John Maus est un musicien véritablement énigmatique. S'inscrivant globalement dans le courant synth-pop, il est parvenu à transformer un minimalisme glacial en moments de grâce authentique au fil de sa carrière, débutée en 2006.
Sa musique est souvent décrite comme rétrofuturiste grâce à l'utilisation de boîtes à rythmes et de sonorités de synthétiseurs typiques des années 80, mais ses morceaux possèdent également une qualité cinématographique, l'émotion étant suscitée par des lignes de basse entraînantes, des arpèges planants et, bien sûr, sa voix envoûtante de baryton.
Ce soir, au Trix, à Anvers, le musicien et compositeur américain vient présenter en ‘live’ son œuvre la plus puissante à ce jour : “Later Than You Think”. Publié sur le label Young (FKA twigs, The xx, Sampha), l'album explore les thèmes de la justice, de la confession, de la renaissance, de la transformation et du combat spirituel, un espace liminal où la musique alternative rencontre l'art-pop, l'émotion brute et la profondeur intellectuelle.
Dans la pénombre bleutée du Trix, John Maus apparaît comme un spectre venu d’un futur antérieur. Pas de salutation, pas de sourire. Un ordinateur portable, un second appareil, un micro. Rien d’autre. Les miroirs qui, à Londres, fracturaient son image en mille reflets sont absents ici. Seule la lumière crue, chirurgicale, découpe la silhouette d’un homme déjà trempé – non par la chaleur, mais par l’effort d’un rituel qui tient plus de l’exorcisme que du concert.
Dès les premières mesures, “My Whole World’s Coming Apart” et “Because We Built It” s’élèvent comme des psaumes post-modernistes. Sa voix, saturée de réverb, gronde tel un sermon dans une cathédrale désaffectée. Il ne chante pas : il conjure. Jambes rivées au sol, il se plie en révérences frénétiques – comme un headbang – puis bondit, hurle, se frappe la poitrine. Entre deux morceaux, un rapide clic sur le laptop, et la transe reprend.
Pop star et philosophe, John Maus transforme le minimalisme en spirituaité. Son doctorat en sciences politiques (Hawaï) et sa formation en musique expérimentale (CalArts) ne sont pas des ornements : ils irriguent chaque note. La synth-pop devient un art sacré. Les basses roulent comme des orgues, les arpèges planent comme des vitraux sonores, et sa voix hantée, scelle le pacte.
La setlist oscille entre les classiques (“…And the Rain”, repris en chœur) et les nouveaux hymnes. Les nappes de synthé, presque secondaires, servent de toile à une performance corporelle qui défie la gravité. Maus pose le micro, entame une chorégraphie de boxe – uppercuts dans le vide, esquives rageuses. Le public, d’abord figé, hurle avec lui. “Time to Die", "Keep Pushing On", "Bennington” : le tempo s’emballe. L’artiste scande ‘against the law’, comme un mantra insurrectionnel, pendant “Cop Killer”. Puis, il exécute des pompes, suivies de “burpees” Vingt, trente. Une véritable performance.
“Pets” clôt le set principal dans une explosion de lumières stroboscopiques. Il quitte la scène sans un mot. La musique continue, fantomatique. Les cris fusent. Il revient. “Adorabo” s’élève, comme un chant grégorien, suivi de “Believer”, qui marque la déflagration finale. Pas un ‘au revoir’. Juste les mains levées, lentement, vers chaque coin de la salle. Remerciements muets. Rideau.
John Maus n’a pas besoin de parler. Son corps, sa sueur, sa vibration, ses cris forment son lexique. Comme une urgence. Comme une prière.
En ouverture, Maximilian Tanner, ex-BlackWaters, a déployé une synth-pop onirique, plus douce, plus vaporeuse. Originaire d’Essex, il vient d'entamer une carrière solo qui séduit déjà l'Albion et l’Europe. Une belle découverte ! (Page artistes là).
Pour en savoir plus sur John Maus, écoutez l'interview réalisée dans l'émission de radio WAVES, au cours de laquelle John a abordé des sujets aussi variés que la musicologie, la philosophie, la psychanalyse, la composition assistée par ordinateur, l'influence de la musique médiévale sur la new wave, etc. Le podcast est disponible ici ou alors plongez sur la page ‘Artistes’ qui lui est réservée en cliquant sur son nom en vert, dans le cadre ‘Informations complémentaires’, ci-dessous.
(Merci à Alice Blake et à Stéphanie G. - Photo par Alice Blake)
Setlist :
My Whole World's Coming Apart
Because We Built It
No Title (Molly)
Decide Decide
...And the Rain
Came & Got
Rights for Gays
The Combine
Streetlight
Time to Die
Do Your Best
Disappears
Keep Pushing On
Bennington
I Hate Antichrist
Just Wait Til Next Year
Cop Killer
Pick It Up
Pets
Rappel :
Adorabo
Believer
(Organisation : Trix)