Brain Damage », place au titre de clôture, « Eclipse ». Soudain, des lasers blancs installés devant l’estrade s’élèvent, dessinant une monumentale pyramide. L’auditoire clame son émerveillement ; et lors de la partie finale de la composition, hypnotique et solennelle, d'autres lasers, colorés ceux-là, descendent pour épouser la forme du dessin de la célèbre pochette de « The Dark Side of The Moon ». L'effet est tel qu'au moment de la dernière note, le public, assez calme jusqu’alors, se lève comme un seul homme et laisse échapper une clameur inouïe…

Au bout de quelques minutes, le groupe revient sur les planches et Roger Waters reste de longues minutes debout dans la lumière, baignant dans les applaudissements, les deux poings serrés en croix sur le coeur. ‘Merci...’, murmure-t-il, visiblement ému. ‘Cet amour que nous ressentons ici ce soir est palpable. Lui seul peut nous aider à changer le monde...’ Il se saisit ensuite de sa guitare acoustique et entame seul le très beau « Mother », un autre grand moment avant l'orgasme final, qui est, comme prévu, procuré par un « Comfortably Numb » d'anthologie.

Au moment de quitter la salle, on a l’impression d’avoir assisté à un concert d'exception, magistral à tous points de vue. Musicalement, bien sûr, même si l'on connaît la difficulté de produire un bon son dans le Sportpaleis, mais surtout visuellement grâce à un show multimédia et multimodal particulièrement innovant. Enfin, il y a le contenu, car ce que Waters nous a apporté ce soir, c'est une vision acerbe, sans concession de notre société et un regard profondément humain sur notre condition...

Pour les photos, c'est ici

Setlist:

Set 1:

Speak to Me
Breathe
One of These Days
Time
Breathe (Reprise)
The Great Gig in the Sky
Welcome to the Machine
Déjà Vu*
The Last Refugee*
Picture That*
Wish You Were Here
The Happiest Days of Our Lives
Another Brick in the Wall Part 2
Another Brick in the Wall Part 3

Set 2:

Dogs
Pigs (Three Different Ones)
Money
Us and Them
Smell the Roses*
Brain Damage
Eclipse

Encore:

Mother
Comfortably Numb

* From Roger Waters' latest album (all the other songs are from Pink Floyd)

Organisation : Live Nation

Roger Waters

Is This The Life We Really Want ?

Musiczine est un des premiers médias belges (et en tout cas, le premier site web) à publier une chronique du nouvel album de Roger Waters. Il sort officiellement dans deux jours. Nous avions déjà eu le privilège de participer à une pré-écoute chez Sony Music Belgium ; mais aujourd'hui, c'est le précieux cd que nous avons dans les mains.

Nous ne vous ferons pas l'injure de vous présenter Roger Waters, le fondateur et co-leader du légendaire Pink Floyd, actif en solo depuis 1985. Intitulée « Is This The Life We Really Want ? », la nouvelle production studio de l'artiste anglais est la première depuis « Amused To Death », parue il y a 25 ans.

Produit et mixé par Nigel Godrich (Radiohead, Beck,...), « Is This... » recèle 12 nouvelles compositions qui marquent clairement un retour à un certain classicisme 'floydien'. Exit les extravagances et les 'featurings' de stars (Eric Clapton, Jeff Beck) qui émaillaient les opus précédents. Place à des chansons plus calmes et davantage dépouillées.

« Smell The Roses », le premier titre dévoilé il y a déjà quelques semaines, évoquait déjà et irrémédiablement « Have A Cigar ». Les autres plages nous replongent avec bonheur dans les chapitres calmes de « Dark Side of The Moon », « The Wall » ou « Animals ». Les thèmes sont, on s'en doutait, à nouveau très engagés politiquement ; et en toile de fond on retrouve ce climat pré-apocalyptique au sein duquel l'artiste a forgé sa marque de fabrique.

Place maintenant à une chronique impressionniste des plages, rédigée dans le style ‘stream of consciousness’, cher à James Joyce.

Un tic-tac d'horloge ouvre la plaque... « Time », un des chefs-d'oeuvre du Floyd, nous traverse l’esprit. Waters déclame, en 'parlando', quelques phrases qu’il mélange à des samples de conversations. Cette intro dure une minute et demie.

La seconde plage. « Déjà Vu ». « Déjà entendue », vu qu'elle a également été publiée sur le web. La guitare acoustique et les premières notes nous replongent dans l'atmosphère d’une ballade lente digne de « Mother » (« The Wall »). Waters chante ‘If I had been God’ ou ‘If I were a drone’. Il exprime sa vision politique et sociale d'un monde qu'il aurait voulu meilleur. Puis il monte dans les tours et éructe toute sa hargne et sa douleur dans une explosion de missiles. Dans la grande tradition de ses folles diatribes 'walliennes'. 

Le rythme ralentit encore quelque peu pour « The Last Refugee », une divagation sur le thème de l'enfant réfugié échoué sur la plage. Quelques extraits d'une radio ouvrent la voie à une lente mélopée enrichie par des paroles ici très poétiques. La compo enfle comme une vague de cordes et de synthés, pour retomber ensuite sur des cris de mouettes...

« Picture That ». Un rythme lancinant, répétitif, menaçant. Une basse pulse et un synthé cristallin scintille... Une batterie 'krautrock' lui sert d’écho... Ou plutôt « Echoes », tant la référence est insidieuse. Débarquent alors les choeurs féminins. L'habillage floydien est alors complet. ‘Wish You Were Here in Guantanamo Bay’ adresse un autre clin d'oeil au titre qui ouvrait ce fameux « Echoes ». Le morceau est puissant, progressif et surtout... excellent ! Sans doute la meilleure compo… jusqu'à présent!

