Rencontré lors d’un concert de Sea and Cake au Botanique, le bassiste de Torpid m’a confié le peu de souci que son groupe se faisait de l’image qu’il renvoie et des modes en matière de musique. En témoignent les titres des chansons et l’artwork dadaïste du disque, mettant en scène une créature à tête de fraise, imaginée suite à la rencontre avec un étrange personnage lors de l’enregistrement de cet album, leur sixième…
Tendue, paranoïaque, et d’une redoutable efficacité, la musique proposée par le trio luxembourgeois émigré à Bruxelles mérite de se faire une place dans le petit monde trop propre sur lui du rock noir-jaune-rouge. Les ports d’attache Math- Rock/ Emo sont certes vite identifiés (June of 44, Fugazi, Unwound, Jesus Lizard ou encore les brutaux Shellac de Steve Albini qui a enregistré et mixé ce disque), mais ils ne voilent ni l’originalité des compositions ni la qualité du jeu des musiciens. La rythmique est précise, nerveuse et contrastée (les deux parties du titre d’ouverture « Fluffy Bite » sont éloquentes à cet égard), et les guitares tranchantes, indomptables. La tension est permanente et la guerre au consensualisme se dessine à chaque virage : ici, aucune base n’est stable, une infinité de possibles se dessine et fait monter l’excitation tout au long de l’album. J’épinglerai particulièrement « Floos », monstre rampant, paresseux et vénéneux, qui finit par vous laisser au bord du chemin, harassé ou encore la pop sous perfusion de « Mucker », addictive au possible. Seule réserve : les ‘interludes’ dispensables qui affaiblissent un tantinet l’ensemble. Mais pas assez cependant pour gâcher le plaisir qu’on éprouve à l’écoute de cette musique grisante qui, tout en assumant pleinement ses références, privilégie l’audace et la créativité à la répétition de formules éprouvées.