Les ‘Summer Nights’ tirent doucement à leur fin. Après Axel Red, Hooverphonic ou encore Jasper Steverlinck, c’est au tour de deux groupes phares de la scène belge de se produire : BRNS (prononcez Brains) et Girls in Hawaii. Ils laisseront ensuite la place à Suarez le lendemain qui aura la lourde tâche de clôturer cette superbe édition.
Les concerts se déroulent une nouvelle fois au cœur d’un joyeux amphithéâtre bucolique, sis en pleine nature, au centre de la ville de Lessines, bourgade connue essentiellement pour avoir vu naître le célèbre peintre surréaliste, René Magritte, à la fin du XIXème siècle.
Ici aussi, il est question de surréalisme puisqu’en guise de tables, de vieux panneaux d’entrée d’agglomération ou de sens interdits ont été installés. Présentes aussi, de vieilles chaises dispersées ci et là ayant certainement eu la lourde tâche de supporter les popotins de calotins, jadis. Sans oublier quelques bancs conçus en palettes. Un confort rudimentaire, mais très à propos.
La scène enjambe curieusement le cours d’eau qui dort paisiblement dans son lit. Un contraste saisissant avec les pluies torrentielles qui se sont abattues encore il y a quelques jours sur le pays.
Point négatif de cette soirée, la fraîcheur automnale qui a plombé ce mois d’août. Pourtant quelques extraterrestres se promènent en t-shirts et pantacourts.
BRNS assure le supporting act. La naissance du band est plutôt cocasse. C’est à la suite d’un nouvel-an arrosé qu’Antoine Meersseman (basse/chœurs) et Tim Philippe (batterie/chant) décident de créer un projet commun. Diego Leyder (guitariste) et César Laloux (multi-instrumentiste) les rejoignent peu de temps après.
Depuis, Laloux s’est lancé dans une nouvelle aventure (Mortalcombat) en compagnie de Sarah Riguelle (Italian Boyfriend).
Quant à Antoine, il s’est lui aussi échappé du groupe, en incarnant le corps et l’esprit de Paradoxant, le temps d’une parenthèse.
Caractérisé par le drumming tentaculaire de Meersseman (qui frappe de la main gauche sa Charley ; ce qui trahit très vraisemblablement son absence de formation académique), ce nouvel espoir de la nouvelle génération noir-jaune-rouge avait marqué les conduits auditifs au fer rouge, lors de la sortie de l’excellent « Mexico », en 2012.
La musique de cette jeune formation est difficile à cataloguer ; hybride à souhait, parfois pop ou rock, elle est alimentée par des rythmiques complexes et non conventionnelles, mais est également épicée d’une dose judicieuse d’électro.
Certaines sonorités effleurent le psychédélisme, pourtant pas vraiment représentatif de l’esprit du groupe. Il faudra alors attendre des compos comme « My Head Is Into You » (« Patine 2014 »), « Money ou Suffer » (dont le clip est à découvrir ici) pour retrouver les fondamentaux du combo.
« Get something », servi en guise de teaser, annonce un nouvel opus qui devrait voir le jour en octobre.
Les puristes regretteront l’absence de « Clairvoyant » (NDR : issu de « Wounded », un Ep sept titres paru en 2013) au cours duquel riffs de guitares et beats syncopés tourbillonnaient, sans jamais s’y perdre, autour de la voix particulière de Tim.
Trente minutes, c’est trop peu. Un laps de temps qui ne permet pas d’évaluer le potentiel artistique du groupe.
On a toutefois compris que la détermination de BRNS résulte d’une volonté de s’éloigner de la banalité, l’expression sonore se révélant moins pop que chez les Girls. C’est ce qui rend de toute évidence l’écoute moins abordable pour le public lambda.
Au tour des Girls in Hawaii de monter sur les planches. Ils (oui, ce sont des hommes) se sont produits ici en 2002 en première partie de Dead Man Ray.
Ce concert amorce une grande tournée. Une mise en condition en quelque sorte. Et pour s’y préparer, le combo s’est vu proposer de passer cinq jours en résidence dans l’enceinte de l’ancien hôpital. Avec pour seul objectif de balayer ces longs mois de douleurs et de sacrifices au profit d’une musique à l’énergie rayonnante.
