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The Waterboys
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Steve Wynn

Le langage de la guitare...

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Avant d'embrasser une carrière musicale, Steve Wynn était correspondant de presse. Pour un journal extrêmement populaire à Los Angeles. Ses articles, il les consacrait à la rubrique sportive ; et en particulier au base-ball, discipline qu'il affectionne d'ailleurs toujours autant, aujourd'hui. Depuis sa tendre enfance, il joue bien de la guitare, seul ou en compagnie de quelques potes. Mais sans grande ambition. Un hobbie qui deviendra, pourtant, une véritable passion. En 1980, après avoir écouté les Pistols et le Clash, il décide de passer à l'action. Et fonde les Suspects, en compagnie de Gavin Blair, Russ Tolman et Kendra Smith. Faut dire, qu'à cette époque, la scène alternative de Los Angeles est en pleine ébullition. Les groupes poussent comme des champignons. Tournent dans les mêmes salles. Les musiciens se rencontrent, apprennent à se connaître, à s'apprécier même. Puis se découvrent une passion commune pour tout ce qui touche au psychédélisme par la guitare. Et en particulier pour des groupes comme le Velvet Underground, Television et Quicksilver. Cette scène, au sein de laquelle on retrouvera True West, les Plimsouls, Rain Parade, Green On Red, Naked Prey et consorts prendra pour nom, le " Paisley underground ". Une scène que Steve espère voir un jour entrer dans l'histoire du rock'n roll.

" Ce serait génial que mes amis et moi-même puissent être reconnus comme une source d'inspiration, de voir les kids pouvoir parler de nous, dans 20, 30 ou 40 ans. C'est important de ne pas être oubliés ! "  Quant à la guitare, c'est encore et toujours pour lui, un manifeste. " La guitare est essentielle ! Parmi tous les instruments, elle demeure à mes yeux, la plus expressive. Deux personnes peuvent jouer exactement les mêmes notes, sur une même guitare, sur un même ampli, dans un même endroit. Et malgré tout obtenir un son différent. La guitare est un langage personnel. Et j'aime ce langage. C'est donc pour moi le meilleur outil pour créer de la musique. Cependant, ce n'est pas parce que la guitare est associée au rock'n roll que je la trouve supérieure, mais parce qu'elle est unique ".

En 1981, il rejoint Sid Griffin au sein des Long Ryders. Mais les deux personnages ont des goûts trop différents ; et Steve éprouve à nouveau le besoin de changer d'air, en fondant le Dream Syndicate avec son ex bassiste Kendra Smith, Karl Precoda et Dennis Duck. Une aventure jalonnée de neuf albums, qui durera jusque 1989, même si Kendra et Karl seront remplacés, respectivement par Mark Walton et Paul B Cutler (devenu depuis un célèbre producteur). En fait, Steve incarne le lien fédérateur entre la plupart des musiciens qui ont sévi sur cette scène. Il a d'ailleurs joué avec pratiquement toutes les personnes qui l'ont fréquentée. Et est même souvent parvenu à concrétiser ces collaborations à travers l'une ou l'autre chanson, voire l'un ou l'autre disque. En 1985, il enregistre ainsi, un album de country rock avec l'imbuvable, quoique talentueux, Dan Stuart, sous le patronyme ‘Danny & Dusty’, expérience qu'il ne compte cependant plus reconduire, puisque Dan est parti, en quelque sorte, en préretraite ( !?!?). " Nous avons travaillé ensemble pendant près de 15 ans. Et nous avons toujours eu d'excellents contacts. Il a un humour génial (NDR : ah bon !) ; mais c'est vrai que les tournées le rendaient de mauvaise humeur (NDR : et le mot est faible !). Il a toujours préféré le studio. Il y est actuellement pour enregistrer ; et je suis certain que son album sera excellent. Parce que Dan dégage un feeling unique, donne tout ce qu'il a dans le ventre lorsqu'il s'investit. Un peu comme Neil Young !… " Neil Young est d'ailleurs un des artistes auquel la presse fait le plus souvent référence, lorsqu'elle parle de Steve. Il considère pourtant cette comparaison comme un compliment. « J'ai toujours admiré Neil Young, Bob Dylan et Lou Reed. Ce sont mes héros. Pourtant, je ne souhaite pas les rencontrer à tout prix. Je veux qu'ils demeurent mes héros. Un point c'est tout ! »

Après avoir milité en faveur du syndicat du rêve pendant presque une décennie, Steve décide de continuer son aventure sous son propre nom. Ce qui va lui permettre de multiplier les rencontres avec d'autres musiciens. Et puis de se remettre en question, un peu comme si chacun de ses disques était une réaction par rapport à l'album précédent. " Je suis facilement influencé par les événements qui gravitent autour de moi. Et cette situation se ressent sur chaque album. Chacun d'entre eux est un peu la photo d'un épisode de ma vie ".

Dès la sortie de son premier elpee solo, il se distingue par la qualité du choix de ses invités. Johnnette Napolitano (Concrete Blonde) pour ‘Kerosene Man’ (1990) et ‘Dazzling display’ (1992), opus sur lequel on retrouve également Peter Buck (REM), Joey Westley Harding et Russ Tolman, qu'il avait côtoyé au sein de True West. " Lorsque je lui téléphone, ce n'est plus pour lui demander de jouer avec moi, mais pour lui réclamer mes royalties, parce qu'aujourd'hui, il travaille pour une firme de disques ".

En 1996, il engage la formation bostonienne de Thalia Zedek et de Chris Brokaw, Come, pour assurer le backing group et enregistrer ‘Melting in the dark’. " Ce que nous avons fait était génial, et j'ai beaucoup apprécié les moments où nous avons joué ensemble. Mais je serais incapable de travailler full time avec eux, parce qu'il serait trop difficile de trouver un terrain d'entente. Nous vivons dans des mondes différents ". On le retrouve en 1992, pour un duo composé avec l'ex Long Ryders Steven Mc Carthy au sein de Gutterball, pour l'album ‘A down to earth – Supergroup’. Une expérience qu'il pense renouveler, même si ce n'est pas pour tout de suite. Et il serait injuste de ne pas mentionner les multiples collaborations qu'il a menées avec deux de ses meilleurs potes. Chris Cacavas, tout d'abord. Qu'il retrouve régulièrement en studio. Et Howe Gelb. Dont il a quelque peu perdu la trace. " J'admire ce qu'il fait. Tant en solo, avec Giant Sand qu'au sein OP8. Parce que nous parlons le même langage musical"

Steve Wynn enregistre à une cadence infernale. Mais au cours des dernières années, ses disques sont souvent sortis en édition limitée. " J'ai observé la marge de progression d'un groupe. Si tu souhaites vendre un album au grand public, tu dois attendre deux ou trois ans avant de pouvoir le sortir. Dans ces conditions, il est impossible de voir l'évolution du groupe. Parce qu'il y a une fracture entre chaque disque. Et c'est ce que je veux éviter, en enregistrant le plus d'albums possible, mais en édition limitée. D'ailleurs, je pense que les fans apprécient particulièrement cette démarche. " Et c'est encore le cas pour ‘My midnight’, paru en mars dernier, dont la sortie était limitée à 6000 exemplaires. Depuis novembre, Steve est rentré chez lui. Plus à Los Angeles, mais à New York, où il s'est installé. Il compte prendre un peu de repos, et puis se remettre au travail, pour sortir, dès cet été, un nouvel album….

Version originale de l'interview parue dans le n° 81 (mars 2000) du magazine MOFO

 

 

 

 

 

 

Mardi Gras BB

L art de respirer dans le même rythme...

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Issu de Manheim, en Allemagne, Mardi Gras BB a été fondé par Reverend Krug, un vétéran qui a joué avec le mythe Guru-Guru, non pas à la fin des sixties ni au début des seventies, mais à l'aube des années 80. Une époque au cours de laquelle le groupe avait, suite à l'arrivée d'une chanteuse, repris quelques couleurs. Avant de replonger dans un certain anonymat qui permet quand même à cette légende du krautrock de continuer, aujourd'hui, à tourner dans les clubs ou les festivals de la région. En 1994, le Révérend passe un coup de fil à Docteur Wenz, et lui propose de rejoindre son groupe, un brass band à coloration New Orleans. Le docteur a commencé à jouer à l'âge de 14 ans. C'était déjà en 1979. Il a sévi dans quelques groupes punk, dont le dernier impliquait justement une section de cuivres. Souvent à caractère soul revivaliste. Ce qui lui a quand même permis de se forger une certaine expérience dans le domaine. L'idée semble beaucoup lui plaire, puisqu'il décide de se lancer dans l'aventure…

En fait Reverend avait un but bien précis : rendre hommage, à travers son groupe, à tous les gens qui vivent à la Nouvelle-Orléans. Les noirs, les blancs, toutes les ethnies qui ont participé au développement culturel de cette ville portuaire. Et en particulier musical. Ce qui explique pourquoi il a choisi pour nom de groupe Mardi Gras, jour le plus important de l'année dans cette ville. Mais pourquoi BB ? Les petits coquins penseront sans doute à Brigitte Bardot, alors qu'en toute logique musicale, BB correspond aux initiales ‘brass band’. Le docteur a une toute autre explication : " En fait, BB est simplement le code des crayons de couleur noire ; et ceux qui contiennent le plus de graphite portent cette appellation ".

