Robert Franklin "Bo" Ramsey est né dans l'Iowa. En 1951, sur les rives du Mississippi. Il y a plus de trente années que ce passionné de blues parcourt les routes. Tout d’abord au sein du Mother Blues Band, ensuite flanqué des Sliders. Depuis près de deux décennies, il se produit en duo en compagnie du chanteur folk, Greg Brown. A la guitare. Il a également mis en forme plusieurs albums de son compare, mais aussi d’une multitude d’autres artistes ; et en particulier de Teddy Morgan, Lucinda Williams et Dave Zollo. Bo compte déjà neuf albums à son actif, dont "Down to Bastrop" en 91, "Bo Ramsey and the Backsliders Live" en 95 et "In the weeds" en 97. Bo est avant tout chanteur, guitariste et compositeur. Et ce nouvel opus brise un long silence discographique. Cependant, il n’y met pas en évidence ses propres chansons, mais rend hommage à de nombreux bluesmen qui l'ont marqué. Il réussit ainsi à se réapproprier ces reprises, en les intégrant parfaitement dans son propre style.
Le titre maître est une compo signée Elmore James. Mais elle aurait pu relever du répertoire de Ramsey, tant il l’a intégrée. Un roots rock très laidback, décontracté, feutré, paresseux, presque réservé. Nous ne sommes pas très loin de l’atmosphère générée par Tony Joe White au cœur des bayous, une atmosphère alimentée, pour la circonstance, par la guitare électrique réverbérée de Miss Pieta Brown. Le traitement est ensuite appliqué au "Hate to see you go" de Little Walter. Imprimé sur un rythme soutenu, ce morceau n'est pas sans rappeler les débuts de John Lee Hooker. Mais le plus intéressant procède du travail personnel opéré sur "Sitting on top of the word". Le tempo est inexorablement lent. Le climat dépouillé à l'extrême. Le désespoir plane tout au long de cette complainte lugubre. Hypnotique, la voix est volontairement grave. La guitare acoustique à 12 cordes de Greg Brown et le piano électrique de David Zollo traduisent leurs interventions en moment d'une délicatesse infinie. Retour au rythme pour trois compos. Tout d’abord l'irrésistible "Jump, baby, jump" de la regrettée Jessie Mae Hemphill, un boogie aux accents légers. Ensuite le "Crazy mixed up world" de Dixon, un fragment balayé par les cordes discrètes et efficaces de Pieta. Et enfin le "No place to go" de Howlin' Wolf, plongé dans une véritable ambiance de transe. La voix nasillarde et graveleuse de Ramsey se prête le mieux au sein d’un milieu déjanté, nonchalant. A l’instar de "Little Geneva", parfumé d’une slide radieuse. La reprise du "You got me dizzy" de Jimmy Reed est plus classique, presque banale, s’il n’y avait les cordes de Bo qui glissent sur le fil du rasoir. "I wanna get funky" est un autre grand moment de l’elpee. Bo, chante, que dis-je, susurre cette chanson. Il bénéficie, en outre de la complicité du timbre suave de Pieta. Le rythme paresseux est balisé par l'orgue B3 de Ricky Peterson. Une merveilleuse partie de cordes, mais dispensées parcimonieusement, sublime l’ensemble. Epatant ! Issu de la plume de Sonny Boy Williamson, "Unseeing eye" campe un Chicago shuffle implacable. La section rythmique assure et Joe Price revient dans le parcours armé de sa slide. Ce superbe album épingle un superbe instrumental country impliquant Greg Brown au banjo : "Freight train", et s’achève par l'éclatant "Where the sun never goes down".