Merz est le projet de Conrad Lambert, musicien accompli originaire de Bristol dont le très beau « Loveheart », paru en 2005, est parvenu à séduire les critiques. Sur son troisième album, l’Anglais distille des ambiances paisibles, bucoliques, bien servies par un jeu de guitare raffiné et des orchestrations légères et subtiles.
« Moi et Mon Camion » est le nom de la société de transport qui s’est chargée des déménagements successifs que Conrad Lambert a vécu ces dernières années. Et l’on sent effectivement le thème du voyage en filigrane, tout au long du disque. Qu’il soit présent au travers des paroles, de la diversité des sons ou des sentiments évoqués, ce voyage est introspectif mais jamais autiste. On y sent au contraire une générosité exemplaire.
Evoquant parfois Ozark Henry ou Coldplay, Merz évite toutefois les arrangements pompeux et l’emphase de ces derniers en privilégiant l’émotion brute et la simplicité. Tout en affichant une personnalité affirmée, « Moi et mon camion » sonnerait plutôt, dans son ensemble, comme une rencontre rêvée entre la folk délicate de Sufjan Stevens et la mélancolie paresseuse de Eels.
Si certains titres se révèlent plutôt anecdotiques, l’album recèle quelques pépites qui justifient à elles seules son acquisition. Je pense notamment au rêveur « Silver Moon Ladders » ou à l’insouciant « Lucky Adam », malicieux et pétillant. La qualité du disque s’intensifie sensiblement au fil des chansons, jusqu’au doublé final (« No Bells Left To Chime » et « The First And Last Waltz »), véritable sommet émotionnel du disque, tout en apesanteur, beau à en pleurer.
Quoique pour l’instant injustement méconnu, Merz mérite un succès planétaire tant sa pop immédiate mais jamais lisse possède de nombreuses vertus. Ne vous fiez donc pas au titre, car cette musique n’évolue pas en catégorie poids lors, mais elle s’élève au contraire, légère et malicieuse, dans les airs.