La Nouvelle-Orléans ! Le Révérend y était en 1992, lorsqu'il a eu l'idée de monter ce projet. Une idée qui ne l'a plus jamais quittée. Et lorsqu'il est retourné en Europe, il a juré qu'il ne ferait plus jamais que de la musique avec des cuivres ; dansante, aussi bien pour lui que pour le public. " La scène est alors devenue notre objectif. Et lors de chaque concert nous avons commencé à jouer pour et dans le public. Mais il nous fallait un chanteur, c'est pourquoi j'ai contacté le Docteur… On a ainsi commencé à développer ce son acoustique, en privilégiant la cohérence, plutôt que la virtuosité. On n'avait pas besoin d'un John Coltrane dans notre groupe, mais simplement tout mettre en œuvre pour jouer à l'unisson, faire battre les cœurs au même moment ". Une philosophie qui n'est quand même pas facile à cultiver, surtout lorsqu'on compte autant de musiciens. Plus d'une dizaine ! Le Doc est du même avis. Pas au point de déléguer un chef d'orchestre, comme c'était le cas au cours des seventies, pour des formations telles que Blood Sweat & Tears ou Chicago. Mais simplement pour maintenir une certaine discipline. Et c'est un peu le rôle que jouent le Révérend et le Doc. Et ce dernier d'ajouter : " Cette discipline, est innée chez tous les Allemands. Ce n'est un secret pour personne. Et cette combinaison de cette discipline avec une approche toute particulière de l'esprit vaudou donne de la consistance au groupe. En fait, le but est de respirer dans le même rythme. C'est à dire comme si on jouait dans un seul corps. Plusieurs personnes qui respirent en une seule. C'est un peu comme dans le sport. En aviron, tout particulièrement. Il faut absolument respirer en même temps, dans le même rythme, si tu veux gagner… "

Reverend Krug joue du sousaphone. Pas un instrument pour extraterrestre, mais une variété de tuba plus facile à manipuler et surtout à transporter. Un instrument qui est d'ailleurs utilisé dans les fanfares pour majorettes. Le Révérend s'en sert, lui, pour canaliser le groove de la musique du combo. Il s'explique : " Il est impossible de jouer un phrasé de groove sur un sousaphone, si tu ne peux pas le sentir et adapter ta respiration en conséquence. Et c'est la même chose pour tous les cuivres. La respiration y tient une place primordiale… Tu t'en rendras compte lorsque tu nous verras sur scène. Le groove est quelque chose de très important, c'est lui qui stabilise nos chansons. " Mais la caractéristique originale de la musique de Mardi Gras. BB procède de la présence d'un DJ : DJ Mahmut. Le Révérend raconte : " C'est notre producteur, Gordon Friedrich, qui nous a permis de le rencontrer. Il voulait améliorer le concept du groupe. Y apporter un plus. Il a ainsi été invité à participer à l'enregistrement de notre premier album, ‘Alligator soup’, pour lequel il a commis quelques scratches sur un titre. Et puis il est parti en tournée avec nous. Depuis, il est devenu un membre du groupe à part entière, et a participé à l'intégralité des sessions du nouvel opus, ‘Supersmel. " Oui mais, vu le contexte musical contemporain, l'engagement de ce DJ n'était-il pas prémédité ? Au Doc de se justifier : " Personnellement, je n'ai jamais eu le sentiment que son arrivée était préméditée. Elle est plutôt le résultat d'une expérience qui s'est bien passée. Et aujourd'hui, nous ne voudrions plus nous passer de lui ". Et le Révérend ajoute : " DJ Mahmout a une énorme culture dans le domaine du funk et de la soul. Il nous a apporté énormément d'idées de samplings. Et de son côté, il s'est dit qu'il serait sans doute intéressant de vivre une telle expérience avec un brass band ".

Le Doc se réserve donc le chant. Une voix plutôt écorchée qui fait même penser à Tom Waits ou à Captain Beefheart. Une comparaison qui ne le dérange pas du tout, puisqu'il apprécie beaucoup ces deux musiciens. M'enfin, il pense plutôt qu'il s'agit d'une coïncidence due au fait qu'il parle, plus qu'il ne chante sur la mélodie. Et puis que sa voix est aussi éraillée. Et d'expliquer : " On ne fait pas du bel canto, je dispose plutôt d'un baryton cassé enclin à raconter des histoires ". Les deux compères ont beaucoup d'admiration pour Dr John. " Parce qu'il représente l'esprit de New-Orleans ", motive le Révérend. Ainsi que pour feu Screamin Jay Hawkins. Sur les traces duquel ils marchent peut-être. Et le Doc d'avouer " Oui, nous avons adopté, quelque part, son jeu de scène, sa manière de présenter les musiciens. C'est même devenu un élément déterminant au sein du groupe. Ce maître est décédé l'an dernier. Et comme nous sommes toujours vivants, nous essayons de perpétuer son héritage… "

(Version originale de l'interview parue dans le n° 89 - janvier/février 2000 du magazine Mofo)

 

Aston Villa

C est le copinage qui a tout fait foirer...

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Une centaine de personnes avaient rallié le Botanique, pour assister au showcase d'Aston Villa, organisé dans le cadre de la présentation de leur nouvel opus " Extraversion ". Un album qui mériterait de figurer parmi les plus belles réalisations de l'année. Et le concert, baigné dans le rock français de Noir Désir et la pop anglaise circa Gene, House of Love ou Verve, n'a fait que confirmer toutes les bonnes dispositions affichées par leur dernier album. Quant à l'interview, décontractée, engagée, sincère et passionnante, il me plairait d'en réaliser plus souvent comme celle-ci !

Que pensez-vous des groupes qui se donnent un genre " bad boys " ? Comme Oasis et tutti quanti ?

Ils s'essaient de se donner un genre banlieusard. Nous, on vient également de la banlieue, mais on ne veut pas forcer notre image. On veut rester naturel. Les groupes comme Oasis utilisent leur origine comme fond de commerce. Désagréables avec tout le monde, ils accumulent un tel capital sympathie, que pour l'instant, ils n'arrivent même pas à trouver un nouveau guitariste…

Pourquoi être passé d'un major à un plus petit label ?

Ce qu'on a vécu, c'est la caricature parfaite d'un groupe de rock qui est parachuté sur un major, et remarque par la suite que rien n'est adapté à ses besoins. Nous avons changé de label, parce que nous souhaitions travailler avec des gens qui effectuent un travail de fond, de proximité ; qui ne se contentent pas de traiter avec les gros médias... En outre, leur manager nous paraissait très compétent. Il venait du monde du rock et ses idées correspondaient parfaitement avec les nôtres. Pourtant, ce premier échec nous a permis d'acquérir une certaine expérience. Il existe des groupes chez qui le premier album a très bien marché, mais qui ont besoin d'un certain laps de temps avant de pouvoir enregistrer un second. Lorsque tu décroches un disque d'or dès ton premier CD, mais que le suivant ne marche pas du tout, la firme de disques commence à revoir sa position vis-à-vis de toi. Et ce n'est pas une situation facile à gérer ! De notre côté, il nous a fallu tourner beaucoup pour pallier aux négligences du major. Lorsqu'on a connu des coups durs et qu'on a dû se battre pour y arriver, on se sent plus forts, plus mûrs. Et plus parés à sortir un deuxième album.

Comment expliquez-vous le manque de structure pour le rock, en France ?

Je crois que c'est un phénomène culturel. En France, il n'y a pas de culture rock, de passé du rock. On a même parfois l'impression que personne n'a jamais pensé qu'elle pouvait exister. En Angleterre, il y a de la merde mais aussi de bonnes choses. Il y a des trucs à la mode et des trucs plus vieux. Chez nous, on ne passe que la merde à la mode. Il existe aussi un rapport de force entre maisons de disques. Elles ne sont pas françaises. Américaines ou autres, elles n'affichent pas la même sensibilité. Au contraire de la Belgique qui s'inspire de l'Angleterre en identifiant des labels indépendants. Paris aurait pu être le carrefour de la " world music ". Mais il a tout raté à cause des majors.

Dans vos textes, vous parlez parfois du futur. Comment voyez-vous le prochain millénaire ?

On le voit très court. Avec nos excès, lorsqu'on aura tout cassé, cela ne sera plus vivable. On n'arrivera pas jusqu'en 3000. Certains pensent que la science va tout résoudre. Je n'en suis pas si sûr...

" L'age d'or " parle d'un 7 juillet 2008. Pourquoi ce jour ?

C'est une projection dans le futur à court terme. On raconte l'histoire d'un gars dont le rêve est d'avoir une place convenable dans la société. Ce serait son âge d'or. Son projet qui se réalise. La chanson parle donc d'un mec qui veut retrouver un boulot mais qui a des doutes. Un peu comme dans " Roseta ", le film des frères Dardenne. Pour la date, on aurait pu choisir le 7 juillet 2007, l'année des trois sept. Mais la rime ne marchait plus avec le reste.

Et les jeux de mots, c'est de l'humour ?