Il est 21 heures lorsque les premières notes d’« Organeum » retentissent. Un titre issu de l’album « From Here To There » qui marque le début d’un show aux allures de ‘best of’. La setlist naviguera de tubes en tubes, l’ensemble de la carrière du quintet étant passée en revue pour le plus grand bonheur d’une foule qui s’est pressée ce soir malgré les incertitudes de la météo.
Antoine, au chant lead, la voix légèrement éraillée, possède une identité vocale très singulière, mise en exergue sur « No dead ». Sa rythmique syncopée et ses chœurs viennent lécher encore un peu plus ce tableau arc-en-ciel. Aucun doute, le groupe n’a rien perdu de sa logorrhée musicale.
Si Lionel jongle entre chant, piano et guitare, Antoine, multi-instrumentiste, alterne guitare et clavier selon les titres avec une facilité déconcertante, comme sur ce « Walk », ersatz de marche militaire lunaire, tout droit venu du petit dernier « Nocturne », né en 2017.
Davantage électronique, cet opus recèle quelques pépites dont « This Light » qui, malheureusement, ne figurera pas dans la setlist. Qu’importe, « Indifference » et ses loops synthétiques martelés en guise de refrain font rapidement oublier cette déception personnelle.
A contrario, « Time To Forgive The Winter » constitue la bonne surprise. Un titre qui n’a plus été interprété depuis longtemps. La précision du jeu des uns et des autres prouve une fois encore que ces quelques mois d’inactivité ont été mises à profit pour partager un spectacle qui restera gravé dans les mémoires des Hennuyers.
L’atmosphère s’échauffe inexorablement. C’est alors que le batteur s’enivre avec charley, ride, caisse claire et grosse caisse sur l’entraînant « This Farm Will End Up In Fire ». Une chanson où la tessiture vocale du singer ressemble par moment à cette de David Bartholomé (Sharko), un autre artiste belge.
Ses comparses profitent de cette ambiance survoltée pour laisser libre cours à une folie passagère ou têtes et membres inférieurs communient ensemble, laissant apparaître un spectacle étrange entre mouvements saccadés et danse de sioux, prêts à déterrer la hache de guerre…
C’est à ce moment qu’une horde de fans sauvages s’abandonne sur le devant de la scène, passant du mode statique au comportement hystérique, bravant honteusement les interdits encore de mise dans le cadre de cette crise sanitaire.
Les uns entraînant les autres, c’est une bonne centaine de badauds, qui, animés par cette envie de danser, campent en front stage. Un effet de masse qu’on ne peut plus maintenant maîtriser. Bref, au sein de cette tribu, il n’y manquait plus que Sitting Bull…
« Bees and butterflies » réfrène quelque peu cette folie collective. Un morceau d’une douceur âcre et mielleuse où la chacun des membres conjugue le refrain.
Généreuse à souhait, la clique a souhaité faire profiter d’un tout nouveau morceau en forme de teaser dans la lignée parfaite de son univers musical. Et si cette exclusivité cachait la sortie prochaine d’un nouvel album ?
Le grandiloquent « Misses » rappelle, quant à lui, oh combien l’ombre de Denis Wielemans qui militait derrière les fûts et décédé tragiquement d’un accident de la route en 2010, plane encore dans l’esprit de son frère Antoine. Le deuil durera deux longues années. Une longue période au terme de laquelle naîtra le gargantuesque « Everest » et son légendaire « Switzerland » où l’électro et le piano s’allient parfaitement au service de la chanson.
Des sommets, il y sera encore ; et notamment cet hommage rendu à l’alpiniste George Herbert Leigh Mallory (« Mallory’s Heights ») aperçu pour la dernière fois le 8 juin 1924, sur la crête nord de… l'Everest…
Un set tout en beauté qui se clôture par « Rorschach » sous un flot de guitares salvatrices.
« Found in the ground », « 9.00 AM », et « Flavor » (réclamé par le peuple) et son intro répétitive à la basse marquent un retour en guise de rappel bien trop court.
Une fin de set où Antoine reste prostré, genoux au sol et la tête entre les mains, complètement absorbé par les sons incantatoires de ses comparses.
GIH a prouvé ce soir qu’il reste l’un des groupe phares et incontestable de la scène indé-pop musicale belge grâce à un show très inspiré et une véritable ode à la liberté. Un retour à la vie après une longue période de doutes et d’incertitude.