Flashback. Printemps 2004. Trois musiciens, logés à l’ombre des buildings de Brooklyn, enfantent un album intitulé « Desperate Youth, Blood Thirsty Babes ». New York crie au génie. Le reste du monde succombe. Retour au présent, « Return To Cookie Mountain ». Le deuxième album de TV On The Radio est attendu au tournant. Entre faisceaux d’électrons, ondes hertziennes, câble et autres modulations séquentielles, Tunde Adebimpe, Kyp Malone et David Sitek assurent la transmission de fréquence idyllique. Après une première écoute déroutante, « Return To Cookie Mountain » délivre son pouvoir d’attraction, laissant l’auditeur figé, ensorcelé. Comme scotché au téléviseur. Dès le générique insufflé par « I Was A Lover », TV On The Radio brouille les ondes, donnant l’impression de glisser vers une énième sornette trip-hop. Au moment où l’oreille se pose, les guitares surgissent, les chants se croisent, les samples sévissent. La grande force du groupe est ici. Au cœur du musicalement convenu, TV On The Radio diffuse ses myriades de touches atypiques.
Premier single du disque, « Province » joue la carte vocale, insolite et précieuse en ces temps guitaristiques. Rarement entendu au 21ème siècle, voici un tube ‘à voix’, un hymne sculpté sur les cendres d’Otis Redding et Marvin Gaye. Sur « Playhouses », TV On The Radio méprise les émotions, passant de la violence la plus crue à la douceur la plus tendre. Tout est contradiction. Lorsque résonne le sifflement introductif de la chanson « A Method », on s’engage sur les chemins d’un doo-wop perturbé, agité de bricolages synthétiques. Plus loin, sur « Let The Devil In », le refrain se scande telle une ultime revendication. L’album s’achève sur la longueur de « Wash The Day », huit minutes de psychédélisme post-moderne où le sitar croise l’électricité avec la guitare. « Return To Cookie Mountain » demeure un disque complexe, un enregistrement qui neutralise une expression : ‘le difficile exercice du deuxième album’. TV On The Radio s’est projeté dans le temps, décloisonnant son univers de toute part. La formation tend aujourd’hui vers l’infini, vers un point de non-retour.
Le succès du deuxième album de TV On The Radio n’est pas à l’ordre du jour. Trop en avance sur son temps. Mais l’heure du pèlerinage sonnera. Il faudra alors y revenir. « Return To Cookie Mountain » ou la prédiction de TV On The Radio.