Non, ça n'a rien à voir avec le comique. C'est plutôt pour donner une dimension en plus aux textes. On peut interpréter nos chansons comme on le sent. Je rêve l'âge d'or ou je rêve, là je dors ? C'est comme tu veux. D'ailleurs, parfois on a même du mal à se mettre d'accord sur le sens réel de certaines phrases ! Tu vois, la plupart de nos textes, on les écrit ensemble. Néanmoins, cela ne veut pas dire que l'on soit d'accord sur tout. Et quand il y a un litige, on tente de choisir la meilleure idée.

Vous êtes allés rendre visite, en Angleterre, au club de foot " Aston Villa ". Comment s'est passée cette aventure?

En fait, nous avons été invité par le club, qui trouvait amusant qu'un groupe français porte son nom. Nous avons ainsi assisté à un match qui opposait Aston Villa et Newcastle. A cette époque, Ginola jouait encore là-bas. On a même été boire un pot avec lui. Et puis, les médias étaient assez intéressés par le sujet. On est passé dans pas mal d'émissions. Et grâce à ça, on s'est rendu compte que tout était possible. Même si cela n'a finalement pas mené à grand chose, d'un point de vue strictement commercial. En fait, ils s'intéressaient à nous, plus pour l'anecdote que pour notre musique. Enfin on s'est quand même décidé à y retourner au début de l'an prochain. Et on tentera à nouveau le coup. A ce propos, lorsque nous avons joué là-bas, l'émotion de nos chansons est quand même parvenue, malgré l'obstacle de la langue, à passer la rampe...

" J'aime regarder les filles ", c'est un hommage à Coutin?

On avait bien aimé la chanson, à l'époque. Et puis on l'a rencontré dans notre ancienne maison de disque. Le contact s'est très bien passé. Ce qui nous a permis d'obtenir l'autorisation de reprendre le morceau ; alors qu'auparavant, il avait toujours refusé qu'on y touche. Seule condition, ne pas dénaturer le texte. Et je crois que le résultat est excellent… Nous avons également voulu faire passer un message à travers la pochette de l'album. Elle représente une femme qui s'ouvre au monde. " Extraversion ", c'est un appel à s'ouvrir aux autres. Et aller vers les autres, ce ne sera possible que si on laisse parler ses sentiments, ce qui est une sensibilité plus féminine. L'homme également a une part de féminité. Petite histoire en passant, la photo de la fille reproduite sur le CD, est un polaroïd d'une actrice très connue ; mais on a juré de garder le secret.

Parmi les artistes français, vous avez une liste d'or ?

Jacques Brel, Coluche, ... (NDR : les musiciens d'Aston Villa arrivent rapidement à court d'idées)

Et une liste noire ?

Alors là, la liste est vachement plus longue ! Le reste ! Les médias passent systématiquement les mêmes artistes et ne font découvrir personne. Et il y en a beaucoup. Ils portent une grosse responsabilité du nivellement par le bas, des valeurs musicales en France. Et nous pensons plus particulièrement à des gens comme Foucault, qui n'ont qu'un objectif : gagner le max de blé. Le reste, et en particulier les nouveautés, il s'en fout complètement. Il y a aussi des mecs issus de la scène hip hop qui nous agacent. Des gars qui se la jouent " cool " et qui, en fait, ne pensent qu'au fric qu'ils pourront empocher. Ils sont incapables de jouer le moindre instrument, ne savent pas chanter et ne racontent que des conneries. Des petits merdeux quoi ! Il n'y a qu'un seul groupe que je respecte, c'est NTM. ( NDR : un point de vue que tout les membres du groupe ne partagent pas ). Et peut-être Assassin, mais ils ne sont malheureusement pas très connus. En fait, c'est le copinage qui fait tout foirer. Le copinage entre les médias, les majors et les producteurs. Dans ce petit monde parisien, ils sont tous copains et c'est difficile de rentrer dans leur cercle. Un gars qui a du mérite, c'est le programmateur de " Nulle part ailleurs ". Malgré les pressions, il est parvenu à conserver son intégrité en ne tombant pas dans la bassesse du copinage. La fermeture des frontières au niveau musical est également très négative. On ne connaît ni les groupes espagnols, ni italiens, ni les autres, alors que l'Europe est en pleine construction.

Version originale de l'interview parue dans le n° 81 (mars 2000) du magazine MOFO

 

 

Motorpsycho

Virage à 180°

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Trio norvégien, particulièrement talentueux sur les planches, Motorpsycho vient de prendre un virage à 180°, en enregistrant, " Let them eat cake ", son nouvel album. En d'autres termes, il vient de passer d'un style progressif, inspiré par les seventies, à une démarche plus contemporaine ; toujours aussi élaborée, mais à l'instar d'un Flaming Lips ou de Mercury Rev, fruit de la rencontre entre la pop/rock, la technologie moderne et la musique symphonique. C'est Hans Magnus Ryan alias Snash, le guitariste, qui s'est chargé d'expliquer la raison de cette métamorphose…

Pourquoi ce changement radical de style ?

Nous avions besoin de relever un défi. Faire autre chose. Ne plus se satisfaire de la formule du power trio, dont nous avions assez longtemps testé l'efficacité. Au départ, notre démarche exigeait un certain type d'instrumentation et de feeling. On a donc dû se remettre en question. Sortir de ce carcan. Nous voulions que nos chansons soient plus légères. Et on a multiplié les arrangements. A un tel point que les compositions sont devenues plus complexes et totalement différentes des albums précédents.

Avez-vous l'intention de jouer ce type de musique " live " ?

Jouer 'live', c'est quelque chose qu'on a en nous. Mais réaliser un album, c'est autre chose. D'autant plus que pour la toute première fois, nous avons pris tout notre temps pour l'enregistrer. Nous avons évolué en tant que compositeurs et musiciens. En alignant des albums dont la ligne de conduite avait toujours reposé sur un son véritablement heavy. Pour ce nouvel opus, nous avons eu une autre approche, un autre toucher, un autre feeling de nos chansons. Cela nous a demandé des mois de travail. Parce que nous souhaitions que le groove soit coulant et surtout pas hard. Nous ne voulions plus le traiter comme le métal. En fait l'enjeu n'était pas de faire quelque chose en plus, mais de faire éclater le concept du power trio…

Où avez-vous enregistré cet album ?

A Horten, dans un bled du sud de la Finlande, à deux heures de route d'Oslo. Aux studios 'Analog'. Un immeuble particulièrement spacieux, équipé d'une salle d'enregistrement en bois, et doté d'un étage aménagé en appartements, avec chambres, salon, etc. On y vit toute la journée. C'est un superbe endroit pour travailler. Une petite ville où on a l'impression d'être coupés du monde. Il est très important pour nous de vivre au sein d'un tel environnement, pour créer de la bonne musique. Dans les grandes villes, il est tellement plus facile de se laisser distraire. Nous y perdons notre énergie. Et nous n'avons plus assez de concentration pour travailler correctement.

Ce qui explique sans doute pourquoi, on ressent une certaine quiétude, tout au long de ce disque ?

C'est peut-être aussi parce que nous sommes nés dans un endroit calme. A Trondheim. D'ailleurs, dès que nous aurons bouclé nos tournées, nous y retournerons. C'est notre retraite. Nous avons besoin de cet isolement. Ce qui nous permet de retrouver l'inspiration. Nous évitons de nous mêler au business. Question de rester nous-mêmes. Simplement en essayant de progresser au jour le jour…

Avez-vous réellement fait appel à un orchestre symphonique, pour enregistrer ce disque, ou vous êtes-vous simplement contentés de samples ?

En fait, il s'agit d'un quatuor à cordes et d'une section de cuivres. Nous avons également utilisé un huit pistes et le mellotron. Mais ce mellotron, nous ne l'avons pas employé comme sur l'album " The tussler ". De manière à produire une énergie frictionnelle entre tous les éléments. Une technique de prise directe qui exige des arrangements complets et de qualité…

Est-ce que Mercury Rev et le Flaming Lips constituent, pour Motorpsycho, des exemples à suivre ?

Oh oui, absolument ! Ils sont les précurseurs de cette approche musicale, de cette rencontre entre les cordes, les cuivres et le rock classique. Ce sont des groupes formidables. Et sincèrement nous avons beaucoup d'affinités avec ces formations…

Une formule qui permet de mieux communiquer les émotions ?

D'une certaine manière. Lorsque tu travailles avec des cordes et des cuivres, tu dois rester conscient de ce que tu fais. Le problème, ce sont les stéréotypes. Si tu te contentes de faire ronronner la chanson, c'est sans intérêt. Il faut toujours essayer de capturer cette énergie frictionnelle. Qui elle-même servira de base aux arrangements. J'ignore si nous avons réussi dans notre entreprise. Seul l'avenir nous le dira. Mais on l'espère. De toutes façons, nous recommencerons l'expérience…

Vous avez intitulé votre album " Let them eat cake ". Le prochain ce sera " Let them drink tea " ?

(Rires) Pourquoi pas ? En fait, en poussant la plaisanterie, nous aurions pu l'intituler " L'histoire de Marie-Antoinette " (NDR : ah bon !). C'est simplement de l'ironie. Nous avons pris un risque, en enregistrant cet album. Parce qu'une frange importante de notre public nous a toujours considérés comme un groupe de hard rock (NDR : du côté des doigts de pied alors !). Et les fans les plus radicaux, risquent d'être quelque peu déçus. Mais je pense, que nous ne devons pas extrapoler sur leur réaction. Il est préférable de se concentrer sur ce qui se passe ici et maintenant. Et tant pis si ce public ne veut pas changer. Mais il reste seul juge. S'il estime que nous avons manqué notre cible, nous en prendrons acte…

Sur ce nouvel album, figure une composition un peu différente : " A song for a Bro' ". Plus jazz, plus blues, elle constitue, je suppose, un hommage aux Allman Brothers Band. Pourquoi l'avoir incluse sur cet album ?

