Le cinquième élément de Mastodon constitue une œuvre majeure de la décennie, encore plus aventureuse que les opus précédents du combo qui est un peu au metal ce que King Crimson est au rock prog. Bien au-delà d’une ambition progressive déjà palpable sur « Blood Mountain », le quatuor concentre son énergie sur une construction qui réconcilie heavy metal, jazz rock et stoner.
Opus aux nombreux mystères, conçu peu avant la fulgurante tournée ‘Unholy Alliance III’ en ouverture de Slayer, « Crack the Skye » s’ouvre sur l’époustouflant « Oblivion ». Le ton est donné. Son limpide mais rugueux, production énorme, tempo plus lent qu’à l’accoutumée, pour un résultat plus en nuance. On note déjà un superbe solo évoquant, dès les premières mesures, David Gilmour. « Divinations », plus traditionnel, est aussi le morceau le plus court de l’album. 3’40 de heavy pure souche. « Quintessence » porte fichtrement bien son nom. Caractérisé par son refrain très aérien, l’utilisation de samples et de plans que ne renieraient pas Porcupine Tree ou Opeth, le groupe grave un titre passionnant, digne d’un kaléidoscope métallique. « The Czar », pièce maîtresse de la rondelle, s’étale sur 11 minutes. Son intro à l’orgue hammond et ses riffs lourds et fermes lorgnent résolument vers les seventies. On pense aussi aux développements du ‘Roi cramoisi’ et à la complexité du hard sympho de Rush. Le refrain est rendu encore plus efficace, toujours soutenu pas ce clavier délicieusement ‘purplelien’. La musique évolue crescendo et se dévoile, en finale, beaucoup plus agressive, nous aspirant dans un tourbillon de rythmes rigoureux. Une finale exécutée en forme de clin d’œil au Metallica de l’époque « Master of Puppets ». L’intro orientale de « Ghost of Karelia » trompe l’auditeur. Il s’agit du titre le plus caractéristique de la marque de fabrique Mastodon. Du gros heavy brut de décoffrage. Le titre maître de ce chef d’œuvre accroche dès les premières secondes. A cause de ses arpèges magnifiques auxquelles se marient des claviers. Ce n’est autre que Scott Kelly de Neurosis qui couche sa voie sur ce segment sombre, oppressant et qui maintient une tension proche de la transe au fil de ses 6 minutes sulfureuses à souhait. Dantesque, « The Last Baron » est le titre le plus contagieux et envoûtant. Bénéficiant de chœurs du plus bel effet en fin de course, l’œuvre, malgré sa durée (13 minutes) ne faiblit jamais et réinvente à elle seule tout l’univers d’un Mastodon au sommet de sa forme !
Noir et lyrique, hypnotique et déconcertant, « Crack the Skye » s’impose comme un futur album de référence.