Un loup hurle au loin. « Broken Bones » est tramé par une guitare acoustique à la tonalité rassurante. Mais, à nouveau, ce n'est qu'une douceur apparente. Waters déplore la direction adoptée par notre société après la seconde guerre mondiale. ‘Mistress Liberty, oh we abandoned thee...’ Waters est bien le digne successeur de Bob Dylan.

Après quelques fragments de bavardages, place au titre maître. Il déploie doucement ses harmonies subtiles en arpèges électriques. Un goût de Steven Wilson... Juste renvoi d'ascenseur... La répétition d’« Every time... » réveille en nous le souvenir du final d’« Eclipse » sur « Dark Side of The Moon » ; mais malheureusement, la piste n'atteint pas les sommets épiques de ce classique intemporel.

Des sonorités industrielles amorcent « Bird In A Gale ». Comme une machine à vapeur. Welcome to the machine ! Au-dessus de cette pulsion, Waters construit un univers sonore à nouveau parfaitement floydien, combinant la batterie robotique aux nappes de synthés analogiques (Oberheim!). Sa voix est ici criarde, incantatoire, pour ce qui ressemble fort à un règlement de compte sentimental, transcendé par une dimension sociale. Le final est étonnant : la pulsation mécanique prend de l'ampleur et l'ensemble devient hypnotique, hallucinant, et... BOUM : le son d'un jet passe juste au-dessus de nous et des voix soufflent un ‘wow !’ Saisissant ! Comme dans un film, en 'surround sound'...

Retour à une ambiance plus introspective pour « The Most Beautiful Girl ». Le piano mène le bal tout au long de cette lente et sombre évocation du destin tragique de la beauté, ponctuée de voix angéliques.

Un cigare ? Il « Smell The Roses », dont l'intro, la rythmique puissante et les riffs bluesy évoquent clairement « Have A Cigar ». Retour du tic-tac dans le break central avant le premier solo de guitare depuis le début ! Il est bref mais tant le son que le glissando devraient sans doute faire sourire David Gilmour ! L'imitation est bluffante, au bord de la caricature... Un esprit de revanche ? ‘Pink Floyd, c'est moi !’, semble vouloir affirmer Waters.

« Wait For Her » et « Oceans Apart » ouvrent des parenthèses paisibles avant la plage finale : « Part of Me Died », que l'on espère en apothéose. Mais c'est juste un final délivré en forme d'espoir. Sur une musique épurée, Waters rappelle que seul l'amour permet d'obscurcir la part sombre de l'être humain. ‘When I met you, that part of me died...’

A 73 ans, Roger Waters est parvenu à créer un véritable classique, qui a parfaitement sa place à côté des chefs-d'oeuvre de Pink Floyd. Les thèmes sont ambitieux, les compositions solides et les arrangements, subtils et très riches. Discrète mais efficace, la production de Nigel Godrich est mise au service de la musique. Waters est multimillionnaire ; il n'avait aucune obligation de graver cet opus ; il aurait pu se contenter de pomper la machine à nostalgie ad vitam... Non : il démontre ici sa vitalité et la constance de son inspiration. Keep shining, crazy diamond...

Pour commander l'album : voir ici

Pour écouter « Smell The Roses » : c’est

 

Tracklist :

1. When We Were Young
2. Déjà Vu
3. The Last Refugee
4. Picture That
5. Broken Bones
6. Is This the Life We Really Want?
7. Bird in a Gale
8. The Most Beautiful Girl
9. Smell the Roses
10. Wait for Her
11. Oceans Apart
12. Part of Me Died

Line up :

Roger Waters – vocals, acoustic guitar, bass guitar
Nigel Godrich – keyboards, guitar, sound collages, arrangements
Gus Seyffert – guitar, keyboards, bass guitar
Jonathan Wilson – guitar, keyboards
Roger Joseph Manning, Jr. – keyboards
Lee Padroni – keyboards
Joey Waronker – drums

Jessica Wolfe – vocals
Holly Laessig – vocals

Roger Waters

In the flesh

Écrit par

Roger Waters continue de tourner à travers le monde. Où il parvient encore à remplir des stades. Sa dernière tournée américaine a apparemment été un réel succès, puisqu'il a choisi des extraits de sets accordés lors de son passage à Portland, à Phoenix, à Las Vegas et à Irvine pour concocter ce double album. Qui recèle vingt-cinq titres en un peu moins de deux heures trente ! Des compositions issues de ses dernières expériences en solitaire, mais aussi et surtout du répertoire du Floyd. Et en particulier des opus " The Wall ", " Dark side of the moon " et " Wish you were here ". Sans oublier le célèbre fragment extrait de "A saucerful of secrets", "Set the controls for the heart of the sun" ainsi qu'une nouvelle chanson dédiée aux victimes anonymes qui ont été torturées en Afrique du sud, pendant l'apartheid, "Each small candle". Toujours en retard d'une guerre, l'ami Roger ! Pas la peine de tirer à boulets rouges sur cette œuvre, ni encore moins de lui vouer un culte. Waters et son backing band ont de la bouteille. C'est une certitude. Et le concours de James Guthrie à la production est un plus, c'est incontestable. Mais pour l'esprit rock'n'roll, faudra repasser. Ce double CD est donc destiné aux babas-cool qui ont la nostalgie d'un certain passé. Mais également à créer une ambiance intime pour un couple qui a envie de se réserver de gros câlins. Vous voyez le tableau : sofa, champagne, lumière tamisée, etc. Et en deux heures trente, on a vraiment tout le temps de prendre son pied (NDR : pas dans le tapis, hein !).