C'était en quelque sorte, prémédité. En fait, cet hommage aux Allman Brothers Band est encore un nouveau type d'expérimentation opéré par Motorpsycho. Un exercice de style au sein duquel on se trouve assez à l'aise. C'est une très bonne chanson dotée d'un potentiel pour la jouer sur scène. C'est une composition qui s'accroche à des concepts musicaux propres à ceux que pratiquaient les groupes des seventies. Nous sommes un peu des nostalgiques, des romantiques, si tu préfères, de cette époque. Et nous trouvons génial de transposer ce type de musique, dans le temps présent. Parce que c'est la musique qu'on aime…

Avez-vous l'intention de tourner un clip avec une des chansons de ce nouvel album ?

Oui. Chaque fois que nous nous produisons sur scène, des amis filment nos prestations. Nous disposons déjà d'un stock d'images assez conséquent, que nous pourrons utiliser dans le futur. Mais c'est vrai que nous avons tourné une vidéo pour " The other fool ". En 16 mm. Nous avons rebondi sur un trampoline pendant des heures et des heures. Des exercices qui ont été fixé sur la pellicule, mais à grande vitesse. De manière à obtenir un effet de ralenti. Nous ne l'avons pas encore visionnée. Mais je suis sûr qu'elle sera percutante. Parce que son réalisateur, avec qui nous collaborons étroitement depuis un bon bout de temps, est la même personne qui s'occupe du concept des pochettes de nos albums.

Merci à Vincent Devos.

(Version originale de l'interview parue dans le n° 80 - janvier 2000 - du magazine Mofo)

 

Muse

Hanté par le falsetto de Jeff Buckley...

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Depuis la sortie de " Showbiz ", en octobre 1999, album qui a dépassé la barre de 250.000 exemplaires vendus à travers le monde, Muse n'a jamais cessé de tourner. Le trio de Teignmouth, une petite cité balnéaire du sud de l'Angleterre, a bien gravé quelques singles depuis, mais rien de vraiment très neuf à se mettre dans l'oreille. Pourtant, Matthew Bellamy, Dominic Howard et Chris Wolsenholme ont composé un tas de nouvelles chansons au cours de ce long périple, répertoire qui devrait leur permettre de graver un deuxième opus…

Il y a cependant loin de la coupe aux lèvres, puisque depuis leurs débuts, qui remontent officiellement à 1998, le combo s'est fixé une ligne de conduite draconienne. Matt (qui tient le plus souvent le crachoir) s'explique : " Nous n'entrerons pas en studio simplement parce que nous avons trouvé le temps d'enregistrer. C'était clair depuis le départ. Nous nous y rendrons lorsque nous pourrons offrir quelque chose de radicalement différent et de meilleur que le précédent. Si nous devions nous rendre compte que ce n'était pas le cas, même après l'avoir enregistré, nous ne le sortirions pas. Et ce sera chaque fois pareil ! " La barre est donc placée très haute, puisque ‘Showbiz’ était déjà d'excellente facture. Un disque qui leur avait valu moult comparaisons avec Radiohead, dans la presse spécialisée ou non. Ce qui peut s'expliquer en partie, lorsqu'on sait que c'était John Leckie, notamment responsable de la mise en forme de ‘The bends’, qui en avait assuré la production. Des comparaisons que les musiciens ne dérangent pas du tout. Ils les trouvent même flatteuses. Matt pense d'ailleurs que ces réactions sont dues au fait qu'aussi bien Thom (Yorke) que lui-même vouent une grande admiration à l'œuvre de Jeff Buckley ; et surtout à la force émotionnelle qu'elle était capable de libérer. Il considère même que Buckley est une influence majeure pour Muse. Lorsqu'il chante, il a parfois l'impression que son falsetto le hante. Brrr… ! Matt apprécie également beaucoup Tom Waits. A cause de son sens de la mise en scène. D'ailleurs il considère ‘Blue Valentine’ comme la chanson qui le décrit le mieux. En 1994, en assistant à un set de Rage Against The Machine, accordé au Reading, il a eu la confirmation que le rock devait être une expérience corporelle et pas seulement une nourriture pour l'âme. Ce qui explique sans doute pourquoi leurs concerts sont aussi urgents et intuitifs. Il s'intéresse cependant à d'autres courants musicaux. La musique espagnole notamment. Et en particulier les arrangements orchestraux de Villa Lobos. La musique symphonique également. Berlioz en tête de liste ( !?!?) ; parce que sa muse ( ?!?!) libère une intensité et une puissance incomparables. Le blues, par contre, c'est pas trop son truc, même s'il reconnaît que ‘Falling down’ en a des connotations. " En fait, la presse m'a déniché des racines blues, parce que j'ai un jour déclaré que Robert Johnson était un de mes compositeurs favoris ". Paradoxalement le groupe n'est pas tellement attiré par la britpop des Oasis, Blur et consorts. Mais plutôt par la musique américaine. Nirvana et Smashing Punmpkins en particulier. Parce que leur musique est un conducteur idéal pour libérer des émotions.

Fils de musicien qui a sévi au cours des 60's chez les Tornadoes, Matt est incontestablement la figure de proue de la formation. Normal, puisque non seulement il chante et joue de la guitare, mais aussi et surtout écrit les paroles des chansons. " Sur le premier album, il y a des choses qui sont inspirées par des expériences personnelles. Dorénavant, j'écrirai davantage à ce qui ressemble au monde. La face sombre de la nature humaine. Ses angoisses, ses douleurs, enfin tout ce qui appartient au quotidien. En fait, toute cette énergie négative vient de la ville d'où nous sommes originaires. Beaucoup de nos amis sont allés à l'université ou sont devenus des dealers. Si je ne m'étais pas investi chez Muse, je serais probablement devenu une personne détestable et violente. La musique me libère et véhicule mes émotions. " Quelque part, on pourrait imaginer que la frustration est un des thèmes principaux de ses chansons. Et ses chansons reflètent cet état d'esprit. " Il s'agit davantage de confusion que de frustration ", réplique-t-il. " La confusion au sujet de la vie, de l'existence".

Muse possède la particularité de disposer de six contrats différents à travers le monde. Aux USA, ils ont signé chez Maverick, le label de Madonna, en France, chez Naïve, en Allemagne chez Motor et en Grande-Bretagne chez Mushroom. Une situation qui peut paraître assez compliquée au départ, et même devenir à terme un handicap. Mais qui est finalement devenue la force du groupe. " En fait, cela nous permet de choisir où on va. Nous avons le contrôle total de notre production. Cela nous permet de choisir l'endroit où on veut jouer. En outre, si tu n'es signé que par un seul label, s'il te vire tu te retrouves sans rien. Dans notre cas, si un label nous lâche, nous en avons encore cinq de rechange, et on peut continuer. C'est une forme de stratégie. Et ce n'est pas aussi compliqué que tu penses à gérer. Nous avons engagé des managers compétents pour s'occuper de nos affaires… "

 

 

Grandaddy

Groupe pépère?

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Dans l'univers de la pop et du rock, Grandaddy est vraiment un cas à part. Ses musiciens sont d'abord capables de prendre du recul par rapport à cet univers. Et puis de privilégier la qualité de la vie sur les contraintes liées au succès. Pas étonnant qu'ils vivent dans un petit patelin perdu au fond de la Californie, dont vous n'avez peut-être jamais entendu parler : Modesto. Une philosophie qui sied très bien à leur leader, chanteur, compositeur et guitariste, Jason Lytle. Un personnage capable de poser un regard critique sur l'évolution du monde contemporain, à son goût beaucoup trop dépendant de la machine. Et ce regard critique, Jason le traduit à travers ses lyrics. Mais également le discours qu'il nous a tenu tout au long de cette interview…

Dans son esprit, ce qui est essentiel aujourd'hui sera dépassé demain. " J'ai parfois l'impression que le monde est perdu au fond d'un énorme trou. Un vide d'idées, bourré de choses inutiles, qui génère une trop grande quantité de déchets. Et c'est vraiment malheureux. A cause de cette situation, les être humains sont incapables d'apprécier les choses les plus simples, trop occupés à produire des choses superflues et à gaspiller. Et ils ne s'en rendent même pas compte. Plus grand monde n'est capable de jouir des vertus de la simplicité. De rencontrer le bonheur à travers la simple promenade dans un bois, à l'écoute du bruissement des feuilles d'un arbre ou du chant des oiseaux. Les êtres humains sont vampirisés par des gadgets qui font bip bip, clic clac, etc. Je pense qu'il est temps que quelqu'un leur rappelle qu'ils doivent relativiser, rester cool. Le pire, c'est que ces valeurs n'ont plus cours, et devraient, à mon sens, être réenseignées… " Si dans une de ses chansons, Jason conseille de ne pas trop faire confiance à la machine, dans une autre il dresse des analogies entre le système électronique et les êtres humains. Un paradoxe que reconnaît Jason : " J'adore les contradictions. Elles font partie de ma personnalité. C'est sans doute dû au fait que j'ai peut-être tendance à faire de grandes généralisations. " Comme par exemple lorsqu'il compare son nouvel album à l'image d'un endroit où le rêve de la fin du XXème siècle va mourir. Et la réponse de fuser : " Peut-être que si le XXème siècle était bourré, alors le XXIème aura la gueule de bois. Je suis un peu fataliste, mais au fond de moi-même, j'aimerais bien qu'il subsiste encore de l'espoir… "

Jason Lytle se défend avoir voulu enregistrer un concept album. Parce qu'il ne s'en est vraiment rendu compte qu'au fil des sessions d'enregistrement. C'est à dire lorsque le disque a pris de la forme et de la consistance. En fait, ses idées étaient tellement précises et représentatives de ce qui se passait autour de lui, à ce moment là, qu'elles nécessitaient un fil conducteur. " Mais franchement, ce n'était pas intentionnel ! ", ajoute-t-il. L'enregistrement de cet opus n'a pas été réalisé dans un studio de haut standing, vous vous en doutez ; ce qui ne l'empêche pas d'être superbement produit. Mais comme le rappelle si bien Jason : " J'évite de travailler dans des studios coûteux, parce qu'ils ressemblent à des hôpitaux et que le son qui en est tiré est trop clinique… " Soucieux de liberté d'action, Jason est capable d'enregistrer 24 heures d'affilée. Il déteste le saucissonnage dans le temps. Il veut bénéficier d'une disponibilité constante. A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Il aime cette capacité d'adaptation. Enregistrer est même, pour lui, devenu une drogue. " On y devient facilement accro ", avoue-t-il. " Et tout le travail de production et d'engineering n'est que du blablabla. Il y a suffisamment longtemps que j'exerce ce boulot pour savoir de quoi je parle. "

Depuis la sortie du précédent opus, Grandaddy a intégré deux nouveaux musiciens. Un guitariste et surtout un claviériste. Enfin, pas tout à fait, puisque ce dernier, qui répond au nom de Tim Dryden, participait déjà aux tournées. Ce qui explique pourquoi le climat du nouveau CD, ‘The sophtware slump’, est beaucoup plus atmosphérique. Et Jason va même encore plus loin : " L'apport du clavier dans notre musique permet de donner davantage de variété et de couleur dans le son, d'offrir plus de possibilités et d'aptitudes à exprimer des idées. Unidimensionnelle, la guitare a beaucoup plus de limites. En fait, chez Grandaddy on cherche à varier les images à partir des fréquences et des sons. Une technique qui est assez compliquée et pas facile à assimiler dans le monde de la musique pop. Et le clavier nous facilite cette tâche… "

La chanson ‘Jed the humanoid’ opère une comparaison entre un ami mort et un computer ; à moins que ce ne soit l'inverse. Elle méritait, en tous cas une explication un peu plus précise. " En fait, c'est une histoire à propos de l'alcool. Un problème que j'ai beaucoup de mal à surmonter. Mais je n'avais pas envie de me morfondre à ce sujet et de me faire passer pour une andouille. En fait cette chanson est un peu une thérapie. Un message envers moi-même. Qui m'est soufflé par Jed. Me rappelant que le mélange entre l'alcool et l'électronique n'est pas très bon. Et j'ai écrit cette chanson comme un conte de fées abordé sous un angle futuriste, surnaturel. Mais il est exact qu'on y ressent cette forme de tristesse douce-amère dont je suis très friand. "

Jason aime des tas de styles musicaux. Pas trop la dance. Parce qu'on sait où elle va. Mais bien la musique classique. Car elle permet à l'esprit de dériver, de déborder les frontières. Elle est idéale pour explorer. Et essayer de produire ce genre de son dans le carcan de la musique actuelle, est pour lui un grand défi. Et un défi qu'il apprécie. Pourtant, il n'est pas enclin à jouer en compagnie d'un orchestre symphonique : " J'aime autant disposer d'un clavier capable de représenter un orchestre. " Curieusement, le nouveau concept imaginé par Flaming Lips ne semble pas trop correspondre à sa sensibilité. Parce que dans le contexte de la musique pop contemporaine, ils ont trop tendance à rendre leur chanson la plus expansive possible… Mais il a beaucoup d'estime pour Howe Gelb. Ou plus exactement pour ce qu'il fait : " C'est vrai que ses idées volent parfois un peu trop haut. Que ses spectacles sont assez imprévisibles, et parfois même inaudibles. Mais c'est probablement le musicien le plus passionnant et le plus saisissant de notre époque. J'ai ainsi appris qu'il aurait mis en forme deux albums en un jour. Il crée toujours de la matière intéressante. Personnellement, j'aime cette idée de battre le fer tant qu'il est chaud. D'être sûr de pouvoir s'occuper de tout dans un temps imparti. Profiter de l'instant présent. Et je crois qu'il se conduit de la même manière depuis bien longtemps… "

Si Jason apprécie également Jeff Lynne, c'est avant tout pour ses compétences d'arrangeur et de producteur. Quant à Neil Young, il admire son intégrité, une philosophie de vie qu'il a toujours respectée et qui est digne d'intérêt. " Lorsque je lis des articles, dans des magazines, sur des groupes qui n'ont strictement rien d'intéressant à raconter, qui ne mènent pas une existence intéressante, et qui pour se rendre importants racontent des mensonges, j'en suis malade. Il faut avoir vécu l'aventure, avant de pouvoir écrire quelque chose à votre sujet. Et je crois que Neil correspond fidèlement à cette image. C'est pourquoi nous essayons de mener une vie intéressante… "

Merci à Vincent Devos

(Version originale de l'interview parue dans le n° 88 - Décembre 2000 - de Mofo)

Miossec

Le côté p tite teigne qui ressort...

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Il écoute Asian Dub Foundation, les productions de labels comme Wall Of Sound et Cup Of Tea, et il attend impatiemment la sortie du nouveau dEUS. Il n'avait pas prévu de devenir chanteur et semble aujourd'hui se méfier du succès qui pourrait le guetter. Pas facile à prendre, le Miossec!

Intituler son album ‘A Prendre’ ouvre la porte à toutes les interprétations imaginables. Apprendre, à prendre... ou à laisser, allez savoir. Christophe Miossec ne se tracasse pas. Et s'il s'est quelque peu calmé (ou du moins, il essaie) côté excès, il continue à pratiquer son art avec cette conception qui n'appartient presque qu'à lui : « Je n'ai pas de message personnel à délivrer, autrement je ne ferais pas de musique, quoi. Je ne prends pas les choses comme ça en fait. Je fais un disque et puis voilà... C'est un peu ‘advienne que pourra’. Mais je n'attends pas de questions précises, et je n'ai pas non plus de réponses précises à fournir. Ce que je veux dire, c'est que je comprends complètement quelqu'un qui n'aime pas le disque ; je peux me retrouver en accord avec lui, et ça ne me pose pas de souci majeur. Et vice-versa. » N'empêche, les albums du Breton, trois à ce jour, n'ont jamais suscité l'indifférence. Après ‘Boire’ et ‘Baiser’, certains espéraient même le voir toucher un auditoire plus large. « Il y a quand même un truc marrant dans ce que j'ai pu lire, c'est que des gens ont été étonnés que je ne fasse pas le grand saut. Quelque chose de plus populaire. Que je devienne une usine à tubes. Mais je sais que c'est complètement à côté de la plaque, parce que ce n'est pas du tout dans ma façon de fonctionner, de faire de la musique. Ce qui est vraiment drôle, c'est de voir que ces réactions sont même issues de journaux indépendants ou dits comme tels. C'est tout de même marrant de lire des journalistes spécialisés qui te reprochent pratiquement de ne pas faire des tubes... »

Miossec ne fait pourtant pas la fine bouche sur les quelques 140.000 exemplaires écoulés du précédent ‘Baiser’. D'autant, explique-t-il, que dans sa logique de départ, il pensait en vendre 5 ou 6.000 et jouer partout en Bretagne. « Si ce miracle pouvait en rester là, éviter le gigantisme, ce ne serait pas plus mal pourtant. » Au-delà, ce serait une erreur car il avoue ne rien faire pour que ça décolle. « C'est bizarre parce qu'au départ, j'étais musicien. J'avais un 8-pistes et je bricolais tout moi-même. Comme j'étais tout seul, il a fallu chanter. Et puis après écrire mes paroles. Mais à l'origine, mon truc, c'était de faire de la musique, pas du tout devenir chanteur. Enfin, si je m'écoute, ce n'est pas le genre de voix dont on se dit : ‘Tiens, elle est magnifique, je vais devenir chanteur.’ » Ce qui séduit, ce serait donc plus le style que l'organe. Un style dépouillé, une écriture qui pourrait être crue s'il n'y avait le démenti de l'auteur : « Pas pour moi, non. Normale. Enfin, ce qui devrait être normal. J'ai l'impression d'écrire mes textes naturellement, et puis c'est mon truc. J'ai le sentiment d'être honnête dans ce que je raconte. Je ne crois pas être à côté de la plaque. Les choses trop calibrées, je ne m'y retrouve pas du tout. Ce qui fait que je n'écoute pas beaucoup de chanson française en fait. »

En une période qui semble propice à cette ‘nouvelle chanson française’ (notez les guillemets), le succès ou l'intérêt pour les uns poussant les firmes de disques à en signer d'autres, Miossec fait parfois figure d'ouvreur de portes. Encore que cette étiquette le laisse quelque peu sceptique : « Je crois que cela devient aussi une facilité. Je suis loin d'être fan de tout ce qui sort dans le genre. Il y a beaucoup d’imposture intellectuelle dans toute cette... Enfin, je ne balancerai pas de noms pour m'éviter les emmerdes, mais j'ai un peu l'impression que cette situation pourrait vite devenir une tarte à la crème. Je me sens aussi proche de Sloy ou de Noir Désir, pour d'autres raisons. Humainement, même avec Zebda, on s'entend bien. Les Roadrunners aussi. Comme on fait partie de groupes qui tournent beaucoup, il y a des amitiés qui se créent. Ce n'est pas du tout une affaire de sensiblerie à la française, c'est plutôt une histoire d'attitude. L'autre jour, un journaliste qui est dans la techno m'a dit qu'après deux jours de rave, il écoute Miossec parce que ça lui fait du bien. Ça me fait plaisir. Je préfère cette réaction à un mec qui étudie Jean Ferrat. »

Ce que le Breton préfère par-dessus tout, on s'en doute, c'est la scène. Une scène qu'il n'a pratiquement jamais quittée depuis le premier album, notamment parce qu'il a débarqué fort tard dans le milieu. C'est du moins ainsi qu'il l'explique. « Et c'est surtout le fait d'avoir auparavant vécu autre chose dans ta vie. Et puis là, tu te retrouves dans un fourgon rempli de fous furieux! Je n'ai pas arrêté de rouler, c'est formidable. Enfin, c'est autant la vie de fous que les concerts eux-mêmes. Je sais que je n'arrive pas du tout à être calme et serein sur scène. C'est aussi dû au fait que j'ai vachement le trac avant, donc la tension se transforme en violence. Enfin c'est un truc assez bizarre... » Voilà qui ne risque pas non plus de s'arranger au fil de temps. Du moins, Miossec ne le croit pas : « Je ne pense pas qu'un jour je me dirai : ‘Tiens c'est normal, je monte sur scène, y'a du monde dans la salle’. Par contre, je pourrais prendre du plaisir. Ça, c'est énorme. C'est plutôt du plaisir chimique... Mais ça peut être horrible; sortir d'un très mauvais concert, ça te fout le moral en l'air. Si on peut se fendre la gueule, c'est bien. Mais je ne pense pas que j'arriverai à être cool, serein sur scène... J'ai un côté 'tite teigne qui ressort… »

Interview parue dans le n° 73 (mai 99) du magazine Mofo

 

The Chemical Brothers

Pas toxic twins...

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C'est donc en cette fin de mois de juin que "Surrender", le nouvel album des Chemical Brothers, est supposé s'attaquer à nos petites oreilles déjà mises à mal par le mélange corrosif d'infrabasses et de psychédélisme concocté sur "Dig Your Own Hole", le prédécesseur. Annoncé par un explosif single portant le titre de "Hey Boy Hey Girl", il devrait marquer son époque. Et ça, il n'y a pas que les Anglais qui le disent...

Une fois encore, Tom Rowlands et Ed Simons ont multiplié les collaborations. Sur "Surrender", on retrouve tout d'abord Noel Gallagher d'Oasis, le temps d'un "Let Forever Be" dont le titre autant que la forme constituent une sorte de clin d'oeil aux Beatles. Sur "Dig Your Own Hole", le brother de l'irascible Liam s'était déjà fendu d'un "Setting Sun" pas piqué des hannetons. Bobby Gillespie de Primal Scream et Hope Sandoval, de Mazzy Star, sont également venus poser leur voix délicate sur l'une ou l'autre plage, comme "Asleep For A Day" pour cette dernière, une occasion, au passage, pour les deux compères de s'essayer aux nappes de violons. Après avoir remixé "Delta Sun Bottleneck" de Mercury Rev, ils peuvent désormais aussi s'enorgueillir de la présence de Jonathan Donahue. Autre collaboration originale, celle apportée par Bernard Sumner de New Order sur "Out Of Control", une collaboration qui, aux dires des lascars, "nous a fait flipper au départ parce que nous ne connaissions pas du tout Bernard"...

Le Son Des Sirènes

En quatre ans à peine, les Chemical Brothers auront donc mis pas mal de monde d'accord avec, chose curieuse, une musique essentiellement instrumentale. Producteurs, remixeurs et dj's, Tom Rowlands (tifs longs) et Ed Simons (tifs courts) se sont connus à l'Université de Manchester il y a près de dix ans de cela, sur les bancs d'un cours d'histoire. C'est leur intérêt commun pour le hip hop, la house, la techno et le rock déjanté qui va tout d'abord les pousser derrière les platines. Au passage, ils se baptisent les Dust Brothers, en hommage aux célèbres producteurs américains du même nom, et enregistrent un single, "Song To The Siren". Rien à voir avec la chanson de This Mortal Coil, il s'agit ici plutôt d'une réaction à l'absence de big beats et de... sirènes dans la musique de l'époque! Pour Tom et Ed, les choses vont alors aller très vite. Andrew Weatherall des Sabres Of Paradise s'intéresse à eux. Ils enregistrent deux ep's puis remixent successivement les Manic Street Preachers, Charlatans, Justin Warfield, Leftfield et Primal Scream. Entre-temps, les Dust Brothers les prient poliment de changer de nom après quoi, en mai 95, le duo signe avec Virgin et lance son propre label, Freestyle Dust. Un mois plus tard, après avoir percé dans les charts avec "Leave Home", ils accouchent d'un premier album, "Exit Planet Dust" qui va trouver près de 130.000 acquéreurs rien qu'en Angleterre et en un an à peine.

Par où la sortie?

"Exit Planet Dust" installe la marque de fabrique des faux frères: breakbeats crispants, son hénaurme, instruments trafiqués et une grosse louche de funk. Les Etats-Unis prennent goût à cette nouvelle dance venue d'Angleterre, et les Chemical Brothers se retrouvent dans le trio de tête des exportations en compagnie d'Orbital et d'Underworld. Décidés à ne pas s'endormir sur ces premiers lauriers, ils enregistrent alors un ep mythique, "Loops Of Fury", qui servira par ailleurs de bande-son au jeu "Wipeout 2097" sur PlayStation, puis impressionnent le public dans une série de festivals. L'année 96 est partagée entre leurs activités de dj's, trois remixes dont un nouveau Manic Street Preachers ("Everything Must Go") et les premières plages de leur second album. A l'automne, celui-ci s'annonce par un "Setting Sun" en "duo" avec Noel Gallagher. Résultat des courses: numéro 1 dans les charts brittons. Quelques mois plus tard, ils rééditent leur coup avec "Block Rockin' Beats" annonçant "Dig Your Own Hole", le second opus de leur discographie. Celui-ci se vend comme des petits pains dès sa sortie au printemps 97. Au passage, il est nominé au Mercury Prize et aux Brits en Angleterre. Quant à "Block Rockin' Beats", il décroche un Grammy aux States, catégorie... "Best Rock Instrumental". L'an dernier, c'est à nouveau aux dancefloors qu'ils se sont consacrés, enregistrant "Brothers Gonna Work It Out", un "dj mixup" balayant leurs influences, du hip hop à la techno en passant par le rock'n'roll et l'acid house. Depuis, discrétion totale, jusqu'à aujourd'hui, avec "Surrender"...

Tom est une fille...

Sous leurs airs d'olibrius, Ed Simons et Tom Rowlands viennent donc de redorer le blason de l'electronic dance music britannique. Leur carte de visite s'allonge de disques et de prestations sismiques. Depuis quelques mois, elle renseigne aussi une bien amusante anecdote... Séduit par "Private Psychedelic Reel", un titre signé par les frangins chimiques qu'il avait entendu dans un club d'Osaka, un couple de Japonais a décidé de baptiser ses deux premiers enfants en souvenir de cet émouvant moment. Les jumeaux se nomment désormais Ed Simons Yamauchi pour le garçon et... Tom Rowlands Yamauchi pour la fille! Plutôt que de s'étendre sur cette incongruité, les heureux "parrains" préfèrent expliquer leur perception de la musique: "Nous aimons tout les deux une musique, de préférence jouée à fort volume, qui nous transporte ailleurs. C'est une sorte d'expérience psychédélique qui donne un tour inattendu à notre vie de tous les jours, sans l'aide d'une quelconque substance"... Puisqu'ils vous le disent!

Version originale de l'interview parue dans le magazine Mofo n° 74 de juin 99

 

Quickspace

Un mélange de nature et de consumérisme?

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Fondé en 1995 par le compositeur, guitariste et leader spirituel, Tom Cullinan et le bassiste, Sean Newsham, Quickspace a perdu en chemin son Supersport, puis tous les autres musiciens. Qu'ils ont remplacé assez facilement, il faut le souligner, mais sans que la musique ne souffre de ces changements de line up. Sean est, en outre, propriétaire du label Kitty Kitty Corps. Un atout supplémentaire pour ce toujours quintette londonien, qui mériterait un autre statut que celui de culte underground. Et leur dernier album, " Precious falling ", sorti l'an dernier, en est la plus belle illustration. Tom et Sean à l'interview, c'était donc plus qu'un choix, mais une nécessité…

Pourquoi Quickspace a-t-il perdu son épithète Supersport, en 1996 ?

S : Parce qu'il était grand temps de l'éliminer. De toutes manières, les journalistes l'auraient fait, un jour, à notre place. Les gens ont une tendance naturelle à raccourcir un nom dès qu'il leur semble un peu trop long…

T : Au sein du groupe, on devisait rarement de Quickspace Supersport, mais plus simplement de Quickspace. En fait, cette épithète ne servait rien. Le nom était trop élaboré. Mais ce que je n'ai jamais trop bien compris, c'est pourquoi le public ne l'a pas laissé tomber avant nous…

Qu'est-ce qui a fondamentalement évolué au sein du groupe, depuis deux ans ?

S : Notre âge. Nous avons deux ans de plus. Mais nous avons aussi enregistré le remplacement de quelques musiciens, ce qui a inévitablement entraîné une évolution de notre style musical.

T : Le premier line up a donné tout ce qu'il avait dans le ventre. Nous affichions des attitudes différentes, notamment au niveau des besoins et des ambitions. Aujourd'hui, nous sommes passés au chapitre suivant. Au départ, on a imaginé Quickspace comme un ensemble solidement défini, par une structure de base, autour de laquelle des tas d'invités pourraient se joindre, au gré des circonstances. Un peu comme un groupe à géométrie variable. Finalement, ce projet a toujours été plus solide que nous ne le pensions. Mais ces changements de line up ne sont pas toujours faciles à gérer, même s'ils se révèlent, au bout du compte, plutôt enrichissants pour permettre à une formation d'évoluer…

S : Nous avons eu de la chance, car ces perturbations ont été très bénéfiques ; surtout à l'esprit d'équipe…

The Faith'n Healers était le groupe précédent de Tom, un groupe à vocation plus métallique, plus heavy, à la limite du grunge. Avec le recul, comment évalues-tu cette période ?

T : On s'amusait beaucoup, rien qu'à brancher une guitare et à en tirer le meilleur parti possible. On faisait tout ce qu'on voulait. Enfin, presque. Le plus possible, quoi. Mais au bout d'un certain temps, on doit pouvoir s'arrêter et se remettre en question. Sans quoi on tombe dans la routine…

Comment réagissez-vous face aux fréquentes comparaisons, effectuées dans la presse, entre la musique de Quickspace et celle de Stereolab ?

S : Ce sont les élucubrations de journalistes stupides…

T : C'est vrai qu'on en a marre de toutes ces comparaisons primaires. Je suppose que c'est par fainéantise que les journalistes cultivent ce type de comparaison. Et nos copains de Stereolab partagent certainement notre avis, à ce sujet… Il s'établit souvent une certaine sympathie entre les groupes qui appartiennent au même label. Autrefois, nous les rencontrions régulièrement. Mais aujourd'hui, nous ne nous voyons presque plus. Nous sommes cependant toujours en bons termes avec eux. Mais en général, lorsqu'ils sont en studio, nous sommes en tournée, et vice versa…

Peut-on dire que la musique de Quickspace est à la fois psychédélique, cosmique et visionnaire ?

T : Ca fait beaucoup de choses à la fois ! Je ne pense pas qu'elle soit visionnaire, même si je reconnais qu'on y voit beaucoup de choses (rires)…

Lesquelles ?

S : En fait, nos observations sont plus hallucinatoires que visionnaires. Nous ne sommes pas des prophètes. C'est un exercice difficile, parce qu'il exige un travail à la limite du monde au sein duquel on vit. Visionnaire veut dire voir quelque chose, à moins que quelqu'un d'autre devine ce que vous pressentez. Je sais ce que je veux dire, mais je parviens difficilement à l'exprimer. En fait, c'est un sentiment qui vous tombe dessus sans crier gare, et lorsque vous vous en apercevez, vous en faites ce que bon vous semble. Finalement, c'est un peu l'antithèse de la perspective visionnaire. Nous avançons à tâtons, en espérant qu'une idée émerge. Et lorsqu'elle n'est pas bonne, nous l'écartons et remettons notre métier sur notre ouvrage…

Apparemment, vos textes n'ont qu'un rôle secondaire au sein de vos chansons. Une explication ?

T : C'est exact ! Pour nous, ils doivent simplement enrichir les mélodies, pas les supplanter. Si on met trop l'accent sur les paroles, ils volent la vedette à la mélodie. Ce qui est judicieux pour Bob Dylan, Léonard Cohen, et ce type de chanteur, ce n'est pas notre truc. Ce qui nous intéresse le plus, c'est le son des instruments dans leur ensemble. L'orchestration si tu préfères. Ni les paroles, ni l'instrumentation ne peuvent devenir envahissantes. Nous recherchons la complémentarité de toutes les composantes de notre musique, y compris les parties vocales…

Quelle place réservez-vous à l'improvisation dans votre musique ? Live ? Et en studio ?

T : L'improvisation est une technique merveilleuse. Mais en général, nous n'y avons recours que " live ". En fait, lorsque nous improvisons en studio, c'est pour écrire de nouvelles chansons. Mais en public, nous apportons un plus à la chanson, plutôt que de la transformer. Pour être honnêtes, nous ne sommes pas des experts dans ce domaine. Nous avons besoin de structures ; l'impro se résume à donner la répartie instrumentale. Mais en général, nos standards, sont assez figés.

S : Disons que nous improvisons endéans certains paramètres bien définis…

Pourquoi y a-t-il deux versions différentes de " Quickspace happy song ", sur votre dernier album ? Est-ce un exercice de style ?

S : Non, non, ce ne sont pas deux versions différentes d'une chanson. Ce sont deux chansons différentes !

Pourquoi le mot " mountain " revient régulièrement dans le titre de vos chansons ?

T : Parce qu'il s'agit de la même chanson interprétée différemment. Que ce soit " The precious mountain ", " The mountains wolves " ou " Goodbye mountain ". La mélodie est identique. La première composition est la version originale. Plus lente, la deuxième se déroule comme une bande son, avec des cordes superposées aux claviers. La troisième est une adaptation folk un peu loufoque, que Shaun et moi même avons agrémentée de petits gadgets insolites, et notamment des clochettes…

Est-ce que la deuxième version de " Precious mountain ", enregistrée en 1997, est un hommage à Enio Morricone ?

T : Oui, on aime beaucoup la bande sonore cinématographique, et en particulier celle d'Enio Morricone.

Pas encore eu l'idée d'en composer ?

S : Si, mais jusqu'à ce jour, nous n'avons pas eu de proposition concrète pour y être associée.

Vous avez participé à l'émission de John Peel en octobre 98. Une bonne expérience ?

T : Pour être honnête, pas vraiment ! Nous adorons John Peel, c'est quelqu'un de formidable, mais cette aventure fut loin d'être une réussite.

Pourquoi ?

S : En fait, nous souhaitions réaliser quelque chose de nouveau. Mais nous sommes beaucoup trop habitués à évoluer dans notre studio. Aussi, lorsque nous ne sommes plus dans nos meubles, nous avons d'énormes difficultés à tenir la rampe…

On ne doit donc pas espérer de " Peel session " consacrée à Quickspace ?

S : Non, le résultat était nettement insuffisant, et puis surtout le son était trop terne. Cette expérience reste pour nous un échec…

Les illustrations de la pochette de votre album sont exclusivement consacrées à des arbres. Vous avez un message écologiste à faire passer ?

T : C'est assez long à expliquer. En fait, tous les membres du groupe rêvent d'un monde plus clean. Mais paradoxalement, nous continuons à utiliser des camions, camionnettes ou empruntons des avions pour nous déplacer. On aggrave, en quelque sorte, la pollution. Nous sommes des consommateurs, et par conséquent nous serions hypocrites de nous proclamer de purs écologistes. Evidemment, nous souhaitons, au plus profond de nous même, que le monde soit moins pollué. Mais pour atteindre cet objectif, il faudrait que les gens au pouvoir se préoccupent sérieusement du problème. A notre niveau, nous n'avons aucun pouvoir. Nous aimons les arbres et la nature. Quickspace est en quelque sorte un mélange de nature et de consumérisme…

Sean tu es le propriétaire du label Kitty Kitty Corps. Tu le réserves uniquement à Quickspace ?

S : Non, non. Novak et Ligament viennent d'ailleurs d'enregistrer un nouvel album en nos studios. Des disques qui devraient sortir début 99. Tout comme celui de Penthouse, d'ailleurs, un groupe qui après avoir transité par quelques labels est finalement atterri chez Kitty Kitty Corps. Au départ, la raison d'être de ce label était de soutenir Quickspace; mais au fil du temps, nous avons changé notre fusil d'épaule, en y adjoignant d'autres formations, en leur permettant de travailler dans nos studios, en enregistrant leur création, en sortant leurs disques, en faisant leur promotion, en leur donnant des conseils, et en assurant le suivi. Tout ce que nous pouvons faire pour les aider. De manière à ce qu'ils puissent réaliser leur objectif. C'est une réelle satisfaction pour nous de pouvoir aider d'autres artistes. Parce que chaque disque a sa valeur intrinsèque, ses propres mérites. Et j'en suis très heureux.

Pas trop difficile de cumuler les fonctions de manager, de production et de musicien ?

S : Ce job est full time, et on a absolument intérêt à bien gérer son temps. Heureusement que je peux compter sur Tom. Lorsque je me consacre à un groupe qui travaille en studio, Tom vaque à d'autres occupations, comme par exemple celle de préparer la sortie de l'album. On se relaie constamment en apportant mutuellement notre propre expérience. Une anecdote ? Lors de l'enregistrement de l'album de Novak, il se tapait la cuisine…

Quelques réactions bien tranchées :

Tortoise ? Bon, jazzy.

Labradford ? Connais pas !

Mogwai ? Dynamique.

Spacemen 3 ? Une réelle source d'inspiration !

Sonic Youth ? De la merde, pardon, de l'art rock !

La new age ? De la musique pour néo hippies !

Neu, Can, Faust et le " krautrock " en général ? Germanique !

Merci à Vincent Devos

(Version originale de l'interview parue dans le n° 71- mars 1999 - de Mofo)

 

Idlewild

Une combinaison à quatre secrets...

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Après avoir lu tout ce qu'on a pu raconter sur ses prestations scéniques, il était assez facile d'imaginer que ce quatuor écossais cultivait une image de groupe punk pur et dur. Dans l'esprit de Manic Street Preachers circa " Generation terrorists ". Après avoir écouté leur deuxième album, " Hope is important ", et surtout rencontré le guitariste, Rod Jones, puis le chanteur lyriciste, Roddy Wooble, il a fallu revoir, ce qui n'était finalement qu'une accumulation de préjugés. Rod et Roddy, pourtant méchamment grippés, se sont d'ailleurs relayés pour chasser de notre esprit, tout ce qui aurait pu encore nous permettre d'en douter…

Idlewild symbolise-t-il, quelque part, le futur du punk ?

Rod : Je ne pense pas que nous soyons un groupe punk. Mais plutôt pop. Noisy pop, pour être pus précis. Enfin, pour l'instant. Parce que nous sommes toujours aussi incapables de prédire l'avenir. Faudrait voir comment nous allons évoluer et surtout à quoi ressemblera notre prochain album…

Franchement, j'ai du mal à voir Idlewild dans la peau de My Bloody Valentine ou de Jesus & Mary Chain !

Rod : A nos débuts, nous véhiculions l'image d'un groupe dévastateur, incapable de jouer sur plus de trois cordes. Je crois que c'était un peu exagéré. Il est exact que nous ne faisions pas dans la dentelle, mais nous avons toujours accordé beaucoup d'importance au sens mélodique. La mélodie, pour nous, a toujours été primordiale, même lorsqu'elle est sculptée dans le bruit. Car il est excessivement rare de composer une bonne chanson, si au départ, on ne dispose pas d'une bonne mélodie…

Roddy est le responsable des lyrics ; mais qui s'occupe de la musique, au sein du groupe ?

Rod : Pour l'enregistrement de cet album, je me suis pointé avec les mélodies échafaudées à la guitare, et Roddy y a mis les mots. Bob a ajouté les parties de basse et Colin les drums. Chacun joue en quelque sorte sa propre partition. Ou plus exactement, nous fonctionnons comme une combinaison à quatre secrets. C'est ainsi que nous élaborons nos chansons. Faut dire que nous avons tous des sensibilités musicales différentes. A l'origine, nos influences gravitaient autour de quatre axes. Sonic Youth, dEUS, Nirvana et Pavement. Mais comme elles ont évolué, notre musique a également évolué. Parce que nous apportons tous notre propre contribution au processus d'écriture. C'est peut-être également la raison pour laquelle, nous ne sonnons pas nécessairement comme un autre groupe. Si nous écoutions tous les mêmes artistes, il est probable que nous leur ressemblerions

Pourtant, dans un magazine britannique, j'ai lu dernièrement que votre musique était très proche de celle d'un Fugazi qui aurait mangé de la viande. Je suppose que vous n'êtes pas végétariens ?

Rod : Non, pas du tout !

Que penses-tu de cette allusion ?

Rod : Rien ! Je trouve à la fois bizarre, mais en même temps flatteur d'être comparé à de bons groupes. Surtout, lorsque nous les apprécions tout particulièrement. Mais sincèrement, je ne vois pas du tout l'utilité de ce type de comparaisons.

Qui est ce 'captain', régulièrement évoqué dans vos chansons ?

Rod : Notre producteur…C'est son surnom !

Etes-vous angoissé par l'incertitude du futur, comme le sous-entend la chanson " A film for the future " ?

Rod : Nous sommes plutôt en prise avec le temps présent. Si tu es perpétuellement tracassé par tout ce qui peut t'arriver, tu risques de devenir fou. Le futur n'est pas, pour nous, une obsession. Personnellement, je me concentre sur le quotidien. A chaque jour suffit sa peine…

En intitulant votre album " Hope is important ", vous accordez quand même de l'importance à l'espérance, donc à l'avenir. Mais qu'attendez-vous réellement du futur ?

Rod : Nous souhaitons enregistrer de bons albums. Et j'espère que le prochain sera meilleur que celui-ci. Mais j'aspire surtout que nous progressions, afin que notre aventure, en tant que groupe, puisse se poursuivre le plus longtemps possible…

Et si on parlait un peu de Roddy (NDR : d'autant plus qu'il n'est pas encore arrivé, et que le stock de questions commence à s'épuiser…) En écrivant " Paint nothing ", pensait-il nostalgiquement aux copains qu'il avait fréquentés à l'école des beaux-arts ?

Rod : Oui, je le crois. Roddy a notamment composé plusieurs chansons sur cet album, consacrées à des aventures qui sont arrivées à des personnes qu'il côtoyait. Il tient cependant à rester le plus vague possible dans ce domaine, de manière à permettre à chacun de pouvoir en avoir sa propre interprétation.

Pourquoi une chanson est un mensonge magnifique (NDR : par référence à la chanson " A song is beautiful lie ") ?

Rod : Je n'en sais rien, il vaut mieux écarter cette question… (NDR : heureusement Roddy Wooble arrive. Juste le temps des présentations d'usage, de reformuler la question, et l'entretien peut se poursuivre…)

Roddy : Il s'agit simplement d'une locution, comme en trouve des tas dans nos chansons. " I am a message " en est une autre. Et tu as certainement dû également te poser le même type de question, à son sujet. En fait, chacun est libre d'en retirer sa propre signification. La plupart des lyricistes imaginent souvent que ce qu'ils disent a valeur d'évangile. Pour nous, pourvu que nous puisions faire passer un feeling, une émotion, peu importe que nos textes aient une signification différente chez l'auditeur.

Roddy, est-ce que ton journal intime est une source d'inspiration pour tes lyrics ?

Roddy : Non, il s'agit plutôt d'un aide-mémoire. Je ne m'en sers pas pour écrire les chansons. Enfin, pas directement. En fait, ce journal ne sert qu'à consigner mes observations personnelles sur tout ce qui se passe autour de moi. Tu penses qu'il serait intéressant de plaquer de telles annotations sur des accords ?

Tu es également attiré par l'art en général. La photographie et le dessin en particulier. Considères-tu la musique comme un tremplin pour ces activités artistiques ?

Roddy : Lorsque tu fais partie d'un groupe, tu as l'occasion de te frotter à tout ce qui touche à l'art. Aussi bien en dessinant une pochette qu'en prenant des photos, en réalisant une vidéo, en écrivant des lyrics ou en composant de la musique. C'est ce qui m'intéresse. Parce que lorsque tu écris un bouquin, tu ne vois pas la réaction des gens. Tandis que lorsque tu sors un disque, celle des auditeurs est immédiate…

Au cours de ta jeunesse, tu as vécu successivement en Amérique et puis en France. Est-il exact que tu refusais de fréquenter l'école ?

Roddy : En fait, à l'époque, j'étais très jeune. Et le système de scolarisation ne me convenait pas. Et c'est ma mère, qui était prof, qui s'est alors chargée de me dispenser les cours…

Ce séjour aux States explique-t-il ta passion pour la musique country ; et en particulier pour des groupes ou des artistes tels que Tom Waits, Gram Parsons, Smog ou Will Oldham ?

Roddy : Pas vraiment. Lorsque j'ai vécu aux Etats-Unis, je ne prêtais pas tellement attention à la musique. A la limite à l'une ou l'autre chanson populaire. En tout cas, cela n'a pas trop dû me marquer. J'aime la musique country parce que je la ressens au plus profond de moi-même. Plus tu écoutes cette musique, plus tu te sens capable de séparer le grain de l'ivraie ; et lorsque tu parviens à en faire le tri, tu cherches à te l'approprier…

En tant que grand fan de REM, que penses-tu de leur dernier album ?

Roddy : J'aime beaucoup REM. En plus de 20 années d'existence, il a toujours fait preuve d'une qualité constante. Le dernier album est différent, c'est vrai. Mais je l'aime autant que les autres. Parce qu'il est avant-gardiste et exige une certaine tournure d'esprit pour véritablement être apprécié. Une faculté d'adaptation pas toujours évidente à acquérir…

Merci à Vincent Devos.

(Version originale de l'interview parue dans le n°72 - avril 1999 - de Mofo)